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Mécanisme d'amorçage impliquant un système photosensible à trois composants

Enregistrement de réseaux de larges périodes dans des matériaux de type

4.1 Mécanisme d'amorçage impliquant un système photosensible à trois composants

L'enregistrement de réseaux à 488 nm implique la polymérisation de la matrice à base d'acrylate. La polymérisation dépend de l'étape d'amorçage et donc du système photosensible. Ce dernier est choisi en fonction de la longueur d'onde d'enregistrement utilisée. Alors que dans le domaine du visible, le système d'amorçage à 2 constituants (colorant/amine) est le plus couramment utilisé, depuis de nombreuses années, d'un point de vue pratique pour la fabrication d'éléments optiques diffractifs, l'équipe du Pr Galstian du COPL fait appel à des mélanges photosensibles à 3 composants (colo- rant/amine/donneur d'électrons) [1-4]. Ces systèmes complexes ont dans le passé sus- cité l'intérêt de Fouassier et ses collaborateurs [5]. Cependant, à notre connaissance, aucun mécanisme n'a été proposé. C'est la raison pour laquelle, dans cette première partie, il est important, d'un point de vue fondamental, d'étudier en détails le proces- sus d'amorçage afin de déterminer la contribution de chaque constituant éosine Y, ED- MABzt et CBr4 dans le mécanisme d'amorçage et de justifier l'intérêt d'un tel choix.

Nous avons pour cela suivi la disparition de l'éosine Y par spectroscopie UV-visible.

Os 1 s 2s 3 s 4 s 8 s 20 s 1 min 5 min 10 min 15 min 350 400 450 500 550 Longueur d'onde (nm) 600 650

Figure 4.1 - Evolution des spectres UV-visible du mélange photosensible à 3 compo- sants soumis à une irradiation à 488 nm. En insert, évolution cinétique de l'absorbance à400nm.

de la bande à 542 nm correspondant à l'éosine Y est observée (Figure 4.1). L'augmen- tation d'une bande à 400 nm est en parallèle observée. Nous avons alors vérifié si cette bande était liée à la disparition du colorant et nous avons vu qu'elle ne se formait pas en absence d'éosine Y. L'évolution cinétique montre que l'absorbance à 400 nm augmente pour atteindre un plateau et ensuite descend lentement pour des temps d'irradiation plus longs (Insert de la figure 4.1).

Afin de comprendre l'origine de la formation de la bande d'absorption à 400 nm et le rôle de chaque constituant du mélange photosensible dans le processus d'amor- çage, nous avons effectué une série d'expériences dans lesquelles nous avons remplacé le mélange de monomères par du 2EEEA. En effet, l'utilisation du monomère mono- fonctionnel seul n'entraîne pas la formation d'un réseau tridimensionnel et n'empêche donc pas la migration des diverses espèces en présence. Il est à souligner que, du fait que nous ne nous intéressons qu'à l'étape d'amorçage du processus de polymérisation, nous avons effectué ces expériences en absence de nanoparticules. En effet, les modifications des spectres UV-visible sont les mêmes en absence ou en présence de QDs.

0 s 1,5- v 10s \ 20s I 30 s 1 , 2 - / \ I 1 min O) 5 min u r 10 min ro 0 , 9 - A 20 min n 1 \ 60 min m < 0 , 6 - 0 , 3 - 0 , 0 - 0 , 6 - 0 , 3 - 0 , 0 - 0 , 6 - 0 , 3 - 0 , 0 - 0 , 6 - 0 , 3 - 0 , 0 - i I I 1 1 350 400 450 500 550 Longueur d'onde (nm) 600 650

Figure 4.2 - Evolution des spectres UV-visible du mélange photosensible à 3 compo- sants soumis à une irradiation à 546 nm.

La première expérience a consisté à vérifier que nous observons la même évolution des spectres UV-visible dans le 2EEEA pur que dans le mélange de monomères. La formation de la bande d'absorption vers 400 nm lors de l'irradiation à 488 nm ayant été observée, nous avons ensuite cherché à déterminer si l'apparition de celle-ci dépen-

dait de la longueur d'onde d'irradiation. Pour cela, le mélange composé de 2EEEA et du système photosensibilisateur a été irradié à 546 nm (irradiation monochromatique conventionnelle) correspondant au maximum d'absorption de l'éosine Y. Dans de telles conditions expérimentales, la formation de la bande centrée à 400 nm est clairement mise en évidence (Figure 4.2). Donc par la suite, les irradiations seront réalisées à la longueur d'onde de 546 nm. Afin de tester la stabilité du composé absorbant à 400 nm, l'échantillon est exposé à une source lumineuse à 434 nm. Au bout de quelques mi- nutes, l'absorbance décroît. Ce résultat montre que l'espèce qui absorbe à cette longueur d'onde subit une transformation photochimique.

Par contre, lorsque le mélange irradié à 546 nm est constitué uniquement de 2EEEA, éosine Y et de l'aminé, aucune formation de la bande à 400 nm n'est détectée. Nous constatons également que la consommation de l'éosine Y est dans ce cas plus lente que celle observée en présence de CBr4. La polymérisation a toujours lieu et le proces-

sus d'amorçage est alors dû au processus photoredox qui se produit typiquement entre l'aminé et le colorant à son état excité triplet (3Eosine*) obtenu après une conversion

intersystème (CIS). Le mécanisme peut être résumé de la façon suivante :

Rosine n v , * Eosine* OS „ * Eosine*

EDMABzt

Eosine*" + EDMABzt*"1" > Initiation

Figure 4.3 - Réaction d'amorçage par processus photoredox entre le colorant (éosine Y) et l'aminé.

Dans les années 90, Lougnot et al. se sont intéressés à la polymérisation du di-penta- érythritol-pentaacrylate (DPEPA) et du 2-hydroxyéthyle-2-oxoazolidone acrylate avec un système sensibilisateur à trois composants et en particulier à l'influence des atomes lourds sur le rendement quantique de l'état triplet du colorant, $y [6]. Ils ont mis en évidence qu'un ajout de CBr4 conduit à un accroissement de <Ê>T, ce qui pourrait expli-

quer la consommation plus rapide de l'éosine Y observée précédemment en présence du photosensibilisateur à 3 composants. De plus, en l'absence de CBr4, après 20 minutes

d'irradiation, 15% du monomère sont consommés alors qu'en présence de CBr4, il suffit

d'irradier l'échantillon 1 minute pour obtenir le même taux de disparition. Cette diffé- rence a alors été attribuée à l'ajout de CBr4 qui permettrait d'accélérer le mécanisme de

conversion.

Lorsque le monomère est irradié à 546 nm en présence d'éosine Y et de CBr4, même

après la disparition complète de la bande d'absorption du colorant, nous n'observons pas la formation d'une bande à 400 nm mais celle d'une large bande centrée à 480 nm (avec deux épaulements situés à 452 et à 512 nm respectivement). Il est donc nécessaire d'être en présence du CBr4 et de l'aminé pour former l'espèce absorbant à 400 nm. Afin d'ex-

pliquer la diminution de la bande d'absorption du colorant observée, nous nous sommes reportés au travaux de Popielarz et al. [7]. Cette équipe de recherche s'est intéressée à l'efficacité des couples éosine Y / co-initiateur et en particulier éosine Y / CBr4 pour ini-

tier des polymérisations. Elle mentionne ainsi l'existence d'un transfert d'électron entre l'état excité du colorant et le CBr4. Elle indique que l'efficacité pour la réaction d'ini-

tiation dépend de la stabilité de la paire d'ions radicalaires [7]. En prenant en compte le fait que CBr4 favorise la conversion intersystème du colorant, le mécanisme réactionnel

suivant est proposé pour expliquer ce qui se passe entre l'état excité triplet de l'éosine et CBr4 :

'Eosine n v > » 3 Eosine* ^.[Eosine*+ + CBr4*" ]

v

EosineBr + CBr3* > Initiation

Figure 4.4 - Réaction d'amorçage par le couple éosine Y/CBr4.

Le radical anion CBr4*~ subit une décomposition spontanée en CBr3* et Br~ [8].

Dans la paire d'ions radicalaires, l'ion bromure formé va être transféré vers le radical cation Eosine,+ puis une sortie de cage a lieu conduisant à deux radicaux dont CBr3\

Par spectroscopie infrarouge, aucune évolution notable de la bande à 3037 cm-1, ca-

ractéristique des centres réactifs du monomère (CH=CH) n'est observée au cours de l'irradiation. Ce résultat nous permet de conclure que les radicaux CBr3* ne sont pas

capables, dans nos conditions expérimentales, d'initier la polymérisation.

Afin de mieux comprendre l'origine de l'espèce absorbant à 480 nm, résultant de l'irradiation à 546 nm du monomère en présence de l'éosine Y et du CBr4, nous avons

effectué une série d'expériences. Celles-ci sont réalisées dans l'acétonitrile en absence et en présence du monomère monofonctionnel 2EEEA. L'analyse du spectre UV-visible

d'une solution d'acétonitrile contenant seulement de l'éosine Y et du tétrabromure de carbone montre une conversion partielle ou totale du colorant en une espèce présentant un spectre d'absorption identique à celui observé dans l'expérience précédente (Figure 4.5). La solution obtenue devient alors brune-orangée. Cette conversion que nous obser- vons à température ambiante se produit également lorsque la solution est irradiée à 488 ou à 546 nm. La spectroscopie de fluorescence montre que la fluorescence de l'éosine à 585 nm décroît fortement. De plus, par effet de dilution la solution brune-orangée rede- vient rose. Ce changement de couleur est un bon indicateur de l'instabilité de l'espèce formée et la preuve qu'une libération du colorant a alors lieu. La libération de l'éosine Y est confirmée par la spectroscopie UV-visible.

a> o ro xi Ô -Q < 350 400 450 500 550 Longueur d'onde (nm) 600 650

Figure 4.5 - Spectres UV-visible de l'éosine Y sous sa forme libre et sous sa forme complexée.

Ces résultats suggèrent que par addition de CBr4, l'éosine Y peut exister sous une

forme libre (bande d'absorption à 546 nm) et sous une forme complexée (bande d'ab- sorption à 488 nm) dues à la réaction de complexation suivante :

Eosine + CBr4 = (Eosine - CBr4)

La figure 4.6 représente le spectre UV-visible d'une solution contenant le monomère monofonctionnel et le système photosensible à trois composants dans l'acétonitrile. Le spectre montre qu'avant irradiation, l'éosine est sous sa forme complexée. L'évolution

300 350 400 450 500 i r 550 600 650 T r

Longueur d'onde (nm)

Figure 4.6 ­ Evolution des spectres UV­visible du 2EEEA avec le système photosen­ sible à 3 composants dans l'acétonitrile sous irradiation à 488 nm.

n ' 1 ■ 1 ' r

100 200 300 400 500

Temps d'irradiation (s)

Figure 4.7 ­ Evolution cinétique des bandes à 480 nm et à 393 nm au cours de l'irra­ diation à 488 nm.

cinétique (Figure 4.7) révèle que par irradiation à 488 nm, la bande d'absorption cor- respondante centrée à 480 nm décroît. Au bout d'un certain temps, la décroissance se stabilise et une bande vers 400 nm se développe. Il est important de mentionner qu'en absence d'aminé, la vitesse initiale de consommation de l'éosine est fortement ralentie et que même lorsque le colorant est totalement consommé, aucune bande ne se forme autour de 400 nm. Par conséquent, l'aminé n'est pas simplement un facteur permettant d'accélérer la dissociation du complexe mais est également responsable de la formation de l'espèce absorbant à 400 nm.

Il est reporté dans la littérature que la formation d'un complexe à transfert de charge entre l'aminé et le CBr4 peut avoir lieu à l'état fondamental et se caractérise par la

présence d'une large bande vers 400 nm [5,9-11]. L'excitation du complexe donne lieu à un transfert d'électron du groupement amine vers l'accepteur CBr4. En tenant compte

de la formation d'un complexe donneur-accepteur et en considérant les résulats obtenus précédemment, nous avons proposé le mécanisme d'amorçage de la polymérisation par un système photosensible à trois composants (Figure 4.8).

1 Eosine hv 1 Eosine*

iscj

3 Eosine* CBr4 / \ E CBra

[cBr4*" Eosine*+] Eosine*"+ EDMABzt'

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