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Les textes législatifs constituent les documents écrits de l’Antiquité tardive les plus souvent cités pour évoquer l’artisanat et le mobilier liés au travail de l’argile durant cette période. En effet selon les articles, ils livrent des informations sur la propriété, l’organisation interne des ateliers, mais aussi sur leur emplacement par rapport à leur environnement (matière première et établissements voisins), en passant par les droits et les obligations des artisans envers leurs ouvriers (salaires), leurs clients (prix de vente) et l’Etat (impôt).Le plus ancien acte est L’Edit du Maximum ou Edit de Dioclétien, décret émis en 301, à Antioche ou Alexandrie. Même si son domaine d’application et les chiffres indiqués sont sujets à débat, ce texte donne quelques indications sur la façon de travailler des ouvriers dans les ateliers de

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Mondi 2010, 52-53 se référant à une traduction de N. Cuomo Di Caprio de 2007 : « o in superficie, o in profondità, o in punti e luoghi nascosti del terreno troverai argilla adatta alla lavorazione di ».

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Mondi 2010, 53 se référant à une traduction de N. Cuomo Di Caprio de 2007 : « Non ogni tipo di argilla è adatto alla ceramica: delle argille da vasaio alcuni preferiscono quelle di colore rosso, altri quella bianca, altri le mescolanoentrambe ».

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Mondi 2010, 70 se référant à une traduction de N. Cuomo Di Caprio de 2007 : « bisogna […] preoccuparsi che l’argilla venga lavorata bene, e non permettere che sia posta sul tornio prima che l’argilla abbia mostrato bene di che qualità sarà l’orcio dopo la cottura ».

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Mondi 2010, 70 se référant à une traduction de N. Cuomo Di Caprio de 2007 : « bisogna invece assistere il lavorante nell’officina ».

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Mondi 2010, 70 se référant à une traduction de N. Cuomo Di Caprio de 2007 : « i vasai non pongono sul tornio tutti gli orci, ma solo quelli più piccoli. Quelli più grandi li lasciano a terra e giorno dopo giorno li lavorano in unambiente caldo e li fanno grandi » ; Carrato 2014, 145 se référant à la trad. de J.-P. Grélois et J. Lefort de 2012.

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matériaux de construction et sur le mode de calcul de leur salaire. Quatre passages concernent l’artisanat étudié ici :

o L’Edit du Maximum,Livre VII, 1,15

« Lateris crudis ad laterculos diurnam mercedem, in lateribus quattuor pedum uinum, ita ut ipse sibi inpensam praeparet, past. * duos »,

avec « uinum » équivalent à « binum » et « * », le symbole du mot « denier ».

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o L’Edit du Maximum,Livre VII, 1, 16

« item lateris ex luto diurnam mercedem, in lateribus numero octo, ita ut ipse sibi inpensam praeparet, pasto. * duos »

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o L’Edit du Maximum, Livre VII, 1, 27

« In sigilis uel statuis in p°I* quattuor»

[…]

« Plastae imaginario diurnae mercedis pasto * septuaginta quinque »,

avec « » équivalent à « pondo », « une livre » et le premier « * » est sans doute le symbole du mot « uncia », « once ».

W. H. Waddington (1864, 18) ne traduit pas en intégralité ces propos car comme de nombreux auteurs, ce ne sont pas les gestes techniques qui l’intéressent, mais les expressions latines et les données économiques. Il précise ainsi que le salaire journalier était fixé selon le nombre de « later crudus », « brique non cuite, telle qu’elle sort du moule » et/ou de « laterculus », c’est-à-dire de « brique ou tuile après leur sortie du four ». Il souligne enfin que le « mouleur [pour être payé] devra préparer lui-même ses matériaux, c’est-à-dire tirer l’argile, la pétrir, et se fournir d’eau et de sable ». Pour sa part, F. Charlier (1999, 167) cité par A. Ferdière (et col. 2012, 20) traduit intégralement ce

passage du livre VIIet extrapole moins que le précédent

auteur : « pour des briques crues destinées à être cuites, comme salaire journalier par lot de quatre briques de deux pieds, à condition que l’ouvrier prépare lui-même la terre, avec nourriture ». Un détail dans la traduction de Waddington indique qu’un lot vaudrait 2 deniers.

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Comme pour l’article précédent, W. H. Waddington (1864, 18) ne s’intéresse qu’à certaines expressions. Il

indique ainsi seulement que « later ex luto »

correspond « probablement [à] des cubes ou grosses briques en argile mêlée de paille, et destinés à être seulement séchés au soleil 2 deniers ». Ce sont donc des adobes.

En revanche, F. Charlier (1999, 167 repris par A. Ferdière et col. 2012, 20) traduit en intégralité cet article : « de même pour des briques de boues, comme salaire journalier par lot de 8 briques, à condition que l’ouvrier prépare lui-même la terre, avec nourriture 2 deniers». Un détail dans le texte de W. H. Waddington indique qu’un lot vaudrait 2 deniers. Signalons à ce sujet une estimation réalisée par J.-P. Jacob (1981, 196) : en considérant qu’un mouleur de briques de l’Antiquité tardive avait une productivité similaire à celle d’un ouvrier du XIXe siècle, son salaire quotidien serait de 50 à 60 deniers.

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W. H. Waddington (1864, 19) ne traduit pas la première expression. Toutefois, il précise qu’« il ne s’agit pas ici, ni dans les deux articles suivants, de véritables sculpteurs, mais seulement de ces ouvriers, qui fondaient en bronze ou qui moulaient en argile des répétitions de figures, de groupes d’ornements d’un usage courant, et destinés à la décoration des maisons et des jardins ». Il considère en effet que dans la

deuxième partie de l’article le mot « Plastes »

correspond au « mouleur », au « fabricant de terres cuites ». Les artisans concernés par cet article sont donc les coroplastes.

Pour ma part avec V. Pellegrino et M. Moisand, je traduis ces passages de la manière suivante : « pour des figurines ou des statues d’une livre et 4 onces », soit 432 gr. « […] au sculpteur d’image [on donnera], avec

On apprend donc que les briques et les statues étaient moulées, comme peut-être certaines tuiles. Une partie des artisans sont payés à la pièce, tandis que d’autres sont rémunérés en fonction de « lots »311 d’objets crus réalisés journalièrement. A propos de ces derniers, J.-P. Jacob (1981, 190) suppose qu’il s’agirait d’ouvriers itinérants, passant d’atelier en atelier, louant leurs services selon les besoins de la production. Les frais de repas sont généralement compris dans les salaires des tâcherons, ainsi que peut-être certaines dépenses pour que l’ouvrier travaille (achat, location ou entretien des outils). Toutefois, certains papyri égyptiens des six premiers siècles de notre ère (cf. infra le point 1.4.1.3.1) indiquent que les propriétaires d’ateliers mettaient à la disposition des ouvriers, tout le matériel nécessaire pour leur travail. L’approvisionnement en matière première (argile, paille, eau, bois, combustible) ne concernait pas non plus les « simples » ouvriers, mais les propriétaires ou les patrons louant les ateliers. Bien que les dimensions des matériaux ne soient pas données, il semble que la production de briques à cuire rapporte mieux que celles des adobes (deux fois plus).

Un dernier article de l’Edit du Maximum permet d’aborder de manière indirecte les métiers liés au travail de l’argile :

Cet article, qui concerne vraisemblablement l’approvisionnement en combustible de fours artisanaux (potiers ou tuiliers ?) de moyenne dimension, laisse penser que les artisans ne collectaient pas toujours eux-mêmes le combustible pour leur four. Ils pouvaient l’acheter à des bucherons par « lot », par fagots.

Quelques lignes d’une inscription trouvée à Aphrodisias, cité antique localisée dans la région de Carie (sud-ouest de la Turquie), permet de compléter les données de l’Edit de Dioclétien – il s’agit d’une copie de celui-ci. Ce document, dit copie d’Aphrodisias312, nous renseigne sur le prix des briques et des tuiles une fois cuits :

Comme les salaires des ouvriers, le prix des matériaux de construction est défini en fonction de lots. En revanche, les céramiques et les dolia sont vendus à l’unité. Par exemple, un dolium de 100 sextarri italiens (54 litres) doit être vendu à un prix maximum de 1000

311

Pour plus de précisions sur la question des lots, cf. infra le point 1.4.1.3.1.

312

Cette référence est donnée par A. Ferdière (et col. 2012, 20), qui s’appuie sur l’article de K. T. Erim et J. Reynolds 1973, copie d’Aphrodisias, colonne III, chap. 16, ll. 1, 2 et 18, ll. 11-13 : « De Fictilibus », 19 à 28.

20, tegula cum imbrice

o

21, laterem bipedaneum »

o

22-23, lat. pudalem, lat. rutundum, 4 o

deniers

19, 21-23 tubulum (divers), 6 et 12

o

deniers, selon.

20, tuiles rectangulaires à rebord avec tuiles semi-o

circulaire, prix inconnu

21, briques de deux pieds de côté, prix inconnu

o

22-23, briques « pudalem » et briques rondes, 4

o deniers ;

19, 21-23 tubuli ou petit tuyau / conduit, 6 et 12 o

deniers, selon.

o L’Edit du Maximum, Livre XV, 12 (en grec)

᾽AvἐργαбTOϚ *p

Selon W. H. Waddington (1864, 28), ce passage concerne le prix « des fagots ou bourrées pour le four ». La quantité nécessaire pour la cuisson d’un four serait égale à 100 deniers.

deniers communs, alors qu’un vase de deux setiers (1,09 litres) vaut 2 deniers et une cruche de 24 setiers, environ 13 litres, 12 deniers313.

Pour sa part, le Chrysargyre, instauré avant 325/326314, nous permet d’aborder par un autre aspect le fonctionnement des ateliers tardifs liés au travail de l’argile. En effet, il s’agit d’un impôt, qui s’applique sur ceux qui « gagnent leur vie par le commerce » et surtout sur les artisans et les commerçants urbains - il « tire son origine de la capitation urbaine » (Delmaire 1989, 365). Des exemptions partielles, voire totales, sont accordées à certains corps de métiers ou propriétaires d’installations artisanales315

. Les dispenses intégrales concernent notamment les artisans, colons et propriétaires ruraux, à condition qu’ils ne vendent que leurs propres productions.

Ces particularités sont ensuite confirmées par plusieurs autres édits ou amendements dans la seconde moitié du IVe siècle (en 361, 364, 374 et 384), puis par le Code Théodosien au Ve siècle - nous l’analyserons dans deux paragraphes. Un acte de 374, repris ensuite dans le Code Théodosien (XIII, 1, 10316), révèle que les potiers, les « fuguli », sont totalement exemptés du Chrysargyre (Delmaire 1989, 365 et Carrié 1994b, 191) :

Avec cet article, on retrouve une partie des préjugés présents dans la société romaine317 : d’un côté, avec des aspects positifs, les artisans, les hommes et les propriétaires vivant de

313

Ces indications sont développées respectivement par S. Gallimore (2010, 174) et B. Dufaÿ et al. (1997, 118, note 371 et 122, note 371) qui se réfère au livre ou chapitre XV, 97 et XV, 98 et 100 traduit par M. Giacchero (1974). S. Gallimore précise que le prix élevé des dolia et des observations faites par J.T. Peña suggèrent que n’importe quel dolium qui présentait un défaut lors de sa fabrication pouvait être mis de côté, puis réparé et ensuite vendu. Toutefois, il ne faut pas généraliser ce procédé à l’ensemble des métiers liés au travail de l’argile car les papyri égyptiens montrent que les propriétaires qui louent des ateliers, entre le IIIe siècle et le VIe siècle, ne veulent pas d’amphores réparées (Gallimore 2010, 173-175).

314

Delmaire 1989, 354-374 ; Carrié 1994b, 191 ; Van Ossel 2011a, 253.

315

Il s’agit entre autre des clercs achetant ou produisant pour les pauvres, des sénateurs, des professions libérales (médecins et professeurs), des naviculaires et selon certaines conditions, de vétérans (Delmaire 1989, 361-365).

316Codicis theodosiani, Cujas, 1566, 411 et traduction V. Pellegrino, M. Moisand et B. Favennec.

317

D’après B. Dufaÿ et ses collaborateurs (1997, 35), l’article 1,10 dulivre XIIIdu Code Théodosien préciserait également le moment de la venue des potiers ruraux en ville pour vendre leur production. Ils « viennent vendre au marché quand la terre ne les retient pas ». Or, ce passage n’existe pas dans les transcriptions que j’ai pu consulter (il s’agirait peut-être d’une confusion avec le De Re Rustica, Opus agriculturae, livre I, 6 (cf. supra), à moins qu’il ne s’agisse d’un autre passage du

Code Théodosien que je n’ai pas trouvé.

Si la transcription de B. Dufay et ses co-auteurs (1997, 35) est exacte, deux interprétations au mot « terre », qui peuvent s’associer selon les cas et prendre des proportions variables, sont envisageables : soit la terre des poteries, c’est-à-dire

Il ne faut pas que les colons de Biens privés, ou les autres paysans qui produisent habituellement sur leurs terres s’inquiètent pour leurs denrées. Nous décrétons aussi que ceux qui produisent ou tirent l’origine de leur nourriture de leurs mains, les potiers naturellement, ou les ouvriers, ne sont pas concernés par le poids de cette taxe. Ainsi ceux qui font partie des marchands et qui sont intéressés par les marchandises et les denrées produites par le peuple des campagnes, assument cet impôt sur le commerce ; eux qui n’ont plus depuis longtemps conservé les qualités innées et le penchant pour le travail des champs, mais qui consacrent leur vie et leurs activités quotidiennes à l’achat et à la vente. Dat. 5 février Med. Gratiano III et Equitio v.c.conss.

o Code Théodosien, Livre XIII, 1, 10

Colonos rei privatae, vel ceteros rusticanos pro speciebus, quae in eoru agris gigni solent, inquietari non oportet. Eos etiam, qui manu victum rimantur, aut toleran, figulos videlicet, aut fabros, alienos esse a prestationis molestia discernimus : ut hi tantum, qui pro mercimonio et substatie mercede ex rusticana plebe inter negotiatores sunt, sortem negotiationis agnoscant, quos in exercendis agris ingenium iampridem studium non retinet, sed mercandis distrahedisque rebus institutum vitae et voluntatis inplicuit. Dat. Non. Feb. Med. Gratiano III et Equitio v.c.conss.».

leur savoir-faire et de la terre et de l’autre, à l’opposé des précédentes valeurs, les négociants. Le législateur conserve et martèle ces jugements valeurs dans de nombreux amendements et il va même jusqu’à qualifier, par exemple dans le Code Théodosien Livre XIII, 1, 12, que les artisans ou les propriétaires, qui vendent directement leurs produits, sont des personnes « sollertes » et « strenui », c’est-à-dire habiles et entreprenantes, alors que les négociants non producteurs, les « negotiatores », sont considérés comme « ignobilis » (Van Ossel 2011a, 253, note 61).

La fraude face au Chrysargyre semble fréquente, ce qui pousse Valentinien III, vers 426, à exiger de son compte des Largesses, l’équivalent de son ministre des finances, que les fraudeurs soient contraints « par les moyens appropriés à payer le Chrysargyre sous peine de confiscation des biens de ceux qui les abritent » (Nov. Valentinien ou Loi des citations, 24).

Néanmoins, comme le rappelle R. Delmaire (1989, 365), de nombreux autres impôts pèsent sur les ruraux. Leur exemption au Chrysargyre résulterait d’un risque « de les faire fuir des marchés urbains » et de « provoquer la disette ». Cette taxe est abolie en Orient sous Anastase vers 498318. Toutefois en Occident, elle perdure au moins jusqu’à la deuxième moitié du VIe siècle, sous le nom d’auraria (ibid. : 372-373, citant Cassiodore Var. 2, 26, 30).

Le Code Théodosien, appelé aussi Codex Theodosianus ou Code de Théodose, est réalisé sur l’ordre de Théodose II et appliqué à partir du 1er

janvier 439. Ce document est un recueil des lois instaurées depuis Constantin Ier, soit depuis le premiers tiers du IVe siècle.

Les différents décrets ainsi recensés soulignent que le statut et l’assiette fiscale générale des artisans et propriétaires d’ateliers ruraux, tout type d’activité confondue, demeurent à peu près stables jusqu’à la première moitié du Ve siècle. Par exemple, les passages du Chrysargyre précédemment cités sont repris dans les Livres XIII, 1, 3 ; XIII, 1, 6 ; XIII, 1, 8 ; XIII, 1, 10 ; XIII, 1, 12319.

On apprend également avec le Livre XIII, 4, 2 que les métiers liés au travail de l’argile bénéficient d’au moins une autre exemption depuis un édit de 337 :

Code Théodosien, Livre XIII, 4, 2320 o

l’argile au sens trivial et toutes les étapes nécessaires à sa préparation avant son usage sur le tour, soit la terre agricole, lorsque les travaux saisonniers laissent le temps aux artisans de venir en ville et en considérant que ces derniers sont les fameux « paysans-potiers » mystifiés à l’époque médiévale.

318

R. Delmaire (1989, 373-374) précise que cette suppression en Orient est compensée par de nouvelles taxes ou l’accentuation d’anciennes s’appliquant uniquement aux personnes vivant en dehors des villes : « ainsi, l’adoucissement du sort des travailleurs urbains s’accompagna-t-il de l’aggravation des charges pesant sur les ruraux ».

319

Pour un exemple des passages cités, voir Codicis theodosiani, Cujas, 1566, 411-412 et traduction B. Favennec.

320

Codicis theodosiani, Cujas, 1566, 411-412 et traduction V. Pellegrino, M. Moisand et B. Favennec.

Nous prescrivons que les artisans [itinérants ?], tous métiers brièvement cités ci-dessous, qui séjournent dans chaque cité, soient exemptés de l’ensemble des prestations de services dues à la cité ; pour que leur temps libre soit vraiment consacré à la maîtrise de leur art et d’autant plus s’ils désirent à la fois se perfectionner eux-mêmes, et former leurs fils (9 avril Aug. Feliciano et Titiano conss)

Artifices artium breui subdito

conprehensarum per singulas civitates morantes, ab uniuersis muneribus vacare praecipimus. Siquidem ediscendis artibus otium sit adcommodandum, quo magis cupiant et ipsi peritiores fieri, et suos filioserudire Dat. IIII Non Aug. Feliciano et Titiano conss

C’est ce qui a fait demander si l’usufruitier pouvait fouiller des carrières pour en tirer des pierres, de la craie ou sable. Je pense qu’il peut faire creuser les terres dans cette intention, pourvu que ce ne soit pas dans un endroit qu’il serait nécessaire de conserver dans l’état où il se trouve.

Inde est quaesitum, an lapidicinas vel cretifodinas vel harenifodinas ipse instituere possit ? Et ego puto etiam ipsum instituere, si non agvir partem necessariam huic rei occupaturus est.

Cet amendement « fait figurer les potiers-tuiliers [figuli] parmi les trente-cinq catégories d’artisans que protège la faveur impériale » (Jacob 1981, 204-205). Toutefois, cette bienveillance des pouvoirs publics est soumise à une voire deux conditions : les artisans doivent se consacrer uniquement à leur métier, voire aussi à enseigner leur profession à leur fils. La première clause pousse donc les potiers dans les cités, pas uniquement ceux installés en ville, mais aussi ceux de la campagne, à ne faire que leur métier, ce qui s’oppose à l’image des paysans potiers ou des potiers cumulant d’autres activités en dehors de celles liées au travail de l’argile. La seconde condition pour l’exemption d’impôts est intéressante puisqu’elle nous permet de restituer l’un des mécanismes de la transmission des savoir-faire des potiers, qui ne peut être restitué avec les données de terrains.

Le dernier texte juridique de l’Antiquité tardive, qui sera présenté pour appuyer mes propos, est le Digeste. Parfois appelé Pandectes, ce recueil méthodique d’extraits des opinions et sentences des juristes romains, a été réuni sur l’ordre de l’empereur Justinien, puis promulgué en 534. Il comprend notamment trois articles concernant de manière directe ou indirecte l’organisation des métiers liés au travail de l’argile321

. Digeste, Livre VII, 1, 13, 5322 :

o

Ce passage qui se réfère aux droits et obligations des locataires d’un terrain (l’usufruit), indique qu’un propriétaire peut louer des terrains à un particulier, pour que celui-ci puisse y extraire notamment du sable et de l’argile323

. Les briquetiers, potiers et tuiliers pouvaient donc

321

Le Digeste, Livre III, 4, 1 évoque la constitution de collèges. De telles associations auraient pu exister dans l’artisanat potier et/ou tuilier et plus particulièrement pour les négociants (Hulot 1803, t.1, 220 ; Etienne et Mayet 2002, 22 ; Mees 2002, 397, 399, 408-427), mais malheureusement aucune trace de leur existence n’est pour l’instant attestée. Leurs créations n’étaient permises que sous certaines conditions dépendant des « lois », des « sénatus-consultes » et des « constitutions des princes » (Digeste, Livre III, 4, 1, traduction Hulot 1803, t.1, 220).

322

Traduction Hulot 1803, t.1, 484. Cet extrait est mentionné également par Van Ossel 2011a, 253 et Gallimore 2010, 167.

Architectes, lambrisseurs crépisseurs,

charpentiers, médecins, graveurs sur pierre, artisans travaillant l’argent, maçons, vétérinaires, tailleurs de pierre, brodeurs utilisant des fils d’or, tisserands, peintres, sculpteurs, ouvriers utilisant un tour [pour des objets en bois?], ouvriers en marqueterie, tailleurs, maitres mosaïstes, erarij [démolisseurs ? ], forgerons, marbriers, doreurs, fondeurs, teinturiers utilisant du pourpre, tailleurs de tesselles, orfèvres, miroitiers, conducteurs ou fabricants de chars, fabricants de jarres [ou de tonneaux?], vitriers ou ouvriers travaillant le verre, ouvriers travaillant l’os [ou l’ivoire], foulons, potiers, ouvriers travaillant le plomb, tanneurs.

Architecti, laquearij, albarij, tignarij, medici, lapidarij, argentarij, structores, mulomedici, quadratarij, barbaricarij, scasores, pictores, sculptores, diatritarij, intestinarij, statturaij, musiuarij, erarij, ferreraj, marmorarij, deauratores, fusores, blattiarij, tessesllarij, aurifices, specularij, carpentarij, aquaelibratores, vitriarij, eburarij, fullones, figuli, plumbarij, pelliones.

Nératius, dans ses ouvrages sur Plautius, dit que le droit de puiser de l’eau, d’abreuver ses bestiaux, de tirer de la craie du fonds d’autrui, ou d’y avoir un four à chaux, ne peut pas être établi qu’en défaveur d’un voisin. Il ajoute que c’est le sentiment de Proculus et d’Atilicinus. Ce jurisconsulte pense que celui qui a la servitude de tirer de la craie et de cuire de la chaux, ne peut s’en servir qu’à condition de ne pas léser le propriétaire et son fond ;

Il en est de même, s’il a un atelier, où il fait des vases