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L’artisanat céramique et tuilier antique intéresse donc de nombreux chercheurs du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Toutefois, les données pour la période des IVe, Ve et VIe siècles ap. J.-C. sont peu nombreuses car elles retiennent peu l’attention des archéologues

(Annexe 1). En effet, le mobilier de cette période était considéré comme de facture peu

soignée et avec moins de décors et d’estampilles que les productions du Haut-Empire, qui monopolisent l’intérêt des chercheurs par ces caractéristiques. En outre, de nombreux sites ne sont pas reconnus comme fonctionnant durant l’Antiquité tardive, à cause notamment des préjugés sur la situation de l’Empire romain, à partir du milieu du IIIe siècle, avec la crise économique, les révoltes et les invasions (voir supra dans l’introduction). Il faudra ainsi attendre certaines interventions du dernier tiers du XXe siècle et les progrès en céramologie pour que cette situation soit mise en évidence223. Par ailleurs, le manque de précisions dans

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Il faudrait peut-être ajouter à cette liste l’Histoire des poteries, faïences et porcelaines de J. Marryat (1866) (citée par Geoffroy 2001, 110-111).

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Ce constat s’applique pour la plupart des datations et des répertoires définis avant les années 1990. On peut notamment évoquer le cas de l’atelier de La Madeleine, à Laneuveville-devant-Nancy (54). Découvert fortuitement en 1804, puis objet

les datations, avec l’emploi généralement des termes « basse époque » ou « Bas-Empire », pour désigner les ateliers fonctionnant au moins ou à partir du milieu du IIIe siècle, empêche toute démonstration centrée uniquement sur les IVe, Ve et VIe siècles. Pour ces deux raisons, aucune carte évolutive illustrant les découvertes d’ateliers tardifs n’est possible.

Cependant, certains chercheurs fouillent et reconnaissent les premiers ateliers actifs durant l’Antiquité tardive. Leurs interventions concernent notamment certains centres de Mayen (Rh.-P.), installés dans des quartiers périurbains de la ville antique et qui sont mis au jour lors de travaux d’aménagements urbains. Des zones d’ateliers, qui constituent des groupements d’artisans sur quelques hectares, dans des zones éloignées des grandes agglomérations antiques, attirent également l’attention des chercheurs. Des sondages et des fouilles, notamment celles de S. Loeschcke, se déroulent ainsi sur les communes d’Urmitz et de Speicher (Rh.-P.). L’intérêt des archéologues dans ces secteurs est éveillé par les nombreux vestiges en surface des sites, sans oublier les divers travaux de terrassement, qui apportent aussi leur lot de découvertes. Des centres potiers de même nature ou d’autres qui constituent de véritables agglomérations artisanales sont également documentés en Argonne. En effet, en plus des enquêtes de terrain et des surveillances de travaux par les chercheurs locaux avant la Première Guerre mondiale, comme J. Meunier et G. Chenet

(Fig.29), sur les communes d’Avocourt, de Lavoye et du Vauquois, les belligérants de ce

conflit vont apporter de manière involontaire de nouvelles données, lors de l’aménagement des tranchées dans cette zone224.

Quelques éléments du IVe siècle sont peut-être aussi collectés sur les ateliers périurbains de Trèves (Rh.-P.), lors de travaux d’aménagement et de fouilles d’urgence (Fig.30). D’autres, mis au jour dans les mêmes conditions ou suite à des observations après labours, pourraient concerner les ateliers de Rheinzabern (Rh.-P.), de Jaulges / Villiers-Vineux (89) et de Lezoux (63). Néanmoins, il faut attendre respectivement les années 1930, 1960 et 1980 pour que ces productions tardives soient identifiées de manière certaine sur ces groupements d’artisans (Brulet et al. 2010, 207-210, 254-257 et 382-385). Il convient aussi de souligner qu’il n’existe apparemment aucune information sur les petits ateliers ruraux isolés dans les zones précédemment citées et sur les installations potières et tuilières de l’Antiquité tardive

de plusieurs fouilles entre l’extrême fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, le site est considéré comme ne produisant que des sigillées entre le IIe et le début du IIIe siècle ap. J.-C. (Bémont et Jacob dir. 1986, 244-245). Cependant, des sondages en 1965 ont démontré que les artisans avaient quitté les lieux au IVe siècle et que leur répertoire de production était plus étoffé. Il comprend plusieurs autres catégories céramiques pour le service et la table, ainsi que des poteries destinées à la préparation et la cuisson des aliments (ibid. et Brulet et al. 2010, 348).

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Elles sont enregistrées par les officiers surveillant ces travaux et le matériel est envoyé dans des musées en arrière du front.

Fig.29 : Le four E de La Grande Vérine du groupement de Lavoye, fouillé en 1906 par. J. Meunier et daté des IIIe et IVe siècles (plan repris par G. Chenet 1941, 50-51 et fig.14). Echelle 1/100.

du reste de la Gaule. Ce bilan s’explique soit par l’absence de travaux sur ceux-ci, soit parce qu’ils ne sont pas reconnus comme fonctionnant durant cette phase de trois siècles.

Les fours sont les structures qui focalisent l’attention des chercheurs. Néanmoins, quelques bâtiments annexes sont parfois attestés et rapidement décrits. Les éléments sur les fosses dépotoirs sont sommaires. Seules généralement leurs dimensions sont données.

Les productions céramiques des IVe, Ve et VIe siècles les mieux documentées correspondent aux dernières générations de sigillées, produites dans le Nord de la Gaule (celles d’Argonne et de Rhénanie-Palatinat). Toutefois, sont réunis les premiers éléments sur les techniques et les profils des céramiques engobées de Gaule septentrionale à reflets métallescents plus ou moins prononcés et appartenant au IVe siècle (Oelmann 1914 et Loeschcke 1921)225, d’autres concernent les céramiques à revêtement argileux de Savoie et de la vallée du Rhône226 ou celles décorées à l’éponge d’Aquitaine pour la période des IVe et Ve siècles, ainsi que les céramiques engobées poinçonnées du sud de la Gaule ou « D-S-P », datées de la fin du IVe siècle au VIe siècle (Déchelette 1904, 321-334 et Pl.XII-XIII ; Fig.31)227. Néanmoins et même si les principales caractéristiques de ces catégories sont définies, la majeure partie n’est documentée que par les contextes d’utilisation (habitats ou camps militaires) et les découvertes dans les nécropoles. En outre, ce sont surtout les inscriptions et les décors, tels les appliques en forme de tête de lion sur certaines céramiques (forme Drag.45), les décors à la molette et des impressions aux poinçons, présents sur ces poteries, qui intéressent les chercheurs228.

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Pour une synthèse récente, Brulet et al. 2010.

226

Pour une synthèse récente, Bonifay et Raynaud dir. 2007, 111-115.

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Pour une définition de ce groupe, appelé à la fin du XVIIIe siècle et au début du XXe siècle, « céramique wisigothique » ou « vase estampé » et aujourd’hui fréquemment « dérivées-de-sigillées- paléochrétiennes » ou « D-S-P », cf. Rigoir 1968 ou en dernier lieu Raynaud 1993d et Bonifay et Raynaud dir. 2007, 115-118.

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Déchelette 1904 ; Chenet 1908 et 1911 ; Unverzagt 1919.

Fig.30 : Plan des ateliers dégagés à Trèves avant 1913 (publié par E. Fölzer 1913, Taf.33 repris par S. Küntz 1997, Fig.2). Echelle 1/300.

Fig.31 : Une partie des céramiques engobées et poinçonnées ou « D-S-P » dessinées par J. Déchelette (1904, Pl.XII et XIII). Sans échelle.

Aucune information ou presque n’existe sur les matériaux de construction tardifs. En effet, un seul atelier du IVe siècle serait recensé. Fouillé partiellement par G. Chenet, il se trouve au lieu-dit Gorget Périn à Lachalade en Argonne (55 ; Mourot 2001, 298-299). La production, attestée par la découverte de tuiles fondues et agglomérées entre elles, se compose de tegulae et d’imbrices.

Il convient enfin de signaler que les premiers éléments soulignant l’existence de coroplastes durant le IVe siècle ont été mis au jour dans l’un des quartiers périurbains de Trèves (Demarolle 2001, 184, note 10 et 187, note 29). Néanmoins, cette activité est mal caractérisée, puisqu’elle n’est attestée que par une forte concentration de statuettes.

Les décennies centrales du XXe siècle : structuration et premier essor de la

1.3.2

recherche

1.3.2.1 Approche générale des ateliers d’époque romaine

Entre les années 1930 et 1980 incluses, les données sur les ateliers et leur qualité s’accroissent considérablement. En effet, les fouilles sur de tels sites sont de plus en plus fréquentes et les interventions deviennent également plus méthodiques, avec des relevés, plans et coupes, des vestiges dégagés (voir par exemple les recommandations de J.-J. Hatt 1967). Si la plupart sont réalisées dans l’urgence, les premières grandes fouilles programmées ont lieu à partir des années 1960 et 1970. Citons notamment celles réalisées à Lezoux (63) par H. Vertet et B. R. Hartley, celles du Clots de Raynaud à Sallèles d’Aude, (11) par F. Laubenheimer ou encore celles de la fin des années 1980 aux Noues à La Boissière-Ecole (78) en partie sous la direction de B. Dufaÿ. Au fils du temps, les interventions ne se concentrent plus uniquement sur les fours et les dépotoirs, puisque les archéologues s’intéressent de plus en plus à l’ensemble de la chaîne opératoire. Toutes les structures rencontrées (cf. infra les

points 2.1.2 et 2.1.3) sont ainsi enregistrées et certains chercheurs évitent volontairement la

fouille des fours pour se consacrer aux autres aménagements artisanaux (Jacob et Leredde 1985, 184).

En outre, un nombre important de centres artisanaux, plus que ceux attestés par les fouilles, sont reconnus par l’identification d’éléments caractéristiques (voir le point 2.1.1) ou d’anomalies (électriques, magnétiques) lors de différentes opérations à la surface des sites (Feller 1989 ; Fig.32). Il s’agit surtout de prospections pédestres et/ou parfois aériennes, puis à partir des années 1970, celles-ci peuvent être complétées par des résultats géophysiques. Aucune présentation méthodologique et description des limites de ces approches ne seront réalisées ici, car ces champs de recherches ne sont pas spécifiques à l’étude des sites artisanaux transformant l’argile en terre cuite. Pour des précisions à leur sujet (définition des emprises des sites, localisation des structures artisanales et de l’habitat), on se reportera à la thèse de F. Thuillier (2003, 135-139) ou à l’ouvrage de M. Dabas et al. (2006). A ce sujet, la plupart des ateliers recensés dans les cartes archéologiques départementales donnent un bon aperçu des sites potiers ou tuiliers uniquement avérés par des prospections pédestres lors du

XXe siècle ; en revanche, les centres cités par A. Ferdière en 1975 aux pages 91, 93 et 102 correspondent aux premiers centres artisanaux prospectés par la géophysique.

Fig.32 : Repérage et zonage des installations artisanales de l’atelier de potiers et de tuiliers du Clots de Raynaud à Sallèles d’Aude (11) par divers types de prospections et avant les fouilles. Echelle 1/2000

Carte des ramassages des « déchets de cuisson » et des éléments de fours lors des prospections pédestres des années 1970 (Laubenheimer dir. 1990, fig.9).

Carte des prospections électromagnétiques faites entre 1976 et 1979 (Laubenheimer dir. 1990, fig.7). Les anomalies 1 à 11 correspondent aux fours mis au jour par la fouille et celles de a à c, aux dépotoirs fouillés.

Les décennies centrales du XXe siècle voient aussi se développer deux approches des ateliers, sans que leur emplacement ne soit précisément localisé, en même temps que l’ensemble des céramiques est désormais étudié.

La multiplication des typologies régionales et surtout l’accroissement des études céramologiques basées sur les contextes d’utilisation permettent d’identifier des catégories dites locales ou régionales, ce qui sous-entend l’existence d’au moins un atelier dans le même secteur géographique pour les réaliser. Certains chercheurs poussent d’ailleurs, à raison, cette approche à son maximum. En effet, ils considèrent, tout en prenant garde aux données provenant de sites au statut particulier ou celles concernant les catégories à très grande diffusion, que l’emplacement des centres producteurs peut être déterminé par les concentrations de mobilier dans les contextes d’utilisation : plus celles-ci sont fortes par rapport aux autres ensembles régionaux, plus le site d’où elles proviennent est proche de l’atelier ou des ateliers qui les ont fabriqués. Ainsi, des zones de production plus ou moins restreintes sont définies.

Pour illustrer ce cas de figure, on peut citer les suppositions – non avérées depuis - de N. Lamboglia (1958, 297 et 330) sur Vaison-la-Romaine (84), comme étant l’un des lieux de production des Claires B229 ou encore les travaux de J. et Y. Rigoir sur la localisation des ateliers de céramiques engobées poinçonnées dans une grande partie de la Gaule. Ces deux chercheurs ont supposé et démontré depuis les années 1960 que des centres potiers réalisant ces poteries pour la table et le service existaient dans les environs de Bordeaux (33), Carcassonne (11), Narbonne (11), Sète (34), Marseille (13), etc., alors qu’aucun site producteur n’avait été repéré sur le terrain jusqu’au milieu des années 1980.

A partir des années 1950 et surtout 1960/1970 se mettent véritablement en place et se multiplient les analyses physico-chimiques et lames minces de mobilier en terre cuite (en dernier lieu Brulet et al. 2010, 12-17 ; Annexe 2). Auparavant, par exemple dans l’ouvrage d’A Brongniart (1844, 5-18 et tabl. II à III), les rares analyses se basaient sur des procédés en partie tronqués (faits rapportés par Aumassip et al. 1974, 567-568). Par ailleurs, les travaux étaient limités aux définitions et aux comparaisons de teneurs de certains éléments majeurs (silice, alumine, chaux, fer) dans quelques catégories non contemporaines pour le service et la table.

Les protocoles à partir de la seconde moitié du XXe siècle deviennent plus rigoureux et avec l’élaboration d’appareils plus performants, ils permettent de distinguer les différents groupes de production à l’intérieur d’une même catégorie ou d’un atelier (Annexe 2). Ces analyses servent notamment aux « classifications et déterminations d’origine des céramiques et dans une moindre mesure, mais non moins importante, à l’étude des techniques anciennes » (Brulet et al. 2010, 11). En effet, les chercheurs arrivent à déterminer :

grâce aux taux de chaux et d’alumine (Picon et Vertet 1970), quel type général

-d’argile a été utilisé (calcaire, non calcaire, kaolinitique).

229

en étudiant la nature des inclusions dans les pâtes (Courtois 1976 ; Echallier 1984,

-12-14), quels gisements ont pu être exploités (Echallier 1984, 34-39) et si des dégraissants non minéraux ont été ajoutés à l’argile, comme de la chamotte230, des végétaux et des coquillages pillés. Il est même possible de déterminer si l’argile a été employée telle qu’elle a été extraite ou si plusieurs argiles ont été associées et/ou s’il a eu un apport de dégraissants minéraux231. Une surreprésentation de certaines tailles d’inclusions minérales et au contraire, l’absence d’autres, de taille intermédiaire, ne sont pas naturelles dans les argiles provenant d’un même contexte géologique. On parle alors de pâtes plurimodales.

en comparant les teneurs chimiques de tessons

-appartenant à une même catégorie, si la production est homogène et s’il y a eu des changements dans les gisements utilisés au cours du temps. Ce type d’analyse a par exemple permis de souligner trois phases dans la production des sigillées à Lezoux (63 ; Picon et Vertet 1970 ; Vertet et al. 1970).

en regardant les couleurs des pâtes et des engobes des

-céramiques ou en recensant les minéraux présents, quel mode de cuisson (A, B ou C232) a été utilisé et donc quels étaient les aménagements internes dans le four (Picon et Vertet 1970 ;

Echallier 1984, 20-21). En effet, les trois types de cuisson, avec un enfumage des céramiques en fin de cuisson ou non et l’installation ou non d’éléments pour empêcher le contact des flammes et des gaz avec les vases (voir le point 2.1.2.1.2 pour leur description), ne donnent ni les mêmes teintes dans les pâtes et les engobes des poteries, ni les mêmes transformations dans les minéraux présents dans l’argile des objets. Ces recherches ont notamment abouti à la synthèse de M. Picon (2002a), qui est très utile pour identifier les rebuts de cuisson dans les dépotoirs des ateliers.

230

C’est-à-dire des fragments de terre ou d’argile cuites.

231

Dufournier 1976, 37 ; Bocquet 1999 ; Brulet et al. 2010, 13-14 ; Delbey et al. 2013, 470.

232

Le lecteur se réfèrera à l’article de M. Picon de 2002(a) ou à notre point 2.1.2.1.2 pour une définition de ces termes.

noirâtre verdâtre vers 1000-1100°C brun violacé blanc crème

brun rouge beige clair rouge foncé rouge orangé

rouge clair rouge clair vers 600-700°C pâte non calcaire pâte calcaire température de cuisson

Fig.33 : Variation du pourcentage de chaux dans les sigillées de Lezoux au cours des siècles (Vertet et al. 1970, fig.2).

Fig.34 : Les données présentées par M. Picon (2002a, 145 et fig.2) soulignant les variations dans les couleurs des pâtes et des engobes en fonction des températures atteintes.

Variations approximatives des couleurs des pâtes des céramiques utilisant des argiles calcaires et non calcaires cuites lors d’une cuisson oxydante (mode A).

Les modes de cuisson des engobes

Mentionnons à ce propos qu’un engobe ou vernis grèsé correspond à un revêtement argileux vitrifié, très difficilement rayable et très adhérent à la pâte du tesson.

les deux procédés précédemment décrits permettent également de restituer les

-températures de cuisson, puisque selon les argiles utilisées et les -températures atteintes, les couleurs changent (Fig.34 et voir le point 2.1.1), certains minéraux disparaissent, tandis que d’autres se transforment (Echallier 1984, 14-17 et 32 ; Bocquet 1999, 133-136). Par exemple dans ce dernier cas et même s’il s’agit d’une étude récente (Bacaria et Buxeda 1999), l’absence de calcite dans la pâte des céramiques engobées et poinçonnées tardives du secteur carcassonnais signifie que ces dernières ont été cuites au-delà de 800-850°C ; en revanche la présence de plagioclase et de spinelle indique que la température de cuisson a atteint au moins 900-950°C. Enfin la décomposition des phyllo silicates atteste que les 950-1000°C ont été atteints, voire dépassés. Une technique plus précise dans la détermination de la température de cuisson initiale existe mais elle nécessite la recuisson des tessons à différentes températures paliers avec à chaque fois la recherche de changement dans la composition chimique du tesson, signe du dépassement de celle-ci (Janot et Delcroix 1974).

Précisons pour clore ce sujet des analyses des objets en argile que celles-ci sont à la base du concept de « fabrique ». Née en Grande-Bretagne, cette notion permet de rassembler sous la même appellation l’ensemble du mobilier en terre cuite, qui possède la même nature d’argile et les mêmes inclusions à l’échelle microscopique233

. A ce propos, un atelier peut compter plusieurs fabriques au sein d’une même catégorie céramique234

.

Les sciences dures apportent également aux archéologues trois nouvelles méthodes pour dater les sites et donc mieux comprendre l’artisanat potier et tuilier antique. Il s’agit de la datation 14C des niveaux charbonneux liés au fonctionnement des fours ; de la datation archéomagnétique des éléments en place dans les structures de cuisson ou encore de la datation thermolumiscente d’objets en terre cuite. Ces techniques235

, basées respectivement sur la décomposition du 14C, sur l’enregistrement du champ magnétique terrestre et sur la charge énergétique que les minéraux cumulent après leur dernière chauffe, sont élaborées dans les années 1950, mais elles ne sont utilisées pour l’étude des ateliers de potiers et de tuiliers antiques qu’à partir des années 1970/1980. Signalons à titre d’exemple, les travaux d’I. Bucur, de J. Evin, de L. Langoüet, de P. Lanos, de D. Miallier, etc. intégrés aux différents rapports de fouilles ou articles réalisés lors de cette période et pour des cas concrets publiés, les données sur l’un des ateliers de Bollène (Thiriot 1986a, 250) ou sur Lezoux (Provost et Mennessier-Jouannet dir. 1994b, 158).

En revanche, la dendrochronologie, technique contemporaine des précédentes, n’est jamais utilisée pour dater les sites potiers ou tuiliers. En effet, les bois ou les charbons retrouvés n’ont pas suffisamment de cernes intacts. Les seules exceptions à cette règle sont les poutres découvertes dans un bassin de préparation de l’argile à Portissol à Sanary-sur-Mer (83), mais malheureusement aucune série de cernes n’a pu être rattachée à un référentiel daté (Ribot et Martina-Fieschi 2009, 83, note 3 ; notice site 0121).

233

Techniquement cela équivaut à rassembler les céramiques qui ont la même fraction argileuse (fine), c’est-à-dire tous les éléments inférieurs à 2 µm, ainsi que les mêmes minéraux et aspects de pores (Brulet et al. 2010, 19).

234

Sanchez et al. 2009, 43 ; Mallet et al. 2011, 315-319 ; Durquety et al. 2012b, 288 et Fig.41.

235

Sans lien forcément avec les trois précédents points, apparaissent à partir de la seconde moitié du XXe siècle, des articles qui mettent en évidence des changements d’habitude dans l’achat et dans l’emploi de mobilier céramique236

. Ces transformations, que l’on retrouve aussi bien dans les contextes d’utilisation et que dans les ateliers, trahissent des modifications dans les chaînes opératoires : ce ne sont plus les mêmes argiles utilisées (nouvelles catégories) et/ou techniques employées, que ce soit dans le façonnage (objet non tourné, tourné, moulé, création de nouveaux profils), dans les cuissons (essor du mode

A et C) et dans les volumes de production (qui peuvent être parfois qualifiés de préindustriel, notamment dans le cas des sigillées – cf. la note 15).

Toujours dans cette recherche du geste des potiers, se développent des approches métrologiques des vases237, des matériaux de