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Catalogue des marques incisées sur céramiques et autres terres cuites

1.4.2.2 Les inscriptions et graffites incisés avant cuisson

1.4.2.2.1 Catalogue des marques incisées sur céramiques et autres terres cuites

La région argonnaise (08 et 55) est riche en graffites avant cuisson. Elle se singularise

par leur découverte en contexte et en surface d’ateliers. Il m’a ainsi paru nécessaire de présenter ces marques sites de production par site de production car l’organisation des centres peut varier et différents parallèles peuvent être mis en évidence avec certaines estampilles ainsi que plusieurs périodes de fonctionnement.

 De l’un des ateliers de Chatel-Chéhéry (08), actif entre la fin du IVe siècle (au plus tard) et les Ve/VIe siècles446, provient au moins un support d’enfournement avec un graffite fait avant cuisson (Fig.84). D’après D. Nicolas (dir. 2011, 250), il correspondrait à la marque Cy ou Ey.

Toutefois, je me demande s’il ne pourrait pas s’agir d’une signature renvoyant à Evvodius. Ce personnage est en effet l’un des plus fréquemment mentionnés sur les supports d’enfournement de l’Antiquité tardive (cf. infra et Fig.88, 12). Nous serions ici dans un cas où les deux « v » sont ligaturés et avec la dernière haste du second « v » qui a disparu (le support d’enfournement aurait été cassé à cet endroit ?).

 Des anneaux d’enfournement avec des inscriptions faites avant cuisson ont été trouvés lors de prospections sur l’atelier du Ve siècle du Pont des Quatre Enfants, dit également Buante 1 / AV019447 à Avocourt (55). Trois marques distinctes ont été identifiées sur ces accessoires. Deux d’entre elles renvoient au même personnage, un certain Lup[us] ou Lup[ulus] ou Lupi[anus], qui signe ses outils soit LVP, soit LVPI (Fig.85, 1 et Fig.86, 1 et 2). La dernière est un simple graffito, un E (Fig.85, 2 et Fig.86, 3).

 Près de cinquante exemplaires de supports d’enfournement présentant des marques réalisées avant la cuisson ont été aussi mis au jour sur la partie occidentale du groupement d’Avocourt 3 / Avo6a-g, sur la commune éponyme (Fig.83, Fig.87 et Fig.88). Ils proviennent plus particulièrement du secteur des Prix des Blanches, occupé entre les Ier et VIe siècles448.

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Chenet 1941, 54 ; Mourot 2001, 120 ; Gazenbeek et Van der Leeuw 2003, 284-285, 294, 305-306, 310, 312 ; Brulet et al.

2010, 249-250 ; Nicolas dir. 2011, 250-251 ; notice site 1076.

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Les sites argonnais ont fait l’objet de nombreuses campagnes de recensement et de vérification depuis la fin du XIXe siècle, date des premières interventions. Or ces travaux ont engendré de multiples appellations, qu’il est nécessaire de donner pour localiser un site. Pour ce site, cf. Mourot 2001, 164-165; Gazenbeek et Van der Leeuw 2003, 305 ; notice site 822).

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Mourot 2001,163-164 ; Brulet et Feller dir. 2004 ; Gazenbeek et Van der Leuw 2003, 284 ; notice site 820. Fig.83 : Liste des graffites

avant cuisson sur des supports d’enfournement provenant du groupement d’Avocourt 3 (Chenet 1908, 394 ; 1911, 51 ; 1941, 53-54 et Pl.IV, 3 à 10, Pl.V, 6 à 23, Pl.VI, 1 à 4 ; Mourot 2001,164 ; Feller et Brulet dir. 2003, 324 et fig.16 à 20). Les signatures grisées sont issues des travaux de G. Chenet d’avant la Première Guerre Mondiale.

Fig.84 : Le support d’enfournement avec un graffite fait avant cuisson de Chatel-Chéhéry (Chenet1941, fig.11). Echelle 1/3, sauf le détail de la signature (échelle 1/1).

Fig.85 : Deux des supports d’enfournement du Pont des Quatre Enfants (Chenet 1941, Pl.IV, 11 et 12). Echelle 1/3.

Fig.86 : Les graffites réalisés avant cuisson, provenant de l’atelier du

Pont des Quatre Enfants (Chenet 1941, 53 et pl.VI, 5 à 7). Sans échelle (1/1 ?).

Fig.87 : Quelques supports d’enfournement d’Avocourt 3 découverts par G. Chenet (1941, Pl.IV, 3 à 10). Echelle 1/3.

Fig.88 : Une partie des supports d’enfournement provenant des travaux des années 1980 sur le groupement d’Avocourt 3 (Brulet et Feller dir. 2004, fig.18). Echelle 1/3.

La petite trentaine de signatures inventoriées par G. Chenet (Fig.83 cases grisées) a été réalisée soit avec un bâton, puisque parfois celui-ci a laissé des traces de ses fibres dans la pâte molle, soit avec un outil tranchant, soit à la pointe mousse (Chenet 1908, 394 et 1941, 53). Certains pièces se singularisent par la présence d’empreintes d’une molette à motifs géométriques (traits obliques ; Chenet 1911, 53 et notre Fig.87, 4). Si ces graffites proviennent d’une fosse d’accès à deux fours, comblée au IVe siècle449

, il ne faut sans doute pas tous les rattacher à cette période.

En effet, les travaux des années 1980 et d’autres réalisés plus récemment450 (Fig.88) ont montré, qu’à côté d’ « un lot impressionnant de céramique commune et de terre sigillée du IVe siècle » (Brulet et Feller dir. 2004, 308 et fig.24), se trouve une quantité notable de sigillée des IIe/IIIe siècles produite localement. Ainsi, certains supports d’enfournement et donc certaines marques inventoriées par G. Chenet et ses prédécesseurs peuvent appartenir au Haut-Empire451. Précisons à propos des graffites que les opérations depuis les années 1980 ont confirmé les découvertes du début du XXe siècle, ainsi qu’une dizaine de nouvelles (Fig.83 cases en blanc) et deux cales avec plusieurs empreintes de molettes à motifs géométriques (ibid. : fig.18, 21 et 31).

Au premier abord, une certaine impression de profusion des signatures sur les supports d’enfournement se dégage donc des ateliers d’Avocourt 3. Cependant cette situation ne reflète pas la réalité. Seuls 19 supports sur les 1377 mis au jour lors des années 1980 en présentent (Raepsaet-Charlier et Bausier 1998, 310) et ce chiffre doit aussi être rapporté aux quatre siècles d’emploi de supports d’enfournement pour la cuisson des sigillées en Argonne452

. Néanmoins, sans revenir sur le fait que les graffites sont rares, il faut signaler que cette concentration peut être légèrement biaisée par les ramassages effectués par G. Chenet au début du XXe siècle.

Une quantité nettement plus importante d'outils de potiers avec graffites, que sur le

-groupement précédent, a été recensée sur le site des Allieux / Vauquois 4a-f sur la commune du Vauquois (55)453. Parmi ceux-ci, près de deux cents d’accessoires d’enfournement pour les fours de mode C présentent des signatures faites avant cuisson (Fig.89 à Fig.92). G. Chenet (1941, 54) mentionne aussi plusieurs supports avec des empreintes de casiers d’une molette, sans néanmoins en donner le dessin. Enfin, l’auteur (ibid. : 52, 54) signale des marques faites avant cuisson sur une « casette » hémisphérique en terre grise454 et sur deux tubulures, qu’il attribue au IVe siècle (Fig.91, 24-26) : IABT[, ]ɅTIVS et M[.

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Datation par les monnaies et les sigillées décorées à la molette.

450

Mourot 2001,164 ; Brulet et Feller dir. 2004, 324 et fig.16 à 20.

451 Des graffites sur supports de cuisson ont été d’ailleurs retrouvés à Lezoux dès le Ier siècle ap. J.-C. (Bet et Delage 1993 et 2009, 455 et fig.7).

452

Pour rappel, les sigillées à d’enfournement

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Chenet 1908, 392-393 ; 1911, 51 ; 1941, 54 ; Feller et Brulet dir. 1998, 302- 363 ; Mourot 2001, 109-120 et 548-556 ; Gazenbeek et Van der Leeuw 2003, 285, 300-310 ; Feller et Brulet dir. 1998, 284-287 ; Brulet et al. 2010, 153-158, 165-166, 216-227, 233-246, 342-345, 349-351, 359-363 ; notice 849-A, B et C.

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Pour une définition de ce mot, pouvant aussi s’écrire cazettes et parfois « gazettes », cf. infra le point 2.1.2.1.2. Signalons cependant que cet objet est sans doute une demi-tubulure, plutôt qu’une casette (cf. infra le point 2.1.1).

Fig.89 : Liste des graffites avant cuisson provenant des supports d’enfournement des Allieux d’après les travaux de G. Chenet au début du XXe siècle, ainsi que d’après les données de prospections réalisées entre 1985 et 1987 (Chenet 1941, Pl.III, 11 à 13 ; Pl.VI, 8 à 29, Pl.VII, VIII, IX, X et XI ; Raepsaet-Charlier et Bausier 1998, fig.31).

Une dizaine de supports d’enfournement avec des graffites avant cuisson ont été trouvés lors de prospections en 1996-1997. Malheureusement, leur transcription n’est pas donnée (Mourot 2001, 553-554). Précisons aussi que le nombre exact d’une même marque est inconnu pour les signatures recensées par G. Chenet et on ne sait pas toujours si le graffite est complet ou non.

Un nom se détache fortement de cet inventaire : Evvodius avec les graffites IIV, EV([ ?), EVV([ ?), EVVO et leurs variantes (45 occurrences ; Chenet 1941, 54). La présence de différentes graphies (Fig.92) indique que toutes ces inscriptions faites avant cuisson n’ont pas été écrites par le même homme. G. Chenet pense ainsi qu’Evvodius serait un patron d’ateliers avec plusieurs artisans travaillant sous ses ordres. Pour sa part, P. Van Ossel (2011a, 251) ajoute une deuxième hypothèse, tout aussi plausible et qui ne contredit pas la première : les graphies différentes traduiraient une longue période de production.

Cependant, là encore, tout le mobilier graffité des Allieux n’appartient pas à l’Antiquité tardive, puisque les potiers dans ce groupement produisent de la sigillée entre le IIe siècle et le milieu du Ve siècle. Par exemple, l’inscription Ʌ avec une haste interne doit sans doute être mise en relation avec l’artisan timbrant des sigillées durant le Haut-Empire avec la marque MɅNII F (avec Ʌ avec une haste interne et N rétrograde) et les supports avec la marque CɅS aux sigillées moulées timbrées CɅSSVTI455. Néanmoins, la tradition de graffiter des supports d’enfournement est bien attestée au sein des ateliers tardifs locaux, puisque des accessoires avec des graffites456 ont été trouvés dans la fosse de travail des deux fours du IVe siècle, fouillés en 1908/1909. Par ailleurs, la sigillée aux Allieux et donc ses supports d’enfournement sont surtout produits entre le IVe siècle et la première moitié du Ve siècle.

 De l’atelier Vauquois 4g (Mourot 2001, 553 ; notice site 0849-05) provient un support de cuisson pour sigillée avec une inscription faite avant cuisson. Les articles consultés pour faire cette notice ne donnent malheureusement pas sa transcription. Sa datation est incertaine car le site n’a pas fait l’objet de fouille et le mobilier associé ne permet pas de fixer une fourchette chronologique précise (entre le Ier siècle et la première moitié du Ve siècle).

Comme le précédent gisement, le site artisanal Vauquois 4h est éloigné de quelques centaines de mètres du groupement principal des Allieux / Vauquois 4a-f. Il n’a d’ailleurs lui aussi livré qu’un seul accessoire d’enfournement avec une inscription faite quand la pâte de l’objet était encore crue457. Là encore, cette dernière n’est pas transcrite et elle est mal datée (entre le Ier siècle et la première moitié du Ve siècle).

Du Pont-Verdunois à Lachalade (55 ; Chenet 1941, 53),

-groupement actif à partir des IIe et/ou IIIe siècles et jusqu’au IVe siècle458, proviennent deux éléments d’enfournement de sigillée, avec les inscriptions faites avant cuisson, PA et PɅ (Fig.90). Selon les

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Pour les estampillées mentionnées sur sigillées des IIe et/ou IIIe siècles, cf. Chenet 1911, 53 ; Chenet et Gaudron 1955, 121. Le fragment de moule avec la marque MARI M, présenté dans la même publication que les graffites sur supports de cuisson qui viennent d’être décrits (ibid. : 51), appartient vraisemblablement à l’artisan des Allieux de la fin du IIe siècle / IIIe siècle qui réalise des Drag.37 (ibid. : 152). Enfin pour des exemples de graffites sur des céramiques et outils de potiers du IIe / IIIe siècle, le lecteur consultera les inscriptions présentées par les fig.51 à 54 de G. Chenet et G. Gaudron (1955).

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Ils correspondent sans doute à toutes les marques ou à une partie de celles qui ont été publiées en 1911 par G. Chenet, c’est-à-dire ASVS (incomplet), Ʌ avec une haste interne, CɅS, CIM ou CITI, E ou II, IOVI, LEO, λOM, MAL, MAN ou MAM (A et la dernière lettre ligaturés), MAR, MI, NICA (incomplet), PIVS (2 ind.), SIT, SVPF. La notice de la carte archéologique de la Meuse ne les mentionne pas (Mourot 2001, 552).

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Mourot 2001,554 ; Gazenbeek et Van der Leeuw 2003, fig.22 ; notice site 0849-06.

458

Mourot 2001, 298 ; Gazenbeek et Van der Leeuw 2003, 284 et fig.11 ; notice 817-01 et 02.

Fig.90 : Les graffites du

Pont-Verdunois à Lachalade (55 ; Chenet 1941, Pl.V, 2-3). Sans échelle (Echelle 1/1 ?).

Fig.91 : Quelques exemples de graffites faits avant cuisson provenant des ateliers des Allieux (55 ; Chenet 1941, Pl.III à XI), excepté le numéro 11 qui a été trouvé à La Garenne du roi en Forêt de Compiègne (60 ; Chenet 1941, 54, note 1). Echelle indéterminée pour les n°1 à 23 (éch.1/1 ?) et échelle 1/3 pour les numéros 24 à 26.

N°1, graffite pouvant être la signatured’un certain Allinus. Celui-ci pourrait d’ailleurs correspondre au personnage mentionné sur certaines estampilles à la molette sur sigillées des Allieux (fig). N°2 à 5, graffites d’un certain Con[cordius], qui pourrait également être connu par certaines estampilles des Allieux. N°6 à 14, différentes graphies d’un dénommé Gemi ou Sene[ctus]. N°15 à 19, graffites de Lupus ou Lupulus ou Lupianus. N°20 à 23, différentes graphies d’un ou d’une certaine Le[monia/us] ou Le[pida/us],

etc.(cf. Dondin-Payre dir. 2011, 351 et base de données Manfred Clauss). Le O sur le n°23 correspond soit à la troisième lettre d’un nom ou prénom, tel Leo[nidas], soit à l’abréviationd’officina, comme sur l’estampille LEO FEC découverte sur une sigillée des Allieux

Fig.92 : Quelques exemples de graffites faits avant cuisson au nom d’Evvodius provenant des ateliers des Allieux (55 ; Chenet 1941, Pl.III à XI). Echelle indéterminée (éch.1/1 ?).

données de G. Chenet, il s’agirait plus particulièrement d’objets rattachés aux installations du IVe siècle. Néanmoins, les travaux récents ne présentent pas ces objets, et ne permettent pas de les rattacher à l’un des ateliers de ce secteur. S’il est tentant de rapprocher ces marques de celles trouvées aux Allieux ou sur le site suivant, où l’activité est uniquement attestée durant l’Antiquité tardive (Fig.93), l’onomastique révèle que les noms et surnoms commencant par « Pa » sont courants pendant toute l’Antiquité et même après celle-ci (Morlet 1972, 87-89 et Dondin-Payre dir. 2011, 356).

Deux supports d’enfournement avec l’inscription Pas (Fig.93)

-ont été identifiés sur l’atelier d’Aubréville 2, AUB005/CLE005-7 sur la commune éponyme (55 ; Mourot 2001, 149 ; notice site 0809-01). Découverts lors de prospections, ils appartiennent à l’un des sites artisanaux constituant le groupement d’artisans dit de La Pierre à Villée. Leur datation est vraisemblablement à placer dans le IVe siècle et la première moitié du Ve siècle. Le mobilier associé provenant de la même prospection est caractéristique de cette période (ibid.). Rappelons cependant que l’activité potière sur le groupement d’Aubréville 2 est datée de manière générale entre le premier siècle et la première moitié du Ve siècle ap. J.-C., avec peut-être un hiatus entre les IIe et IIIe siècles459 (Gazenbeek et Van der Leeuw 2003, fig.16, 18 et 24).

Une prospection sur l’atelier de Lavoye 5 / Tannière, l’un des sites constituant

-l’agglomération artisanale de Lavoye (55), a permis d’observer un support de cuisson avec un graffite avant cuisson (ibid. : 334 et notice site 0819-05). Non décrit dans la notice de la carte archéologique, son rattachement à l’Antiquité tardive n’est pas certain. Les potiers ont été actifs sur ce site entre le Ier siècle et le IVe siècle (en dernier lieu Brulet et al. 2010, 362-363). A près de 120 km au Sud-Ouest de l’Argonne, dans l’Aube, C. Lagatie (2011) mentionne des graffites des VIe et VIIe siècles qui peuvent avoir le même sens que les précédents ou une signification légèrement différente. Il s’agit en effet d’incisions en forme de croix, qui correspondent sans doute à des marques internes à l’atelier, pour retrouver la production d’un ouvrier ou pour indiquer un certain nombre de vase. D’autre part, puisque ces signes sont réalisés sur des fonds de pichets, on peut les trouver dans les rebuts d’un atelier, comme celui de l’atelier de la Station d’épuration à La Saulsotte (10 ; cf. notice site 0873), mais aussi dans certains contextes d’utilisation ou secondaires. L’emplacement choisi pour les graffites évite que ceux-ci réduisent l’aspect esthétique des poteries qui les présentent et ils ne gênent pas ainsi la commercialisation de ces vases.

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Aucun mobilier ne témoigne directement de la fabrication de sigillées moulées sur place, catégorie typique des ateliers argonnais des IIe et IIIe siècles (Mourot 2001, 148-149 et Gazenbeek et Van der Leeuw 2003, fig.18). Néanmoins des sigillées du Haut-Empire (Drag.18/31, 27, 37 et 45) ont été identifiées (Mourot 2001, 149). Il faut donc rester prudent car aucune fouille n’a été entreprise sur ce site et les artisans ont pu compenser l’absence des sigillées moulées par d'autres catégories céramiques (sigillées lisses et autres catégories).

Fig.93 : Les graffites de l’atelier d’Aubréville 2

(Mourot 2001, fig.14 sans échelle).

La région de Yutz (57), à près de 90 km au Nord-Est de l’Argonne, pourrait avoir livré un bordereau d’enfournement de la première moitié du IVe siècle. En effet, une tuile avec l’inscription MEX XXXII CO XXX / VIC XXXII TILI (32 médimmes, 32 cotiles, 32 vingtièmes) a été trouvée dans des remblais (supérieurs ?) de l’atelier de potiers et de tuiliers fouillé en 1960 dans le secteur d’Hérapel à Yutz (Flotté et Fuchs dir. 2004, 816 ; notice site 0610-A). Cependant la datation de cet objet, où 96 vases sont désignés selon leur capacité de contenance, est incertaine. En effet, il était associé à une monnaie de Claude et à des tuiles estampillées au nom d’Adivtex, caractérisant uniquement la première moitié du IVe siècle (cf. supra). D’autre part, l’activité liée au travail de l’argile sur ce site est attestée pendant au moins deux siècles, entre le IIe siècle au plus tard et la première moitié du IVe siècle.

La région strasbourgeoise (67), à près de 140 km au sud-est de Yutz, compte aussi

quelques graffites faits avant cuisson. Deux d’entre eux, à chaque fois sur un fragment de tegula, proviennent de la Ruelle Saint-Médard à Strasbourg. Mis au jour en 1951/1952 par J.-J. Hatt (1953, fig.17), ils ne sont pas contemporains : celui qui est incomplet est issu d’un niveau daté de 355 (Hatt 1953, fig.17.5), tandis que le second est associé à une couche d’incendie, qui aurait eu lieu en 377. La première tuile présente l’indication VIIKA[ que F. Charlier (2004, 98) traduit par « le 7e jour avant les calendes de … ». La seconde inscription est non traduisible : il s’agit d’un P majuscule, à la forme anguleuse, inscrit dans un cercle.

Soulignons par ailleurs que les contextes strasbourgeois ont livré un très grand nombre de graffites sur matériaux de construction en lien avec la VIIIe légion, présente dans la ville entre le Ier et le début du Ve siècle (cf. supra le point 1.4.2.1). Ce mobilier, provenant d’ateliers appartenant ou travaillant pour la VIIIe légion, constituerait le plus gros corpus d’inscriptions avant cuisson en France pour l’époque gallo-romaine (Charlier 2004, 91 et note 146). Les fragments qui pourraient appartenir à l’Antiquité tardive460

présentent soit des graffites (3 exemplaires) qui évoquent directement la légion par son numéro, VIII (toutes les lettres ligaturées), soit des inscriptions de natures diverses, découvertes sur une terre cuite estampillée au nom de cette légion (2 exemplaires). Dans ces deux derniers cas, les marques sont incomplètes et de sens différent : l’une correspond à la marque ]OLI, qui est intraduisible en l’état ; la seconde porte les graffites VI Idus Sept / N - - -, que l’on peut lire « le 6e jour avant les ides de septembre [le 8 septembre] / nombre : - - -» (ibid. : 97). Elle est ainsi similaire à l’exemplaire réalisé avant 355, découvert dans la ruelle Saint-Médard.

La partie occidentale de la vallée du Rhin supérieur, c’est-à-dire entre le Nord-Ouest

de la Suisse et le Sud de l’Alsace, se caractérise entre le Ier siècle et le début du IVe siècle par une production de céramique non tournée461. Une partie des vases, à partir de la fin du IIe siècle ou de la première moitié du IIIe siècle et jusqu’à 270/280, voire peut-être le début du IVe siècle, présente des graffites réalisés avant cuisson sur leur panse462.

460

Leur rattachement au IVe siècle et au début du Ve siècle demeure incertain puisqu’ils proviennent de contextes mal datés et du mobilier plus ou moins identique a été trouvé dans des niveaux du Haut-Empire (Charlier 2004, 97-98).

461

Furger 1990, 108 ; Martin-Kilcher et Haldimann dir. 1999, 193 ; Murer 2015.

462

Fig.94 : Deux exemples de pots non tournés de la vallée du Rhin

supérieur (Murer 2015, fig.12).

Ces marques, disposées à quelques centimètres sous la lèvre, correspondent généralement aux signatures du potier ou du propriétaire de l’atelier (Fig.94). En effet, pour un même nom, plusieurs graphies différentes sont attestées, « ce qui penche en la faveur d’une hypothèse mettant en avant plusieurs potiers qui auraient marqué les pots du nom du propriétaire » des installations (Murer et Roth-Zehner 2009, 144-145). Dix-neuf noms, à assonance tant latine que gauloise, parfois associés au verbe fecit ou à son abréviation f, ont été recensés entre le IIIe et le IVe siècle463 (Fig.95). Des marques de contenances et « des signatures non nominatives réalisées sous la forme de symboles, peut-être

afin de faciliter le travail et aller plus vite dans la tâche » (marques de croix, étoiles à six branches, lignes ondées) ont aussi été identifiées464.

De l’Auvergne et plus précisément du groupement

de la Route de Taurin à Lezoux (63) proviennent divers outils avec des marques faites avant cuisson (Bet et Delage 1993 ; Bet et Wittman 1996, 211). Pour la deuxième moitié du IVe siècle, sont notamment inventoriés un moule de relief d'applique avec au dos le graffite LɅ ou SɅ465 ou TɅ (=LA ou SA ou TA ?) et vraisemblablement un autre portant sur sa face non décorée l’inscription MA (Bet et Delage 1993, 314 et fig.5, n°33 et 34 ; Fig.96, 1 et 2).

Toujours de la même zone, mais de datation incertaine (deuxième moitié du IVe siècle ?), sont recensés un moule de maquette ou de relief d'applique

Murer et Roth-Zehner 2009, 144-145 et Fig.22 ; Murer 2015.

463

La plupart serait cependant caractéristique du IIIe siècle, voire des années 250/260 et 275 (Scholz 2000, 46).

464

Féret et Sylvestre 2000, 106 ; Murer et Roth-Zehner 2009, 144-145 ; Murer 2015, 256.

465

Les chercheurs travaillant sur l’Argonne peuvent transcrire la première lettre de ce graffite comme un L ou S (cf. la marque sid, ASTA ou LVP – pour cette dernière voir la Fig.91, 18 et 19). Si la lecture LA est retenue, il pourrait peut-être alors s’agir du même artisan ou du même propriétaire d’atelier que celui qui possédait le moule de Drag.37 estampillée LAE ou LAF.

AVGVSTANVS GANNICVS F PATTVRO AVITI IANVA(RIVS) SACCAEDO BIILISSA MART(IVS)