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1.4.2.1 Les estampilles ou marques poinçonnées

Depuis le IVe siècle av. J.-C.359, mais surtout à partir de l’époque augustéenne360, certains objets en argile produits en Gaule portent une marque, en creux et en relief, faite avec un poinçon en terre cuite361, en métal362, en pierre (?363) ou en matériaux périssables (os364 ou bois365) ou encore par l’intermédiaire d’une empreinte inscrite sur un moule366, voire dans le casier d’une molette. Habituellement367

, on suppose que trois raisons, qui peuvent parfois s’associer, expliquent leur présence.

La première est le signe du contrôle de la production à l’intérieur de l’atelier. En effet, par l’apposition d’un timbre anépigraphe ou au contraire, avec un nom (nomen) ou le surnom (cognomen), les estampilles indiquent quel artisan a réalisé quel objet ou quel lot d’objets. Le maître de l’atelier ou un contrôleur peut ainsi évaluer la productivité d’un ouvrier donné et le payer en conséquence (cf. supra, l’Edit du Maximum, Livre VII, 1, 15 et 16).

Certaines marques peuvent également correspondre à des gages de qualité pour les consommateurs. Ceux-ci savent ainsi qui a fabriqué l’objet qu’ils achètent car il est indiqué le nom, le surnom, les duo domina ou les tria nomina (abrégé ou non) du propriétaire (dominus) ou chef d’atelier (officinator ou vilicus) ou encore le nom de l’atelier (figlina, officina) qui a produit les pièces ainsi ornées. On peut donc voir dans ces inscriptions un certain engagement du signataire dans la qualité du mobilier qu’il propose368

. Parfois, le statut du propriétaire est donné (avec « CV », pour un sénateur, un clarissimus vir), comme celui du chef d’atelier (avec un « S » pour un esclave, un servus, « L » ou « LIB », pour un affranchi, un libertus et « COL » pour un colon, un coloni).

359 Les premières productions timbrées en Gaule correspondent à des amphores de Marseille (Bertucchi 1992, 153-172).

360

Pour les présigillées, Passelac. In Bémont et Jacob dir. 1986, 50-51 ; pour les amphores, Laubenheimer 1985, 419-444.

361 De Poorter et Clayes 1989, 245 ; Etienne et Mayet 2004, 90-91 ; information Y.-M. Adrian sur l’atelier des Ventes (27). Il faut toutefois prendre garde aux poinçons en céramique pour la pâtisserie (Vernou 2010 ; Maguer et al. 2012 ; Salido Dominguez et Bustamante Alvarez 2014, 57-77).

362

Etienneet Mayet 2004, 90-91 ; Heijmans dir. 2008, 585 ; Feugère et Mauné 2007, 440 ; Mauné et Durand dir. 2013, 12.

363 Mazimann 1990 (?).

364

Delmaire dir. 1994b, 440-441 et Willems et al. à paraitre (Famars ; 59).

365

Mallet 2006, 591, note de bas de page 6 ; Vernou 2010, 459 ; Djaoui 2011, 265-267 ;

366

Chenet et Gaudron1955, fig.55 et 57 ; Delage 1999 314 et suivantes ; Meylan Krause et Capt 2007, 350 et Fig.39.

367

Cf. toutes les références précédemment citées, ainsi que Bet et Delage 1991 ; Charlier 1999, 172-184 ; 2004 ; Deru 2004 ; Etienne et Mayet 2004, 80-115 ; Genin 2007 ; Mauné 2009, 17 ; etc.

368

L’hypothèse de B. Hofmann (1965, 21 rappelée par A. Fedière 2001, 29) qui considérait l’estampillage comme une obligation liée à la perception de l’impôt sur les carrières, a été depuis écartée car seuls quelques objets sont timbrés.

Enfin, les timbres peuvent identifier un commanditaire. Ces personnages, des négociants ou des producteurs de denrées, ou ces entités commerciales, comme des entrepôts (portus), seraient des clients des artisans exigeant que leur nom, surnom ou leurs initiales apparaissent sur les produits qu’ils ont fait produire.

Dès les premières études archéologiques sur le mobilier en terre cuite et sur les ateliers travaillant l’argile, l’estampillage des productions gauloises est considéré comme l’une des caractéristiques de l’époque augustéenne et du Haut-Empire (cf. le point 1.3.1). En effet, cette pratique est notamment courante dans les ateliers de potiers fabriquant des céramiques de table et de service de qualité, en particulier dans ceux réalisant des sigillées, et elle est aussi avérée dans des proportions moindres dans des sites contemporains produisant des amphores, des mortiers, des lampes ou des tuiles369. Durant une grande partie du XXe siècle, les courants de pensées sur l’Antiquité tardive et la faiblesse des données amèneront les chercheurs370 à considérer que cet usage disparaît des ateliers gaulois après le IIIe siècle, voire dès le courant du IIe siècle.

Les découvertes de ces dernières décennies contredisent en partie cette idée reçue. Si dans de certaines régions, ce marquage n’est plus réalisé, dans d’autres, il persiste. Toutefois, il se réduit fortement entre le IVe et le VIe siècles, en même temps que la plupart des grands groupements d’artisans cessent leur activité. Cette situation peut être notamment illustrée par les artisans travaillant à Lezoux : si 1200 noms de potiers et décorateurs y sont attestés par les estampilles entre le Ier et le IIIe siècle (Provost et Mennessier-Jouannet dir. 1994, 120 ; Brulet et al. 2010, 96), un seul est pour l’instant connu de cette manière pour le IVe siècle (cf. infra). Néanmoins, l’ampleur de ce phénomène est difficile à préciser à l’échelle de la Gaule car aucun catalogue de ces marques tardives n’a été réalisé sur l’ensemble de ce territoire. Il m’est donc apparu nécessaire d’entreprendre ce travail pour l’Antiquité tardive.

En outre, cette approche m’a permis d’identifier et de localiser plus ou moins précisément l’emplacement d’ateliers tardifs jusque-là inconnus par les prospections et les fouilles. En effet, l’estampillage est très rarement avéré sur les sites producteurs qui ont fait l’objet d’enquête ou de travaux archéologiques.

Enfin, l’étude de mobilier timbré permet d’appréhender l’organisation d’un atelier donné. Par exemple, la lecture du ou des nom(s) des artisans et/ou des propriétaires et l’identification de leurs statuts permettent de supposer l’existence de différents modèles d’organisation interne. L’analyse et la reconnaissance de différentes graphies d’un même nom suggèrent soit plusieurs phases dans la production, soit la présence de plusieurs ateliers différents appartenant au même propriétaire ou répondant à un même commanditaire, soit l’existence de plusieurs sites liés à différents propriétaires homonymes. Les réseaux et aires de distribution depuis les installations artisanales peuvent également être restitués par le

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Laubenheimer 1985 ; Bémont et Jacob dir. 1986 ; Bertucchi 1992 ; Bémont 2004 ; Charlier 2004 ; Deru 2004 ; Genin 2007 ; Ferdière et col. 2012 ; master et thèse S. Corbeel.

370

Voir par exemple les propos rapportés par J.-P. Jacob (1981, 30) ou A. Ferdière (et col. 2012, 57) : « Plusieurs auteurs indiquent [...] qu’il n’y a plus d’estampillage des produits dans l’Antiquité tardive en Gaule, et même sans doute à partir du courant du IIe s. (Grenier 1938 ; Hofmann 1965) : ceci concernerait aussi les TCA, selon R. Pauc (1982 : 64) ».

recensement des occurrences, sans avoir recours généralement à des analyses physico-chimiques. L’ensemble de ces approches me permettra enfin de proposer différentes réflexions sur l’organisation des ateliers à l’échelle des Gaules.

Pour faciliter la compréhension de ma démarche, les catégories et les individus appartenant à un même groupe sont présentés selon le sens des aiguilles d’une montre à partir des occurrences du sud de l’Allemagne. Le catalogue des sept catégories céramiques sera présenté avant celui réunissant les matériaux de construction. A propos de ce dernier, l’imprécision concernant la nature exacte du support du timbre ne résulte pas de mes choix, mais des travaux qui m’ont servi de référence. Les chercheurs ne précisent pas généralement s’il s’agit de briques, de pilettes, de tegulae ou encore de tubuli. Les deux corpus sont ensuite suivis d’une partie synthétique.

1.4.2.1.1 Catalogue des timbres sur céramiques

Les sigillées d’Argonne et imitations, des IVe, Ve et VIe siècle, présentent très rarement

des estampilles. Elles ont par ailleurs la particularité d’être imprimées par l’intermédiaire de molettes. Seuls cinq noms différents sont pour l’instant connus.

 L’attestation la plus septentrionale trouvée sur un site producteur provient d’un des ateliers du Ve siècle de Chatel-Chéhéry (08) et de la molette U.C.186371. Le timbre, encadré d’un animal (un poisson ?), d’un

motif indéterminé (une méduse ?) et d’un homme couché, surmonté d’une croix, est difficilement lisible (Fig.51) : ALVEV avec peut-être une lettre ligaturée à la fin du mot, un N ou un M (?). Dans ce dernier cas, il s’agirait alors du mot ALVEUM que l’on peut traduire soit comme une « cavité, un creux », soit « une sorte de baquet » ou de « petit vase », soit par le mot « rivière ».

Des individus avec la molette U.C.186 se retrouvent à Metz (57) dans un contexte du milieu du Ve siècle, à Reims (51), à Vix (21), à Fère-en-Tardenois et à Oyes (02), à Rouen (76), dans une nécropole près de la rivière Samsom en Belgique, à Dronrijp et à Maastricht aux Pays-Bas (Bayard 1990, 293-294, 303, 310-312, 315-317 et Van Wersch 2006b, fig.8). Les vases avec la molette U.C.186 ont ainsi été diffusés sur de grandes distances : 600 km séparent les deux points les plus éloignés.

 Le deuxième mot ou nom provenant d’un atelier clairement identifié sur le terrain est l’inscription CONCOR (Fig.52), issue d’un des ateliers des Allieux, sur la commune du

371

Bayard 1990, 318 ; Van Wersch 2006b, fig.8 ; Brulet et al. 2010, 252.

Fig.52 : Les molettes avec l’inscription CONCOR produites aux Allieux (55 ; Brulet et al. 2010, 242-243). Echelle 1/1.

Fig.51 : La molette UC 186, réalisée à Chatel-Chéhéry (08 ; Brulet et al. 2010, 252). Echelle 1/1.

Vauquois (55372). Elle est attestée sur deux molettes distinctes du IVe siècle : U.C. 237 et U.C. 254 (Chenet 1941, 120-121 et Brulet et al. 2010, 242-243).

Les vases avec l’une ou l’autre de ces inscriptions ont été exportés à Trèves (Rh.-P. ; Chenet 1941, 121), à Reims (51 ; ibid.), à Arnières sur Iton et Evreux (27373), à Rouen et à Saint-Ouen-du-Breuil (76374) et à Londres (Chenet 1941, 121), soit au maximum à plus de 430 km du site producteur.

La marque CONCOR sur sigillée d’Argonne pourrait correspondre au potier ou plus vraisemblablement au propriétaire faisant inscrire des supports de cuisson aux Allieux des lettres CON (Fig.92, 2 à 5) ou encore au propriétaire d’une tuilerie timbrant CONCORDIVS sur des matériaux de construction à Yutz (57 ; voir infra). Ces personnages ont pu être en tout cas contemporains.

Des groupements des Allieux et

-d’Avocourt 3 proviennent plusieurs tessons avec la molette U.C. 258 (Brulet et al. 2010, 228, 231, 234 et 242 ;

Fig.53). Celle-ci compte six casiers avec

des oves, tandis que le septième présente l’inscription CON, avec le dernier

jambage du N qui se finit en dehors de la molette. Datant du IVe siècle, voire du début du Ve siècle d’après les motifs d’oves (Van Ossel 2011a, 243), cette molette pourrait avoir appartenue au même potier que les précédentes car elle est contemporaine de celles-ci, a en commun des oves et le nom de la personne qu’elle désigne, commence également par les même trois premières lettes. La graphie du nom est en tout cas similaire aux graffites inscrits sur les supports de cuisson des lettres CON (Fig.92, 2 à 5).

 L’inscription « ALLN OFF » (rétrograde avec L, L et N ligaturés) est présente sur des céramiques découvertes à Kervennec-en-Pont-Croix (29375) et à Muids (27376), soit une distance d’un peu plus de 400 km entre ces deux attestations. L’emplacement du centre producteur est inconnu. Il faudrait peut-être le chercher entre la Bretagne et la Normandie, à moins qu’il ne se situe en Argonne. En effet, G. Chenet (1941, Pl.VIII, 14 ; Fig.92, 1) a trouvé sur le groupement des Allieux au Vauquois (55), sur un support de cuisson destiné à l’enfournement des sigillées, le graffite ]ALL[--, sans doute suivi de N ligaturé et d’un F. Ces deux marques renverraient ainsi à la même expression et au même atelier.

372

Chenet 1941, 120 et Galliou 1974, 16 précisant qu’elle viendrait de la zone dite des Allieux B, soit la partie orientale du groupement des Allieux.

373

Jigan et Halbout 1987, 45 ; Blaszkiewicz et Jigan 1994, 129.

374

Respectivement Blaszkiewicz et Jigan 1994, 129 et Jigan et Halbout 1987, 45 ; Gonzalez et al. 2006, 311 et fig.20, n°1.

375

Galliou 1974, 14-16 ; Blaszkiewicz et Jigan 1994, 129.

376

Blaszkiewicz et Jigan 1994, 129 et une autre de localisation imprécise en Normandie (Jigan et Halbout 1987, 45).

Fig.53 : La molette avec l’inscription CON observée sur des tessons des Allieux et d’Avocourt 3 (Brulet et al. 2010, 228, 231, 234 et 242), deux groupements de potiers distants de quelques kilomètres. Echelle 1/1

Fig.55 : La sigillée à inscription du site La Poulaine à Epiais-Rhus (95 ; Wabont et al. 2006, fig.201). Echelle indéterminée.

Ce timbre, inscrit sur deux lignes dans le même casier d’une molette, montre aussi que quelques ateliers tardifs ont une organisation et un statut similaires à ceux qui ont réalisé des sigillées durant le Haut-Empire, notamment en Gaule du Sud et du Centre (Bémont 2004, 108 et Genin 2007). En effet, l’emploi du terme OFF, précédé (ou suivi) d’un nom ou d’une abréviation d’un nom ou surnom est courant pour les estampilles de ces catégories. Il permet d’indiquer l’origine du produit et le nom du propriétaire de l’atelier – en revanche, cela ne signifie pas dire que le timbrage a été réalisé par celui-ci. Les lettres OFF renvoient au mot OFFICINA, officine ou atelier (Bémont 2004, 108 et Genin 2007, 275) et l’abréviation ALLN, vraisemblablement à un certain Allinus.

 Une quatrième estampille pourrait correspondre aux lettres présentes sur la molette NS1338 (dans le casier le plus à droite sur la Fig.54). Malheureusement, la lecture de ce timbre est incertaine et sa traduction est impossible. En outre, l’atelier ne serait pas argonnais car le timbre est uniquement présent en région parisienne (Van Ossel 2011, fig.7A).

 La dernière inscription sur sigillée d’Argonne ou sur imitation provient du Val-d’Oise et plus précisément d’un contexte daté entre 360 et 390 du site de La Poulaine à Epiais-Rhus (95 ; Wabont et al. 2006, 248-249). On y lit sur plusieurs registres décoratifs, entre des casiers à motifs géométriques, obtenus à l’aide d’une molette, le nom d’un certain Aspasius (ibid. : fig.201). Cependant, je me demande si ce nom n’est pas suivi d’un autre mot ou nom puisqu’il me semble que quelques lettres viennent après celui-ci (ASPASIUSIVN[ ; Fig.55).

D’après A. Pasquet (1996, 108), les derniers mortiers estampillés de Bourgogne (89) serait au début du IVe siècle. Malheureusement aucun nom n’est donné et aucune autre publication consultée ne m’a permis d’en connaître.

Les dernières productions estampillées du secteur de Lezoux (63) sont datées du courant du IVe siècle. Elles sont uniquement avérées sur des céramiques à revêtement argileux,

cuites en mode A. Seule une marque est connue, celle du potier ou du propriétaire d’atelier

LAE ou LAF (Bet et al. 1994, 44, note 10 ; Bet et Wittman 1996, 211). Celui-ci réalisait ou faisait réaliser des coupes Drag.37, puisque son nom a été découvert sur un fragment de moule, permettant de décorer ces formes.

A près de 150 km au sud-est du groupe précédent, se développe dans la région Rhône-Alpes une troisième catégorie céramique, dont une partie des individus est timbré (Fig.56) : la céramique allobroge (en dernier lieu Cantin et al. 2009). Néanmoins, la pratique de l’estampillage au sein de cette catégorie destinée au stockage et à la préparation des aliments, produite à partir du IIe siècle, s’estompe et disparait entre la fin du IIIe siècle et la première moitié du IVe siècle (ibid. : 291 et 315).

Quatre noms simples ou surnoms complets d’artisans et/ou de propriétaires d’atelier ont été identifiés pour la fin du IIIe siècle et la première moitié du IVe siècle (Cantin et al. 2009, 291 et 315 ; Fig.56, 1-31) : Catullus, Epagathus, Martinus, Noster. Toutefois, certains de ces noms sont aussi attestés pour des contextes plus anciens. Cette situation expliquerait la découverte pour chacun d’eux de différentes graphies. En effet, il est habituellement considéré qu’elles trahissent une longue période d’activité de l’artisan ou de fonctionnement d’un atelier appartenant à une même famille. Signalons enfin que quelques marques tardives anépigraphes sont aussi avérées à côté des précédents timbres (Fig.56, 32-34).

Même si aucun atelier produisant de la céramique allobroge n’a été fouillé pour l’Antiquité tardive, des analyses physico-chimiques et des prospections ont peut-être permis de localiser l’atelier de Noster à Aoste (38)377. Pour les autres noms, la documentation repose sur des contextes d’utilisation.

Néanmoins l’étude des timbres permet d’aborder la question de l’origine du nom des potiers ou des propriétaires d’ateliers : il semblerait que les noms de Martinus et Noster aient une origine italienne, alors qu’Epagathus serait issu du monde grec (ibid. : fig.11)378. Cependant, cette documentation ne permet pas d’affirmer que ces personnes sont originaires de ces contrées et donc que les déplacements des artisans seraient plus importants que celui apparaissant dans la correspondance d’Avitus et de son frère (voir supra). En effet, la moyenne vallée du Rhône est un secteur fortement romanisé car depuis la première moitié du Ier siècle av. J.-C., de nombreux colons de tout l’Empire s’y sont installés.

En revanche, la présence à la fin de la plupart des timbres des lettres F ou FE révèle que les sites producteurs ont vraisemblablement une organisation similaire à de nombreux ateliers du Haut-Empire, notamment comme ceux qui réalisaient des sigillées. En effet, ces lettres, qui correspondent à l’abréviation du verbe fecit, sont fréquentes dans les timbres apposés sur cette catégorie379. Signalons d’autre part que ce terme signifie aussi bien « faire faire » que « faire » ou « a fait » (Bémont 2004, 108 et Genin 2007, 275). Cependant, je pense que le verbe fecit correspondrait ici plutôt au sens de « a fait faire », comme cela semble être

377

Cantin et al. 2009, 309 ; Bertrandy et al. 2011, 53 et 88 et notice site 1086-02.

378

Aucune information n’est disponible pour Catullus.

379

Mayet 1984 ; Bémont et Jacob 1986 ; Provost et Mennessier-Jouannet dir. 1994, 120 ; Bémont 2004 ; Genin 2007, 275 ; Vernhet. In Gruat et al. 2011, 627-655.

notamment courant dans l’Est de la Gaule (Bémont 2004, 108) et d’autant plus, que la pratique de

Fig.56 : Les estampilles pouvant se rencontrer sur les céramiques allobroges entre la deuxième moitié du IIIe siècle et la première moitié du IVe siècle (Cantin et al. 2009, 332-338). En effet, certains noms peuvent être présents déjà sur des poteries du Haut-Empire. Echelle 1/2.

l’estampillage est relativement rare durant l’Antiquité tardive : seulement une centaine d’occurrences sont avérées, alors que pour le Haut-Empire, elles se comptent en plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires rien que dans les dépotoirs des grands ateliers (Genin 2007, 274-284). Catullus, Epagathus, Martinus, Noster pourraient ainsi être des propriétaires ou des patrons locataires d’ateliers, ou encore des commanditaires.

Les imitations de sigillées tardives à engobe rouge orangé ou brun, parfois grèsé, du

quart sud-ouest de la Gaule, attestées à partir de la première moitié du IIIe siècle, pour être

« plus courantes à la fin de ce même siècle » et « très certainement présentes au début du IVe siècle », pourraient être l’une des catégories de l’Antiquité tardive à posséder des estampilles (en dernier lieu Sireix et Convertini 2008b, 447-448). En effet, un contexte de la Cité judiciaire de Bordeaux, daté du IIIe / IVe siècle, a livré sur la face visible d’un fond annulaire (de Drag.46 ?), la marque VT[- -]ɅVIM, inscrite dans un cadre rectangulaire (Fig.57).

D’autres timbres tardifs contemporains seraient peut-être aussi à chercher parmi les jattes engobées marbrées et les mortiers en céramique commune du quart sud-ouest de la Gaule. En effet, ces productions, diffusées notamment depuis la région de Saintes (17 ; Baigl et al. 2012b) et de Siorac-de-Riberac (24380), sont attestées jusqu’aux IVe et/ou Ve siècles381 et proviennent des mêmes centres de production, qui estampillaient au Haut-Empire une partie de leur répertoire. Néanmoins aucun individu tardif avec un timbre n’a été pour l’instant identifié car les contextes de cette période sont peu documentés.

A une époque un peu plus tardive, entre la fin du IVe siècle et le VIe siècle, apparaissent

les céramiques engobées et poinçonnées tardives ou « dérivées de sigillées

paléochrétiennes (D-S-P) » avec rarement des timbres épigraphes (Rigoir et Meffre 1973 et

Soulas 1998 ; Fig.58 et Fig.59). Uniquement attestés pour l’instant en contexte d’utilisation, ils sont d’ailleurs spécifiques à une seule production, celle d’Aquitaine. Signalons à propos de l’ensemble de ce groupe céramique de Gaule méridionale, que les empreintes de poinçons géométriques, stylisés, voire figuratifs, ne sont pas des estampilles anépigraphes, mais des motifs décoratifs.

380

Sanchez et al. 2009 ; Gaudron 2014, 160 ; Sanchez et al. 2014, 206-207 ; notices sites 1495 et 1496.

381

Sireix et Convertini 1997, 324 ; 2001 ; 2008b ; Gauduchon 2014, 160 ; Sanchez et al. 2014, 20-207.

Fig.57 : Tesson d’imitation tardive de sigillées du quart sud-ouest de la Gaule (en premier lieu Sireix et Convertini 2001, fig.4-4). Echelle 1/2, sauf le détail de l’estampille (échelle 1/1).

Les inscriptions sur les D-S-P d’Aquitaine sont soit des lettres isolées, soit un ou plusieurs mots, disposé(s) en arc de cercle. La plupart comprennent des motifs figuratifs, comme un cerf (Fig.59), symbole christique (Guyon et Heijmans dir. 2001, 226).

Une grande partie d’entre elles correspondent semble-t-il à des termes ou des noms en dialecte local (Rigoir et Meffre 1973, 257). Ces éléments sont en outre difficilement déchiffrables car « le sens de l’écriture est incertain et variable » (ibid.).

Toutefois, certaines estampilles sont en latin et nous renseignent à travers leur lecture sur l’organisation des ateliers qui ont produit cette vaisselle de qualité et plus particulièrement sur les propriétaires. Par exemple, la marque « DOMINE », qui a été longtemps traduite « dans l’acceptation la plus haute du mot seigneur, celle attribuée à la divinité, sans que l’on s’étonne de voir nommer un Dieu qui n’est jamais représenté » renvoie vraisemblablement à « une autorité temporelle (propriétaire d’officine ?), n’étant pas exclu d’ailleurs que celle-ci ait pu être ecclésiastique » (ibid.), même s’il est évoqué qu’il suit la lumière de Marie. D’autre part, s’il s’agissait d’un signe religieux, décoratif, elle aurait été imprimée en grand nombre sur la panse du vase, comme les chrismes présents sur certains vases de cette catégorie (Fig.31, 10).