• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 Le modèle de fissuration par fatigue sous amplitude variable

2.3 Le modèle incrémental de propagation

2.3.3 Equations d’évolution du modèle

2.3.3.1 Loi de fissuration

L’émoussement plastique ρ mesure la déformation plastique en pointe d’une fissure. Compte tenu des hypothèses que nous avons faites sur la forme des champs ( 2-18), il peut être assimilé à

la partie permanente du CTOD (Crack Tip Opening Displacement). Il est accepté en général que le CTOD est le paramètre gouvernant la propagation de la fissure par fatigue sous amplitude monotone ainsi que sous amplitude variable [Masahiro 2004]. Le lien entre le CTOD et l’avancée d’une fissure a fait l’objet de plusieurs travaux proposant des scénarios de propagation à partir des observations fractographiques ([Laird 1967], [Pelloux 1969] et [Neumann 1969]). Nous présentons ici deux scénarios de propagation correspondant à deux mécanismes physiques différents.

L’observation des faciès de rupture par fatigue de matériaux ductiles révèle souvent la présence de stries perpendiculaires à la direction de propagation de la fissure (Figure 2-23a). [Laird 1967] et [Pelloux 1969] furent les premiers à expliquer l’apparition de ces stries par une succession d’émoussements et d’aiguisements dus à la plasticité. Pour comprendre le mécanisme de propagation de Laird on va suivre l’évolution des faces de la fissure pendant un cycle de fatigue (charge+décharge) (Figure 2-23b). Au début de la charge, le déplacement des faces se fait par une simple ouverture élastique. Quand le chargement augmente, une zone plastique apparaît en point de fissure et celle-ci commence à s’émousser au fur et à mesure de la montée en charge, cela s’accompagne de la création de nouvelles surfaces par plasticité. Au début de la décharge, la fissure se referme élastiquement, et comme les champs semi-lointains sont élastiques, à charge nulle, la déformation imposée à la zone plastique est nulle. L’extrémité de la fissure subit donc une déformation plastique en retour. Cette déformation se produit en bas du cycle lorsque la fissure est presque refermée et ne peut pas compenser exactement la déformation plastique qui s’était produite quand elle était largement ouverte. En outre, du fait des réactions chimiques avec l’air, les surfaces libres récemment créées sont irréversibles. La fissure se propage donc finalement d’une longueur approximativement égale au rayon d’émoussement. Pour ce mécanisme de propagation, l’extension de la fissure provient donc d’une déformation plastique cyclique à l’extrémité de la fissure et le comportement plastique cyclique du matériau joue donc un rôle important dans la propagation. [Vladislav et al. 2005] ont réussi à simuler ce mécanisme de propagation par Eléments Finis, les calculs ont été effectués sur une plaque fissurée en déformation plane et la loi de comportement utilisée est élastoplastique non endommageable. Un remaillage automatique autour de la pointe de fissure a été effectué à chaque incrément de calcul pour résoudre les problèmes de création de surface libre au niveau de la pointe de fissure.

(a) (b) Figure 2-23. Stries de fatique observées sur un faciès de rupture par fatigue (a) et mécanismes de

propagation par émoussement et aiguisement de la pointe (b)

Un autre mécanisme de fissuration par fatigue, basé sur un phénomène de succession de glissements plans à l’extrémité de la fissure a été proposé par [Neumann 1969] (Figure 2-24). Pour ce mécanisme, la fissure glisse alternativement sur un système puis un autre lors de la phase d’ouverture. A la décharge, une déformation plastique en retour se produit, mais les nouvelles surfaces crées lors de l’ouverture ne se résorbent pas du fait de leur interaction avec

l’environnement. La fissure s’étend donc d’une longueur qui dépend du cosinus de l’angle entre la direction du glissement et le plan de la fissure.

(a) (b) Figure 2-24. Mécanisme de propagation par glissement

Selon ces deux scénarios, on remarque qu’il existe un lien fort entre l’extension d’une fissure et l’ouverture de ses lèvres. La loi la plus célèbre qui lie ces deux grandeurs est celle du CTOD proposée par [McClintock 1967] et qui prédit la fissuration en amplitude monotone :

≈ ∆

da

CTOD dN

(2-23)

Pour un matériau élastoplastique parfait, ∆CTOD est donné par : = 2 ∆ 2 e K CTOD β R E (2-24)

Avec β un facteur de proportionnalité, E le module d’Young du matériau et Re la limite d’élasticité du matériau. Cette relation suppose une relation entre le ∆CTOD et la taille de la zone plastique. En effet le terme ∆K provient de la taille de la zone plastique. Ainsi l’exposant 2

de la loi de Paris est il trouvé égal à 2 avec cette hypothèse. [Nedbal et al. 1989] ont proposé une relation empirique entre l’avancée de la fissure et le pas de strie de fatigue, qui est proportionnel à l’émoussement plastique. Cette relation a été obtenue en divisant la vitesse macroscopique de propagation mesurée lors d’un essai de fissuration par la vitesse microscopique correspondant au pas de strie S mesuré sur le faciès de rupture (Figure 2-25).

Figure 2-25. Schéma de principe de la relation entre pas de stries et vitesses de propagation [Nedbal et al. 1989]

La courbe obtenue contient trois zones correspondant aux trois stades de la courbe de Paris. Dans la zone A, la vitesse macroscopique est inférieure à la vitesse microscopique puisque certains cycles ne font pas avancer la fissure (cycles stériles). L’extension de la fissure dans la zone B correspond approximativement à une strie par cycle, c’est la zone de validité de la loi de Paris. Dans la zone C, la vitesse de fissuration est supérieure à une strie par cycle puisque d’autres mécanismes de propagation entrent en jeu comme la déchirure ductile. La relation proposée par l’auteur dans la zone B est la suivante :

1

da

dN cte

S = ≈

(2-25)

La loi de fissuration proposée dans cette étude est basée sur la relation de [Nebdal et al. 1989] mais elle est donnée en fonction du temps plutôt qu’en fonction des cycles. Cette loi de fissuration est la suivante :

= > = − < α pendant la charge ( 0) α pendant la décharge ( 0) da dt dt da dt dt (2-26)

Avec α un paramètre matériau identifié à l’aide des résultats d’un essai de fissuration à amplitude constante. Pour connaître la vitesse de propagation d’une fissure soumise à un chargement quelconque, il suffit alors de connaître l’évolution de l’émoussement plastique ρ de sa pointe sous le même chargement. Cette évolution constituera la loi d’émoussement qui fera le sujet du paragraphe suivant…