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Se loger à Paris, à quel prix et pour combien de temps ?

Chapitre 3. APPORT DES ENTRETIENS À LA CONNAISSANCE DES PRÉCA-

2. Comment en vivre ? La sphère domestique à l’épreuve

2.6. Se loger à Paris, à quel prix et pour combien de temps ?

Nous avons abordé le problème du logement à Paris ou en petite couronne en ayant en tête quelques résultats de sociologie urbaine. Ainsi, la remarque de Christian Topalov selon laquelle :

« Les travailleurs dont l'emploi est précaire – quel que soit leur niveau de qualification et de salaire – doivent donc habiter aussi près que possible des ateliers et des usines, souvent inextricablement mêlées aux habitations ouvrières », tandis que (51) « la migration des travailleurs des bureaux et des ouvriers "respectables" vers de nouvelles banlieues exclusivement résidentielles est rendue possible autant, sinon plus, par la stabilisation de leur emploi que par des revenus plus élevés et l'apparition des transports de masse. » (Topalov, 1994, p. 50)

De ce point de vue, on pourrait s'attendre à ce que le choix, par nos interviewés, de résider près du centre de Paris malgré le niveau des prix corresponde à leur position indéterminée sur le marché du travail : il leur est nécessaire de pouvoir se rendre aussi largement que possible sur le bassin de tra- vail parisien. Cette suggestion est à rapprocher des résultats d'Edmond Préteceille qui, à partir d'analyses des correspondances appliquées à la composition sociale des différents quartiers (IRIS) de la région parisienne, observe :

« Une opposition entre précaires et indépendants, qualifiés ou non, d'une part, et classes moyennes salariées stables, d'autre part. Cette opposition entre catégories est aussi une opposition entre zones géographiques. Les IRIS les plus extrêmes et qui ont les plus fortes contributions appartiennent en effet, du côté du premier groupe de catégories, à des quartiers parisiens, ainsi qu’à la Seine-Saint-Denis, et, du côté du second, à des communes de la deuxième couronne de banlieue. » (Préteceille, 2003, p. 12)

Autrement dit, les statuts d'emploi précaires tendent à attirer vers le centre de la capitale et vers la Seine-Saint-Denis, tandis que la stabilité d'emploi permet de s'en éloigner. Ces résultats nous invi- tent à accorder une attention particulière au rapport, dans les choix résidentiels des interviewés, entre les quartiers qu'ils privilégient et leur position sur le marché de l'emploi. Préteceille va jusqu'à proposer une typologie des espaces parisiens selon leur composition sociale, où nous reconnaissons à la fois les professions et les statuts d'emploi qui sont au cœur de notre recherche, et les quartiers où nous avons rencontré la plupart d'entre eux :

« Le deuxième type, SAP, espaces des professions artistiques, des professions libérales et professeurs et

des précaires qualifiés, présente la deuxième densité pour les professions de l’information, des arts et du spectacle, pour les précaires et chômeurs cadres et pour les indépendants des professions intermédiaires.

Il présente aussi la densité record pour les précaires et chômeurs des professions intermédiaires. Les professions libérales, les professeurs, les commerçants, et, dans une moindre mesure, les cadres de la Fonction publique, sont bien présents. Les autres professions intermédiaires sont sous-représentées. Parmi les employés et ouvriers, seuls les personnels de service sont sous-représentés. Ce type est un peu en retrait sur le précédent quant au poids des catégories supérieures (34,4 %) et les catégories populaires y sont un peu plus nombreuses (35,6 %). Il rassemble presque exclusivement des IRIS de Paris (189). Ceux-ci sont très regroupés géographiquement, dans une bande continue orientée du nord-ouest au sud-est, qui va du sud-est du 17e

au sud-est du 11e, qui fait une zone de transition entre le Paris nettement plus bourgeois qu'elle longe, au sud-ouest, et le Paris plus populaire au nord-est. On trouve aussi d'assez nombreux IRIS de ce type, plus

dispersés, dans les 19e et 20e arrondissements. Notons que les IRIS de ce type SAP sont pratiquement les seuls IRIS supérieurs, avec quelques IRIS du type précédent, SCI, à être présents dans les arrondissements du nord- est de Paris, 18e, 10e, 11e, 19e, 20e. » (Préteceille, 2003, pp. 28-28).

Cependant, avant même la localisation, se posait pour nos interviewés la question de l'accès au mar- ché de l'immobilier :

« Quand tu n’as pas de contrat, c’est très difficile de trouver un truc, quoi. Puis, tout ce qu’on a eu sur Paris, c’était… ce n’est pas possible, quoi. Tout simplement. »

« Oh, j'ai envie de déménager souvent, » déclare Solène, qui partage avec son compagnon un appar-

tement, certes dans le 4e arrondissement, mais de vingt-deux mètres carrés :

« Je fais des visites souvent là toutes ces années, je rêve beaucoup sur le site du PAP en me disant que ça va être mieux, qu'on va avoir de la lumière, de l'espace, qu'on va avoir enfin un T2 avec une machine à laver, […] Et donc je visite des choses, mais notre dossier ne passe jamais, Nnotre dossier est refoulé tout le temps, parce que tu fais une file d'attente et il y a trente personnes voire cinquante dans les escaliers, les propriétaires te rient au nez, parce qu'en plus mon copain il est étranger donc il faut qu'il ait des garants en France, donc c'est un peu une contrainte quand même. Lui, il a pas vraiment un contrat à temps plein mais il a plusieurs contrats, donc il y a pas de nombre d'heures tu vois c'est des missions, donc pour un propriétaire c'est pas du tout rassurant, et on nous demande de gagner trois fois le montant du loyer ; [...] je cherche vraiment depuis des années, j'ai envie de partir, je rêve de trouver autre chose, mais pas beaucoup plus cher et je ne trouve jamais en fait.

- Et toujours à Paris ? - Ouais toujours à Paris.

- Mais à Paris intra-muros ou province, banlieue... ?

- [...] Ben le truc aussi, la contrainte, c'est que moi je suis en recherche de travail donc je ne sais jamais où

je vais travailler, donc je préfère choisir un lieu central, et aussi que mon copain travaille dans les quatre

coins et même en banlieue, même assez loin. Donc il utilise toutes les lignes donc nous en étant dans le Sentier, ben il peut aussi bien utiliser les lignes des Grands Boulevards que les lignes des Halles que Saint-Lazare qui est pas très loin, donc ce serait pas possible. Moi, dans l'idéal, j'aimerais bien le 19 ou le 20e, je trouve que c'est des quartiers qui ont beaucoup d'âme. Mais après, voilà, pour aller bosser c'est quand même plus excentrique. Voilà. »

(Solène, urbaniste, 32 ans)

Cependant, des statuts formellement instables peuvent, moyennant aussi, sans doute, un certain ni- veau de revenu, ne poser aucune difficulté du point de vue des propriétaires :

« Quand j’ai été recrutée au [institut public] en 2002, comme tout le monde était en CDD, que la loi de 2005 n’était pas encore passée, c’était très facile à l’époque de dire à une banque : de toutes façons, c’est assimilé fonctionnaire. Si on voulait acheter par exemple. Et c’est ce qui s’est passé : j’ai acheté ma maison en 2002, et depuis, je ne me pose plus de problème de logement. »

(Tatiana, économiste d'instituts publics, 40 ans).

Le rapport entre situation d’emploi et statut vis-à-vis du logement peut aussi prendre la forme du paradoxe souligné par Delphine (qui bénéficiait d’un soutien parental) :

« Moi, je suis issue d'un milieu plutôt bourgeois, et j'ai toujours vécu soit à Paris soit en banlieue parisienne, [...] Donc, je dirais que jusqu'au moment où j'ai été journaliste, ben mes revenus suffisaient largement à me loger, bon peut-être parce que j'avais pas non plus la folie des grandeurs. En revanche, quand [...] j'avais mis beaucoup d'argent de côté quand j'étais à Bruxelles, parce qu'on avait des salaires un peu obscènes [...] et donc là j'avais un apport et j'ai pu m'acheter un studio. Donc en fait, je suis propriétaire depuis 2006. Et je vous avoue que j'ai acheté parce que j'avais pas les moyens de louer, c'est-à-dire que quand je suis devenue journaliste, mon revenu n'étais pas suffisant pour louer la surface que j'ai pu acheter, parce que j'avais la chance d'avoir économisé, d'avoir été aidée par mes parents, pour l'apport, donc avec ce que moi j'avais économisé. Donc en gros, je pouvais me payer un studio. Donc c'est ce que j'ai fait. Donc c'est vrai que c'est un peu contradictoire, parce que, du coup, je suis smicarde mais je suis propriétaire d'un studio à Paris.

[...] Je savais aussi que c'était pratique pour les transports par rapport à mon boulot, la majorité des événements sont dans la moitié ouest de Paris, donc je savais que, si j'allais vers Nation ou plus au nord, j'allais me taper beaucoup de transports, et pour avoir été banlieusarde toute ma période d'étudiante, le RER j'ai bien donné. Donc j'étais, j'aspirais vraiment à vivre dans Paris. Ça c'est vrai que pareil, voilà c'est des choix, après faut les assumer, mais moi j'étais prête à mettre des sous pour être dans Paris et avoir moins d'espace. »

(Delphine, journaliste pigiste d'entreprise, 39 ans)

De même pour Mirabelle, elle aussi pigiste, qui est devenue précocement propriétaire, et à qui la hausse des prix dans le quartier en pleine gentrification où elle s’était installée a permis de réaliser

une plus-value considérable39. Elle aussi se trouvait plus facilement éligible pour un prêt immobilier

que pour une location :

« Et pour l'achat de l'appartement ?

- Ça a été un crédit total, j'avais zéro euro d'apport personnel, et mes parents se sont porté caution. On m'a accordé un prêt à un taux prohibitif, puisque c'était un truc genre 5,5 %. Mais à l'époque, j'aurais pas trouvé à me loger moi-même en disant que j'étais une jeune pigiste qui sortait de l'école, incapable de dire combien elle allait gagner le mois suivant, j'aurais pas fait le poids face à d'autres candidats au profil plus solide que le mien. Donc, si j'ai acheté en 2003, c'était avant tout pour me loger moi, et aussi dans l'idée de suivre le principe de l'épargne forcée qui vous oblige à rembourser chaque mois. Mais au bout du compte, vous êtes propriétaire et, dans le meilleur des cas, l'appartement a pris de la valeur et ça vous fait un patrimoine pour acheter quelque chose de plus grand. Effectivement, c'était un très bon calcul, puisque j'ai acheté cet appartement il y a huit ans 86 000 euros, pour un deux-pièces de vingt-six mètres carrés à Gare de l'Est, et je viens de le revendre 225 000 euros huit ans plus tard. Mais j'ai pas fini de rembourser le crédit, j'aurai un impôt à payer sur la plus- value, mais je dégage quelque chose comme 135 000 euros de plus-value, alors qu'il y a huit ans j'avais pas un kopek en poche. C'est comme si ça m'avait forcé à épargner 135 000 euros. Ça c'est une très très bonne chose que j'ai faite. Mais aujourd'hui, un pigiste qui sort de l'école ou qui débute, s'il voulait acheter la même chose ça lui coûterait plus de 200 000 euros et là, les banques lui prêteraient pas sans apport personnel. Moi j'avais pris un crédit sur vingt ans. Donc pour le logement, je remboursais 600 euros par mois. »

(Mirabelle, pigiste diplômée, 34 ans)

En l’absence d’emploi stable, le logement devient ce qu’il s’agit de conserver à tout prix, et ce dont on risque d’être évincé : « Moi, je risque pas d'être viré, je risque juste de dire à ma copine : “là, je peux pas payer le loyer” », s’inquiète ainsi Gaspard (assistant réalisateur et photographe, 44 ans), à qui il arrive de ne presque rien gagner.

Certains quartiers sont sélectionnés parce qu’ils permettent de vivre alternativement selon différents modes de dépenses, dépendant eux-mêmes des épisodes de travail.

« Ça s'est fait un peu en fonction de ce que on trouvait mais […], c'est entre Jules Joffrin et Marcadet- Poissonnier. Donc c'est vraiment le nord de Paris, c'est entre Barbès et un quartier plus bobo qui est Jules Joffrin, plus Montmarte machin, c'est au pied de la butte. C'est de l'ancien, c'était important pour nous un immeuble Hausmann, avec du parquet quoi [rire] un truc con mais, et c'est un quartier qu'on aime, qui est vraiment agréable parce qu'il est mixte malgré tout, encore, socialement. Et je vais dire… ça va ensemble pour moi, ethniquement, grosse population africaine, beaucoup d'Indiens, donc ça c'est important pour nous, de pas avoir l'impression d'être dans un ghetto quel que soit le sens. Ménilmontant c'était plus, c'était plus triste, ça a changé depuis, mais Ménilmontant à l’époque, si tu veux c'est con mais là dans le 18e, un jour où t'as pas de fric, et ça va avec notre truc d'intermittents, c'est que le jour où t'as pas de fric, tu peux aller t'acheter de la

bouffe pas cher, et le jour où t'as un peu plus, t'as de l'offre avec une boucherie et de la bonne viande. À

Ménilmontant il y avait vraiment que le truc de prolo pas cher, très limite, et qui était un peu tristou quoi, c'est vrai que là, le fait d'avoir ces deux trucs-là ça te permet d'alterner. Un jour, tu prends ta bouteille de vin au

leader price et un jour, tu la prends chez ton caviste. »

(Léo, réalisateur, 27 ans)

Nous avons vu plus haut les avantages que certains tiraient de la vie dans la capitale (voir 2.3). D'autres avantages ressortent des entretiens. Ainsi, Joséphine, qui admet qu'elle n'aurait pas pu vivre à Paris si elle n'était pas parvenue, à force d'insistance (« j'allais voir l'adjoint au Maire, tous les mercredis je les harcelais, j'allais sur place, etc. ») à obtenir un logement en HLM à quatre cents euros de loyer mensuel, valorise Paris pour la tolérance qui y est possible, tant du point de vue des pratiques culturelles que de la liberté amoureuse :

« Je trouve que, au moins dans les grandes villes, on se sent pas un zombie quand on a une vie un peu différente, c'est-à-dire qu'on n'a pas d'enfants, qu'on fréquente pas forcément, je sais pas. Moi, j'ai 46 ans, j'aime bien l'électro, j'ai été à un concert d'éléctro, y avait que des mecs de 25 et 30 ans, y avait pas de gens de mon âge quoi, bah à Paris on peut trouver des endroits où y a une espèce de brassage dans le public assez original. Voilà, on est pas tous sur le même mode et on vit pas les mêmes choses, quoi. Et on s'engouffre pas forcément dans la même

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Des personnes au profil professionnel proche convertissent parfois les investissements immobiliers où ils ont été poussés par nécessité en placements fructueux. Anaïs Collet décrit le cas extrême d’une femme qui, d’achat d’appartement à Montreuil en rénovations et en reventes, se professionnalise dans l’immobilier, en commercialisant notamment son sens des quartiers en voie de transformation (Collet, 2008, 139).

trajectoire sociale et familiale, on peut exister et être épanoui sans être comme tout le monde. On peut se singulariser sans être regardé : "elle doit avoir un problème, t'as vu, elle est tout le temps toute seule, elle est bizarre, t'as vu comment elle s'habille, elle rentre tard le soir, à ton avis elle a fait quoi, […] elle a des drôles de fréquentations, le mec t'as vu il est passé chez elle, et puis y a deux jours c'était un autre [...]" Enfin bon voilà, y a pas ça à Paris, on peut être libre, on peut s'habiller comme on veut, on peut fréquenter qui on veut. »

(Joséphine, cadre associative en CDD, 46 ans)

Que ce soit en raison de tels avantages ou des opportunités indissociablement relationnelles et profes- sionnelles offertes par Paris, certains interviewés, tels Daniel, affirment résolument leur attachement :

« Je préférerai toujours un tout petit espace dans Paris qu'un très grand en banlieue. » (Daniel, journaliste, conseiller politique, 42 ans)

Pourtant, l’extrême fatigue ressentie au détour de la quarantaine par cet « intello-précaire » revendiqué l’a amené à briguer un poste stable en province, moins prestigieux que les possibilités qu’il peut entretenir à Paris, mais moins fatiguant aussi. Daniel rejoint ainsi les quelques interviewés qui envisageaient de quitter Paris. Les hésitations de Gaspard entre partir à Berlin, en banlieue ou « à la campagne » reflètent bien les possibilités envisagées dans les interviews :

« La vraie discussion, c'est payer mon loyer, et ce serait génial qu'on puisse avoir d'autres discussions. [...] Ce serait génial qu'on puisse parler d'autre chose. [...] Alors c'est pour ça qu'il y a pas mal de Français qui

sont partis à Berlin40. Alors maintenant, Berlin est en train d'augmenter ses loyers, ça y est, mais c'est pour ça qu'une grosse partie des gens sont partis là-bas. Effectivement, je reviens à chaque fois sur le truc, qu'est-ce qu'on veut, si on doit partir, partons, mais quelque part si tout le monde part alors après on va nous dire : “ouais, il y a que les cons qui sont restés à Paris” [rire]. Vous êtes des lâches, vous êtes partis. Ouais OK, on veut bien rester quoi, mais payer un loyer de 1 000 euros, si on veut un enfant il faudrait qu'on trouve une

surface avec peut-être une pièce en plus, et là ça va être 1 500 euros. Comment est-ce qu'on fait pour trouver 1 500 euros par mois ?

- Ou alors est-ce qu'il faut aller dans le 93 ? -Voilà, ou est-ce qu'il faut aller dans le 93 ? - Ce serait vraiment une possibilité ?

- Après on est des snobs, on est restés à Paris, on est des sales snobs, voilà, c'est sûr. Si on est à Paris, c'est pour être au milieu de Paris, voilà, on était habitués à ça. Effectivement pour des gens comme nous on

devrait, on est plus dans le créneau aller dans le 93 trouver un truc. Ça veut dire trois quarts d'heure de

transport aller-retour, minimum [...] Moi je serais plus à partir au milieu de la campagne, voilà ça correspond plus… à mes besoins de réflexion, de tranquillité, et d'envie de vert. Donc effectivement, on est dans cette discussion là avec ma compagne et voilà je pense que c'est une question qui va se précipiter petit à petit si on a envie de se reproduire.

- L'idéal serait de trouver une petite ville avec un endroit où vous auriez de l'espace pour pas trop cher ? - [...] Ouais, je pense qu'internet permet davantage qu'avant de se barrer.

- C'est ça, le genre d'alternative?

- Si les loyers commencent à augmenter, continuent à augmenter et je vois pas pourquoi ils s'arrêteraient, sauf si c'est le Parti communiste qui passe en 2012, mais le Parti communiste est mal barré. Euh, c'est clair que soit l'ensemble des revenus augmente, soit le Smic augmente, soit quelque chose augmente, mais si rien ne bouge, c'est sûr qu'on est barrés [...] Mais je pense que voilà Paris, soit d'un seul coup il y a un truc miraculeux qui arrive, soit si ça bouge pas on va devoir se barrer. Donc voilà, on se demande si Paris nous aime encore. » (Gaspard, assistant réalisateur et photographe, 44 ans)

Ainsi, le logement est l’un des points sur lesquels se cristallisent le plus violemment les tensions liées à l’exercice hors emploi stable d’activités intellectuelles, mais aussi les inégalités sur le plan des ressources avec lesquelles les individus sont entrés dans la vie professionnelle. Si certains inter-

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Une de nos interviewées, comédienne et jeune mère, venait de sauter le pas au moment où nous avons pris contact, et l’entretien développe les raisons de son départ : même si elle s’attend à gagner un peu moins, les loyers de Berlin sont moins chers, les frais de garde d’enfants aussi ; la vie y est moins stressante, et elle sera délivrée des corvées administratives liées, entre autres, à l’intermittence.