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III- Les Néphrocystines, des protéines multitâches

III.1. Localisation et fonction non ciliaire exclusive

Même si la protéine MAPKBP1 est l’une des rares protéines non ciliaires reconnues pour son implication dans la NPH (Macia et al., 2017), bien d’autres protéines NPHP et IFT présentent une localisation ciliaire non exclusive. Ainsi, les NPHP ont pu être notamment retrouvées au centrosome, aux pôles du fuseau mitotique au cours du cycle cellulaire, aux jonctions cellulaires comme NPHP1 et NPHP2 ou encore associées aux microtubules comme IFT54, ou IFT139 (cf Figure 13: Localisation extra-ciliaire des protéines impliquées dans les ciliopathies.).

III.1.1. Jonctions cellule-cellule

Plusieurs NPHP ont été retrouvées au niveau des jonctions cellulaires, notamment NPHP1, NPHP2/Inversine, RPGRIP1L, NPHP4, ou encore SDCCAG8 (Donaldson et al., 2000; Mollet et al., 2005; Otto et al., 2005; Sang et al., 2011a; Simons et al., 2005). Il a en effet été montré que NPHP1 et NPHP4 co-localisent et interagissent avec et les protéines responsables de la polarité apico-basales PALS1, PAR6 et PATJ au niveau des jonctions cellulaires (Delous

et al., 2009a) (cf Figure 13: Localisation extra-ciliaire des protéines impliquées dans les ciliopathies.). Ainsi, il n’est pas étonnant d’observer un retard dans la formation des fonctions cellulaires et des défauts d’établissement de la polarité apico-basale dans les cellules épithéliales mIMCD3 et MDCK lorsque celles-ci sont déplétées pour les protéines NPHP1/4 et 8 (Delous et al., 2009b; Sang et al., 2011a).

De plus, les protéines NPHP1 et NPHP4 interagissent également avec les protéines impliquées dans la régulation des adhésions focales, pyk2, tensine et p130Cas (Benzing et al.,

100 | P a g e 2001; Mollet et al., 2005). Le rôle des NPHP dans l’organisation du cytosquelette sera alors souligné par l’activation anormalement élevée de Pyk2 et p130Cas en cas de déplétion de NPHP4 ou de surexpression de NPHP1, entrainant un remodelage du cytosquelette d’actine (Liebau et al., 2011; Mollet et al., 2005). De façon intéressante, une inactivation de Pyk2 dans un modèle murin réduit drastiquement la fibrose rénale induite après une occlusion urétrale (Sonomura et al., 2012). La présence des protéines ciliaires NPHP1-NPHP4-NPHP8 et INVS aux jonctions cellulaires souligne leur rôle dans le maintien de l’intégrité de l’épithélium rénal et suggère que la régulation des voies de signalisation par ces protéines, telle que la voie WNT, serait dûe à leur localisation au niveau du cil primaire mais également aux jonctions cellulaires (Mahuzier et al., 2012). Par ailleurs, les protéines ciliaires régulant l’organisation du cytosquelette d’actine pourrait influencer la ciliogenèse comme discuter au paravant (cf Cytosquelette et cil).

III.1.2. Aux microtubules

Comme vue précédemment, les mutations dans les gènes impliqués dans la NPH offre une grande diversité de phénotypes. Particulièrement, des patients porteurs d’une mutation homozygote p.P209L du gène TTC21B/NPHP12 codant pour l’IFT139, impliquée dans le transport rétrograde, présentent une NPH associée à une glomérulopathie de type hyalinose segmentaire et focale (HSF) (Cong et al., 2014; Davis et al., 2011). Ces lésions glomérulaires retrouvées dans le syndrome néphrotique, sont souvent causées par des mutations dans des gènes codant des protéines régulant le cytosquelette d’actine et de microtubule au niveau des cellules glomérulaires appelées podocytes (Machuca et al., 2009). Ainsi, IFT139 localisée au cil primaire des podocytes immatures, se relocalise au niveau du réseau de microtubules cytoplasmiques dans les podocytes matures non ciliés. De fait, la déplétion d’IFT139 entraine une désorganisation du réseau de microtubules et un défaut de nucléation de ces derniers (Cong et al., 2014).

Ce double rôle ciliaire et dans l’organisation des microtubules cytoplasmiques à également été observé pour une autre protéine IFT, IFT54. IFT54, codée par le gène

TRAF3IP1, est un membre du complexe des IFTB connue pour interagir avec la protéine

microtubulaire TRAF3 (facteur associé au récepteur du TNF3) (Ling and Goeddel, 2000; Morris et al., 2003). Des mutations de TRAF3IP1 ont été identifiées chez des patients atteints de NPH associée à une atteinte rétinienne (Bizet et al., 2015). Ces mutations perturbent l’interaction de IFT54 avec la protéine MAP4 (Microtubule associated protin 4) , protéine connue pour stabiliser les microtubules (Bizet et al., 2015; Ghossoub et al., 2013; Holmfeldt et

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al., 2009), et provoque sa fixation anormale aux microtubules. Ainsi, les mutations TRA3IP1

entrainent une stabilisation anormale des microtubules cytoplasmiques conduisant à des défauts de polarité cellulaire dans les cellules tubulaires rénales et les reins de patients (Bizet

et al., 2015).

III.1.3. Au niveau des mitoses

Comme le cil primaire, les pôles du fuseau mitotique sont des structures microtubulaires. Ces deux éléments cellulaires sont aussi tous les deux différenciés à partir des centrosomes et partagent dans leur composition un certain nombre de protéines telle que NPHP2/Invs (Morgan et al., 2002), NPHP4 (Mollet et al., 2005) et plusieurs IFT dont IFT20 (Follit et al., 2006), IFT71 (Iomini et al., 2004), IFT52 (Deane et al., 2001) et enfin IFT88 (Robert

et al., 2007). Parmi celles-ci, IFT88 est l’IFT qui a été la plus étudiée au niveau des pôles du

fuseau mitotique. Le rôle d’IFT88 au niveau du processus mitotique a été mis en évidence via son interaction avec la dynéine-1 permettant alors le transport et la nucléation des microtubules périphériques au niveau pôles du fuseau mitotique. L’invalidation d’IFT88 désorganise donc les pôles du fuseau mitotique induisant des défauts d’orientation des mitoses tant in vitro qu’in vivo (Delaval et al., 2011). Ces défauts d’orientation des mitoses ne sont pas sans rappeler la théorie de formation des kystes évoquée plus haut (cf La voie Wnt) et pourrait alors relier une nouvelle fois le rôle non ciliaire des NPHP à la pathologie. Cette hypothèse est soutenue par le fait que l’invalidation d’IFT88 chez le poisson zèbre conduit à des défauts de convergence extension (PCP) se traduisant chez l’animal par des anomalies de croissance antéro-postérieure (McIntyre et al., 2012) (cf Figure 13: Localisation extra-ciliaire des protéines impliquées dans les ciliopathies.).

III.1.4. Au niveau du trafic vésiculaire

Les défauts de polarité apico-basales dans les cellules tubulaires rénales invalidées pour les gènes NPHP sont prépondérants. Le trafic intracellulaire est nécessaire à l’établissement de la polarité apical, comme cela est le cas pour la protéine membranaire AQP2 (Moeller et al., 2018), et par conséquent certaines NPHP pourraient être impliquées dans ce mécanisme. L’IFT54, par exemple, pourrait exercer un rôle redondant à celui de la septine-2. En effet SEPT2 inhibe la liaison de MAP4 aux microtubules de façon similaire à IFT54, et maintient la polyglutamylation des microtubules permettant alors le transport de protéines nécessaires à l’établissement de la polarité apico-basale depuis l’appareil Trans- Golgi (TGN) vers la membrane plasmique (Bizet et al., 2015; Spiliotis et al., 2008).

102 | P a g e Cette hypothèse est renforcée par le fait qu’IFT54 interagit avec IFT20 (Follit et al., 2009), une protéine IFT B localisée à l’appareil cis-Golgi qui participe à l’adressage de protéines ciliaires au cil (Follit et al., 2006). L’invalidation modérée d’IFT20 affecte la physiologie ciliaire en impactant le transport de polycystin-2 du golgi au cil primaire (Follit

et al., 2006). De plus, une mutation dans le gène PIK3R4, codant pour la protéine VPS15,

impliquée dans l’autophagie et le trafic membranaire (Lindmo et al., 2008; Volinia et al., 1995), impacte la localisation ciliaire d’IFT20 et conduit à un phénotype de ciliopathie (Pampliega et

al., 2013; Stoetzel et al., 2016).

Cette interaction et localisation avec l’appareil de golgi donne à IFT20 des rôles extraciliaires importants, comme son rôle dans la sécrétion de collagène (Noda et al., 2016). Dans un type cellulaire spécialisé, les cellules immunitaires, IFT20 exerce encore une fois un rôle dans le trafic intracellulaire indépendamment de son rôle de transport intraflagellaire. Il a en effet été démontré que l’absence d’IFT20 perturbe le recyclage du complexe TcR/DC3 au niveau de la synapse immunologique, conduisant à une accumulation de ce complexe pouvant induire de potentiels syndromes immunitaires chez les patients (Finetti et al., 2009).

Avec ces exemples un lien direct ou indirect peut être établi entre des protéines comportant un double rôle ciliaire et de trafic cellulaire notamment via IFT54. Ainsi, le rôle non ciliaire des protéines ciliaires, telles que les NPHP et les IFT, et leur impact sur les phénotypes dits « ciliaires » observés dans les ciliopathies ne semblent plus à négliger.

III.1.5. DDR

Un autre mécanisme cellulaire impliquant plusieurs protéines de ciliopathies rénales est la voie de signalisation de réponse aux dommages causés à l’ADN (DDR pour DNA Damage Response). Cette voie comporte comme principaux acteurs ATM (Ataxia telangiectasia mutated) et ATR (Rad3-related protein) conduisant tous les deux à l’arrêt du cycle cellulaire (Bartek and Lukas, 2003). L’ATM est activée suite à une cassure double brin de l’ADN (DSB pour Double Strand Break) tandis qu’ATR est liée aux défauts et erreurs de réplication (Cimprich and Cortez, 2008).

Parmi les gènes dont les mutations aboutissent à des défauts de DDR, on retrouve les gènes ZNF423/NPHP14, CEP164/NPHP15 et MRE11, responsables d’ une NPH associée à un

situs inversus, de malformations du cerebellum et/ou d’une fibrose hépatique et pulmonaire

(Chaki et al., 2012). Ainsi que SDCCAG8/NPHP10, NEK8/NPHP9 et MAPKBP1/NPHP20 mutés respectivemant dans des syndromes de Bardet-Biedl et des NPH infantile ou

103 | P a g e hypodysplasies rénales kystiques et NPH tardives (Grampa et al., 2016; Macia et al., 2017; Schaefer et al., 2011).

Ainsi, dans les cellules mutées ou invalidées pour ces gènes, il a été observé une augmentation du marquage ᵧH2AX, un marqueur des DSB de l’ADN, cohérent avec une altération de la réponse au DDR. (Airik et al., 2016; Choi et al., 2013; Kuo and Yang, 2008; Macia et al., 2017; Sivasubramaniam et al., 2008).

ZNF423 code pour une protéine à doigts de zinc qui se localise au niveau nucléaire.

De façon intéressante, ZNF423 peut se lier à la protéine PARP1, qui elle est capable de recruter les protéines MRE11 et ATM en cas de lésion de l’ADN (Satoh et al 1992). Comme évoqué précédemment, MRE11 est un élément essentielle à la DDR, par son implication dans le complexe Mre11-Rad50-Nbs1 (MRN) qui se lit aux cassures doubles brins et participe à la réponse médiée par ATM que ATR (Lafrance-Vanasse et al., 2015; Lamarche et al., 2010; Rein and Stracker, 2014). On notera qu’en cas de lésions DSB ou de stress au niveau de la réplication, CEP164 localisée au niveau des centrioles, peut être phosphorylée au niveau de sa Ser186 et relocalisée au noyau où elle est requise pour la phosphorylation de ᵧH2AX, CHK2 et RPA (Sivasubramaniam et al., 2008). Ainsi la perte de fonction du gène cep164 chez le poisson zèbre entraine une réponse aux dommages à l’ADN altérée (Chaki et al., 2012). Cependant une étude plus récente tend à démontrer l’absence d’implication de CEP164 dans la réponse aux dommages à l’ADN. En effet la déplétion de cep164 dans des cellules de poulet (DT40) ou sa mutation dans des cellules rétienienne humaine (RPE1) n’entraine pas de sensibilité accrue aux dommages à l’ADN en réponse aux rayonnements ioniques ou ultraviolets (Daly et al., 2016). Ainsi le rôle principal de CEP164 dans l’établissement de la ciliogenèse n’est pas remis en question contrairement à son rôle secondaire dans la réponse aux dommages ADN qui pourrait être un artefact issus des défauts entrainés par l’absence de cil primaire (Chaki et al., 2012; Daly et al., 2016; Sivasubramaniam et al., 2008).

Le modèle murin Sdccag8-/-, quant à lui, a montré un blocage anormal du cycle

cellulaire des cellules présentants une hyperactivation d’ATM associée à l’élévation du niveau de ᵧH2AX (Airik et al., 2016).

Finalement, la protéine NEK8 semble intervenir à différent niveau dans la régulation du processus de DDR, notamment en se liant au système de phosphorylation d’ATR et au complexe Cyclin A-CDK2, mais aussi en recrutant la protéine RD51 au niveau de la fouruche de réplication de l’ADN permettant ainsi sa protection (Abeyta et al., 2017; Choi et al., 2013).

104 | P a g e Ainsi, NEK8 joue un rôle crucial dans la régulation des dommages à l’ADN via son rôle dans la réparation mais également dans la protection. Les défauts de la voie de DDR entrainent uneaccumulation de lésions de l’ADN qui conduit à une apoptose anormale chez les patients mutés pour NEK8 et atteints d’hypodysplasie et agénésie rénales (Grampa et al., 2016).

Toutes ces études tendent à montrer le lien existant et cohérent avec la pathologie entre DDR et NPH. En effet, les patients NPH présentent des reins de taille normale voir diminuée, avec des tubes atrophiques observables en histologie. Ainsi un niveau de cellules apoptotiques anormalement élevée a été observée dans plusieurs modèles et patients atteint de NPH (notamment les patients porteurs de mutations NPHP1) (Grampa et al., 2016; Wang et al., 2018; Wodarczyk et al., 2010; Zhou et al., 2012).