• Aucun résultat trouvé

I. 1.1.2.3 Néphronophtise tardive

I.2. Génétique de la néphronophtise

I.2.2. Hétérogénéité phénotypique, une relation phénotype-génotype

Comme vu précédemment, les phénotypes liés à la NPH, et plus généralement aux ciliopathies, peuvent être très variés. La multitude de gènes impliqués, leur modèle d’expression spatio-temporel et la nature des mutations contribuent à cette variabilité phénotypique, qui se traduit par une variabilité dans l’âge d’apparition et la sévérité des phénotypes rénaux, mais surtout extra-rénaux (cf Figure 3: Corrélation phénotype/génotype dans les ciliopathies).

Il existe des corrélations entre le génotype et le phénotype au sein de la NPH. Par exemple, certains gènes comme NPHP1 ou NPHP4 sont préférentiellement impliqués dans les formes juvéniles de NPH avec une IRT à 13 ans en moyenne (Hildebrandt et al., 1997b; Saunier et al., 1997). D’autres, comme NPHP2/INVS ou NEK8/NPHP9, le sont dans les formes infantiles (Haider et al., 1998; Otto et al., 2003). Tandis que certains gènes, comme NPHP1, sont davantage associés à des formes isolées (80% des cas), d’autres gènes sont préférentiellement impliqués dans des formes syndromiques, comme INVS/NPHP2 avec les

REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

44 | P a g e

NPHP11/MKS3/TMEM67 dans les syndromes de types JBTS et MKS (Baala et al., 2007b;

Dawe et al., 2007; Delous et al., 2007; Doherty et al., 2010; Frank et al., 2008; Otto et al., 2009; Sayer et al., 2006; Wolf et al., 2007) ou encore les gènes codant les IFTs, TTC21B, IFT140,

WDR19 dans les syndromes de Jeune et Saldino-Mainzer (Bredrup et al., 2011; Davis et al.,

2011; Perrault et al., 2012)(Bredrup et al., 2011).

Par ailleurs, pour un même gène, il peut exister une importante variabilité phénotypique au sein des ciliopathies, s’expliquant en partie par la nature de la mutation (mutation perte de fonction versus mutation hypomorphe). On peut citer notamment les mutations de NPHP3, originellement associées à des formes tardives de NPH, mais aussi retrouvées chez des formes infantiles plus sévères (Otto et al., 2008b; Tory et al., 2009). De plus, les mutations du gène NPHP17/IFT72 peuvent être associées à la fois à des syndromes de Jeune et à des syndromes de Saldino-Mainzer (Halbritter et al., 2013a). De nombreux autres cas ont ensuite été étudiés, notamment l'impact de l'hétérogénéité des mutations pour des gènes liés à de larges variations phénotypiques, comme NPHP3 et TMEM67. En effet, des mutations faux-sens de ces deux gènes conduisent au développement d’une NPH juvénile avec une atteinte extra-rénale modérée, tandis que des mutations tronquantes (perte de fonction) ont pour conséquence des défauts développementaux sévères de type syndrome MKS (Bergmann et al., 2008; Dawe et al., 2007; Olbrich et al., 2003; Otto et al., 2009; Tory et al., 2009). On peut aussi noter l’exemple de mutations tronquantes de NPHP8/RPGRIP1L, entraînant chez les patients des phénotypes de type MKS. En revanche, les patients hétérozygotes composites pour ce même gène avec une mutation stop et une mutation faux- sens exhibent un syndrome de Joubert (Delous et al., 2007). La présence d’un allèle hypomorphe (entraînant un produit protéique moins fonctionnel) versus un allèle perte de fonction semble donc favoriser un phénotype plus modéré. Cette observation a été faite pour d’autres gènes, avec des patients hétérozygotes composites pour une mutation faux-sens hypomorphe et une tronquante de NPHP13/WDR19, qui présentent soit une NPH isolée, soit un syndrome de Sensenbrenner. Le phénotype est beaucoup plus sévère, avec des patients atteints d'un syndrome de Jeune, lorsque la mutation est une faux-sens à l'état homozygote, associée à une perte de fonction de la protéine (Bredrup et al., 2011). Un autre exemple à considérer est le gène TTC21B, pour lequel deux mutations hétérozygotes composites (c.2758-2A>G et p.P209L ou p.C552X et p.P209L) conduisent à une forme précoce de la NPH, alors qu’une mutation homozygote p.P209L conduit à une NPH plus tardive. Enfin, une mutation d’épissage homozygote (c.2211+3 A>G) du gène TTC21B entraîne chez le patient

REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

45 | P a g e une IRT à 8 ans associée à une protéinurie, une hypertension artérielle et une fibrose rénale tandis que deux mutations hétérozygotes composites, une faux-sens (c.1552 T>C) et une duplication associée à un décalage du cadre de lecture (c.1456dupA), entraînent un phénotype similaire mais avec une IRT à 1 an et la présence de phalanges courtes et d’un

situs inversus chez un autre patient (Zhang et al., 2017). Ici, l’explication réside dans la

fonction ciliaire et non ciliaire de la protéine IFT139. En effet, la mutation d’épissage affecte moins la fonction ciliaire de la protéine que sa fonction non ciliaire : le patient ne développe pas de situs inversus, ni d’anomalies du développement squelettique et présente une IRT plus tardive. De ce fait, il présente un phénotype d’atteinte glomérulaire d’apparition généralement tardive, entraînant une protéinurie et une HTA associée à l’atteinte NPH (Cong et al., 2014). Il s’agit donc encore une fois d’un exemple de phénotypes plus ou moins sévères selon l’impact de la mutation sur la fonction de la protéine.

Un dernier mécanisme génique, évoqué pour expliquer la variabilité des phénotypes cliniques associés aux ciliopathies, serait la charge mutationnelle (Lee and Weatherbee, 2010). Elle a été décrite avec la découverte de la mutation p.P209L dans TTC21B à l’état hétérozygote associée chez un patient présentant un BBS avec des reins kystiques (Davis et

al., 2011). Ainsi, il est supposé que, en plus d’être un gène causal, TTC21B pourrait avoir un

rôle de gène modificateur (Davis et al., 2011). Ce mécanisme, connu sous le nom de « charge mutationnelle », suppose que la présence d’une ou de plusieurs mutations hétérozygotes additionelles pourrait contribuer à agraver le phénotype associé à une mutation causale, pouvant expliquer l'existence de phénotypes différents pour une même mutation génétique causale. En effet, dans les cas des ciliopathies récessives, l’effet d’une mutation à l’état hétérozygote dans un gène modificateur, ne conduira pas à un phénotype, alors qu’associée à une mutation homozygote ou deux hétérozygotes composites, elle aggravera le phénotype. Le principal exemple de ce phénomène, dans le cas de la NPH, est l’aggravation des phénotypes dus à des mutations bialléliques de NPHP1 lorsqu'elles sont associées à une mutation hétérozygote des gènes NPHP6/CEP290 ou AHI1/JBTS3; les phénotypes évoluent alors de NPH juvéniles isolées à des syndromes de Joubert, plus sévères, avec atteinte neurologique (Tory et al., 2007). De manière similaire à cette corrélation NPHP1/NPHP6, il existe un enrichissement de la mutation p.P209L du gène NPHP12/TTC21B à l’état hétérozygote au sein d’une large cohorte de patients atteints de ciliopathies, notamment de BBS (Davis et al., 2011). Il en est de même pour des mutations hétérozygotes du gène

REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

46 | P a g e mutations homozygotes pour des gènes de la NPH, contribue au phénotype de rétinite pigmentaire en addition de l'atteinte rénale. D’autres exemples ont depuis été étudiés et peuvent être cités, notamment la présence de mutations hétérozygotes de Ahi1 chez les souris Nphp1-/- et au sein d’une cohorte de patients atteints de NPH qui augmente par plus

de 7 fois la probabilité d’une dégénérescence rétinienne (Louie et al., 2010). De même, la mutation c.14G>T (p.Arg5Leu) perte de fonction de NPHP1 à l’état hétérozygote entraîne un accroissement de la sévérité du syndrome BBS (Lindstrand et al., 2014).

Dès lors, on peut non seulement voir un effet additif des mutations hétérozygotes en tant que gènes modificateurs, mais aussi un effet synergique entre deux gènes spécifiques. Cependant, une autre étude montre que des mutations homozygotes NPHP1 associées à des mutations hétérozygotes de NPHP2/INVS et NPHP3, résultant en des NPH infantiles associées à des défauts cardiaques à l’état homozygote, n’aggravent pas le phénotype de NPH juvénile isolée (Hoefele et al., 2007). Ceci montre que l’effet modificateur des gènes ciliaires serait différent en fonction des gènes associés, suggérant une redondance ou une compensation entre certains gènes et une complémentarité pour d’autres (cf Tableau 2: Gènes responsables de la NPH et de ses formes syndromiques).

REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

47 | P a g e

Figure 3: Corrélation phénotype/génotype dans les ciliopathies

Principaux syndromes associés aux ciliopathies et gènes associés. JBTS : syndrome de Joubert ; MKS : syndrome de Meckel ; BBS : syndrome de Bardet-Biedl ; NPH-SLS : néphronophtise et syndrome de Senior-Løken ; les ciliopathies squelettiques incluent le syndrome oro-facial-digital ; la dysplasie cranio-ectodermique et les dysplasies thoraciques aux côtes courtes.

48 | P a g e

Tableau 2: Gènes responsables de la NPH et de ses formes syndromiques

Fibrose hépatique Défaut de latéralisation Rétinite pigmentaire (SLS) SNC (JBTS-B) Anomalies osseuses (MSS, JATD, SS)

NPHP1 juvénile x x LCA Saunier et al. 1997; F. Hildebrandt et al. 1997

INVS/NPHP2 infantile x x x Edgar A. Otto et al. 2003

NPHP3 infantile / juvénile x x MKS Olbrich et al. 2003

NPHP4 x x x Mollet et al. 2002; Hoefele et al. 2005

IQCB1/NPHP5 x Edgar A. Otto et al. 2005

CEP290/NPHP6 infantile x x LCA / BBS-like /MKS B. Chang et al. 2006

GLIS2/NPHP7 juvénile Attanasio et al. 2007

RPGRIP1L/NPHP8/MKS5 x LCA / MKS Delous et al. 2007; Wolf et al. 2007

NEK8/NPHP9 infantile x Edgar A. Otto et al. 2008

SDCCAG8/NPHP10 x BBS-like Edgar A. Otto et al. 2010

TMEM67/NPHP11 x x BBS-like / MKS E. A. Otto et al. 2009

TTC21B/NPHP12 x x x x FSGS Davis et al. 2011; Huynh Cong et al. 2014

WDR19/NPHP13 x x x x x Bredrup et al. 2011

ZNF423/NPHP14 x x Chaki et al. 2012

CEP164/NPHP15 infantile x x Chaki et al. 2012

ANKS6/NPHP16 infantile x Hoff et al. 2013

IFT172/NPHP17 x x x x BBS Halbritter, Bizet, et al. 2013

CEP83/NPH18 infantile x Failler et al. 2014

DCDC2/NPHP19 x x Schueler et al. 2015 ; Girard et al 2016

TRAF3IP1 / IFT54 x x Bizet et al. 2015

MABKBP1 / NPHP20 juvénile x x Scoliose Macia et al, 2017

IFT140 juvénile x x x Perrault et al, 2012

Gène NPH isolée

NPH syndromique

49 | P a g e