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II- Le cil primaire

II.2. La ciliogenèse

II.2.3. La régulation

II.2.3.1. Cycle cellulaire et cil

Le cil primaire est présent durant les phases G0 et G1 précoce, pour être ensuite désassemblé durant la phase G1/S ou résorbé durant la phase G2/M.

Tout d’abord, le cycle cellulaire et la division cellulaire correspond aussi à l’amplification du centrosome et sa division. Le centriole père s’ancre à la membrane pour former un cil primaire, en phase G0, tandis que le centriole fils bien que toujours lié au centriole père est immature. Lors de la duplication de l’ADN, en phase S/G2, les centrioles père et fils se dupliquent donnant lieu à un nouveau centriole fils pour former deux centrosomes. Juste avant la mitose, phase M, le cil est résorbé et les deux centrosomes deviennent chacun un MTOC (Ke and Yang, 2014). Ces deux centrosomes se positionnent à chaque extrémité du fuseau mitotique durant la mitose et sont séparés pour donner à chaque cellule fille un centrosome avec deux centrioles. Chaque cellule fille peut alors entrer en phase G0/G1 et utilise son centriole père pour former un nouveau cil. L’élongation et la résorption du cil doivent être finement régulées pour être synchrone avec le cycle cellulaire, et vice versa. L’analogie entre la régulation des centrioles/centrosome et la régulation du nombre de chromosomes dans la cellule peut être faite. En effet, le cycle cellulaire correspond avant tout à la duplication et à la division du matériel génétique entre deux cellules filles, il en est de même pour les centrosomes. A l’image des aberrations chromosomiques aux conséquences sévères au niveau cellulaire et de l’organisme, des défauts de duplication du centrosome conduisent à des ciliopathies comme cela peut être le cas pour les mutations MKS1 et MKS3 (Peel et al., 2007; Tammachote et al., 2009). Au niveau cellulaire, les défauts de duplication de centrosomes se traduisent par la formation soit d’anomalies du fuseau mitotique pouvant entrainer la formation de cellules aneuploïdes, soit par la présence de plusieurs centrosomes dans une cellule fille conduisant à l’élongation de plusieurs cils, conduisant à des anomalies de signalisation cellulaire et de transmission du signal et une incapacité de la cellule à répondre à son environnement. (Mahjoub and Stearns, 2012).

67 | P a g e Il existe une interdépendance entre cil et cycle cellulaire. Le désassemblage du cil nécessaire à la duplication centrosomale est contrôlé par des protéines impliquées dans le cycle cellulaire. Une famille de protéine est particulièrement impliquée dans ce processus, les NIMA (Never in Mitosis A). Cette famille de 11 protéines, NEK1 à NEK11 possède plusieurs membres déjà étudiés pour leur rôle dans le cycle cellulaire, notamment NEK2, NEK6, NEK7 et NEK9 qui contribuent à l’établissement du fuseau mitotique et à la stabilité des microtubules mitotiques tandis que NEK1, NEK10 et NEK11 sont impliquées dans la réponse aux dommages liés à l’ADN (Du et al., 2008; Moniz and Stambolic, 2011; O’Connell et al., 2003; O’regan et al., 2007; Park and Rhee, 2013; Quarmby and Mahjoub, 2005). Mais l’exemple le plus clair est celui de la protéine NEK8, impliquée dans le cycle cellulaire. Elle est localisée au CI (cf Le compartiment Inversine ), et incarne la liaison ciliogénèse/cycle cellulaire. La protéine NEK8 joue un rôle clé dans la voie de signalisation Hippo (cf La voie Hippo) qui consiste en une cascade de phosphorylation réprimant la transcription de gènes favorisant la prolifération et la survie (Edgar, 2006; Justice et al., 1995; Pan, 2007; Xu et al., 1995). La protéine NEK8 a pour rôle de stabiliser YAP et TAZ, deux co-activateurs transcriptionnels,dans le noyau, augmentant ainsi la prolifération cellulaire (Habbig et al., 2011a). Les mutations ou la perte de NEK8 entrainent des ciliopathies sévères et des défauts ciliaires au niveau des cellules rénales (Grampa et al., 2016; Smith et al., 2006; Sohara et al., 2008). NEK1 est aussi un exemple de protéine impliquée dans le cycle cellulaire, régulant la ciliogénèse, mais semble opposé à l’effet de NEK8 (Thiel et al., 2011; White and Quarmby, 2008). Enfin la dernière NIMA que l’on évoquera ici est la protéine NEK2. NEK2 est impliquée dans le désassemblage du cil. Pour se faire, NEK2 active par phosphorylation sa cible, KIF24, qui est ensuite dans la mesure de stabiliser la protéine CP110 à l’extrémité apicale du centriole père (cf Le corps basal). De ce fait, l’inhibition de KIF24 (ou de NEK2) va entrainer une déstabilisation de CP110 et donc une ciliogénèse aberrante, y compris dans les cellules en cycle (Izawa et al., 2015). Inversement, une surexpression de KIF24 va inhiber toute ciliogénèse en maintenant CP110 aux centrioles (Kim et al., 2015b; Li et al., 2013). NEK2 et CP110 sont liées au cycle cellulaire, par leur niveau d’expression. Il a en effet été démontré que le niveau d’expression de NEK2 est régulé tout au long du cycle cellulaire, avec un faible niveau d’expression durant les phases G0/G1, et une augmentation progressive jusqu’à la phase G2 où elle atteint un fort niveau d’expression pour inhiber la ciliogénèse (Schultz et al., 1994). Il en est de même pour la protéine CP110 qui est la cible du miRNA (cf Voie des miARNs.) miR-129-3p et d’une phosphorylation par une cycline CDK2 l’inactivant lors des phases G2/M et G0/G1, permettant une faible expression protéique et donc une ciliogénèse

68 | P a g e normale (Tsang and Dynlacht, 2013) (cf Figure 8: Régulation de la ciliogenèse par le cycle cellulaire).

Enfin, outre la famille des NIMA, des protéines impliquées dans la stabilité microtubulaire participent à la régulation du cycle cellulaire et la ciliogénèse. C’est notamment le cas de la protéine kinase Aurora A, retrouvée au centrosome, et connue pour son activité de régulation de l’entrée en mitose via l’activation de la cycline B1-Cdk1. HEF1 (Enhancer of Filamentation 1), connue pour son rôle dans le désassemblage du cil, active Aurora A (Pugacheva et al., 2007). par phosphorylation ce qui entrain l’activation de l’histone désacétylase HDAC6 provoquant la désacétylation des microtubules et ainsila résorption du cil (Pugacheva et al., 2007) (cf Figure 8: Régulation de la ciliogenèse par le cycle cellulaire).

S’il existe une régulation de la ciliogénèse par le cycle cellulaire, la réciproque est vraie. En effet, certaines voies de signalisation ciliaires influencent la régulation du cycle cellulaire. Le premier exemple est celui de PKD1 et PKD2 (codant PC1 et PC2) comme gènes suppresseurs de tumeur (régulateur négatif de la prolifération cellulaire). En effet, par leur effet sur l’activation de p21, PC1 et PC2 inhibent la translocation nucléaire du facteur de transcription ID2 et par conséquent la prolifération cellulaire. La surexpression de PC1 et PC2 aura alors pour effet le blocage de la cellule en phase G0/G1 (Irigoín and Badano, 2011). Plusieurs autres exemples sont aussi rapportés dans la littérature comme celui de IFT88 capable d’activer le suppresseur de tumeur Rb qui bloque le cycle cellulaire en phase G1 et donc inhibe la prolifération (Robert et al., 2007). A l’inverse NDE1 (nuclear distribution gene E homologue 1), protéine retrouvée au centrosome, semble favoriser l’entrée en cycle et la transition G1/S (Kim et al., 2011). De façon intéressante, l’inactivation de NDE1 augmente le temps de passage en phase S et la longueur des cils. De plus, l’inactivation simultanée de NDE1 et d’IFT88 restaure le phénotype induit par l’inactivation de NDE1. Il semble donc y avoir une compétition entre les acteurs favorisant le cycle cellulaire et ceux favorisant la ciliogénèse, une interdépendance tendant vers un équilibre finement régulé.

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Figure 8: Régulation de la ciliogenèse par le cycle cellulaire

La taille des cils au cours du cycle cellulaire est remarquable par les microtubules (cylindres gris) liés à la membrane ciliaire (ligne rouge). Le centriole père est indiqué par un cylindre gris à la base du cil. La tubuline acétylée stable est indiquée en phase G0 par les groupes acétylés (orange). Les actions de phosphorylation de AURKA et NEK2 sont représentées par le transfert d’un groupe phosphate indiqué par un P (bleu).