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Introduction de la deuxième partie de la thèse:

4. Heiner Müller et Bernard Dadié : Hommes de lettres

4.3 La littérature comme moyen d’expression du vécu chez Heiner Müller

En effet, tout était mis en œuvre pour que Heiner Müller puisse travailler dans une usine, c’est-à-dire devenir ouvrier d’usine: le grand-père de Heiner Müller était maître bonnetier dans une usine textile; la mère de son père était originaire de la Bavière et avait travaillé sur un domaine à Bräunsdorf, comme domestique. Puisque son grand-père avait travaillé dans une usine de textile, il semblait logique que son fils puis son petit-fils en fissent de même; mais Heiner Müller doit son «salut» à l’instituteur de son père. Celui-ci avait estimé que le père de Müller était trop intelligent pour travailler dans une usine; ceci lui a valu de travailler dans une administration. Müller le dit en ces termes:

Mon père s’est fait remarquer à l’école par son intelligence, par son intérêt pour la lecture et l’écriture. Ce qui lui a valu une recommandation de l’instituteur : celui-là n’est pas fait pour l’usine, mais pour un bureau dans une administration. Il commença comme commis de bureau à la mairie de

Bräunsdorf196…

Or, si le père de Heiner Müller a eu un intérêt particulier pour la lecture et l’écriture, sans nul doute une telle attitude va influencer son fils qui a également eu un parcours semblable à son père; donc l’influence de la vie littéraire de son père fut très grande sur lui.

Heiner Müller est né en 1929, c’est-à-dire entre les deux guerres mondiales. Ce sont des périodes assez mouvementées de l’histoire de l’Europe. Son enfance, son adolescence et même sa vie à l’âge adulte ont été profondément perturbées par cette période caractérisée par une totale instabilité socio-politique. En effet, 1929, précède la période de prise de pouvoir d’Hitler en Allemagne; l’ère hitlérienne qui se caractérise par la dictature et la privation des libertés. Ainsi Heiner, dans un contexte d’effervescence politique en Allemagne, se consacre dès son jeune âge à la lecture des journaux sociaux-démocrates, laquelle lecture a fortement influencé sa carrière d’homme de lettres mais aussi ses prises de position sur le plan politique:

Il y avait encore des journaux sociaux-démocrates d’autrefois, du début du siècle. Ils constituaient la principale de mes lectures à dix, douze, treize ans. Ils contenaient des textes de Gorki, Romain Roland, Barbusse, des discussions, des lettres de lecteurs. Quelques numéros ont été consacrés, par exemple, à une

discussion sur Nietzsche, menée par des ouvriers sociaux-démocrates qui avaient lu Zarathoustra197.

En effet, cette lecture a eu une influence sur Heiner Müller en ce sens qu’il n’est pas rare de lire dans ses œuvres la présentation de l’environnement ouvrier et des conditions de la classe ouvrière. En lisant les œuvres de Heiner Müller tel que der ,,Lohndrücker (le Briseur de salaire)’’, la description de cet environnement de travail y est bel et bien décrite. Heiner Müller décrit non seulement le contexte socio-politique de son enfance, mais également celui de ses parents, de ses proches et de tous ses contemporains.

196 Heiner Müller, Guerre sans bataille : vie sous deux dictatures, p. 8.

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Si je lis mon texte sur lui aujourd’hui, je constate alors qu’il est écrit, naturellement, du point de vue de mon identification avec le nouvel ordre, qui avait besoin d’ascèse, qui avait besoin de sacrifice pour fonctionner. Et c’est le problème fondamental : les sacrifices ont été fait mais n’ont pas payé. On a simplement gaspillé du temps. Ces générations ont été trompées quant à l’accomplissement de leurs désirs, pour objectif qui était illusoire. Au fond, j’ai écrit cette histoire sur le grand-père comme l’aurait fait un bureaucrate, et à cause de ça, j’éprouve le besoin d’avoir

une discussion avec lui pour m’excuser198.

Par ailleurs, nous pouvons affirmer qu’une série d’évènements ont jalonné l’enfance de Heiner Müller ; ces évènements font l’objet de ses écrits. Disons aussi que tous ces évènements l’ont profondément marqué. Il s’agit entre autres de l’arrestation de son père en 1933, de la visite dans le camp de concentration de Sachsenbourg pour voir le père qui y était incarcéré. Il a vécu difficilement ces évènements dont la source est indubitablement liée à la situation socio-politique du moment. Il les a aussi supportés difficilement ; le seul moyen pour Heiner Müller de digérer un tant soit peu ces instants difficiles de son enfance et de son adolescence, est de les mettre par écrit. Il veut non seulement exprimer le ressentiment provoqué par cette situation mais à travers ses écrits, l’on ressent chez Heiner Müller, un désir profond de vengeance. Aussi à travers les écrits, Heiner Müller cherche-t-il un moyen pour partager sa douleur avec ses lecteurs et même une certaine consolation ; mais Heiner Müller anticipe la révolution dans ses œuvres, laquelle révolution n’a pas pu être possible dans la réalité. Il exprime donc les douleurs de son enfance à travers une série d’évènements qui ont marqué négativement toute sa vie. Pour lui, il faut absolument les exprimer par écrit:

L’arrestation de mon père, en 1933, qui pour l’essentiel s’est passée comme je l’ai écrit. J’avais une petite chambre à part, j’étais au lit, c’était le matin, assez tôt, cinq, six heures. Je me suis réveillé, j’ai entendu des voix et du remue-ménage dans la pièce à côté. Ils jetaient des livres par terre,

épuraient la bibliothèque, la purgeaient de la littérature de gauche199.

Müller fut profondément marqué non seulement par l’arrestation de son père sous ses yeux, mais également par sa déportation dans le camp de concentration de Sachsenbourg où ni lui ni aucun membre de la famille n’avait l’autorisation d’accéder au père. L’unique moyen de dénoncer l’arbitraire, l’injustice et la dictature de l’ère hitlérienne était de se servir de sa plume pour dénoncer cet état de fait. Ce moyen d’expression est semblable à celui que les pionniers de la Négritude utilisaient à cette époque où face aux canons du colonisateur, ils n’avaient que la plume seule pour aller contre cette machine d’asservissement et d’avilissement des peuples.

Plus tard, nous sommes allés dans le camp de concentration. C’était un curieux paysage désolé et le camp était sur un plateau. Nous avons dû parler avec mon père à travers une porte en grillage métallique. Il avait l’air très maigre et très petit. …Ils ont libéré mon père après un an, ou

198Idem.

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être au bout de huit mois. À condition qu’il ne retourne pas à Eppendorf et qu’il déménage dans

un autre canton200.

Müller a grandi dans un contexte socio-politique tellement difficile, de dictature, de privations des libertés individuelles comme collectives. Il s’est donc donné pour mission de traduire toutes ces réalités à travers ses écrits. Par ailleurs, en devenant homme de lettres, Heiner Müller n’a pas fait que réaliser certainement un rêve personnel, mais aussi le rêve de son père qui avait également des ambitions littéraires. Toujours est-il que face à toutes ces situations difficiles, une telle réaction du fils ou du père était prévisible. Il le dit donc:

C’était une chance (sic), parce que nous avons parlé de tout et qu’il avait du temps pour moi toute la journée. Il avait également une ambition littéraire. Il existe des textes de lui. Il faisait des résumés de ses lectures, il en tirait des extraits aussi et il lisait de la philosophie. Le besoin de tout savoir, de tout

connaître était très prononcé chez lui, et j’étais son seul interlocuteur.201

Tout était réuni pour que Heiner Müller embrasse une carrière d’homme de lettres. Il s’intéressait non seulement à la lecture dès le bas âge, mais il s’essayait déjà aussi à l’écriture. Il affirme cela en ces termes :

J’ai commencé à écrire vers dix ans- d’abord des ballades. Le point de départ a été une anthologie de ballades allemandes publiée chez Reclam : les Huns poussaient des cris de joies sur les

sanglants remparts. Les vautours s’abattirent sur la vallée202.

La Seconde Guerre mondiale, et l’après-guerre avec son corollaire de lutte idéologique entre les deux Allemagnes, le militantisme au sein de la jeunesse hitlérienne, son engagement au sein du parti communiste, la révolution hitlérienne, la participation aux concours, tels sont les différents évènements qui ont inspiré Heiner Müller à traduire toutes ces réalités à travers ses écrits. Cette période qui a été également marquée par une révolution intellectuelle en Europe n’est pas restée sans influence sur le jeune Müller. Ses différentes lectures d’auteurs, d’écrivains, de philosophes et non des moindres, ont créé une véritable révolution chez Müller, qui à son tour cherchait aussi à influencer ses contemporains:

Quand j’étais enfant, j’ai beaucoup lu Tolstoï, Gorki aussi, et peu avant l’incorporation, Dolstoïsvski, qui a été ma première vraie grande impression, surtout Raskolnikov et naturellement Nietzsche. Puis j’ai lu ce qui paraissait, Cholokhov par exemple, Maïakovski. Sera-Fimovitch : Le Torrent de fer, Fadeïev : Les Dix-neuf; de grands livres oubliés. Dans mon butin de pilleur de bibliothèque, il y avait : sous l’emprise de

l’expressionisme de Soergel, une mine203.

200 Idem., p. 13.

201Heiner Müller, Guerre sans bataille ., p. 18.

202 Idem., p. 23.

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Bien évidemment, la lecture de ces différentes œuvres n’est restée sans influence sur Heiner Müller. Toutefois, il ne s’est pas contenté de rassembler les connaissances livresques çà et là mais il a pu se frayer son propre chemin.

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II. Le théâtre: genre par excellence chez Heiner Müller et Bernard B. Dadié

Ce chapitre nous introduit directement dans la réflexion sur l’importance du genre théâtral aujourd’hui en littérature de manière général et en particulier du théâtre européen représenté ici par le théâtre de Müller et le théâtre africain, représenté par celui de Bernard Dadié.

Le théâtre européen existe depuis de nombreux siècles (depuis le Moyen-Âge jusqu’à ce jour) et il rime avec certains noms de référence tels que Aristote, Shakespeare, Brecht. Mais quant au théâtre africain, il est peu connu des occidentaux ainsi que d’autres peuples. S’agit-il d’une quasi inexistence du théâtre africain due à un manque de production d’œuvre théâtrale d’Afrique (francophone) ou s’agit-il purement et simplement d’un déni de reconnaissance de ce théâtre? A ce titre, Fiangor est également perplexe sur la question:

Quand on parle de théâtre africain, surtout en France et dans plusieurs pays européens, il y a encore beaucoup de personnes qui se demandent si ce théâtre existe vraiment. Plusieurs universitaires en lettres, des professeurs de Français, des lycées et collèges de France et les étudiants de tous les cycles de littérature française n’ont

jamais lu une seule pièce du théâtre africain204.

En réalité, il existe un art théâtral africain:

Le théâtre africain existe. Il est plein d’inventivité et d’imagination. Il se joue abondamment en Afrique ou foisonnent depuis plusieurs années des festivals de tous genres : scolaires, universitaires, amateurs,

professionnels, nationaux, internationaux205.

Le théâtre est le genre par excellence chez Heiner Müller et Bernard Dadié. En effet, au nombre des œuvres de ces deux auteurs, nous pouvons comptabiliser une dizaine de pièces dramatiques chez Dadié tandis que chez Müller nous en comptabilisons un peu plus, c’est-à-dire une trentaine. Pourquoi ces auteurs ont-ils accordé une place particulière au théâtre dans parcours littéraire?

Pour Bernard Dadié, le théâtre est un facteur de prise de conscience, une arme de lutte, un moyen d’éducation. C’est un art engagé. Il participe ainsi de la vie des hommes de son temps ; il l’exprime en même

temps qu’il l’épure.206 Quant à Heiner Muller, il considère le théâtre comme le genre littéraire le plus facile,

comme moyen d’expression de la liberté de l’écrivain:

C’est seulement maintenant que l’art devient autonome en RDA. Le théâtre remplaçait la presse libre et cette

fonction de remplacement disparaît. Cela signifie que l’art est désormais élitaire (sic)207.

204 Rogo Koffi M. Fiangor, Le théâtre africain francophone, Paris, L’Harmattan, 2002, p.11.

205 Idem, p. 11.

206Barthélémy Kotchy. La critique sociale dans l’oeuvre théâtrale de Bernard Dadié, p. 13

Voir aussi livre.prologuenumerique.ca/.../telechargement/extrait.cfm.

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1. Le théâtre «müllérien»: continuité et discontinuité du théâtre brechtien

Heiner Müller : La continuité de Bertolt Brecht

Müller est souvent considéré comme le digne successeur de Bertolt Brecht, tant au niveau de son style de vie que de son théâtre. Mais, s’il est vrai que Heiner Müller a gardé certains traits de style de Bertolt Brecht tels que fumer des cigares, le port des lunettes, il n’en demeure pas moins vrai que Müller s’est démarqué de celui que l’on considérait comme son «parrain» à un moment donné. En effet, cette ressemblance est soulignée par Marc Silbermann:

A la différence de tous les interlocuteurs décédés, la relation entre Heiner Müller et Brecht était plus profonde et plus absolue. S’agissant des rapprochements biographiques et du comportement personnel sur la manière de travailler les pièces, des emprunts de motifs et des allusions jusqu’aux affrontements artistiques et théoriques, Brecht est la plus grande référence,

sur laquelle Muller revient toujours pour mieux expliquer ses propres idées208.

Ainsi dans les années 50, la plupart des œuvres de Müller étaient inspirées des pièces épiques ou didactiques de Bertolt Brecht. Il fut même considéré comme l’un des héritiers de Bertolt Brecht. Müller travaillait donc dans une certaine continuité des pièces dramatiques de Brecht. Il sera donc intéressant ici de montrer dans les lignes qui suivent cette similitude entre le théâtre épique et dialectique de Brecht et celui de Heiner Müller à travers les œuvres de ce dernier. Nous nous appuierons sur les extraits de deux drames de Heiner Müller, notamment «der Lohndrücker» (l’homme qui casse les salaires) etc. », « die Korrektur » (la correction), drames écrits dans les années 50. A travers ces extraits, nous verrons comment Heiner Müller, dans ses premières œuvres s’est approprié trait par trait le style d’écriture de Bertolt Brecht. Marc Zilbermann dira à juste titre ceci:

La première fois où Müller a tenté de mettre en place la dramaturgie de la réception à sa propre manière était la pièce «L’homme qui casse les salaires» (écrit avec la collaboration de Inge Müller entre 1956 et 1957; laquelle pièce a épousé le projet d’une pièce actuelle de Brecht ayant échoué au sujet du «Héros du

travail» Bushing209.

Par ailleurs le tableau ci-dessous210 illustre parfaitement l’imitation de Bertolt Brecht par Müller.

208Marc Silbermann dans Hans-Thies Lehmann&Patrick Primavesi (Heiner, Handbuch), pp. 136-137.

209Idem., op. cit., p. 139.

210 Informations tirées de la thèse de Francine Maier Schaefer, Heiner Müller et le Lehrstück, Université

de Lille, 1992, pp. 102-108.

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Heiner Müller, Der Lohndrücker (L’homme qui casse

les salaires)

Bertolt Brecht, Das Busching-Fragment

(Le projet Busching) Müller commente la phrase de Korsch que

Brecht cite dans son journal de travail :

La guerre éclaire est une énergie rapide

La guerre éclaire est une énergie rapide

La politique du parti a conduit les Garbe (à se jeter) dans les bras de Bushing

La politique du parti a conduit les Garbe à (à se jeter) dans les bras de Bushing Heiner Müller fait allusion aux dix (10) thèmes

évoqués par Brecht qui n’ont pas été publiés.

Dix thèmes évoqués par Brecht qui n’ont pas été publiés.

Heiner Müller fit incontestablement sienne

l’interrogation que Brecht adressa aux écrivains en RDA : Comment pouvons-nous conduire maintenant la dramaturgie au combat contre le socialisme?

Brecht adressa aux écrivains en RDA la question suivante: Comment pouvons-nous conduire maintenant la dramaturgie au combat contre le socialisme

Heiner Müller donne au héros de son œuvre le nom de Garbe. Ce nom est le nom Busching (le nom d’un criminel) qui avait terrorisé l’Allemagne en 1923, que Brecht a transformé.

Brecht transforme le nom de Busching en Garbe.

Dans sa phase préparatoire à sa mise en scène du Briseur de salaire, Müller distribue aux acteurs non seulementles passages du journal de travail de Brecht relatifs au projet-Busching, mais aussi un ouvrage intitulé : Werner Gladow

Brecht conçoit le projet Busching dans son journal de travail.

Parlant donc de la forte ressemblance en ce qui concerne le contenu de cette œuvre, « l’Homme qui brise les salaires » entre les écrits de Müller et ceux de Bertolt Brecht, la réalité suivante est indéniable:

Müller prit sans doute connaissance, directement ou par ouï-dire, de l’abondante documentation rassemblée par Kalthe Rulike, l’assistante de Bertolt Brecht, lequel envisageait manifestement d’écrire une œuvre sur ce sujet (restée à l’état de « Projet Busching »). Mais Müller dit s’être également appuyé sur son expérience

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personnelle : sa bonne connaissance du milieu ouvrier, qui constituait, selon ses dires, ,, le monde dans lequel

il avait grandi’’, lui permet de disposer d’anecdotes et surtout d’un langage211.

Il ressort de cette étude comparative entre les deux œuvres Bushing / Fragent-Fatzer ce qui suit: L’étude comparative des deux œuvres est inépuisable, étant donné l’ampleur du Fragment-Fatzer, mais aussi conjecturale, puisque les textes du Projet-Busching sont au contraire fort peu nombreux. Les raisons qui poussèrent Brecht à abandonner ce projet peuvent être multiples : d’ordre personnel, comme le suggère Bock ; ou effectivement d’ordre dramaturgique, comme le suppose Schivelbush qui incrimine le sujet… un fait néanmoins est certain.

Brecht se vit, après son installation en RDA, confronté à des questions dramaturgiques auxquelles il ne donne pas de réponse concrète. Il est aisé de reconnaître le problème de Fragment-Fatzer, resté fragment à l’époque où les forces révolutionnaires en marche sous la République de Weimar furent étouffées par la réaction, ainsi que celui de ,, Busching/ Garbe’’ resté à l’état de projet au moment où les forces

réactionnaires reprenaient vie dans une société à laquelle la révolution avait été imposée d’en haut: Si nous

voulons nous approprier le nouveau monde sur le plan artistique, nous devons créer les nouveaux instruments artistiques et

détruire les anciens212.

Par ailleurs, Kalb n’ira pas par quatre chemins pour parler de cette forte influence de Brecht sur Heiner Müller. Toutefois, cette influence s’est atténuée au fil des années et surtout elle s’est estompée après la mort de Brecht et la question que l’on est tenté de se poser est de savoir si l’influence de Brecht sur Müller était vraiment profonde. Même si elle l’était, il n’est pas du tout fortuit de considérer le caractère postmoderne de Heiner Müller qui consiste à en découdre avec tout ce qui a trait au passé, même peu lointain soit-il. Kalb le dira:

Brecht est l’influence primaire de Müller, une figure qui se trouve derrière tous ses autres alter égos et ses masques tactiques. Ses idées au sujet de Brecht ont changé au fil des années, mais à aucun moment après les années où il ne l’a pas consciemment imité, apostrophé ou critiqué. Les épigones de Brecht étaient communs lorsque Muller arrivait pour la première fois sur la scène théâtrale en République Démocratique Allemande. Certains des plus proéminents étaient Helmut Baierl, Peter Hacks, et Harmut Lange, mais le fervent, le vif et la nature personnelle intensive de l’identification de Muller étaient la sienne. Ces deux auteurs ont eu très peu de contacts au cours des cinq dernières années au moment où les deux vivaient à Berlin (de 1951à 1916), seulement