• Aucun résultat trouvé

Bernard Dadié et Heiner Müller

2.8 Le discours sur le colonialisme et la révolution

2.8.1 Les extraits du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire et ceux de Béatrice du Congo de Bernard B. Dadié

Qu’il s’agisse du théâtre, de la poésie ou de l’essai, Césaire tient le même discours contre la colonisation et ses méfaits contre le peuple négro-africain en particulier et la race humaine en général. Pour lui, la colonisation dont l’Europe est l’instigateur principal a fait plus de mal que de bien. En effet, plusieurs sous- thèmes

ressortent du Discours sur le colonialisme qui sont entre autres la non justification du colonialisme (l’Europe

est indéfendable), le projet d’une soit-disant mission civilisatrice enAfrique, de la colonisation synonyme d’un semblant de civilisation (au nom du christianisme dans la barbarie coloniale), la bourgeoisie comme responsable de la barbarie de l’histoire, l’importance du brassage des civilisations, l’ultimatum à l’Europe.

81 Idem. Koffi Kwahulé : «Béatrice du Congo, Bernard Dadié».

82Portrait de Toussaint Louverture présenté par Pablo Michelot en date du 28 Février 2010. Nous avons

visité ce site en date du 03 octobre 2017. Toussaint Louverture est également présenté comme l’un des grands hommes ayant marqué l’histoire dans http:

54

Il s’agira ici donc de montrer la similitude entre ces extraits du Discours sur le colonialisme, Une saison au

Congo, Une tempête d’Aimé Césaire et des extraits des drames de Dadié, notamment Béatrice du Congo et

Iles de tempête.

2.8.2 Le projet colonial assimilé à un projet divin (au nomdu christianisme)

Les extraits suivants sont tirés des œuvres de Césaire et de Dadié et ils illustrent selon euxles propos, les arguments soutenus par le colonisateur pour justifier l’œuvre de la colonisation. Ce qui surprend et dépasse tout entendement, c’est l’assimilation de cette œuvre déshumanisante à une œuvre divine:

S’il y a mieux, c’est du R.P. Tempels. Que l’on pille, que l’on torture au Congo,que le colonisateur belge

fasse main basse sur toute richesse, qu’il tue touteliberté, qu’il opprime toute fierté- qu’il aille en paix, le

révérend Père Tempels y consent. Mais, attention! Vous allez au Congo? (…) «Il serait vraiment inouï,

écrit R.P. Tempels que l’éducateur blanc s’obstine à tuer dans l’homme noir son esprit humain propre,

cette seule réalité qui nousempêche de le considérer comme un être inférieur! Ce serait un crime de lèse-

humanité, de la part du colonisateur, d’émanciper les races primitives de ce qui est valeureux, de ce qui

constitue un noyau de vérité dans leur penséetraditionnelle, etc83.

Dadié renchérit, lui, à son tour à travers ces extraits:

Henri: Qui ne le sait, Diogo ! Qui ne sait que notre temps est le temps des faux en tous genres? La place

exceptionnelle que nous venons de conquérir dans le cœur des chrétiensnous commande de balayer tous

les obstacles. Quoique nous entreprenions, où que nous soyons, la prière ardente de milliers de fidèles

nous accompagne (…) Dieu le veut. Des légions d’anges vous protègent.». Oui, que recèlent-ils, les

Jardins de l’Enchantement, les terres vierges, les Isles des Délices, les Sept cités merveilleuses? De

fabuleuses richesses nous y attendent sans compter la gloire, l’im-mor-talité84.

2.8.3 Le colonialisme est égal au capitalisme et à l’impérialisme

Outre la présentation du colonialisme sous l’aspect divin, ce qui est loin de la réalité, les Négritudiens considèrent le colonialisme comme un simple instrument de promotion du capitalisme et de l’impérialisme; un instrument d’enrichissement du colonisateur au détriment du peuple colonisé ; en un mot, un outil d’asservissement, d’avilissement et de destruction des peuples:

Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, le viol, le vol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l’homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote et l’homme indigène en instrument de production.

83 Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, p. 44.

Cette pensée de Césaire est aussi reprise dans son œuvre « Discours sur le colonialisme» dans

http://percaritatem.com/wp-content/uploads/2011/05/Cesaire-Discours-sur-le-colonialisme_French.pdf, p. 23.

L’on la retrouve également dans manoretro.unblog.fr/.../07/30. Nous avons visité ces deux sites en date du 03 octobre 2017.

55

A mon tour de poser une équation: colonisation = chosification

J’entends la tempête. On me parle de progrès, de «réalisations», de maladies guéries, de niveaux de vie élevées au-dessus d’eux-mêmes.

….Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités

supprimées85.

Cet aspect du colonialisme comme instrument d’impérialisme et de capitalisme est également démontré par Dadié à travers cet extrait ci. Ainsi, le colonialisme devient un pur instrument d’aliénation:

Le Roi, à lui-même : Des flottes chargées d’or et de pierres précieuses …encore inconnues.

Diogo, saluant: Seigneur, nous avons, pour la grandeur de votre dynastie, accompli la plus sublime des missions. Il y a eu quelques morts, mais c’était le tribut à payer (…)

Diogo : Ces présents vous sont envoyés par le roi du Zaïre, qui se voudrait votre parent Le Roi : Et il se voudrait mon parent ? (Rires des courtisans) (…)

Premier compagnon: Qui attendent… Deuxième compagnon: Impatiemment Premier compagnon: D’être exploitées… Le Roi: D’être exploitées…

Les deux compagnons : La richesse du pays, Majesté, l’extrême richesse du pays…

Le Roi: Des flottes chargées d’or et des pierres précieuses encore inconnues… Un avenir extrêmement souriant… Tout l’Occident à mes pieds… les têtes couronnées les plus orgueilleuses… là…pour me

présenter leurs hommages86…

2.8.4 Un ultimatum à l’Europe et à l’Occident: Un réel danger pour euxquand les consciences des peuples opprimés s’éveilleront.

Césaire procède ici à une indignation, un cri de révolte contre le colon européen, mais également il lui donne un ultimatum quant à la durée de son asservissement. L’auteur est bien conscient de l’attitude passive et indifférente à travers un tel acte. Il le dit à travers ceci:

En sorte que le danger est immense…

En sorte que, si l’Europe occidentale ne prend d’elle-même, en Afrique, en Océanie, à Madagascar, c’est-à-dire aux portes de l’Amérique, l’initiative d’une politique des nationalités, l’initiative d’une politique nouvelle fondée sur le respect des peuples et des cultures; que dis-je? (…).Ce qui, en net, veut dire que le salut de l’Europe n’est pas l’affaire d’une révolution dans les méthodes ; que c’est l’affaire de la Révolution ; celle qui, à l’étroite tyrannie de la bourgeoisie déshumanisée, substituera, en attendant, la société sans classes, la prépondérance de la seule classe qui ait encore mission universelle, car dans sa

chair elle souffre de tous les maux de l’histoire , de tous les maux universels : le prolétariat87.

85Cette pensée de Césaire est aussi reprise dans son œuvre « Discours sur le colonialisme» dans

http://percaritatem.com/wp-content/uploads/2011/05/Cesaire-Discours-sur-le-colonialisme_French.pdf,

pp.11-12. Nous avons visité ce site en date du 03 octobre 2017.

86 Dadié, op. cit., pp.46,47, 48.

87 Césaire, Discours sur le colonialisme, op. cit., p. 74.

Cette pensée de Césaire est aussi reprise sur le site

http://percaritatem.com/wp-content/uploads/2011/05/Cesaire-Discours-sur-le-colonialisme_French.pdf, p.39. Nous avons visité ce site

56

Si Césaire à travers le précédent passage nous parle d’une Europe qui souffre sous le poids des maux de l’histoire, notamment le capitalisme dont les effets ont été absolument dévastateurs sur ce continent, Dadié montre à travers des extraits de son œuvre, une Europe qui se passe pour le modèle par excellence et même pour un donneur de leçon. Elle veut étendre son hégémonie à l’autre bout du monde. Elle se passe donc pour le médecin qui est pourtant incapable de se guérir lui-même d’abord avant de guérir les autres. Parlant donc de l’Europe. Ici, il est question de l’Europe idéologique et capital. Dadié, démontre par ailleurs, que les grandes puissances sont ce qu’elles sont que par des visées impérialistes justifiées ou non soient-elles, à travers l’assujettissement d’autres peuples:

Le Roi: Non, je refuse! Ils m’ont fait assez de crassesces bons Bitandais chrétiens ! Tout doit changer… Il faut que tout change.

Texeira: Notre devoir, Majesté, a toujours été de vous mettre en garde contre les prétentions bitandaises, de nous mettre à votre service, au service de notre pays… J’ai choisi d’être présent. Le Roi: Oui Texeira, j’ai compris. Il faut que tout change. Les Bitandais. Susciter la guerre civile, alimenter la guerre civile, miner montrône, me sourire, me décorer… La ruse! Le mensonge! et les seules victimes: Nous ! Les armes distribuées ne tuent que les hommes du Zaïre… Après il faut leur payer et les armes et la poudre, et leurs soldats?

Texeira: Leur soif de puissance est sans limite…Le Roi: Moi, je veux la limiter. Avec eux, je vais engager la bataille. Pourquoi susciter tant de complots chez les autres ? Pourquoi ne veulent-ils pas qu’il existe un autre régime que le leur ? Ce nez long qu’ils fourrent partout… Il va falloir le raccourcir… Je

veux interdire la traite et on verra après. Aujourd’hui le peuple boude, gronde88…