• Aucun résultat trouvé

PARTIE II : LA PSYCHOEDUCATION ET LE TROUBLE BIPOLAIRE

1.1 PRISE EN CHARGE ET PLACE DES INTERVENTIONS PSYCHOLOGIQUES

1.1.2 Les limites du traitement pharmacologique et la place des interventions

Le traitement médicamenteux à bien évidemment une place centrale dans la prise en charge du trouble bipolaire. Malgré l’avancée dans ce domaine et l’efficacité des molécules recommandées et utilisées (152)(154)(155), le traitement pharmacologique seul comporte certaines limites.

D’une part et en dépit de son efficacité dans les phases aigues et dans la prophylaxie du trouble, le traitement médicamenteux ne peut garantir l’absence de rechutes symptomatiques thymiques. Dans l’étude observationnelle multinationale et multicentrique de Vieta et al en 2013 sur 2896 patients dont 94% bénéficiaient d’un traitement médicamenteux, les auteurs retrouvent un taux de rechute de 18% et un taux de récidive de 40%.

Au delà de l’efficacité du traitement médicamenteux, une autre limite de celui ci réside dans la problématique de l’observance qui, comme le rappelle Colom et al en 2000 est fréquente chez les patients souffrant de trouble bipolaire et occupe une place importante dans l’altération de l’évolution du trouble . En 1995, Gitlin et al en retrouvaient un taux d’inobservance atteignant 40% à 1 an, 60% à 2ans et 73% à 5ans (123). Johnson et Mc Farland sur un suivi de 1600 patients mettaient en évidence une durée moyenne d’observance au lithium de 76 jours (156). Dans l’étude plus récente de Murru et al en 2013 sur 150 patients euthymiques souffrant de trouble bipolaire de type 1 et sur 75 patients souffrant de troubles schizo affectifs, les auteurs retrouvaient une inobservance atteignant 36,4% dans l’échantillon total et 32% chez les patients bipolaires (157).Or comme le souligne Goodwin et Jamison en 2007, la non observance

au traitement pharmacologique est l’un des facteurs les plus souvent associés à un mauvais pronostic.

Au delà de la notion d’efficacité et d’observance thérapeutique, la notion de récupération fonctionnelle intervient également dans les limites du traitement pharmacologique seul (158) . En effet, si le traitement pharmacologique parvient a être efficace sur les phases aigues en favorisant ainsi la rémission symptomatique, celui ci semble avoir moins d’impact sur la notion de récupération fonctionnelle. En effet et à distance des épisodes, il est désormais établi que les patients peinent à récupérer leur niveau de fonctionnement antérieur et conservent des difficultés dans des domaines tels que le fonctionnement professionnel, social ou familial. De plus et malgré un traitement médicamenteux efficace, les patients peuvent également souffrir de la persistance de symptômes résiduels sub-syndromiques qui peuvent avoir un impact sur l’évolution du trouble. Ces symptômes peuvent altérer l’évolution du trouble bipolaire en précipitant les rechutes comme en témoigne l’étude de Judd et al. Sur 223 patients bipolaires suivis prospectivement sur 17ans, les auteurs retrouvaient un temps médian de récurrence 5 fois plus court lorsque les patients souffraient de symptômes sub-syndromiques (159). La persistance de symptômes résiduels peut également avoir un impact négatif sur le fonctionnement à distances des épisodes. Certains travaux ont mis en évidence le caractère prédictif négatif de la persistance de symptômes sub-syndromiques sur le fonctionnement des patients souffrant de trouble bipolaires dans tous les domaines (2). Dios et al (2012) retrouvent un temps de rechute significativement plus court (35 semaines) chez les patients présentant des symptômes thymiques résiduels comparé aux patients totalement euthymiques (109 semaines) et mettent en avant que la présence d’une symptomatologie sub- syndromique à distances des épisodes est un facteur prédictif négatif du temps entre les rechutes.

Une autre des limites d’une prise en charge pharmacologique seule dans le trouble bipolaire est l’absence de contrôle de facteurs plus complexes, liés à des aspects psychosociaux et comportementaux tels que les évènements de vie stressant, les perturbations du sommeil et des rythmes sociaux, les perturbations de relations familiales ou sociales qui représentent en soi des facteurs de stress psychosociaux pour les patients et qui s’accordent avec le modèle bio psychosocial du trouble bipolaire. Ces facteurs sont à considérer dans la prise en charge globale du patient souffrant de trouble bipolaire car ils peuvent intervenir comme des déclencheurs du trouble en lui même ou

des épisodes thymiques. Dans l’étude de Johnson et Miller, la normalisation de l’humeur serait 3 fois plus longue à obtenir si les patients sont confrontés à un événement de vie pénible avec un risque de récidive 4,5 fois plus élevé. De Dios et al en 2012 mettent en évidence que la présence de facteurs de stress psychociaux est prédictif du temps entre les rechutes thymiques(160).

Reinares et al en 2014 soulignent que les limites du traitement pharmacologique des patients souffrant de trouble bipolaire justifient la nécessité d’approches intégratives dont l’ambition serait d’aller au delà de la récupération syndromique (161). Mizziou et al en 2015 suggèrent que pour viser la prise en charge la plus optimale possible incluant la prévention des rechutes et la récupération fonctionnelle, il faut prendre en considération des problématiques telles que la persistance de symptômes sub syndromiques, la présence de facteurs de stress psychosociaux et la mauvaise observance (162). C’est dans ce sens que se sont développées, depuis une vingtaine d’années, des interventions psychologiques adjuvantes au traitement médicamenteux visant à combler les lacunes d’une prise en charge pharmacologique seule. Certaines de ces interventions se sont avérées efficaces notamment dans la prévention des rechutes et dans l’amélioration du fonctionnement (163) (164). Bien que diversifiées, ces interventions psychologiques partagent des objectifs communs tels que l’amélioration de l’observance, le développement de l’alliance thérapeutique ou encore le partage d’informations concernant la maladie et le traitement.

Actuellement, quatre types d’interventions psychologiques sont mises en lumière et apparaissent clairement dans les recommandations (15). Les auteurs y indiquent qu’en traitement adjuvant à une thérapie médicamenteuse, les interventions psychologiques telles que la psychoéducation, la thérapie cognitive et comportementale, la thérapie interpersonnelle et des rythmes sociaux et la thérapie familiale ont montré de réels bénéfices en terme d’efficacité. Elles permettent d’atteindre une diminution du nombre de rechutes et de fluctuations thymiques, une utilisation moindre de traitement, une diminution du nombre d’hospitalisation ainsi qu’une amélioration de l’observance et vise à améliorer le fonctionnement global du patient.

Outline

Documents relatifs