• Aucun résultat trouvé

PARTIE III : LA PSYCHOEDUCATION ET L’AUTO-STIGMATISATION DANS LE

1.2 LA PLACE DE LA PSYCHOEDUCATION DANS LA PRISE EN CHARGE DE L’AUTO

1.2.2 Les interventions ciblées sur l’auto-stigmatisation dans le trouble bipolaire

1.2.2.1 Interventions basées sur le contact

En 1954, Gordon Alport propose une approche sociologique selon laquelle le contact avec une personne appartenant à un groupe stigmatisé améliore les attitudes à l’égard de celui-ci. Cette théorie s’est largement développée par la suite concernant des groupes sujets au phénomène de stigmatisation comme les personnes de race noire, les personnes homosexuelles, les personnes souffrant de handicap physique ou psychique. Concernant la maladie mentale, Kdodziej & Jonhson concluent dans leur méta analyse, que le contact interpersonnel avec une personne souffrant de maladie mentale engendrait significativement plus d’attitudes positives à l’égard de la pathologie

psychique (223). Selon certains auteurs, le contact avec une personne souffrant de maladie mentale est un élément essentiel pour réduire les préjudices associés à la stigmatisation(224) et un des ingrédients clés des interventions de lutte contre la stigmatisation (13). Pour Reinke et al en 2004, ajouter un contact avec une personne atteinte de maladie mentale aux interventions éducationnelles avait significativement plus de poids dans la lutte contre la stigmatisation que l’éducation seule (225). Pour Corrigan et al en 2012, les interventions basées sur le contact sont les plus efficaces pour lutter contre la stigmatisation publique. En 2006, la NAMI National Alliance of Mental Illness a mis en place aux USA un programme éducationnel destiné à apporter des connaissances et à modifier les attitudes de la population générale vis à vis des maladies mentales. Ce programme intitulé IOOV In Our Own Voice, élaboré et promulgué par des personnes atteintes de maladie mentale, combine une approche éducationnelle et du contact. Des vidéos réalisées par des personnes malades sur diverses maladies psychiatriques servent de support pour l’animation de groupes où, après que l’intervenant ait relaté son expérience liée à sa maladie mentale, il encourage les patients à s’exprimer également sur le sujet à travers un échange interactifs entre les participants.

Wood & Wahl en 2006 ont évalué pour la première fois cette intervention spécifique sur 114 étudiants randomisés en deux groupes et ont mis en évidence une amélioration significativement supérieure à la fois des connaissances et des attitudes des étudiants ayant bénéficié de l’IOOV vis à vis de la maladie mentale par rapport au groupe contrôle(226). En 2008, Rusch et al cherchent à étendre les travaux de Wood & Wahl de deux manières en comparant l’efficacité de l’IOOV à la psychoéducation en ce qui concerne le niveau de stigmatisation (mesuré à partir de l’échelle de distance sociale Social Distance Scale ; Link et al, 1987) et en spécifiant l’efficacité de l’IOOV selon différentes pathologies mentales avec comme principale cible le trouble bipolaire. Les auteurs utilisent un échantillon de 43 étudiants randomisés en deux groupes et confirment leur hypothèse selon laquelle le programme IOOV réduit significativement plus la stigmatisation à l’égard des patients bipolaires que la psychoéducation seule (227).

En 2012, Parikh et al ont testé une intervention basée également sur la notion de contact par le biais du support du théâtre chez des patients souffrant de trouble bipolaire et des

membres du personnel soignant. Les auteurs ont mis en évidence une amélioration significative des attitudes vis à vis de la maladie bipolaire entre le début et la fin du programme chez le personnel soignant mais pas chez les patients. Sans que la significativité ne soit présente, les sous scores à l’échelle de stigmatisation témoignent néanmoins d’une modification dans le sens positif des attitudes chez les patients (167). En 2013, CREST BD Collaborative REsearch Team to Study psychosocial issues in Bipolar Disorder et le CANMAT collaborent ensemble pour mettre en place une intervention destinée à lutter contre la stigmatisation qui se base également sur le contact avec une personne malade par le biais du support théâtral. Le contact est dans cette étude considéré comme indirect via un médiateur vidéo avec un film de 50 minutes intitulé « That’s just crazy talk » dans lequel un intervenant raconte son histoire personnelle et la façon dont la stigmatisation retentie sur sa vie. Dans un essai préliminaire fait par les auteurs en 2012, les patients souffrant de trouble bipolaire avaient jugé le contenu de l’intervention sous ce format filmé comme étant représentatif de leur trouble et les auteurs avaient conclu à la faisabilité de l’intervention. Hawke et al ont ensuite évalué en 2014 (228) l’efficacité de cette approche en ce qui concerne la stigmatisation à l’égard de la maladie bipolaire sur 137 participants comprenant 32 professionnels de santé, 48 patients souffrant de trouble bipolaire avec des membres de leurs familles, 28 étudiants et 29 individus de la population générale. Les auteurs ont utilisés trois instruments en lien avec la stigmatisation: la MISS Mental Illnes Stigma Scale (Day, Edgren &Eshleman ; 2007), l’échelle de distance sociale SDS Social Distance Scale (Link et al) et la MICA Mental Illness Clinician’s Attitudes Scale (Kassam et al 2010) qui reflètent les attitudes de stigmatisation du personnel soignant et retrouvent une amélioration significative des attitudes à l’égard du trouble bipolaire chez le personnel soignant avec un maintien de cette amélioration à 1 mois du programme. Les auteurs retrouvent également une réduction significative du désir de distance sociale chez les étudiants. L’efficacité du programme est jugée moyennement efficace pour les patients souffrant de trouble bipolaire et leur famille et ne se maintenait pas à distance de l’intervention.

En 2014, Michalak et al cherchent également à évaluer l’efficacité de cette même intervention sur la stigmatisation du trouble bipolaire en menant une étude quantitative et qualitative respectivement sur 164 participants (80 patients et 84 soignants) et 33 participants (14 patients et 19 soignants)(12). Les auteurs évaluent également l’auto- stigmatisation avec l’ISMI Internalized Stigma of Mental Illness, (Ritsher et al, 2003). Sur

le plan quantitatif, les auteurs ont pu mettre en évidence une amélioration significative des attitudes vis à vis du trouble chez les soignants à la fin du programme uniquement (Day’s Mental Illness Stigma Scale, Day et al, 2007) et pas d’amélioration significative chez les patients souffrant de trouble bipolaire. En ce qui concerne l’auto-stigmatisation, les auteurs n’ont retrouvé d’amélioration que dans une seule sous échelle (alienation) de l’ISMI à la fin du programme. Les auteurs concluent à un effet modéré et à court terme de leur programme sur les soignants et un faible effet sur les patients souffrant de

Outline

Documents relatifs