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1  Théorie des interactions faibles

1.1   Interaction universelle de Fermi

1.1.2    Théorie V − A

1.1.2.9 Limites de la théorie

Ainsi, la théorie V−A se trouve élargie pour rendre même compte de la violation de la G-parité − signe de la présence des courants de seconde classe (SCC) − ou encore pour valider l’hypothèse de conservation du courant vectoriel (CVC) pour l’interaction faible. Cependant, il existe un certain nombre de zones d’ombre qui font d’elle une théorie effective ou phénoménologique valable uniquement pour la description des processus faibles tant que la matière reste sondée à des distances bien inferieures à la longueur d’interaction. Cela sous entend en d’autres termes que lorsque l’énergie mise en jeu est suffisamment grande (q >>), la

théorie V−A perd son pouvoir prédictif. Ceci se traduit du point de vue théorique par

l’apparition de divergences irréconciliables, de sections efficaces par exemple. En particulier, la théorie V−A est dite non-renormalisable et viole la contrainte d’unitarité.

Courant Appellation Transformation Classe

( )

q ( )p ( )p fV 2 ψn ′γμψp Vectoriel modifié GJVG−1=JV Première

( )

q ( )p q ( )p fM ψn σ νψp ν μ 2

Magnétisme faible induit GJMG−1=JM Première

( )

q ( )p q ( )p f

i S n νψp

Scalaire induit GJSG−1=−JS Seconde

( )

q ( )p ( )p

fA n ′γμγ5ψp Axial modifié GJAG−1=−JA

Première

( )

q ( )p ( )p

fT 2 ψn ′σμνγ5ψp Tensoriel induit GJTG−1=JT Seconde

( )

q ( )p q ( )p f

i P ψn γ νψp 5

39 Interaction universelle de Fermi La propriété de violation de l’unitarité peut être comprise en considérant, à titre d’exemple, la section efficace σVA de la diffusion élastique électron-neutrino (eνe → eνe) prédite par la théorie V−A [Gre93, Her98] :

( )

2 2 2 1 ⎟⎟ ⎜⎜ = s m s G e e F e e e A V ν ν π σ (1.52)

avec sl’énergie disponible dans le centre de masse. La borne dite unitaire de la section efficace totale σtot est obtenue à partir de la condition d’unitarité imposée à l’opérateur de diffusion S qui s’exprime comme suit [Her98] :

( )

s J a I S S S S + = + = ⇒ J 2 ≤1 ∀ (1.53)

aJ (s) est l’amplitude de diffusion pour l’onde partielle J. Cette condition exprime le fait que la probabilité de diffusion pour chaque onde partielle caractérisée par un moment cinétique total J ne peut excéder à 1. Seule l’onde partielle s (l = 0) contribue à ce processus étant donné que l’interaction de type courant-courant (Fermi, V−A) n’autorise la diffusion des deux particules (ee) que si celles-ci se trouvent au même point : la collision doit être donc centrale. Ceci impose un moment orbital relatif nul pour les partenaires. En vertu de la contrainte d’unitarité, la contribution de l’onde s à la section efficace totale σtot doit être limitée (ou bornée) [Gre93, Her98] :

( )

a

( )

s s s d d d s J J tot σ π π σ 4 2 4 0 0 = Ω Ω = = Ω =

(1.54)

Etant donné que la section efficace calculée σVA (cf. relation 1.52) est isotrope, l’unique contribution au processus de diffusion provient alors de l’onde s. On parvient finalement à la contrainte physique suivante (dans la limite s >> me) [Gre93, Her98] :

s s GF tot π π σ = 2 4 (1.55) Il est clair que pour les hautes énergies, la section efficace prédite par la théorie V−A surpasse la borne supérieure imposée par la contrainte d’unitarité. La violation de l’unitarité se produit à une échelle d’environ s~ 300 GeV.

Le caractère non-renormalisable de la théorie V−A se manifeste aussi à haute énergie. Le comportement à haute énergie d’une théorie est lui déterminé par les processus d’ordres supérieurs. En particulier, lors de la tentative d’inclure dans le développement perturbatif les contributions dues aux termes d’ordre supérieur, apparaissent alors des divergences qui ne peuvent être éliminées en appliquant les procédures standards de renormalisation. À titre illustratif, considérons le même processus de diffusion (électron-neutrino) évoqué plus haut. Lorsqu’on évalue la contribution du deuxième ordre de perturbation, représenté par le diagramme (b) de la figure 1.6, à l’élément de matrice de diffusion on s’aperçoit que cette contribution S(2) est proportionnelle à l’intégrale divergente [Gre93] :

( ) ≈ ⋅

0 2

2 G qdq

S F (1.56) où q est l’impulsion échangée par les partenaires durant la première diffusion. La raison de l’apparition de cette divergence réside dans la nature de l’interaction de Fermi elle-même :

(a) (b) e ν νe e e e ν e

= +

e ν e νe νe e e e ν e GF GF GF

interaction de contact au niveau du vertex entre les deux particules. Celles-ci ne peuvent interagir que si elles occupent la même position. L’unique dépendance en q dans S(2) provient alors du propagateur des deux particules (e,νe) dans l’état intermédiaire. Cependant, le couplage courant-courant ne fournit aucune contribution qui peut compenser le terme q et contraindre ainsi la divergence de l’intégrale de la relation 1.56.

Fig. 1.6 : Contribution des processus d’ordre supérieur à la diffusion électron-neutrino. En particulier, le diagramme (b) schématise la contribution du second ordre perturbatif [Gre93].

Toutefois, cette difficulté peut être résolue à condition de supposer que l’interaction faible est propagée par un boson vecteur W intermédiaire, comme c’est le cas en QED où la diffusion électron-électron est portée par le photon. Sauf que la courte portée de l’interaction faible exige à ce boson (W) d’être massif MW. Cette astuce a l’avantage d’introduire un propagateur de la forme : Dw

( )

q2 g2

(

MW2−q2

)

dans l’amplitude de diffusion, avec q2

l’impulsion du boson W transférée entre les deux vertex et g la constante de couplage (sans dimension) W-leptons (e−νe). La divergence due à la borne supérieure ∞ dans l’élément de matrice de diffusion S(2) est alors éliminée [Gre93].

Enfin, pour clore la discussion entreprise dans ce paragraphe, il faut noter qu’un processus de diffusion tel (eνμ→ eνμ) n’est pas prévu dans le cadre théorique de l’interaction de Fermi avec un couplage (VA). Examinons les courants leptoniques qui interviennent lors de ce processus. Le neutrino muonique νμ étant une particule démunie de charge, le courant qui lui est associé ψνμγμ

(

1−γ5

)

ψνμest donc neutre au sens usuel du terme. Pour l’électron

( V A ) e

eγ g g γ ψ

ψ μ 5 , le moins que l’on puisse constater est que la charge (électrique) est

conservée. Ainsi, on serait naturellement tenté par appeler ce courant ‘neutre’, dans le sens où le courant électromagnétique ψ γμψ serait neutre pour toutes les particules. Les courants intervenant lors du processus de diffusion (e−νμ)sont donc neutres. Ceci n’était pas le cas pour les courants chargés de la désintégration β où la particule entrante voyait sa charge changer (diminuer ou augmenter). Pour décrire le processus (eνμ → eνμ), le boson intermédiaire échangé doit être neutre et de spin 1. La figure 1.7 représente le couplage des deux courants leptoniques avec échange du boson neutre Z0 qui répond à ces critères.

L’existence des courants faibles neutres a été prédite par S. Glashow en 1961 [Gla61] mais ne fut corroborée par leur mise en évidence expérimentale que 12 années plus tard dans les diffusions hadrons-neutrinos au CERN par la collaboration Gargamelle [Has73]. Les

41 Interaction universelle de Fermi e e Z0

ν

μ

ν

μ

partisans de l’unification des interactions faible et électromagnétique, S. Weinberg et A. Salam ont été les premiers à réaliser les propriétés similaires du boson Z0 et du photon γ. L’interaction faible (pour les courants chargés) quant à elle, elle fait apparaître deux bosons chargés massifs : W+ et Wpour les désintégrations β+ et βrespectivement. La première proposition d’un groupe de symétrie permettant de traiter les interactions faible et électromagnétique par la même théorie de jauge : la théorie électrofaible, vint de Glashow [Gla61]. Les prédictions théoriques incluaient l’existence des quatre bosons vecteurs physiques W+, W, Z0 et γ.

Fig. 1.7 : Couplage des courants neutres dans la diffusion (e−νμ) par l’intermédiaire du boson neutre Z0.

La première partie de ce chapitre 1.1 nous a permis de situer l’hypothèse CVC, que notre travail expérimental se propose de vérifier directement au travers de deux candidats idéals (62Ga et 38Ca), dans le vaste champ de la théorie VA. Les considérations discutées dans ce dernier paragraphe doivent en principe convaincre de la nécessité de disposer d’une théorie au-delà de VA dès lors qu’il s’agit de décrire les processus physiques mettant en jeu un grand transfert d’impulsion (q >>). Ces processus se produisent généralement lorsque la matière est sondée à grande longueur d’interaction, soit en ses constituants les plus élémentaires. Ceci relève du domaine de la physique des hautes énergies et ne concerne, à priori, ni la physique nucléaire en général ni d’ailleurs les transitions super-permises de Fermi en particulier. Par ailleurs, le lecteur réalise intuitivement que la théorie VA permet de rendre compte de l’observation expérimentale et décrit de façon très satisfaisante les processus faibles se produisant à basse énergie dont la désintégration β nucléaire est un exemple. La théorie VA fournit surtout les outils nécessaires pour effectuer les mesures de vérification, à l’instar de la relation 1.16 qui explique comment déduire la valeur de la durée de vie comparée (ƒt).

Toutefois, il existe un trait d’union assez intéressant et d’ailleurs rare entre les deux disciplines (physiques des hautes et basses énergies) qui est implicitement exprimé par la relation 1.37 reliant les constantes de couplage vectoriel du muon et de la décroissance β nucléaire. Pour interpréter la différence constatée entre ces deux constantes, il nous est à présent nécessaire d’emprunter la notion de mélange de saveurs des quarks par l’interaction faible au Modèle Standard (SM). Il se trouve que le mélange en question est pris en compte par la matrice dite de Cabibbo-Kobayashi-Maskawa CKM. Cette dernière doit satisfaire à une contrainte, sans quoi certains fondements théoriques sur lesquels est construit le SM sont remis en question. On se propose donc de faire “un saut” et d’introduire ou plutôt de localiser la matrice CKM dans le paradigme du SM.

Avant cela, il convient de faire remarquer que la prochaine partie de ce chapitre n’est pas destinée à réécrire les “choses” en se servant du formalisme du SM. En effet, cela ne relève pas de notre étude et s’avère même illusoire pour la raison suivante. Il est impératif de noter que le Modèle GSW, où plus généralement le SM, sont des théories qui s’appliquent strictement et uniquement aux particules élémentaires : quarks et leptons. Les hadrons, états liés de quarks, sont traités dans le cadre de la physique hadronique (ou QCD non-perturbative).

Notre intérêt concerne en premier la compréhension de la particularité qui différencie une théorie de jauge tel le Modèle GSW d’une théorie quantique relativiste et invariante sous une symétrie globale telle VA. Ensuite, comme on s’interroge sur la notion de mélange et la contrainte imposée à la matrice CKM, il parait naturel qu’on puise les explications adéquates. Cependant, notre but final reste surtout d’établir explicitement le lien entre l’étude des transitions super-permises de Fermi et la vérification de l’hypothèse CVC, qui conduisent à l’évaluation d’un élément de la matrice de mélange CKM et qui contribuent donc à tester la contrainte à laquelle elle doit satisfaire : l’unitarité.

Le prochain chapitre où l’on se propose de visiter de façon succincte le Modèle Standard électrofaible est structuré de la façon suivante. L’objectif du paragraphe introductif est de retracer les grandes lignes du développement de la théorie électrofaible, il fournit entre autres les références pour une description plus complète. On s’essaiera par la suite à définir de façon générale et brève le concept de théorie de jauge. On s’intéressera en particulier au secteur électrofaible du SM ou le Modèle GSW, c’est-à-dire la partie qui traite de l’unification des interactions faible et électromagnétique. Après avoir présenté la structure du groupe de symétrie SU(2)L×U(1)Y unificateur, nous verrons que cette nouvelle formulation conduit à la classification des fermions selon leur chiralité. De là découlera le constat de la présence de mélange des états propres de la masse dans les processus faibles. Le concept de couplage entre les quarks s−d par l’interaction faible peut être compris dans le cadre de la théorie de Cabibbo. Celle-ci fera l’objet du deuxième paragraphe et permettra d’interpréter la différence constatée entre les constantes de couplage vectoriel du muon et de la désintégration β nucléaire. Enfin, la généralisation par Kobayashi et Maskawa du couplage faible pour les courants hadroniques chargés aux trois générations de fermions présumées dans le SM, conduit à la formulation de la matrice CKM. On introduira celle-ci dans le dernier paragraphe où l’on tentera de comprendre à quoi est rattachée la contrainte d’unitarité qui lui est imposée.