• Aucun résultat trouvé

3.3   Analyse des données

3.3.4 Effets systématiques

3.3.4.2 Effets liés aux conditions de détection

On s’intéresse dans ce paragraphe aux erreurs systématiques qui peuvent être causées par l’instabilité du détecteur de rayonnement β et/ou l’électronique associée employés lors de l’expérience. En effet, certaines conditions expérimentales liées à la détection des événements de décroissance ont été modifiées durant la prise de données. Il s’agit principalement de la haute tension à laquelle est soumis le compteur à gaz et le seuil du discriminateur à partir duquel étaient générés les déclenchements. On se propose d’étudier l’incidence qu’ont ces modifications sur la durée de vie mesurée pour 38Ca.

La figure 3.11 reprend les durées de vie individuelles présentées antérieurement (cf. figure 3.5) en explicitant cette fois-ci, à l’aide de symboles différents, les valeurs de la tension de polarisation HV ainsi que le seuil de discrimination (seuil) avec lesquelles ont été enregistrés les 39 runs analysés. En examinant qualitativement les données montrées sur la figure 3.11, on peut conclure que la modification de l’un des paramètres expérimentaux adressés ici, d’un run à l’autre, n’induit pas une variation importante dans le résultat obtenu pour la durée de vie. À cette règle, il existe une exception notable qui concerne le run 54. En effet, ce dernier a été réalisé avec une haute tension HV = 2700 V différente de celle appliquée durant le groupe de runs qui le précédent. La durée de vie 38Ca donnée par l’analyse du run 54 montre un désaccord net (∼ 2.7σ) avec celle obtenue pour la série de runs 36−43 réalisés avec le même seuil de discrimination −450 mV mais avec une tension modifiée à 2650 V. On constate néanmoins que le run suivant (55), enregistré dans les mêmes conditions HV et seuil, conduit à une durée de vie qui est d’une part compatible avec la valeur moyenne de l’ensemble et d’autre part inconsistante avec la mesure issue du run 54.

La particularité de la situation du run 54, ainsi que le run 6, pointe probablement des anomalies qui puisent leur explication dans des phénomènes autres que ceux liés aux conditions évoquées ici. Le point commun entre ces deux runs est qu’ils soient accomplis juste après ceux mesurant la décroissance de l’isotope 39Ca (étudié pendant la même expérience), soit à la reprise du faisceau secondaire de masse 57. Le réglage des différents éléments du séparateur isotopique durant ces modifications pourrait avoir occasionné la présence d’impuretés dans l’échantillon mesuré. Si l’on se base sur cette observation, on peut attribuer la différence constatée avec les durées de vie issues des runs 6 et 54 à la non-prise en considération d’impuretés (de courtes périodes) lors de la modélisation de la courbe de décroissance expérimentale. Cette éventualité même n’étant pas complètement exclue, elle demeure en revanche peu probable pour les raisons suivantes. D’abord, la procédure de

séparation isotopique employée à ISOLDE est caractérisée par une très haute sélectivité : le taux de contamination doit être de ce fait extrêmement faible. Ensuite, si tel était le cas, on s’interroge sur la disparition inexpliquée de ces contaminants hypothétiques dès les runs suivants 8 et 55, réalisés au plus tard 1h30 après les runs présentant les anomalies discutées.

Fig. 3.11 : Vérification de la présence d’effets systématiques liés à la détection β dans la mesure de la durée de vie de 38Ca. Cette figure reprend les données déjà présentées sur la figure 3.5. Les différents symboles correspondent aux paramètres de détection des événements de décroissance : la tension de polarisation du compteur à gaz HV et le seuil du discriminateur de déclenchement Threshold. Les résultats montrés proviennent des 39 runs analysés et concernent le lot N°1 (temps mort fixe de 2μs). La durée de vie moyenne déduite à partir de ces données est de 445.81(96) ms. Elle est représentée par la ligne horizontale continue sur la figure.

On se propose pour l’instant d’étudier l’effet de chaque paramètre de détection HV et seuil séparément.

La haute tension HV à laquelle est maintenue l’anode du compteur à gaz a été variée à trois reprises : deux fois au tout début puis vers la fin de l’expérience. Les valeurs testées appartiennent au domaine de tension dans lequel le nombre de coups enregistrés devient quasi-indépendant de la tension appliquée. Cette région de tension est appelée plateau ; elle définit le régime de fonctionnement d’un compteur de type Geiger-Müller. Nous avons d’abord regroupé les runs réalisés avec la même tension de polarisation, puis estimé la valeur moyenne de la durée de vie pour chaque série ainsi constituée.

Les trois valeurs moyennes T1/2(38Ca) déduites de cette façon sont reportées sur la figure 3.12a afin d’être comparées. Ces valeurs ne semblent compatibles entre elles qu’à 6σ ce qui pointe une réelle inconsistance. La raison de cette disparité relève du désaccord entre la durée de vie moyenne obtenue pour le groupe de runs 6,8−11 enregistrés avec une tension de 2600 V, et celle associée à la grande majorité des runs 12−43 réalisés quant à eux avec une tension de 2650 V. Les deux valeurs en conflit l’une avec l’autre s’avèrent néanmoins en accord avec le résultat obtenu à partir des runs 54 et 55, tributaires de la tension de 2700 V.

185 3.3 Analyse des données Concernant l’origine de la fluctuation constatée, il est difficile au stade actuel de l’avancée de l’analyse d’attribuer celle-ci à une dépendance systématique de la valeur mesurée pour la durée de vie avec la haute tension. En effet, l’ensemble des valeurs disponibles pour l’étude n’évoluent pas dans un sens bien défini ou privilégié lorsque la tension est variée. Si tel était le cas on aurait par exemple relevé des durées de vie de plus en plus longues au fur et à mesure que la valeur de la tension augmentait ou inversement. Il est néanmoins possible d’évoquer, de manière provisoire, deux hypothèses pouvant aider à comprendre la disparité signalée.

Fig. 3.12 : Effets des conditions expérimentales liées à la détection β sur la valeur déterminée pour la durée vie de 38Ca. La figure (a) montre les valeurs moyennes obtenues pour la durée de vie à partir de l’analyse des runs où la haute tension appliquée au compteur Geiger était la même. La figure (b) présente les durées de vie moyennes associées aux runs enregistrés avec le même seuil pour le discriminateur dont sont issus les signaux rapides (voie temps). L’évaluation de ces valeurs moyennes est expliquée dans le corps du texte. Ces informations concernent les données du lot N°1 (DT =2μs).

La première hypothèse suppose que la divergence constatée est plutôt lié à l’insuffisance des données disponibles à la tension de 2600 V. Pour cela, on fera remarquer que la valeur moyenne déduite pour la durée de vie à cette tension est essentiellement gouvernée par la mesure issue du run 10. La raison est que la précision sur cette dernière est sensiblement meilleure que celles obtenues sur les autres mesures entrant dans l’extraction de la valeur moyenne en question (cf. figure 3.11). L’évaluation de celle-ci étant basée sur le principe de pondération des incertitudes individuelles, c’est le poids de la valeur précise qui prédomine. Ainsi, le fait que le résultat établi à la tension concernée repose principalement sur une mesure unique confère peu de fiabilité au jugement qui en découle.

La deuxième hypothèse repose sur le fait déjà invoqué (paragraphe 3.3.3), qui relie la fluctuation des valeurs individuelles de la durée de vie à un effet de variation de l’activité initiale de l’échantillon 38CaF+ fourni à l’étude. On notera que le groupe de runs 6, 8−11, tributaire de la tension HV = 2600 V, se démarque par une activité relativement plus faible que la moyenne. On peut alors attribuer l’écart observé non pas à la modification du paramètre de détection HV mais plutôt assumer qu’il soit la manifestation d’un phénomène lié à la variation de l’intensité de production des molécules étudiées. Nous discuterons ce point dans le prochain paragraphe.

Un paramètre modifié périodiquement durant la prise de données est le seuil du discriminateur utilisé pour générer les signaux logiques de la voie temps qui déclenchaient l’événement de décroissance β. Les valeurs seuil utilisées variaient entre −0.100 et −0.450 mV ; elles ont été diminuées au fur à mesure que l’expérience progressait. Une fois les runs réalisés avec la même valeur pour ce paramètre sont regroupés, la valeur moyenne établie pour chaque seuil est reportée en guise de comparaison sur la figure 3.12b. Les résultats présentés proviennent de l’analyse du lot enregistré avec un temps mort fixé à 2 μs.

En examinant qualitativement le comportement de la durée de vie avec la valeur du seuil, on peut constater que les valeurs moyennes déterminées pour celle-ci se partagent préférentiellement en deux groupes. Les mesures de chaque groupe sont relativement compatibles entre elles. Par ailleurs, la tendance au sein de chaque groupe est que la durée de vie moyenne semble devenir légèrement plus longue quand le seuil de discrimination augmente. Lorsqu’il s’agit d’interpréter l’origine du décalage entre les deux groupes de données, il est utile de signaler qu’à partir du run 25 (soit pour le seuil de −350 mV) le discriminateur employé depuis le début de l’expérience a été remplacé pour faire face à un problème de doubles déclenchements sur le compteur β. S’agissant d’expliquer l’incidence qu’a le changement de ce module électronique sur les résultats établis pour la durée de vie, notre analyse préliminaire n’est pas en mesure de fournir une réponse convaincante à cette question. Il est néanmoins clair que les différences observées sur la figure 3.12b suggèrent un lien implicite entre les valeurs mesurées pour la période β et la discrimination des déclenchements fortuits.

Il est toutefois possible d’évoquer, de manière provisoire, une piste pouvant aider à comprendre l’origine de ce lien. Notons d’abord que l’acquisition des données peut bien être déclenchée invariablement soit par un événement de décroissance attribué à 38Ca ou encore au noyau 38mK, généré par désintégration du premier. Du fait de la différence entre les bilans énergétiques de ces deux désintégrations β, la distribution en énergie des positons émis est plus dispersée pour 38Ca tandis qu’elle est plus compacte pour 38mK, ce dernier étant moins exotique (end-point situé vers 5 MeV). Il vient de ce fait que la discrimination des événements de basse énergie subie par 38Ca et 38mK est différente. Cet effet même étant subtile, il peut en revanche être responsable de la modification de la durée de vie déterminée avec un facteur proche de 2‰ [Bla07]. La précision recherchée sur la durée de vie de 38Ca étant du même ordre de grandeur, cette variation devient alors prépondérante.

Ainsi, on peut remarquer que si globalement les valeurs individuelles de la durée de vie varient peu d’un run à l’autre à l’exception de quelques cas notables (cf. figure 3.11), la valeur associée à chaque groupe de runs réalisés dans les mêmes conditions prises séparément peut fluctuer de manière non négligeable. Ce constat nous invite à considérer avec beaucoup de circonspection l’absence d’effets systématiques probables liés à ces conditions. Il est clair que la confirmation de ces effets tout comme leur compréhension nécessite une étude plus approfondie et des données disponibles et de la chaine de détection β.

Enfin, la majorité des runs 6−43 ont été accomplis avec un temps d’observation de la décroissance de 7.5 s tandis que le temps utilisé pour les deux derniers runs 54 et 55 était de 16 s. Pour ces mêmes runs (54 et 55), la résolution en temps du spectre de décroissance a été également élargie d’un facteur deux par rapport à sa valeur précédente (5 ms/canal). Ces changements n’ont pas induit un effet systématique observable sur la durée de vie compte tenu que les valeurs moyennes : 445.44 (86) et 454 (12) ms associées à ces deux séries de mesures sont raisonnablement dans les barres d’erreurs.

187 3.3 Analyse des données