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D. Suède : la prise en considération de la santé mentale au travail

3. Les limites du système

La loi sur l’environnement de travail reconnaît les risques psychosociaux sans pour autant contenir de dispositions spécifiques. Cette catégorie de risques nécessite des dispositions particulières tant les besoins sont importants. Le SWEM exige de l’employeur la possibilité de faire des inventaires des risques psychologiques. Or, on peut reconnaître que le système suédois de l’environnement du travail est beaucoup plus disposée aujourd’hui qu’il y a 30 ans pour délivrer des injonctions concernant les lourdes charges de travail, le travail isolé et les risques concernant la violence. Dans de nombreux cas, ce sont les délégués à la sécurité qui informent l’employeur des problèmes psychosociaux sur le lieu de travail. L’Autorité de l’environnement de travail n’est pas particulièrement soucieuse à délivrer des injonctions relatives au harcèlement. Il existe donc un besoin d’une législation spécifique. Celle-ci peut-être adoptée en dehors de la Loi sur l’environnement de travail. Les enfants scolarisés sont protégés contre le harcèlement. Or, les personnes harcelées ont besoin d’une sorte de soutien mental et financier.

Par ailleurs, la loi sur l’environnement de travail atteint rapidement ses limites. Elle est en effet davantage conçue pour des ouvriers masculins que pour des travailleuses qui prennent soin des personnes âgées, handicapées ou encore des salariés stressés qui travail dans un bureau. Cela est un problème.

Débat

Philippe AUVERGNON

« Teun Jaspers a insisté utilement sur l’existence de risques psychosociaux spécifiques en fonction de l’entreprise, de sa taille, de son secteur de l’entreprise. Par ailleurs, on a, au cours de cette matinée, relevé la place, à géométrie très variable, laissée à l’intervention syndicale, y compris du strict point de vue des possibilités juridiques, entre pays d’Europe

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du Nord, notamment entre la Norvège et la Suède ».

Maria STEINBERG

« En premier lieu, c’est vraiment un moyen pour les politiciens de se cacher derrière les employeurs ou la division entre employeurs et syndicats de salariés quand ils ne veulent pas changer quelque chose. Nous avons besoin de discussions sur la modification de ces dispositions de façon différente, mais nous n’avons pas de pouvoir de décision et les politiciens reportent le moment de la modification des dispositions relatives aux risques psychosociaux.

Ensuite, il existe un problème concernant les syndicats avec le harcèlement. Il est vraiment plus facile de dénoncer un problème d’ordre psychosocial quand il vient de la charge de travail que quand il vient du côté du harcèlement. Le syndicat local ne sait pas forcément où est la vérité tout en représentant la ou les victimes de harcèlement. Aussi dans un sens, ce système ne fonctionne pas bien, c’est certain.

Enfin, nous avons aussi des milliers de cas de harcèlement qui ont été rapportés à l’autorité du travail et aux syndicats, mais de ces cas aucun n’est allé jusqu’au contentieux devant les tribunaux ! Aussi, il existe un fossé entre la théorie (séduisante) et la réalité de la pratique ».

Wim VAN VEELEN

« Une intervention aussi pour montrer que le rôle du syndicat peut être important aux Pays- Bas pour contraindre l’employeur à indemniser la victime d’une maladie causée par le travail. Par exemple nous avons réussi à indemniser à hauteur de 600 000 euros un travailleur de 35 ans victime d’une maladie psycho-organique due à sont travail et qui ne pourra plus jamais travailler. Or, particulièrement pour les petites entreprises, les effets peuvent être spectaculaires car le montant de cette indemnisation peut contraindre l’entreprise à fermer et les effets personnels du chef d’entreprise peuvent être dans certains cas être saisis. Il y a donc de quoi effrayer… »

Damien JOURDES (DIRECCTE)

« Il s'avère que la Cour de cassation en France s’oriente vers une critique des sources de management qui serait une source de risque psychosocial et différents rapports dans le cadre de travaux parlementaires ont totalement stigmatisé des méthodes de management, ce sont les méthodes qui sont remises en cause, qui seraient à l'origine de stress et de violence. Je voudrais savoir si ce genre de stigmatisation existe également dans vos différents pays ? »

Loïc LEROUGE

« Peut-on savoir si le droit des Pays-Bas prenait en compte les relations entre organisation du travail et les atteintes à la santé mentale? »

Philippe AUVERGNON

« Reconnaît-on dans vos pays cette notion de "harcèlement managériale" c’est-à-dire non pas liée à tel ou tel comportement pervers de tel cadre, mais qui est directement lié au choix de management ? »

Harald PEDERSEN

« Oui, cela s’est produit à plusieurs occasions en Norvège en lien avec des questions au sujet de savoir si des politiques de gestion avaient dépassées certaines limites ».

Geir KARLSEN

« Il existe quelques affaires portées devant la Cour Suprême relatives à politiques de gestion qui affectent les personnes, mais pour ressortir et être reçues elles doivent dénoter une situation de stress ou de burn out. S’il est prouvé que ces décisions managériales ont créé un stress ou un une situation de burn out qui a causé un dommage à la santé d’une personne, celle-ci percevra la réparation relatives aux dommages dont elle a souffert. Elle ne percevra rien de plus, c’est la raison pour laquelle elle peut percevoir une forte somme d’argent car elle de touchera rien d’autres sauf quelques indemnités chômage pendant une courte durée »

Harald PEDERSEN

« Juridiquement, l’employeur doit se comporter comme "un bon employeur". Soit la victime de stress causé par des décisions managériales poursuit l’employeur en demandant réparation du stress entraîné par ces décisions, soit il poursuit l’employeur sur le fait qu’il ne s’est pas comporté en "bon employeur" car celui-ci devait être conscient que sa décision pouvait entraîner des dégâts sur la santé de ses salariés ».

Maria STEINBERG

« Devant le tribunal du travail, nous voyons quelques cas à ce sujet, mais on n’en parle pas vraiment dans notre pays ».

II. Risques psychosociaux et droit de la sécurité sociale : une consécration récente