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B. Norvège : volonté de bien faire et difficultés en pratique

2. Analyse systémique

Les entreprises établissent des systèmes de prévention et de surveillance des risques, mais qui peinent à enregistrer les risques psychosociaux (risques reportés principalement axés sur les risques physiques). Par ailleurs, en raison de l’absence de cadre-analytique, les compétences pour évaluer les risques psychosociaux sont plutôt faibles. Cette obligation est reprise par des consultants qui vendent des évaluations et pas la compétence ou la formation. Car 40 heures de formation des délégués à la sécurité concernant l’évaluation des risques psychosociaux ne suffisent pas. On est aussi dans une incitation à produire de la documentation plutôt que dans une dynamique d’acquisition de compétences.

Les contrôles des entreprises mettent le contrôle public dans une position où les entreprises sont certes critiquées, sanctionnées (amende), etc., mais les solutions ne sont pas fournies. Toutefois, cet aspect s’est amélioré ces dernières années en raison de campagnes visant à cibler les sous-domaines de l’environnement psychosocial au travail et de promouvoir une compréhension de l’obligation légale de l’environnement de travail.

Enfin, les syndicats ont promu l’éducation et la formation comme le principal vecteur de la réalisation des évaluations des risques psychosociaux (les employeurs sont tenus de remplir un minimum de cours après la nouvelle loi du travail de 2005). Il est cependant difficile d’en évaluer les effets, mais ces effets peuvent être présumés. Enfin, ne pourrait- on pas inclure en arrière plan des négociations sur les salaires les risques psychosociaux ?

Débat

Alexandre CHARBONNEAU

« Pour commencer, j’aurais une question pour Madame Pochet qui reprend un peu ce qui vient d’être expliqué sur l’opposition entre approches individuelles et collectives. Je me posais la question sur le produit de votre évaluation psychosociale. Est-ce que votre document est accessible à l’inspection publique du bien-être et qu’est-ce qu’elle en tire comme conclusion si elle voit que vous avez pointé les problèmes d’ordre collectif lié à l’organisation et qu’il n’y a rien de mis en œuvre ? »

Emmanuelle POCHET

« Les inspections du travail ont accès aux plaintes motivées, aux analyses, aux rapports d’analyses psychosociaux et donc, par exemple, si l’employeur ne met pas en œuvre les mesures que nous avons proposées et que l’Inspection estime qu’il faut les mettre en œuvre, elle peut arrêter les activités de l’entreprise. Bien entendu, dans le cas des écoles, par exemple, on ne peut pas arrêter leur activité, c’est une difficulté. Concernant les

plaintes motivées, si l’employeur ne met pas de mesures en place, le plaignant lui-même peut saisir l’inspection du travail qui peut mettre l’employeur en demeure de prendre certaines mesures contrairement à nous. »

Sonia LABERON

« La question que je vous pose est celle de l’étalonnage. Est-ce qu’on considère que les personnes sont en risque par rapport au niveau qu’elles déclarent percevoir de ce risque là ou est-ce que vous déterminez des étalonnages particuliers qui seraient sectoriels, généralistes? »

Emmanuelle POCHET :

« Pas actuellement. Mais c’est un projet dans notre plan 2011 de faire une sorte de benchmarking. »

Geir KARLSEN :

« Bien sûr, je pense que d’un point de vue technique que dernièrement il y a plusieurs problèmes avec l’évaluation des problèmes psychosociaux et je vais vous donner un exemple. J’ai été le gestionnaire d’un projet pour réaliser une enquête sur l’environnement de naissance pour l’armée. Il y en avait deux sortes. La dernière enquête a été menée en 2009 avec environ 16 000 employés. Maintenant, vous pouvez diviser ce groupe d’employés en plusieurs subdivisions. Il y a différents domaines techniques (mécanique, santé, etc.). Mais il y avait un problème que nous avons rencontré, celui de ceux qui ont signalé de sérieux problèmes avec leurs conjoints (divorcés ou proche du divorce). Nous avions 5 différentes mesures de cela, des mesures quantitatives. Il y avait deux facteurs qui étaient à peine distincts, l’un relatifs à l’exposition à la guerre (batailles, fusillades en Afghanistan). Or, nous avons trouvé que ce n’était pas le fait d’être en Afghanistan qui causait les problèmes à la maison. C’était deux choses opposées. Ceux qui étaient employés dans l’armée et qui avaient des problèmes personnels étaient beaucoup plus susceptibles de demander un service extérieur. Puis il y a eu une grande discussion dans les journaux au sujet du prix que l’État payait pour le service militaire à l’étranger, qui est très élevé et c’était à la famille de payer pour cela. Nous pouvons alors tous regarder cela différemment car ce service extérieur était une façon de s’éloigner de tous les ennuis. Alors, comment pouvons-nous l’expliquer ?

D’un point de vue statistique, il existe un risque de mort. Il est absolument impossible de trouver toute sorte de preuve mathématique qui peut dire qu’un argument est meilleur qu’un autre. Vous êtes constamment dans ces sortes de problèmes ».

Harald PEDERSEN

« Geir Karsen a donné quelques exemples de règlement de contrôle interne en Norvège dont nous sommes assez fiers. Mais ils ont des côtés problématiques et vous avez montré certains d’entre eux. Je voudrais juste parler d’un autre problème qui n’est pas connecté aux conflits personnels. C’est sur ce point que la Norvège a commencé à adopter ces règlements et contraint les entreprises à avoir une activité continue de contrôle l’environnement de travail

L’accent a été mis seulement sur la prévention et sur la réalisation d’enquêtes. Est-ce de l’analyse qualitative ? Est- ce que leur protocole incluait des questions sur ce que ressentait les travailleurs, quels problèmes rencontraient-ils et qu’utilisaient-ils comme moyen de prévention continue ?

Ainsi, les problèmes surviennent quand une personne se plaint ou est impliquée dans une plainte. En effet si la société continue dans cette perspective, l'activité de contrôle interne

aboutit à une nouvelle violation des personnes a impliquée. Par exemple, le conflit entre deux personnes peut être manipulé : "il y a un problème avec deux personnes, alors faisons un questionnaire anonyme pour tout le monde". Tout tournera mal… Ainsi, notre système informatique et de questionnaire est très bon et nous en sommes très fiers, mais il doit aussi être intensifié ainsi tant que nous pouvons travailler et en continue. Nous essayons d’enseigner aux entreprises en Norvège à voir les différences entre les actions préventives et les interactions ».

Wim VAN VEELEN

« J’ai une question pour Emmanuelle Pochet. Vous nous avez dit qu’il y avait une obligation légale pour l’employeur d’évaluer les risques psychosociaux dans l’entreprise et vous nous avez aussi dit, après analyse, que les employeurs ne savaient pas quoi faire. Alors que je me disais que c’était curieux de vous embaucher en tant qu’expert. Par exemple, vous faites votre analyse, vous avez des résultats et finalement les employeurs disent qu’ils ne peuvent rien faire. Que faites-vous comme service préventif lorsque recevez une telle réponse? Comment traitez-vous avec ces employeurs ?

Emmanuelle POCHET

« Actuellement, le souci est une question de temps. Nous n’arrivons plus à faire de la prévention parce que nous avons une augmentation fulgurante du nombre de plaintes motivées, c’est affolant depuis 2008, est-ce dû à la crise ou alors la loi est plus connue ? Et donc, nous sommes tout le temps dans la réaction. Alors, c’est vrai que nous avons tendance à remettre le rapport. Les mesures sont simples, par exemple, trouver un canal de communication plus adéquate, remettre les locaux en état, etc. Le problème récurrent est qu’en interne, ils n’ont pas de ressources pour mettre tout cela en place. Et ils ont besoin de quelqu’un qui les accompagne, c’est vraiment ce qu’ils nous disent. Comment mettre cette mesure en place ? Mais actuellement la loi ne prévoit pas cela pour le conseiller en prévention, elle dit que le conseiller donne des conseils et puis la mise en place doit se faire en interne. Il y a un manque de temps, un manque de ressources, un manque de spécialistes dans le domaine. Une révision de la loi est en cours en Belgique et nous disons qu’il faudrait que le conseiller en prévention puisse aller jusqu’au bout de son action et pas uniquement donner des conseils, mais accompagner l’employeur pour expliquer concrètement comment mettre les choses en place. Il faudrait augmenter le nombre de conseillers en prévention et dégager plus de temps pour la prévention ».

Laurent PETIT

« Je voulais rebondir sur la précédente question, je me suis laissé dire par certaines services externes que 3 % des employeurs affiliés demandent effectivement de collaborer à l’analyse des risques, est-ce que ce chiffre est exact ? Deuxième question pour la situation en Belgique, est-ce que j’ai bien compris que l’employeur met en place le système de gestion des risques et puis il doit être systématiquement validé par l'inspection ? »

Emmanuelle POCHET

« Actuellement, il y a de plus en plus d’employeurs qui nous demandent de les aider à faire des analyses des risques, ils ont besoin de notre aide, 3 % cela me paraît très peu. Je dirais qu’il y a 20 à 30 % qui effectuent cette demande ».

Loïc LEROUGE

« Une question pour Emmanuelle POCHET pour revenir sur la notion d’inspection du contrôle du bien-être, je voulais savoir s’il s’agit de l’Inspection du travail ou d’un

département de l’Inspection du travail. Puis, une question qui s’adresse à vous deux, est-ce qu’il existe comme en France un organisme national qui travaille sur la prévention des risques professionnels ou cela se résume à l'Inspection du Travail ? »

Emmanuelle POCHET

« Le contrôle du bien-être est en effet une structure qui fait partie de l’Inspection du Travail et qui est spécialisée dans tout ce qui concerne la charge psychosociale. Au niveau de la recherche, oui plusieurs instituts travaillent sur le thème de la charge psychosociale mais non pas un institut national ».

Geir KARLSEN

« Il est de même en Norvège. Il y avait un "Institut national de l’environnement de travail et de la santé dans l’industrie" ou quelque chose comme ça. Cette société appartenait à l’État jusqu’à approximativement 2000. Alors, l'État a vendu toutes ses parts et en a fait une société par actions ».

Wim VAN VEELEN

« Une remarque pour Emmanuelle Pochet. Les employeurs disent qu’ils n’ont pas le temps pour la prévention et c’est ce que je ne comprends pas. Ce n’est pas une question d’avoir du temps. Si vous n’en avez pas, vous devez en trouver car il y a une obligation de faire de la prévention. Donc, pour moi il est très étrange qu’un service de prévention accepte une telle absurdité.

Emmanuelle POCHET

« Ce n’est pas seulement une question de temps, mais aussi de ressources et de compétences en interne. Et, encore une fois, en tant que service externe de prévention et de protection au travail, nous n’avons pas de pouvoir d’injonction, on ne peut pas ordonner, on remarque les soucis mais on pas dire "vous devez faire ci ou ça", c’est l’Inspection qui a cette compétence. On ne peut pas non plus aller rapporter des choses à l’Inspection. Si vous voulez, il y a aussi la difficulté engendrée par le lien commercial avec nos affiliés, ils nous paient et il est difficile d’aller dire ensuite qu’ils sont des harceleurs. Ce lien commercial est très difficile, il a été souligné dans la révision de la loi car les affiliés jouent avec cela en disant que puisque nous avons porté plainte contre eux, ils vont changer de service externe. Il en va de notre survie au niveau commercial ».