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CHAPITRE 2 – MÉTHODOLOGIE

2.5 Limites de la recherche

Comme le rappelle Kamala Visweswaran (1994) les chercheuses féministes doivent écrire non seulement sur les succès de l’ethnographie, mais aussi sur les échecs et les difficultés de la recherche. En effet, selon elle, « failures are as much a part of the process of knowledge

constitution as are our oft-heralded successes » (Visweswaran 1994, 99). Dans ma recherche,

j’identifie trois principales limites : (1) la durée du terrain ethnographique ; (2) le format du terrain ; (3) le choix de la question de recherche et des répondantes.

En premier lieu, concernant la durée du terrain, je n’ai passé que deux mois à Mumbai pour réaliser cette ethnographie. Si cette courte durée répondait à des impératifs universitaires et économiques, une plus longue période d’observation sur le terrain aurait pu me permettre d’enrichir ma collecte de données. En effet, deux mois sont une courte période dans une ville comme Mumbai où divers imprévus surviennent régulièrement. Par exemple, comme j’ai fait mon terrain pendant la période de la mousson qui crée des inondations et des embouteillages, j’ai été forcée de déplacer mes entrevues et de limiter mes heures d’observation. D’autres évènements politiques ou religieux ont aussi forcé des interruptions lors de mon terrain. Ainsi, un jour où je devais me rendre à la High Court de Mumbai (l’équivalent de la Cour d’appel dans le contexte juridique canadien), une grève des chauffeurs de rickshaw et de taxi a forcé plusieurs centaines de milliers de personnes à prendre le train local déjà emprunté par plus de

8 millions d’individus quotidiennement, ce qui m’a empêchée de me déplacer24. Certains festivals religieux très populaires ont aussi limité mes observations tels que Krishna

Janmashtami, qui célèbre la naissance de Krishna et qui est connu à Mumbai pour ses

immenses pyramides humaines, ou Ganesh Chaturti, festival célébrant la naissance du dieu Ganesh qui s’étale sur plus d’une semaine. Si cette fête est célébrée partout en Inde du Nord, elle est particulièrement importante au Maharashtra. Ainsi, dans un tel contexte, deux mois sont une courte période pour réaliser un terrain.

En second lieu, le format du terrain a limité mon accès à certaines informations. En effet, au départ, en plus d’interroger des professionnelles, je souhaitais m’entretenir avec des femmes ayant fait des démarches auprès de leurs organisations pour avoir accès à la justice. J’ai constaté rapidement que je ne pourrais pas faire d’entrevues avec ces femmes puisqu’elles n’avaient pas le temps d’apprendre à me connaitre et à me faire confiance. Je ne me suis pas non plus sentie à l’aise de demander à mes interlocutrices de solliciter leurs clientes qui ne me connaissaient pas de m’accorder une entrevue. Si mon approche a limité ma recherche à un seul point de vue, soit celui des professionnelles, elle m’a toutefois permis de documenter et de comparer les différentes stratégies et approches de différentes organisations et de professionnelles à Mumbai, chose que je n’aurais pas pu faire si j’avais privilégié l’étude de cas.

En troisième lieu, le choix de la question de recherche impose certaines limites à la recherche. Tout d’abord, il est important de rappeler que si cette recherche s’intéresse aux femmes dans la famille en Inde, elle aborde cette question exclusivement à travers la question de la violence domestique et le fait par le point de vue de professionnelles offrant des services à celles vivant cette situation. De ce fait, elle limite son analyse de la femme dans la parenté sur cette question. L’entièreté des histoires et témoignages recueillis porte donc exclusivement sur des situations impliquant de la violence domestique. Ainsi, il m’est donc impossible d’émettre, à

24 Les chauffeurs de rickshaw, le 31 août 2016, ont fait une grève pour protester contre les services de taxi offerts par les applications comme Uber et Ola. « Auto-rickshaw drivers go on strike in Mumbai against app-based cabs », The Tribune, 31 août 2016, en ligne, http://www.tribuneindia.com/news/nation/auto-rickshaw-drivers-go- on-strike-in-mumbai-against-app-based-cabs/288166.html (Page consultée le 31 août 2016).

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partir des résultats de cette recherche, des conclusions générales sur la question de la femme dans la famille en Inde.

En dernier lieu, le choix des répondantes crée également certaines contraintes. J’ai fait le choix d’interroger uniquement des professionnelles, car c’est un milieu presque exclusivement féminin. Or, j’aurais également pu interroger des hommes qui agissent à titre d’intervenant auprès des femmes vivant de la violence domestique. Lors de mon expérience sur le terrain, j’ai rencontré des travailleurs sociaux dans les organisations auprès desquelles j’ai fait ma recherche et j’aurais pu les interroger. Ainsi, l’absence de leur point de vue est une limite.

Le prochain chapitre présente le cadre conceptuel du mémoire dans lequel j’aborde deux questions. La première est celle de la violence domestique en Inde. La seconde est celle du mouvement dans lequel s’inscrivent les interlocutrices et de son rôle dans le développement d’un cadre juridique pour la question de la violence domestique et dans l’établissement d’un réseau de services accessibles aux femmes. L’analyse de ces deux questions permet ainsi de comprendre le contexte dans lequel les professionnelles œuvrent.

CHAPITRE 3 – LES FEMMES ET LEURS STATUTS EN INDE : IMPACT