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2. THÉORIE DE L’APPRENTISSAGE PAR L’ACCOMPAGNEMENT

2.1 L’apprentissage professionnel des enseignants débutants

2.1.1 L’andragogie : l’autoapprentissage professionnel

2.1.4.3 Limites de l’apprentissage expérientiel

Pour cerner le processus de transformation de l’expérience en savoir-faire, Duchesne (2010) a mené une recherche empirique pour comprendre comment des étudiants immigrants vivent, interprètent et transforment leurs pratiques pour les adapter à des situations concrètes. L’étude visait aussi à examiner les difficultés rencontrées par des étudiants inscrits à la faculté d’éducation de l’Ontario d’origine africaine, par rapport aux expériences de l’enseignement construites dans leur pays d’origine, et observer la transformation de leur perception de l’enseignement et la réalisation du type de comportement professionnel à détenir pour enseigner en Ontario.

Au départ de cette recherche, Duchesne était préoccupée par le fait que plusieurs étudiants immigrants issus de la formation à l’enseignement possèdent des compétences et des expériences professionnelles diversifiées : ces étudiants sont confrontés à des obstacles liés à l’absence d’expérience professionnelle en contexte canadien et à leur

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qualification acquise à l’étranger. En plus, plusieurs d’entre eux sont obligés de suivre une nouvelle formation professionnelle dans un établissement collégial ou universitaire afin d’obtenir la qualification canadienne requise pour l’obtention d’un emploi. C’est le cas de la majorité des immigrants. Ils constituent près du tiers des étudiants du programme de formation initiale à l’enseignement. Or, même si ces étudiants acquièrent bien les connaissances déclaratives de l’enseignement, ils éprouvent des difficultés lors de leur stage de formation pratique. Ils ne connaissent pas le système scolaire ontarien. Et les connaissances acquises à la formation initiale sont insuffisantes pour soutenir les comportements professionnels attendus.

Pour remédier aux insuffisances de la formation initiale traditionnelle, Duchesne suggère la mise en place d’ateliers d’introduction aux pratiques éducatives du système éducatif canadien lors de la formation initiale. Tous les étudiants immigrants ont été conviés à une formation supplémentaire d’une douzaine d’heures. Ainsi, 153 étudiants du programme de formation à l’enseignement, primaire et secondaire, ont pris part à l’étude. Les ateliers duraient 12 heures et étaient répartis sur 4 rencontres de trois 3 heures chacune. La majorité des participants étaient originaires d’Afrique (74 %); surtout d’Algérie, du Cameroun ou de la République démocratique du Congo. Aussi, 13 % venaient d’Haïti et 11 % d’Europe. Parmi les 122 étudiants immigrants qui ont accepté de remplir le questionnaire d’évaluation remis par les formateurs, 57 % étaient de sexe masculin et 43 % de sexe féminin. L’âge des participants couvrait un spectre dont la moyenne se situait autour de 40 ans.

Lors de ces ateliers, les étudiants ont eu la possibilité de visionner des enregistrements vidéo des écoles primaires et secondaires ontariennes selon le programme de formation. Ces documents visuels leur ont permis de découvrir l’école francophone de l’Ontario et ses ressources, le déroulement typique d’une journée de classe, les méthodes pédagogiques privilégiées, le personnel de soutien à l’apprentissage, et bien d’autres faits.

Les capsules visionnées avaient fondamentalement pour fonction de déclencher la discussion et de favoriser la prise de conscience chez les étudiants immigrants, de leur façon de concevoir la pratique professionnelle en enseignement en Ontario. Il s’agissait d’évaluer l’atteinte des quatre objectifs des ateliers, la familiarisation avec les politiques et

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les méthodes éducatives, et le développement des habiletés d’enseignement dans le système éducatif de cette province.

En fait, l’élément formatif et l’apprentissage devaient mener les participants à deux types d’apprentissages selon la théorie de l’apprentissage transformationnel : premièrement, identifier leurs connaissances de l’enseignement, et finalement les effets potentiels de la pratique de l’enseignement au regard des connaissances acquises dans leur pays d’origine, par rapport aux valeurs véhiculées dans les écoles ontariennes déterminées.

En favorisant l’établissement de communications entre les étudiants immigrants, on cherchait à les conduire à exprimer leurs sentiments sur les pratiques d’enseignement à mettre en œuvre dans les écoles ontariennes. Les réflexions découlant des communications devaient permettre un meilleur discernement de ce qui est interdit ou autorisé dans l’exercice de la profession enseignante.

À partir de ces connaissances, les participants savaient que l’apprentissage implique un changement de structures de sens (perspectives et façons d’agir). La recherche d’efficacité, comme construite par Knowles dans son modèle de l’andragogie, devant conduire les participants à : revoir leurs façons de concevoir l’enseignement, et d’observer des pratiques d’enseignement appropriées, favorisant l’initiation des savoir-faire efficaces de la profession.

Les données recueillies montrent que les étudiants ont acquis des connaissances déclaratives par rapport à l’expérience issue des ateliers d’introduction à l’enseignement en Ontario. Néanmoins, les modes d’intervention pédagogique qu’ils entendaient mettre en œuvre n’ont pas évolué. Bien que les participants aient été exposés aux expériences des enseignants d’origine canadienne, ils ne sont pas parvenus à transformer les expériences observées en connaissances expérientielles en vue de s’approprier les habiletés du savoir- faire de l’enseignement en Ontario. Ce qui s’explique par le fait que les étudiants n’étaient jamais allés dans une école ni n’avaient été placés dans les situations observées lors des ateliers. Ils ne sentaient pas le besoin de remettre en cause leurs connaissances antérieures.

L’expérience d’un tiers, aussi révélatrice qu’elle soit, ne peut déclencher chez autrui les changements de ses prédispositions que si l’apprenant a lui-même vécu une expérience similaire de laquelle il aurait développé le souci de modifier sa façon de voir et d’agir.

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Parmi les présomptions sous-jacentes au défaut de la théorie de l’apprentissage expérientiel par rapport à cette situation, l’on note la conviction, d’ailleurs développée par Mezirow (2001 : 16), que le sens particulier attribué par chacun de nous à sa propre expérience s’acquiert et se valide à travers des interactions sociales.

Il faut remarquer que les participants à l’étude n’ont jamais enseigné dans une école de l’Ontario. Même les Canadiens d’origine qui ont fréquenté les écoles ontariennes ne construisent pas une perception de l’enseignement comme le font les personnes engagées dans la profession.

Pour terminer, l’étude de Duchesne (2010) montre que l’apprentissage par l’expérience ne peut se produire que si l’enseignant débutant est placé en situations professionnelles difficiles avec l’intention de les surmonter. Lorsque les expériences vécues par l’enseignant le conduisent à l’incohérence de ses actions dans son environnement professionnel, il éprouve le besoin de modifier les croyances qui ont conduit à fortifier ses connaissances professionnelles. Ce besoin d’affranchissement pousse l’enseignant novice à examiner les connaissances des situations vécues à la lumière des connaissances de l’enseignement professionnel. En plus, cet examen permet de développer une interprétation de l’expérience vécue ou anticipée. Les informations provenant de l’environnement sont ainsi filtrées par les cadres de référence des connaissances existantes qui ne sont pas toujours des connaissances expérientielles, contrairement à ce qu’affirment Dewey, Kolb et Mezirow. Elles se redéfinissent en matière de perception, de cognition et de sentiments transformés en connaissances pour aboutir à l’appréhension et à la préméditation des intentions, des attentes et des orientations, qui serviront de guides dans le choix des actions futures de cet individu. Ces connaissances construites sont des connaissances procédurales. L’apprentissage du développement des compétences professionnelles de l’enseignement est par ce fait un processus de découverte des connaissances procédurales efficace : les savoir- faire.

En effet, la recension des écrits a montré que les enseignants débutants sont détenteurs des connaissances professionnelles de l’enseignement. Ils éprouvent des difficultés dans leur engagement professionnel parce qu’ils ne savent pas comment utiliser ces connaissances de façon efficace pour engager les élèves à l’apprentissage soutenu. La

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quête d’affranchissement aux conditions difficiles d’enseignement qu’ils vivent est une démarche pour apprendre à utiliser les connaissances acquises à la formation initiale. Cet apprentissage est donc une transformation des connaissances déclaratives de l’enseignement aux connaissances procédurales de l’enseignement professionnel.

L'apprentissage de connaissances procédurales est largement étudié dans les études de laboratoire d'acquisition de compétences, de résolution de problèmes, et d’expertise ou même dans le domaine de l’intelligence artificielle. Le chercheur le plus largement cité dans ces études est J. R. Anderson (1976, 1983, 1990).

2.2 L’apprentissage par la découverte des connaissances des procédures efficaces