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1. LA PROBLÉMATIQUE DE L’ÉTUDE

1.3 La formation à l’enseignement professionnel

1.3.2 Insuffisances de la formation pratique initiale

Angelle (2002a) et Worthy (2005) estiment que les structures et la durée des stages à la formation initiale à l’enseignement sont insuffisantes pour permettre le développement des habiletés professionnelles attendues des enseignants débutants lors de leur entrée dans la pratique professionnelle. Même si Boudreau (2001 : 64) a soutenu un point de vue contraire, il estime que l'apprentissage sous supervision peut conduire à apprendre à enseigner. Sa certitude repose sur les affirmations d’une très grande majorité d’enseignants ayant témoigné de leur expérience de stages réussis.

Dans son étude de cas, Boudreau (2001 : 65) a montré « qu’un futur enseignant peut apprendre à gérer une classe au jour le jour sous contrôle d'un enseignant expert, et apprendre à se centrer prioritairement sur l’apprentissage des élèves et à développer des habiletés pédagogiques en ce sens».

Les sujets de l’étude de cas comprennent un stagiaire et deux enseignants associés qui ont supervisé le stagiaire pendant douze semaines. Le stage s’est déroulé en milieu rural d’une école secondaire, de près de 800 élèves, engagée dans un projet de stage prolongé qui consistait à accueillir un stagiaire pendant douze semaines. Ce stage se déroulait le deuxième semestre de formation du baccalauréat en éducation d’un an auquel le stagiaire était inscrit. Le stagiaire s’était vu confier l’enseignement de l’histoire à un groupe de 14 élèves de 10e année ayant des problèmes de comportement et de difficultés d’apprentissage. La collecte des données faite au cours de la période d'étude sous supervision consistait en deux séries d’entrevues semi-dirigées. La première série avec le stagiaire au début, au milieu et à la fin du stage réalisé, et la seconde avec les enseignants associés au début et à la fin du stage. Les entrevues portaient sur la conception de l’enseignement du stagiaire, les activités réalisées depuis la dernière rencontre, et sa propre perception de ses apprentissages. Le stagiaire était également questionné sur les interventions des enseignants associés, de même que sur son appréciation de la pertinence de ses interventions. Pour leur part, les enseignants associés ont répondu aux questions ouvertes sur les activités d’apprentissage du stagiaire et sur leurs interventions auprès de ce dernier. Des récits d’incidents critiques rédigés quotidiennement par le stagiaire et par les enseignants associés révélaient au chercheur les événements significatifs vécus par les participants. Les notes de

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l’observateur du stagiaire, les commentaires biographiques du stagiaire par rapport à son expérience de l'apprentissage sous supervision et la transcription de l’auto-analyse d’une leçon que ce dernier avait lui-même enregistrées sur cassette vidéo, ont servi au chercheur à comprendre comment le stagiaire filtrait les connaissances acquises lors de la formation initiale par rapport au contexte de ses interventions pédagogiques.

L’analyse inductive des données indique qu’au cours de sa formation, le stagiaire «a développé des habiletés et acquis des connaissances de divers ordres : la planification de l’enseignement ; l’utilisation de diverses stratégies d’enseignement ; la vérification de la compréhension des élèves et les diverses fonctions d’un enseignant dans une école» (Boudreau, 2001 : 72). Ces habiletés et connaissances qui se sont développées, ont été acquises et intégrées simultanément.

Ce chercheur conclut qu’une formation bien structurée conduit à la construction des savoir-faire pratiques de l’enseignement. L’expérience vécue par le stagiaire de l’étude de Boudreau (2001) est singulière. Quatre semaines de stage : le double de la période de stage vécue par les étudiants à la formation à l’enseignement en Ontario inscrits à la formation standard. De plus, l’école où cet élève a effectué son stage était inscrite depuis plus de deux ans dans un programme de stage prolongé. Il ne fait aucun doute que des moyens et des dispositions particuliers ont été mis en œuvre pour l’encadrement du stagiaire.

Dans une réalité pratique, les stagiaires ne bénéficient pas nécessairement d’un cadre de formation pratique aussi adaptée. Il convient donc de considérer cette étude de cas comme une caractéristique employée pour réussir une formation et non un modèle à partir duquel on considère ce qui se passe dans les formations de façon générale. Par ailleurs, le récit d’une formation représente toujours une expérience unique vécue dans un contexte spécifique. Les caractéristiques propres du stagiaire, et sans doute l’engagement des enseignants associés, et le contexte même de cette période d’études pratiques entrent dans un projet avec toute l’attention qu’il suscite, sont des éléments de particularité qui limitent l’étude empirique au seul cas étudié.

Angelle (2002) et Worthy (2005) considèrent les formations sous supervision comme peu bénéfiques dans la construction des compétences attendues des enseignants à leur entrée dans la profession du fait qu'elles ne permettent pas une appréhension juste de la

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réalité de l’enseignement et des moyens à mettre en œuvre lorsqu’on doit assumer de façon autonome la charge d’une classe.

Quand les enseignants reçoivent les étudiants stagiaires, ils ont au préalable établi un cadre de fonctionnement qui défavorise la perception d’importantes réalités essentielles à la compréhension du travail de l’enseignant. D’où l’existence d’une différence fondamentale entre la formation telle qu’elle est vécue et l’entrée dans la profession (Norman et Feiman-Nemser, 2005). Au cours de cette formation, le stagiaire est dans la classe d’un enseignant associé qui met en place son propre cadre de gestion d'enseignement en fonction de ses traits de personnalité et du type d’interactions qu’il préconise. La gestion de classe qui en résulte est le produit de la conception de l’enseignant associé.

Mais c’est au cours de l’insertion professionnelle que la classe devient le produit de l’enseignant débutant. Pour Norman et Feiman-Nemser (2005), l’enseignant débutant est alors conduit pour la première fois à vivre les conséquences de ce qu’il établit et de ce qu’il ne met pas en œuvre auprès de ses élèves comme structure de gestion de classe. En la circonstance, l’enseignant débutant qui ne recourt pas aux savoirs professionnels de l’enseignant faisant valoir les savoir-faire de l’enseignant expert, peuvent connaître des moments de grandes difficultés. Par rapport à cette problématique, l’OEEO a conduit une enquête sur la transition de l’enseignement lors des deux premières années d’enseignement en Ontario (OEEO, 2003). Sujet soumis à un sondage envoyé auprès de 6 223 enseignants qui terminaient leur première ou leur deuxième année d’enseignement. De ce nombre, 30% des enseignants y ont répondu et fourni des commentaires sur leur expérience personnelle. Ces enseignants ont été mis ensuite dans des situations d’insertion professionnelle problématique pour leur prise en charge de l’enseignement.