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1.2! DES LIENS FORTS ENTRE ESPAGNE PÉNINSULAIRE ET NOUVELLE- NOUVELLE-ESPAGNE

UNE FIGURE MAJEURE DANS L’HISTOIRE DU NORD DE LA NOUVELLE-ESPAGNE

1.2! DES LIENS FORTS ENTRE ESPAGNE PÉNINSULAIRE ET NOUVELLE- NOUVELLE-ESPAGNE

1.2.1! Une situation politique en mutation : l’impact du Réformisme des Bourbons en Nouvelle-Espagne

1.2.1.1! Vers un renouveau du Pacte colonial

Dans le séminaire de Charles Minguet de 1973, il est fait état de la transformation, au XVIIIe siècle, du concept de colonisation, avec le passage de l’idée d’une mission civilisatrice à la volonté de transformation économique, afin d’accroître la rentabilité de l’exploitation de la société colonisée43. Comme nous allons le voir, avec les réformes entreprises par les Bourbons, ce changement est tout à fait observable en Amérique, et, plus précisément, en Nouvelle-Espagne.

John Lynch caractérise la période de 1650 à 1750 comme l’étape criolla du système colonial, où les Espagnols américains avaient une place importante dans la bureaucratie. Avec leurs réformes, les Bourbons désirent mettre un terme à cette période et rétablir leur pouvoir et leur ascendant politique et économique :

42

Cf. Infra, Partie 1, Chapitre 2, p. 71-73.

43 MINGUET, Charles, Séminaire « Culture et société en Amérique au XVIIIe siècle », Actes du IXe Congrès des

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Los reformistas borbónicos decidieron poner fin a la etapa criolla y retrasar el reloj a tiempos políticos más primitivos. El objetivo era recobrar la grandeza imperial española y las condiciones parecían adecuadas para ello. A la vez que la política española favorecía el crecimiento económico de América, también la explotaba para controlar la economía y aumentar los ingresos.44

Le réformisme constitue alors un renouveau du Pacte colonial (au sens des règles explicites et implicites de fonctionnement entre métropole et colonies) établi auparavant, revenant dans une certaine mesure en arrière, surtout en ce qui concerne la position acquise par les Américains sur leur sol :

La política de los últimos Borbones era aumentar el poder del Estado y aplicar a América un control imperial más estrecho, lo que constituía un retroceso con respecto a las tendencias anteriores y suspendía los logros ya obtenidos por los americanos.45

Par ailleurs, comme l’évoque Felipe Castro Gutiérrez46, l’Empire espagnol a un gouvernement qui, dans la forme, est autoritaire et absolutiste, mais qui, en pratique, se révèle plutôt laxiste et modulable devant la pression des groupes de pouvoir locaux américains. Au fil de l’histoire coloniale, le gouvernement espagnol a été enclin à passer des accords qui, avec le temps, ont laissé aux colonies une marge d’autonomie, les vice-rois et les hauts fonctionnaires ayant tendance à défendre les intérêts des secteurs dominants. Cependant, les ministres et conseillers éclairés des Bourbons se rendent compte, en comparant leur situation avec celle des autres puissances européennes, que la Couronne d’Espagne ne tire que peu de bénéfices de ses colonies. Ils décident donc d’étendre aux territoires d’Outre-mer les réformes entreprises en Péninsule depuis le début du siècle. Afin de réajuster la machine gouvernementale, de remettre l’économie en état de fonctionnement, mais aussi pour établir un colonialisme modernisé pour apporter plus de bénéfices à la Couronne et un assujettissement plus ferme des territoires américains, des réformes sont mises en place avec plusieurs objectifs : augmenter les bénéfices des branches productives qui ont de l’intérêt, telles que les mines argentifères, diminuer les activités agricoles et les manufactures concurrentielles aux industries péninsulaires, constituer un véritable appareil étatique au moyen de la création d’une armée et d’une bureaucratie professionnelles, modernes et salariées, freiner l’influence croissante des groupe de pouvoir locaux, et, enfin, limiter au maximum l’insoumission et la tendance à la rébellion populaire. Il

44

LYNCH, John, « El reformismo borbónico e Hispanoamérica », in GUIMERÁ, Agustín (ed.), El reformismo

borbónico, Madrid, Alianza Universidad, 1996, p. 40. 45

Ibid., p. 44-45.

46 CASTRO GUTIÉRREZ, Felipe, « Prólogo », in DE GÁLVEZ, José, Informe sobre las rebeliones populares de

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s’agit là de tentatives de restructurations profondes, soulignées également par Castro Gutiérrez dans d’autres travaux :

Examinando la situación en su contexto global, debemos considerar que las reformas que comenzaban a implementarse no se proponían simples ajustes en la maquinaria gubernamental y hacendaria. La intención general era lograr una reestructuración de las relaciones entre colonia y metrópoli, crear un verdadero y eficiente aparato estatal, mediatizar o eliminar las tendencias autonómicas de los grupos de poder locales, abatir el espíritu soberbio y levantisco de la plebe y sentar la estabilidad social sobre nuevas bases, dejando de lado la búsqueda del consenso que había sido preocupación fundamental de los pasados virreyes.47

En parallèle, la métropole a toujours la volonté de démontrer sa légitimité en tant qu’entité colonisatrice, comme le mentionne aussi Castro Gutiérrez:

A diferencia de otros colonialismos, el español tuvo desde sus orígenes una acentuada preocupación por demostrar su carácter legítimo, fundándolo en la donación papal, la difusión del catolicismo, la voluntaria sumisión y vasallaje de Moctezuma y otros señores indígenas y en el carácter de la religión indígena, opuesta no sólo a la verdadera fe sino también al derecho natural. Éstas eran, desde luego, representaciones meramente ideológicas (lo cual no quiere decir que no fuesen aceptadas como válidas por la población). La base real de la supervivencia del régimen radicaba en la existencia de una relación funcional entre metrópoli y colonia.48

Cependant, la Couronne conserve son monopole politique avec le Vice-roi comme représentation du pouvoir royal en Amérique. Défendant tout de même ses propres intérêts économiques et politiques, elle va régulièrement à l’encontre des groupes de pouvoir locaux, ce qui va la pousser à tenter de trouver un certain équilibre dans sa relation avec ces pouvoirs locaux :

Podemos decir, pues, que la relación entre el Estado colonial y las clases dominantes fue de una cooperación conflictiva, donde la materia en disputa fue el poder político y el reparto del producto social.49

Les monarques de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Charles III et Charles IV, ont conscience du fait que, pour que l’Espagne se maintienne en tant que puissance coloniale, il est nécessaire de relancer une politique active en lien avec l’Amérique, grâce à un vaste plan de

47

CASTRO GUTIÉRREZ, Felipe, Movimientos populares en Nueva España. Michoacán, 1766-1767, México, UNAM, 1990, p. 148.

48 Ibid., p. 20

42

réformes, notamment commerciales50. Au niveau européen, l’élan réformiste espagnol ne fait pas exception, dans la mesure où toutes les puissances coloniales ont à l’époque tendance à entreprendre des réformes dans le but de se moderniser toujours davantage :

El reformismo no sería un fenómeno aislado, ya que la totalidad de los gobiernos europeos lo practicaron en mayor o menor grado, manifestándose en todos los sistemas coloniales europeos […].51

En somme, trois phénomènes opèrent simultanément en Amérique, mis en relief par José Muñoz Pérez. Le premier est l’Absolutismo ilustrado52. De cet absolutisme éclairé découlent les réformes administratives qui contribuent à donner plus de pouvoir juridique à la métropole et à accroître la relation de dépendance de la colonie. Le deuxième phénomène est celui du réformisme politique, avec le développement des capacités des colonies pour augmenter les profits de la péninsule. Finalement, le troisième phénomène est la volonté de récupération du prestige de l’Espagne en tant que puissance européenne. Selon Muñoz Pérez, ce dernier élément est fondamental, dans la mesure où il guide les deux autres53.

Francisco Javier Rodríguez Garza et Lucino Gutiérrez Herrera situent dans les années 1740 le début des réformes des Bourbons visant à développer l’emprise de la Couronne sur les colonies américaines54. Le réel élan de réformes arrive avec les règnes de Charles III et Charles IV. Selon Guillermo Céspedes del Castillo, il y a quatre périodes dans cette réforme. La première se situe entre 1763 et 1775 et concerne la planification et l’expérimentation à échelle réduite. Ensuite, de 1776 à 1788, les réformes s’implantent sur l’ensemble du territoire. La période 1789-1792 voit la culmination des réformes, bien que l’on observe une baisse de l’élan

50

LUCENA GIRALDO, Manuel, « El reformismo de frontera », in GUIMERÁ, Agustín (ed.), El reformismo

borbónico, p. 265.

51 CÉSPEDES DEL CASTILLO, Guillermo, Historia de España. VI. América Hispánica. 1492-1898, Barcelona, Labor, 1983, p. 335-336.

52 Le nom attribué à cette période est source de nombreux débats historiographiques. Au début du XXe siècle, durant la Ière République espagnole, les chercheurs qualifient cette période de « Despotisme éclairé ». Cette appellation, bien que largement employée, est amplement remise en question par Francisco Aguilar Piñal, qui la considère comme étant une aberration, une contradiction entre deux idéologies, lui préférant le terme d’« Absolutisme éclairé ». Nous préférerons donc cette dénomination à celle de « Despotisme éclairé » employée par Muñoz Pérez. AGUILAR PIÑAL, Francisco, La España del Absolutismo Ilustrado, Madrid, Espasa Calpe, 2005, p.31-35.

53

MUÑOZ PÉREZ, José, « La Ilustración americana », in VV.AA., Carlos III y la Ilustración, I, Madrid, Ministerio de Cultura, 1988, p. 404.

54 RODRÍGUEZ GARZA, Francisco Javier & Lucino GUTIÉRREZ HERRERA (coords.), Ilustración Española,

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réformateur et une hausse du sentiment d’échec. À partir de 1793, les réformes implantées se maintiennent, même s’il s’agit d’une simple inertie55.

Pour ce qui est de la Nouvelle-Espagne en particulier, l’inspection de José de Gálvez56 entre 1765 et 1771, que nous évoquerons à nouveau plus avant57, représente une rupture dans la mesure où elle entraîne la conceptualisation et l’application de changements économiques, fiscaux et administratifs, d’abord dans cette vice-royauté, et ensuite étendus à l’ensemble des territoires américains58. Ces changements sont source de mouvements de résistance populaire, comme ceux ayant lieu entre 1766 et 1767 dans les régions de Mexico, Puebla, Guanajuato, Michoacán et San Luis Potosí59. Ces réformes sont mises en place par les membres de l’Administration, mais tous les secteurs de la population novo-hispanique ne peuvent participer à la vie politique et aux prises de décisions :

El gobierno podía consultar y negociaba la adopción y ejecución de determinados mandatos con los ayuntamientos, los consulados de comerciantes, los obispos o los provinciales de las órdenes religiosas; pero obviamente no hacía lo mismo con los indígenas, los jornaleros de las minas y obrajes o los trabajadores urbanos.60

Cependant, les masses populaires ne sont pas passives pour autant. Elles manifestent leurs désaccords au moyen de rébellions, qui leur servent de mode de communication avec les autorités, comme l’évoque Castro Gutiérrez :

Las rebeliones fueron la forma de movilización política de los grupos que por una u otra razón se hallaban marginados de posibilidades institucionales de hallar respuestas a sus demandas y reivindicaciones. Podemos considerarlas como síntomas de desajuste, de falta de instancias que canalizaran el descontento y lo diluyeran mediante alguna forma de acomodación gradual. El hecho de que un fenómeno en sí mismo ilegal llegara a ser parte “normal” y casi aceptada de la actuación política de los sometidos indica aun más claramente la gravedad de este desajuste.61

55 CÉSPEDES DEL CASTILLO, Guillermo, Historia de España, p. 343.

56 José de Gálvez (1720-1787) connaît tout d’abord une brillante carrière d’avocat. Il devient ensuite conseiller du secrétaire du roi, le marquis de Grimaldi. Plus tard, il est Alcalde de Casa y Corte. Par la suite, il devient membre honoraire du Conseil des Indes et intendente de ejército. En 1765, il est désigné visitador general de la Nouvelle-Espagne, poste qu’il occupe jusqu’en 1771. Il rentre en Espagne en mars 1772. En 1776, il est nommé Secretario

de Indias à la place de Julián de Arriaga. En 1785, il obtient le titre de marquis de Sonora. JIMÉNEZ, Alfredo,

« El bárbaro en la mente y la voz del ilustrado: la frontera norte de Nueva España (siglo XVIII) », in BERNABÉU ALBERT, Salvador (coord.), El Gran Norte Mexicano. Indios, misioneros y pobladores entre el mito y la historia, Sevilla, CSIC, 2009, p. 379.

57

Cf. Infra, Partie 1, Chapitre 3, p. 128.

58

LYNCH, John, « El reformismo borbónico e Hispanoamérica », p. 45.

59

Ibid., p. 50

60 CASTRO GUTIÉRREZ, Felipe, Movimientos populares..., p. 26.

44

La fin du XVIIIe siècle représente donc une période frictions entre le gouvernement qui propose des mesures parfois inadaptées et les populations qui se sentent lésées et qui trouvent dans ce type de manifestations le seul moyen de tenter de faire entendre leur voix.

1.2.1.2! Les réformes administratives

L’ensemble des réformes administratives sur le territoire américain vise à changer radicalement le système colonial, en créant une nouvelle bureaucratie, plus efficace, mieux formée, et réellement au service de la Couronne. Selon Guillermo Céspedes del Castillo, elles sont basées sur quatre principes fondamentaux. Le premier principe est que toutes les charges seront effectuées par des fonctionnaires salariés, gérés directement par l’Etat. Le deuxième vise à constituer une véritable méritocratie, car seuls seront pris en compte pour le recrutement des fonctionnaires la formation et les mérites, abolissant ainsi le népotisme, la corruption, l’héritage et l’achat comme formes d’accès aux charges publiques. Le troisième principe repose sur la modernisation complète des techniques administratives grâce à la compétence professionnelle des nouveaux bureaucrates, et le dernier, qui n’est pas le moins important, est celui du respect de la loi. Par ailleurs, il s’agit également de mettre en place des mesures grâce auxquelles il est possible de connaître la situation des territoires dans un délai plus court 62.

Ces réformes sont à rapprocher de la volonté de centralisme politique des Bourbons. Comme le constate Céspedes del Castillo en 1983, le centralisme politique se développe en Péninsule pendant la première moitié du XVIIIe siècle, mais il n’est appliqué en Amérique qu’à partir de 1750. Les mesures mises en place au début de la deuxième moitié du XVIIIe siècle sont peu nombreuses et n’impliquent pas de changements radicaux de fonctionnement63.

La mesure qui aura le plus d’impact au fil des années est celle du début de la suppression de la vente de charges publiques dès 1750.64 Grâce à cette modification du système va apparaître une nouvelle génération de fonctionnaires, pleinement au service de la Couronne, puisqu’il s’agit de fonctionnaires à part entière, salariés et rémunérés par la Couronne. Les chercheurs s’accordent à dire que ceux-ci sont plus actifs, plus entreprenants, plus efficaces car ils bénéficient d’une véritable formation. Ils sont également moins intéressés par la préservation de la tradition et des coutumes dans les rapports entre gouvernants et gouvernés car, n’ayant

62

CÉSPEDES DEL CASTILLO, Guillermo, Historia de España, p. 341-342.

63 Ibid., p. 336.

45

pas acheté leur charge, ils ne font pas partie des oligarchies et groupes de pouvoirs locaux, et n’ont donc pas d’intérêts personnels à défendre65.

Comme nous l’avons déjà mentionné, la plupart des réformes sont entreprises par les Bourbons à partir des années 1760. Certaines réformes administratives sont propres à l’Amérique, d’autres sont des réformes déjà menées en Péninsule et appliquées ensuite à la réalité américaine. Par exemple, le système des alcaldes de barrios mis en œuvre en Péninsule en avril 1766 voit également le jour en Amérique, avec une différence notable : alors qu’en Péninsule les alcaldes de barrios sont élus au suffrage universel par les contribuables, en Amérique ceux-ci sont nommés par les juges de quartel et leur nomination est ensuite confirmée par le Vice-Roi. Il s’agit pour la Couronne de garder, dans la mesure du possible, la mainmise sur le système, de développer l’emprise de la métropole sur l’organisation coloniale66.

Le personnel est également renouvelé dans les Audiencias, organes judiciaires du système colonial, avec l’arrivée des nouveaux régents. Le travail est ainsi amélioré, plus rapide et plus efficace. Cette nouvelle bureaucratie se concentre davantage sur son but premier dans l’Audiencia, l’administration de la justice, au lieu d’être impliquée dans des commissions politiques et administratives sans lien avec leur mission originelle, comme c’était le cas avant la mise en place des réformes67.

Par ailleurs, l’année 1764 voit la création d’un service régulier de courrier maritime entre la Péninsule et l’Amérique, ainsi que d’un ample réseau de courrier terrestre en Amérique. L’amélioration de la circulation des informations signifie une application plus rapide des réformes entreprises par la Couronne, mais aussi la possibilité pour le pouvoir royal d’être informé dans des délais plus courts de tout changement de situation en Amérique afin de pouvoir y faire face et y remédier sans tarder. Comme le souligne Céspedes del Castillo, il s’agit ici d’une démonstration de la volonté royale de contrôler davantage le système américain : « Se hacía factible, de este modo, el deseo de vigilancia y control personal del monarca sobre su renovado entorno burocrático, deseo que ya expresara Fernando VI en 1747 »68.

65

CASTRO GUTIÉRREZ, Felipe, « Prólogo », in DE GÁLVEZ, José, Informe sobre las rebeliones..., p. 8.

66

GUILLAMÓN ÁLVAREZ, Francisco Javier, « América y las reformas peninsulares del régimen local en la segunda mitad del siglo XVIII », in VV.AA., Hispanoamérica hacia 1776, Madrid, CSIC, 1980, p. 49.

67 CÉSPEDES DEL CASTILLO, Guillermo, Historia de España, p. 341

46

1.2.1.3! Les réformes économiques

Lorsque Felipe Castro Gutiérrez présente le fonctionnement général des relations économiques entre métropole et colonies69, il souligne qu’il s’agit d’un développement inégal de la productivité et de l’économie, en fonction des intérêts de la métropole : dans les colonies, seuls sont développés les secteurs dont la métropole pourrait tirer profit. Les secteurs qui pourraient se révéler concurrentiels sont réduits à un fonctionnement minime. Ainsi, l’artisanat, les manufactures et les « haciendas agropecuarias extensivas » ne sont développés que dans la mesure où ces secteurs sont utiles à la vie quotidienne des colonisateurs, mais pas dans le but d’en tirer des bénéfices conséquents.

Cependant, comme c’est le cas pour la Nouvelle-Espagne, le développement de la colonie arrive à un stade tel qu’il en vient à représenter un danger pour la métropole, les secteurs agricole, industriel et commercial commençant à entrer en concurrence directe avec leurs équivalents métropolitains. La Couronne va donc mettre en place une série de mesures destinées à maintenir sa suprématie idéologique, politique, mais surtout économique sur ses colonies, afin de conserver l’intégrité de son empire. Des mesures économiques sont alors mises en place (réformes, interdictions de production, augmentations de certaines taxes, …). Certaines organisations représentatives des groupes de pouvoir coloniaux sont attaquées, démantelées ou réformées, et les mécanismes de contrôle idéologique sont renforcés. Pour mener à bien ces réformes économiques, la Couronne va s’inspirer du système français colbertien :

El plan significaba, en su conjunto, aplicar y adaptar a la monarquía española lo que se ha llamado el “mercantilismo”, siguiendo de cerca el modelo francés que implantara Colbert durante el reinado de Luis XIV.70

Les principales actions sont le développement de la production et du commerce, ainsi que la mise en place d’une économie solide et protégée de la concurrence étrangère. Le but principal de ces mesures est de renforcer l’État, en le centralisant et en rendant efficace l’administration publique. Nous pouvons donc observer, une fois de plus, que le centralisme politique est l’axe clé qui motive l’élan réformateur des Bourbons.

Les réformistes éclairés des Bourbons réfléchissent donc à l’implantation en Amérique d’une politique économique cohérente et adaptée à la réalité de ces territoires, dans le but

69 CASTRO GUTIÉRREZ, Felipe, Movimientos populares..., p. 21.

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d’accroître la production et le rendement économique. Plusieurs mesures sont alors mises en place, comme le mentionne Céspedes del Castillo, notamment en ce qui concerne les mines argentifères, principale richesse exploitée en Amérique.

Tout d’abord, des missions sont organisées par la Couronne pour des techniciens et des scientifiques allemands ou espagnols formés en Allemagne, pays référent en matière d’exploitation des mines, qui se rendent dans les bassins miniers américains afin de moderniser les systèmes d’extraction et d’exploitation. Une école technique des mines est également créée