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Chapitre 4 : Présentation des résultats

5. Macrosystème

5.1 Liens entre les anciens détenus et la société

Dans le processus de recherche, il était impossible de passer sous silence le lien entretenu entre la société et les anciens prisonniers. Sujet souvent difficile pour les anciens détenus, trois d'entre eux ont tout de même abordé cet aspect à affronter lors d'une réinsertion sociale. Il est possible de comprendre, grâce aux différents témoignages obtenus, les relations difficiles entre la société et les personnes judiciarisées, plus particulièrement lorsque l'individu a purgé une lourde peine d'incarcération.

Bruno affirme avoir eu peur de la société et de vivre ce sentiment même encore aujourd'hui. Il n'a pas confiance envers la race humaine et selon lui, la société ne lui laisse pas une réelle chance de

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réussir sa réinsertion sociale. Il a l'impression de se faire juger, de se faire constamment regarder. Ainsi, il est possible d'affirmer que dans ce contexte, la réinsertion sociale peut être difficile, étant donné le manque de confiance envers les autres humains et le sentiment que ceux-ci ne favorisent pas son arrivée au sein de la communauté. Comment alors prendre sa place, aller chercher l'aide nécessaire ou créer un réseau social ?

J'avais peur. J'avais peur de la société pis j'ai encore peur de la société. Moi j'ai des animaux chez nous et eee j'ai plus confiance en un animal que j'ai confiance en un humain.

C'est dur, c'est dur. Ils nous regardent d'une drôle de manière. Ils ne nous laissent pas la chance de faire une réinsertion sociale à l'extérieur.

Pour ce qui est de Mathieu, son lien avec le reste de la communauté n'est guère mieux. En effet, il ressent de la part de la société du jugement en lien avec son passé d'ancien prisonnier. Il le remarque par certains gestes subtils posés par les personnes qu'il connait ou qu'il rencontre dans des contextes particuliers. Ici, il donne un exemple intéressant illustrant son impression. Au moment de l’entrevue, il s'est isolé et ne parle à presque plus personne, car il a beaucoup de difficulté à vivre avec ce jugement. De ce fait, il préfère s'éloigner des autres humains qui composent notre société actuelle.

Bah moi je vais te dire une chose. Quand ils le savent que j'ai fait de la prison ou quoi que ce soit... R’garde je te lance rien, mais ton numéro confidentiel... ils ne viendront pas chez vous... pis eee ils vont te tenir à distance. Ils ne te diront pas où ils restent. Eee... j'ai ben de la misère. Je ne parle plus à personne, la société je ne parle plus à personne, presque plus personne.

En ce qui a trait à Étienne, pour lui aussi, son vécu au quotidien avec le reste de la société depuis la fin de sa sentence est considérablement difficile. En effet, il considère qu'il se retrouve continuellement dans une position de survie et que la plupart des gens dans la population cherchent à le détruire. Il se sent constamment surveillé, de par le fait qu'il ne peut pas faire ce qu'il veut et qu'il doit faire attention à ses moindres faits et gestes. La situation actuelle l'épuise énormément. Donc, il est possible d'affirmer que son lien avec la société n'est pas très bon et qu'il ne fait pas confiance, lui non plus, aux autres êtres humains. Il faut alors se poser une question pertinente et qui porte une réflexion importante : Pourquoi Bruno, Mathieu et Étienne, qui représentent la moitié des hommes interviewés, n'ont plus confiance en la race humaine ?

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Je survis dans la société […]. Je suis toujours en mode survie. Je n'ai pas le choix […]. La race humaine, des boutes je la calcule comme un genre de parasite […]. Il y a toujours une sangsue qui est là pour chercher à te détruire […]. Je ne peux pas péter de travers une seule fois. Il faut que je surveille mon langage... Ça en est épuisant, tu ne peux pas savoir, là, ouf...

En ce qui concerne Gabriel, son vécu envers le reste de la société est un peu différent dans la façon dont il considère ce lien. Contrairement aux autres hommes rencontrés, il ne se sent pas exclu et il ne manque pas de confiance envers la race humaine. Néanmoins, à cause de son type de personnalité, il est convaincu que les personnes qu'il rencontre le jugent. Gabriel discute facilement de sa vie, de ses bons coups et de ses moins bons coups, ce qui peut engendrer, parfois, du jugement. Ces résultats permettent de retenir que l'attitude de l'ancien détenu influence également le rapport entre la société et ce dernier.

[…] Je ne me sens pas exclu […]. C'est sûr que tsé, si... Je suis quelqu'un qui parle beaucoup pis comme je t'ai dit, je n'ai pas de gêne à parler de mes affaires pis j'ai tendance à le faire peut-être trop rapidement. Surtout que là tsé, j'essaye de me faire un nouveau cercle d'amis. Le monde juge tsé, ils ne te connaissent pas. Ils ne savent pas je suis qui. Je leur dis que j'ai fait ça... Tsé, tu passes pour un fucké tsé.