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Chapitre 4 : Présentation des résultats

3. Microsystème

3.2 Le travail

Le travail dans un processus de réinsertion sociale est un sous-aspect du microsystème qui a été beaucoup discuté lors des interviews de recherche. Occuper un emploi semble être un des éléments le plus important lors d'un retour à la société, particulièrement pour se créer un réseau

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social et avoir une rémunération plus élevée que celle obtenue lors de l'émission du chèque de l'aide sociale. Malgré l'unanimité en ce qui concerne les embuches pour en acquérir un, plusieurs des hommes ont démontré un vécu unique en ce qui concerne ce thème du microsystème.

Tout d'abord, Pierre discute de sa façon de percevoir le travail. Pour lui, il s’agit, sans contredit, d’un des plus importants éléments contribuant favorablement à la réussite d'une réinsertion sociale, lorsque le processus se déroule bien. Toutefois, il est conscient qu'il s'avère laborieux de parvenir à obtenir un emploi, étant donné la recherche des antécédents judiciaires. Cette pratique, effectuée par les employeurs, se fait de façon pratiquement systématique. Une fois que l'information concernant le casier judiciaire est demandée, Pierre sait qu'il n'aura finalement pas l'emploi convoité.

Moi, je dis toujours que les deux aspects les plus importants dans une réinsertion sociale, c'est le travail et le réseau social. Parce que... il faut que tu travailles pour reprendre ta place, pour avoir le sentiment que tu fais partie de cette société-là. Pis un réseau social, il faut que t'ailles des activités, des amis, et c'est très difficile ces deux aspects là parce qu'aujourd'hui, là, à toutes les entreprises que tu fais une demande d'emploi, ils demandent si tu as un casier judiciaire. Si oui, ton CV va dans les vidanges. On n’est pas des fous, on le sait tsé […].

Pour ce qui est de Mathieu, son vécu sur le plan de l'emploi a été, selon ses dires, particulièrement difficile. Il était rappelé presqu'à chaque curriculum vitæ qu'il avait envoyé, mais étant donné son dossier criminel, cela lui a pris au moins six mois de recherches intensives avant de finalement obtenir quelque chose. La recherche d'antécédents judiciaires fut faite à presque chaque rencontre, pour lui aussi. Mathieu est un homme ayant plusieurs qualifications intéressantes pour le domaine de la construction; il possède toutes ses cartes et il a beaucoup d'expérience. Ayant amplement les compétences requises, il trouve désolant d'avoir eu de la difficulté à trouver un travail dans son domaine. Néanmoins, il a persévéré et au moment de l'entretien, il venait tout juste d'obtenir un contrat.

J'ai fait à peu près 6 mois de recherches intensives d'ouvrage […]. À cause de mes compétences, j'ai peut-être eu une vingtaine de rencontres pis je sais que c'est à cause de mon dossier tsé... Je le sais. Ils le disent pas, mais tsé... Quand ils demandent de signer le papier... Quand tu signes le papier, tu sais que tu es faite. Mais bon ce n'est pas grave, je les signe...

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[En parlant de la recherche d'antécédents judiciaires] C'est à peu près à chaque emploi. Bah en tous les cas ici, à Montréal, depuis que je suis revenu là, sur mettons vingt rencontres, j'en ai peut-être dix-neuf qui m'ont demandé. Celui qui ne l'a pas demandé, ben il l'a feelé. À cause de mes tatous... tu vois que c'est des tatous de prison Ça aussi... J'ai fait des gaffes, tsé j'étais jeune.... Je suis con, j'étais con (rires).

Pour ce qui est de Victor, une fois qu'il a obtenu les services d'une intervenante dans un organisme soutenant les anciens détenus dans leurs recherches d'emplois, tout a été plus facile. Il n'a pas eu à se soucier d'annoncer lui-même son passé d'incarcération et la raison de sa peine d'emprisonnement. La porte était déjà ouverte sur ce sujet et cela l'a beaucoup aidé. En fait, selon ses dires, sans l'aide de cette intervenante, il aurait menti en ce qui a trait à son casier judiciaire, ce qui lui aurait procuré des problèmes quelques temps après l'embauche. En analysant ses propos, nous pouvons déduire finalement que les anciens prisonniers se sentent coincés. D'un côté, ils ont peur d'annoncer leur passé criminel et ne souhaitent pas particulièrement le déclarer. Néanmoins, s'ils ne le disent pas, il se pourraient qu'un jour ou l'autre, cette partie de leur histoire personnelle soit révélée. En même temps, s'ils le disent, ils risquent fortement de ne pas obtenir l'emploi. Ce dilemme peut être difficile à porter, ce qui démontre l'importance de l'intervenante rencontrée par Victor. Elle met la table sur le sujet.

Finalement ben, quand Béatrice m'a ouvert la porte, c'était facile après ! Je n'avais pas besoin de dire le mot que je ne pouvais pas dire... meurtre. Je n'avais pas besoin de dire « Qu'est-ce que vous avez faite ? » « Ha, un meurtre ».Tsé... c'est quoi l'histoire ?« Ha c'est... » Tsé, tu ne peux pas faire... expliquer au gars c'est quoi le meurtre là criss tsé. Fack moé je n'aurais pas eu Béatrice, peut-être que je me serais trouvé une job, mais j'aurais menti. Au bout d'un an, le gars l'apprend par quelqu'un pis là...[…]. Même si le gars t'apprécie, il va se débarrasser de toi. Parce que tu lui as menti quand il t'a posé la question.

Quant à Gabriel, à cause de son dossier criminel comprenant plusieurs accusations de tous genres, il devra travailler pour de plus petites compagnies qui offrent, habituellement, un moins bon salaire et de moins bonnes conditions, selon lui. Souhaitant être camionneur, il ne peut travailler pour des organisations faisant de la livraison à l'internationale, comme il voudrait le faire. Ainsi, il doit diminuer ses attentes en ce qui concerne l'emploi qu'il pourra obtenir éventuellement. Cette situation nous semble bien dommage, étant donné ses qualifications et ses compétences.

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Quand je vais être camionneur, je ne pourrai pas travailler pour les grosses compagnies comme eee Robert transport ou ces grosses-là, car ils font des recherches de dossiers criminels. C'est normal aussi, car ce sont de grosses compagnies. Ils ne veulent pas se faire voler leur stock.