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Chapitre 4 : Présentation des résultats

2. Ontosystème

2.1 Le milieu familial

D'une part, il est possible de constater, après avoir effectué les entretiens de recherche, que les milieux familiaux respectifs dans lequel les six hommes rencontrés ont évolué se divisent en fait en deux sous-catégories. Ces deux catégories se retrouvent à l'opposée l'une de l'autre. De prime abord, deux des six personnes, soit Pierre et Mathieu, ont grandi au sein d'un noyau

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familial exempt de criminalité et de problématiques quelconques. Pierre, pour sa part, n'a jamais eu conscience de violence verbale ou physique dans sa famille, même au sein de sa famille élargie. Selon ses dires, aucun élément étant relié à la criminalité n'était présent, de près ou de loin.

[…] une famille bien ordinaire pis eee moi je n’avais jamais entendu de violence ni d'une façon verbale ni physique dans mon entourage. Une famille très adéquate. Même dans ma famille élargie, la violence, dans notre famille, n'est pas quelque chose qui était là, qui était présent.

Mathieu, quant à lui, a trouvé difficile le fait de « devenir » un criminel, d’entrer dans ce monde si différent du sien. Il considère qu'il n'a jamais appartenu à ce monde auparavant. Il ne s'y identifiait pas, jusqu'au jour où il a commis un geste l'amenant à vivre dans un établissement de détention durant plusieurs années, plus exactement pendant onze ans. En fait, il a été élevé dans une famille adéquate, ce qui ne lui a donné aucune connaissance du milieu et aucune préparation à celui-ci. L'adaptation et l'intégration à ce mode de vie ont donc été des éléments particulièrement laborieux à acquérir.

Tu arrives là-dedans tsé pis eee tu te fais brasser, tu te fais brasser, pis toé t'es pas... Tsé moi je n'ai pas de parents criminels, je n'ai pas... Mon entourage n'est pas criminel, aucune connaissance du milieu... (rires).

D'un autre côté, quatre des six personnes rencontrées ont plutôt vécu une histoire familiale qu'elles nomment difficile et dysfonctionnelle. Chacun de ces hommes possède un passé familial unique, mais qui se recoupe dans des troubles liés à son fonctionnement. Pierre, même si sa famille immédiate et élargie étaient adéquates, a subi des moments de brutalité à l'arrivée du nouveau conjoint de sa mère. Qui plus est, il explique qu'il avait appris, à l'époque, à régler les situations difficiles de la vie par la violence. Il rapporte également avoir subi une forme de pression de la part de sa tante en lien avec son rôle au sein de sa famille. Selon Pierre, ces deux éléments, combinés à son jeune âge, l'ont finalement mené à commettre un homicide.

J'avais comme compris que l'on réglait les problèmes par la violence parce que c'est les modèles que j'avais. Donc, j'ai pris ce moyen-là pour régler un problème que je vivais, que ma mère vivait pis que ma sœur vivait et la société dans sa grande sagesse, m'a incarcérée en me donnant une sentence à vie avec 25 ans minimum à purger.

Mes parents ont divorcé j'avais 9 ans et à ce moment-là, j'ai eu une ma tante qui m'a dit que j'étais l'homme de la maison. Elle m'a donné une responsabilité que je ne pouvais pas assumer en tant qu'enfant tsé […]. Et ma mère a rencontré un autre homme, peut-être un

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an et demi après. Elle est tombée en amour, mais cet homme-là était un homme violent. Donc, j'ai assisté en tant qu'enfant à de la violence que ma mère subissait de la part de cet homme-là. Eee... Toujours avec cette phrase-là qui résonnait dans ma tête « tu es responsable, tu es l'homme de la maison », en étant impuissant face à ça.

De son côté, Étienne a plutôt dû vivre avec les difficultés avec lesquelles son père était confronté. En effet, ce dernier vivait avec des problèmes de santé mentale. Selon ses dires, à l'époque, il pensait que cette ambiance était normale. Aujourd'hui, avec du recul, il constate que la dynamique familiale était finalement dysfonctionnelle.

Nous autres dans notre cas, vu que c'était mon père qui avait des problèmes de santé mentale... Écoute, on était habitués d'être une famille dysfonctionnelle, vu qu'il faisait les crises pis toute. On pensait que c'était normal […].

Victor a quant à lui appris, au sein de son noyau familial, à entretenir des activités illégales. En effet, dès son plus jeune âge, il accompagnait son père dans ce mode de vie. Il a appris à devenir un criminel par l’observation d'un membre de sa famille immédiate. Il est donc possible de constater que la nature de sa peine d'emprisonnement s'étalant sur dix ans, soit la fraude, tient son origine au sein de son histoire familiale.

Mon père est mort j'avais 17 ans. J'ai commencé eee ma mère m'a crissé dehors de la maison quand que mon père est mort parce que j'étais plus chum avec mon père que ma mère. Dans le temps, mon père avait un garage pis j'ai commencé à travailler j'avais 8 ans au garage […]. J'ai commencé à être indépendant financièrement à 9 ans quasiment tsé (rires) […].J'avais toujours ma petite enveloppe brune […]. Je voyais la magouille pis tsé, c'est de même que j'ai appris, jeune.

Pour finir, Gabriel a discuté avec nous des problèmes familiaux qu'il a vécu lors de son enfance et de son adolescence. Sans nécessairement vouloir aborder le sujet dans ses détails, il a nommé avoir eu des problèmes de drogues qui sont directement en lien avec cette situation. De plus, son apprentissage de la criminalité aurait été influencé par le fait d’avoir été dans l'obligation d'habiter, une bonne partie de son adolescence, en centre d'accueil qui relevait des services du Centre jeunesse. De ce fait, il est possible de comprendre que lui aussi a vécu une situation familiale dysfonctionnelle. Cette réalité a finalement eu, comme incidence, la naissance de comportements délictueux amenant Gabriel à purger une sentence d'incarcération fédérale.

Je me suis enligné pour la construction, mais avant ça, j'étais beaucoup dans la drogue avant d'entrée eee... C'est ce qui m'a amené à commettre les niaiseries pour lesquelles j'ai été en dedans. Pis eee problèmes familiaux, j'ai fait du centre d'accueil […].Dans le fond, de 14 à 17 ans […].

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Dans l'ensemble, il est possible de constater qu'il y a, d'un côté, des anciens détenus provenant d'une famille adéquate et de l'autre côté, ceux ayant été éduqués au sein d'un foyer plutôt dysfonctionnel. Selon quelques anciens prisonniers, dont Pierre, Étienne, Victor et Gabriel, l'histoire familiale a été un déclencheur crucial de situations variées menant, au bout du compte, à leur incarcération respective. Il est alors possible de soulever l'importance du rôle de la famille au sein de l'histoire personnelle de chacun des individus de cette recherche. À un degré d'intensité variable, la famille a joué un rôle particulièrement majeur pour plusieurs d'entre eux.