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Chapitre 4 : Présentation des résultats

3. Microsystème

3.3 Le soutien professionnel

En effectuant un inventaire des recherches réalisées sur le sujet de la réinsertion sociale auprès d'anciens détenus, il a été possible de recenser que le soutien des divers professionnels a souvent été nommé comme un élément primordial à la réussite d'un retour dans la communauté (MacKenzie, 1997). Tous les hommes rencontrés, sans exception, ont illustré l'exactitude de ce résultat de recherche à travers leurs propos. Pour Bruno, l'aide reçue s'est révélée comme une influence positive sur son parcours. En effet, il affirme que ça s'est toujours bien passé avec les différents intervenants qu'il a côtoyés. Il pensait énormément au suicide et il a reçu l'aide requise pour sa condition. Il souhaite désormais travailler en relation d'aide en raison des bons services dont il a bénéficié.

Ç’a toujours bien été […]. Je pensais beaucoup au suicide […]. Ça fait que moi, le métier que je veux faire, c'est travailleur de rue. C'est pas payant, mais c'est payant mentalement, physiquement.

Néanmoins, pour quatre des participants à la recherche, soit Mathieu, Pierre, Gabriel et Victor, l'aide escomptée n'a pas été reçue tel qu’attendu. Nous parlons souvent, dans notre société, des intervenants formés pour aider les détenus, mais les hommes mentionnés ci-haut n'ont pas reçu l'aide dont ils avaient besoin de la part de ces professionnels. De ce fait, il est possible de conclure que l'aide n'a pas été un élément positif à leur réinsertion sociale respective, contrairement à Bruno.

Mathieu raconte, en parlant de l'aide reçue pour la préparation à la sortie et même après, qu'aucun intervenant ne l'a réellement soutenu dans son processus. Il raconte même qu'un de ses amis n'a reçu aucun support de la part de son agent de probation et que les différentes démarches à effectuer lors du retour à la société doivent être assumées par celui-ci. La façon dont il perçoit l'aide va à l'encontre des propos tenus par le Service correctionnel du Canada, qui dit que les anciens détenus reçoivent l'aide de leurs intervenants (Précourt et Racicot, 1981).

Non, ce n’était rien ! Même Daniel n’a rien eu. Daniel là, son agent de probation là, il a rien fait. C'est lui qui s'est sorti de la marde, c'est lui qui a retourné aux études, ce n'est

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pas eux autres qui nous aident pour retourner aux études. Comprends-tu ?Ils t'aident pas...

Deux autres participants à la recherche, soit Pierre et Gabriel, abordent, de leur côté, l'ambigüité en lien avec l'aide proposée. En réalité, les deux hommes aimeraient bien recourir à l'aide offerte par les intervenants, mais selon leurs dires, ce qu’ils confient revient contre eux, au bout du compte. Leurs perceptions démontrent bien les difficultés rencontrées par les intervenants dans l'exercice de leurs fonctions. En résumé, ils sont là pour apporter différentes formes d'aide, mais, d'un autre côté, ils doivent rendre des comptes au Service correctionnel du Canada. Ainsi, comment réellement apporter de l'aide, dans ce type de contexte ?

[Pierre] Quand tu vas chercher de l'aide, tu te mets à risque […]. Si tu dis à un agent que ça va mal avec la personne avec qui tu vis, elle va appeler la personne avec qui tu vis pis elle va te poser plein de questions là-dessus. Elle va devenir très intrusive dans ta vie. Ce n'est pas ça, aider quelqu'un, là... Ce n'est pas ça.

[Gabriel] […] j'ai voulu m'investir dans un programme psychologique là-bas, pis même à l'extérieur je l'ai faite un peu, sauf que tout ce que tu dis, c'est retenu dans ton dossier pis ça peut revenir contre toi[…].Fack tu ne veux pas totalement être franc. Criss, je vais être franc avec toi, mais ça va revenir dans ma face. Fack, ça ne sert à rien là.

[Gabriel] L'agent de probation ne servait absolument à rien […].Elle était là pour être là. Mais comme je te dis, si j'avais vraiment pu pouvoir être honnête pis lui dire, sans avoir peur de me faire remonter, j'aurais pu... Si le côté de l'honnêteté pis de lien de confiance était là, ben ce serait différent.

Pierre, pour sa part, pousse ses propos encore plus loin en ce qui concerne l'aide proposée et obtenue de la part les agents de libération conditionnelle. Selon lui, les rencontres ne seraient pas aidantes. En fait, elles ne serviraient qu'à établir une surveillance de l'ancien détenu au sein de la collectivité, alors que les agents de libération conditionnelle devraient également remplir leur mandat de relation d'aide auprès de l'individu en processus de réinsertion sociale.

J'avais dit ça dans une entrevue une fois à la TV pis hum... mon agent m'avait appelé... m'avait reproché ça pis j'avais dit « Ben écoute là, m'avez-vous déjà aidé à me trouver un appartement, une job, à me réinsérer dans la société » ? Elle a dit « Bin on est là pour ça» ! J'étais comme « Quand on se rencontre, ça s'appelle comment nos rencontres » ? Bin elle a dit « des rencontres ». Je dis « Des rencontres de... de surveillance ?! Donc, vous me surveillez, vous m'aidez pas. Ce n'est pas la même affaire, il faut comprendre le sens des mots tsé ».

Finalement, le quatrième ancien prisonnier à qualifier l'aide comme étant non-efficace, soit Victor, dénonce le changement constant de ces agents de libération conditionnelle. En effet, en

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une année, il affirme en avoir eu six différents. Selon ses dires, le service aurait pu s'avérer utile, mais les multiples changements d'intervenants ont fait en sorte qu'il n'a, au bout du compte, pas bénéficié de cette aide à sa juste valeur. Le manque de communication lors des changements et la lenteur du traitement de ses demandes ont été les éléments déclencheurs de son scepticisme face à ce service.

Moé, je n'ai jamais demandé rien aux agents de libération conditionnelle. Moé excepté... Moé, quand que je rencontre mes agentes, j'en ai eu énormément d'agentes depuis que je suis sorti, et j'ai toujours dit à eux autres « Moé, je suis tanné de changer de personne tout le temps et de recommencer à conter mon histoire parce qu'elle me connaît pas ». Dans l'année sabbatique qu'elle a prise, ils m'ont donné six... Pis à toutes les fois que je demandais de quoi, ça jammait. Fackeee là, j'ai dit « Ouin, qu'est-ce que je fais avec ça esti » ?Fack... je faisais juste demander des niaiseries, là !