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Chapitre 4 : Présentation des résultats

4. Exosystème

4.1 L'aide des organismes

En ce qui concerne les organismes, gouvernementaux ou communautaires, peu d'hommes ont rapporté au cours des entrevues y avoir recouru pour obtenir l'aide dont ils avaient besoin. Selon les propos recueillis, l'assistance reçue variait énormément d'une personne à l'autre et était également vécue de multiples façons.

En discutant avec Bruno en ce qui concerne cet élément de l'exosystème, celui-ci affirme d'emblé avoir été, pendant un certain temps, sous la tutelle du Curateur public du Québec. Selon ses dires, après avoir purgé une si longue peine, il aurait éprouvé beaucoup de difficultés à gérer son

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argent. Pour lui, lorsque nous discutons de l'aide reçue par des organismes, le Curateur public du Québec est un des services qui a été le plus utile à sa situation. Grâce à celui-ci, il se sent protégé de lui-même.

[…] j'avais la curatelle. Parce qu'après 31 ans de prison, tu ne peux pas... J'aurais pris mon argent et j'aurais dépensé d'un bord pis l'autre. Ça fait qu'eux autres, ils ont protégé les assurances, ils ont protégé mon investissement de ma compagnie, que je reçois de l'argent toutes les semaines pis à tous les mois aussi.

Deux hommes affirment avoir utilisé les services d'un organisme en itinérance durant leur réinsertion sociale. Pour Mathieu, le fait d'avoir dépensé tout son argent à la suite d'une séparation conjugale, peu de temps après la fin de sa sentence, a été le déclencheur menant à l'utilisation des services de cette organisation. Il ne savait plus vers qui se tourner pour obtenir de l'aide. Bruno, pour sa part, dit avoir brûlé beaucoup de monde autour de lui à cause de certains comportements lors de sa libération. Il a donc perdu tout son entourage, y compris les personnes qui lui venaient en aide. De par ce fait, il a lui aussi utilisé les services d'un organisme en itinérance. Au moment de la rencontre, cet homme recevait encore de l'aide de la part de cette organisation.

[Mathieu] Je suis parti, je suis parti avec l'argent. Pis là je me suis ramassé... Je suis parti sur une dérape. Je me suis ramassé à l'OBM [Old Brewery Mission], je suis tombé malade. Pis là maintenant, depuis peu, j'ai mon logement.

[Bruno] Pour maintenant, j'ai habité pendant un an à la Old Brewery Mission, j'ai rentré sur le programme PRISM.[…]ne voulait plus m'avoir parce que j'ai brûlé le monde là- bas. Le monde, je faisais en sorte que... comment je peux dire ça... j’me fasse expulser. Victor est le seul ancien détenu rencontré à avoir abordé en profondeur le sujet de l'aide obtenue par les maisons de transition. Les propos obtenus par les autres personnes rencontrées sont assez brefs et négatifs. En effet, selon ces quelques hommes, ce n'est pas tout le monde qui peut avoir recours aux maisons de transition. Ainsi, très peu d'entre eux ont bénéficié de ce service, qui permet principalement de faire un pont entre la vie à l'intérieur des murs de la prison et la vie au sein du reste de la société. Pour ce qui est de Victor, celui-ci a un point de vue mitigé concernant ce service. D'un côté, il sait qu'il aurait eu beaucoup de difficulté à retourner à une vie dite « normale » sans cette organisation, mais d'un autre côté, il souhaitait couper les ponts avec tout ce qui concerne le Service correctionnel à la fin de sa sentence. Il se disait que tant qu'à sortir du pénitencier, il voulait vraiment que toute cette histoire soit terminée

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et reprendre le cours de sa vie normale. Néanmoins, cela a était impossible, car il était constamment entouré d'anciens prisonniers lors de son passage en maison de transition.

Moé, si je n'avais pas eu la maison de transition, là, je m'en serais sorti. Je me serais pris un appartement eee... Moé, je me serais dit quand je vais sortir, je vais me pogner une chambre, payer tant par mois, je vais manger au restaurant... pour un boute, là tsé. Tu ne fais pas ça de ta vie. Je n'aurais pas été capable de faire ça longtemps.

[…]Pis quand je suis arrivé en transition, ça m'intéressait pas ben ben de rester là tsé. Ça ne m'intéressait pas de coacher des détenus. Pis eee d'être à côté des détenus. J'ai vraiment coupé le lien la journée que je suis sorti.

Parmi les anciens détenus ayant contribué au projet de recherche, deux d'entre eux affirment ne pas avoir eu de soutien d'une organisation quelconque. Ils ont dû affronter seuls et de façon autonome le retour au sein de la communauté. En ce qui concerne le vécu d'Étienne, il n'a obtenu aucune aide des différents organismes et la seule fois où il est allé en demander, il a été confronté à du jugement. En effet, il n’a ressenti, de la part du Centre intégré de santé et de services sociaux, aucune envie de lui offrir du soutien. Il souhaitait recevoir de l'aide pour une situation précise en lien avec son ex-conjointe. Selon ses dires cependant, l'organisation avait un parti pris pour son ex-conjointe, en raison de leur idéologie féministes et de son statut d’ancien détenu.

Mais jusqu'à temps qu'on aille notre pardon, là, on n’a personne ! Pis là, aller au CLSC... J'arrive au CLSC, ils prennent pour madame parce qu'ils sont des féministes.

Pour ce qui est de Gabriel, lui aussi affirme ne pas avoir reçu le soutien dont il aurait besoin. D'ailleurs, il ressent encore aujourd'hui la nécessité d’être aidé pour avancer et cheminer pendant sa réinsertion sociale. Il aurait aimé recevoir du soutien psychologique depuis sa sortie de prison, mais il raconte ne pas connaître d’organisme qui lui offrirait ce service. De ce fait, personne ne semble l'avoir référé à un endroit en mesure de l'aider dans sa situation actuelle. De plus, il n'a pas les moyens financiers pour rencontrer un ou une psychologue en pratique privée.

Je n’en connais pas. J'aurais aimé parfois faire... Parce que je fais beaucoup de liens, mais m'aider à les gérer, comme passer à d'autres choses […].Bah je n'ai pas les moyens de toute façon...