partie III Les ´ echelles spatiales identifi´ ees peuvent-elles ˆ etre reli´ ees ` a des
15.2 Les liaisons identifi´ ees peuvent-elles ˆ etre reli´ ees ` a des processus ´ ecologiques ? . 114
´
ecologiques ?
Les coefficients de corr´elation structuraux eq.8.5 sont calcul´es pour chaque variable
en-vironnementale et pour chaque survol. Ces coefficients de corr´elation vont nous permettre
d’obtenir une information sur la force et sur le signe du lien entre les guillemots et les
va-riables environnementales pour chaque couverture durant l’hiver 2001-2002 `a large et tr`es
large ´echelle. L’´evolution de la force et du signe du lien va nous permettre de diff´erencier
les variables de circonstance des variables de processus.
Fig. 15.3. Valeur des coefficients structuraux de corr´elation ; haut : coefficient de corr´elation pour chaque
variable pour toutes les couvertures `a large ´echelle ; bas : coefficient de corr´elation pour chaque variable pour
toutes les couvertures `a tr`es large ´echelle.
Sur la base de l’observation des r´esultats obtenus (fig. 15.3), nous avons identifi´e :
– `a tr`es large ´echelle : trois variables de processus li´ees `a la distribution des guillemots :
la salinit´e de surface, la profondeur de la couche de m´elange et la chlorophylle a. En
effet, les coefficients de corr´elation sont tout le temps positifs et relativement forts. A
l’inverse, au vu de la variabilit´e des valeurs et du signe des coefficients de corr´elation
pour la temp´erature de fond et le d´eficit d’´energie potentiel, on consid`ere ces variables
comme des variables de circonstance.
– `a moyenne ´echelle, les coefficients de corr´elation pr´esentent des valeurs plus faibles pour
toutes les variables. N´eanmoins les guillemots pr´esente un lien positif avec lachla (mais
15.3 Cartographie de l’habitat potentiel et des habitats pr´ef´erentiels 115
avec des valeurs plutˆot faibles), on peut alors consid´erer lachla comme une variable de
processus. Pour le d´eficit d’´energie potentielle, on consid`ere cette variable comme une
variable de circonstance, car les coefficients de corr´elation pr´esentent un changement de
signe avec des valeurs plutˆot moyennes. La salinit´e de surface, la temp´erature de fond
et la profondeur de la couche de m´elange ont des valeurs de coefficient de corr´elation
faibles, ces variables ne pr´esentent pas de lien avec la distribution des guillemots.
15.3 Cartographie de l’habitat potentiel et des habitats pr´ef´erentiels
La cartographie des habitats potentiels et des habitats pr´ef´erentiels a ´et´e effectu´ee `a partir
des variables de processus `a tr`es large ´echelle et moyenne ´echelle, en utilisant la technique
de cokrigeage (telle que d´ecrite dans la partie m´ethode) des composantes r´egionalis´ees `a
tr`es large ´echelle.
Fig. 15.4.Cartes cokrig´ees repr´esentant l’habitat potentiel pour chaque couverture.
Les cartes montrent que pour toutes les couvertures, l’habitat potentiel est localis´e le
long de la cˆote des Landes au nord du bassin d’Arcachon, avec de fortes valeurs devant les
estuaires de la Gironde et de la Loire pour les couvertures 2, 3 et 6. Les couvertures 4 et 5
pr´esentent des habitats potentiels similaires mais moins ´etendus dans le sud que les habitats
potentiels des couvertures 2, 3 et 6.
Nous n’avons repr´esent´e les habitats pr´ef´erentiels que pour les couvertures 3, 4 et 5. En
effet, ce n’est que pour ces dates que le coefficient de corr´elation avec la chlorophylle est
important. Pour une meilleure lisibilit´e, nous avons ´egalement repr´esent´e les habitats
poten-tiels par une courbe rouge (fig. 15.5). Nous nous int´eresserons qu’aux habitats pr´ef´erentiels
situ´es `a l’int´erieur ou en bordure des habitats potentiels. En effet des conditions favorables
de chlorophylle peuvent apparaˆıtre en dehors de l’habitat potentiel des guillemots et ne pas
ˆ
etre associ´ees `a des concentrations importantes de guillemots. Selon la th´eorie des patchs
Fig. 15.5.Cartes cokrig´ees repr´esentant les habitats pr´ef´erentiels pour chaque couverture.
Nous remarquons que la cartographie des habitats pr´ef´erentiels permet d’acc´eder `a une
description plus fine des aires de distribution des guillemots dans le golfe de Gascogne. Par
exemple pour la couverture 4, les concentrations importantes de guillemots observ´ees au
sud correspondent effectivement `a des concentrations de chlorophylle `a une ´echelle de 50
km (le mˆeme signal n’apparaˆıt pas lorsque l’on consid`ere la structuration de la chlorophylle
`
a 100 km, (fig. 15.4). ´Egalement, nous observons que l’habitat potentiel est d´ecoup´e en une
succession de patchs correspondant aux zones o`u la variabilit´e temporelle des abondances
de guillemots est importante (Certain et al. in press). Toutefois, nous insistons sur le fait
que nos habitats pr´ef´erentiels ne sont construits qu’avec une seule covariable, la chlorophylle
a, qui en outre ne pr´esente pas de corr´elation syst´ematique avec la distribution des
guille-mots. Si l’incorporation de cette covariable permet en effet d’affiner nos r´esultats, ceux-ci
pourraient probablement ˆetre bien plus robustes si nous avions acc`es `a des covariables plus
repr´esentatives des ´echelons trophiques interm´ediaires du syst`eme.
15.3.1 Discussion
Comment la distribution spatiale des guillemots sont-ils li´es `a leur environnement ?
Nos analyses r´ev`elent que les deux niveaux les plus ´elev´es du syst`eme en patchs
hi´erarchiques des guillemots peuvent ˆetre mis en relation avec les facteurs
environnemen-taux. Un point cl´e de cette ´etude, est la r´ep´etition temporelle des couvertures qui nous a
permis d’avoir plusieurs r´ealisations de la distribution spatiale de la population animale
´
etudi´ee, nous offrant ainsi la possibilit´e d’´etudier l’´evolution temporelle des liens entre les
guillemots et les variables environnementales.
Nous avons ainsi mis en ´evidence des liens entre la distribution `a tr`es large ´echelle (∼
15.3 Cartographie de l’habitat potentiel et des habitats pr´ef´erentiels 117
de m´elange et la chlorophylle a. Les deux variables hydrologiques (SS et MLD) sont
im-pliqu´ees dans l’´emergence de front halin devant les estuaires de la Loire et de la Gironde
(Puillat et al., 2004). De plus la stratification haline due au rejet d’eau douce par les fleuves
peut ˆetre responsable de la production de bloom phytoplanctonique au cours de l’hiver au
niveau de l’estuaire de la Gironde et dans les eaux oc´eaniques adjacentes (Puillat et al.
2004). Une telle production phytoplanctonique survient au niveau de la couche de surface
et est d´etectable par l’analyse d’images satellites suivi de la cartographie de la chlorophylle
a (fig. 9.10), qui peut ˆetre consid´er´ee comme un substitut (proxy) de la production
phy-toplanctonique. Les estuaires et les panaches fluviaux constituent des habitats de premi`ere
importance pour les poissons p´elagiques car ils pr´esentent les caract´eristiques de ”l’Ocean
triad” : enrichissement, concentration et r´etention (Bakun, 1996). L’enrichissement des eaux
est attribu´e aux eaux douces charg´ees de nutriments rejet´es par les fleuves : les fronts halins
permettent de concentrer les nutriments provenant des eaux douces, des ph´enom`enes de
r´etention se produisent au niveau des fronts des rivi`eres. Avec de telles caract´eristiques, les
zones proches des estuaires sont des zones qui concentrent les poissons p´elagiques, et en
font des zones tr`es attractives pour les guillemots.
A moyenne ´echelle (∼ 40 km), les cartes d’habitats pr´ef´erentiels permettent de
ca-ract´eriser de mani`ere plus pr´ecise la distribution des guillemots : le panache de la Loire, de
la Gironde et le long de la cˆote des Landes. Deux de ces zones principales sont localis´ees au
sein de l’habitat potentiel, seul les cˆotes des Landes sont hors de l’habitat potentiel. Durant
les mois de janvier et f´evrier (couverture 4 & 5), les cartes d’habitat potentiel refl`etent peu la
distribution des guillemots dans le sud du golfe de Gascogne. Il est fort probable que durant
cette p´eriodes des facteurs environnementaux exceptionnels comme le fort vent de
nord-ouest ont influenc´e la distribution des guillemots dans le golfe de Gascogne (NAUSICAA,
2007). De plus, les guillemots sont des oiseaux marins dits plongeurs qui sont contraints de
r´esider dans des zones o`u la nourriture est relativement abondante et o`u un temps
mini-mum de recherche de nourriture est requis (Davoren et al., 2002; Ainley et al., 2005). En
cons´equence, la distribution `a moyenne ´echelle devrait ˆetre reli´ee `a la distribution des proies.
En effet, ces r´esultats semblent en accord avec la taille des organisations de ”clusters” de
banc de poisson mis en ´evidence par Petitgas (2003).
Fauchald et al. (2000), dans une ´etude associant la densit´e de guillemotsUria spp. et la
densit´e estim´ee par acoustique de capelan (Mallotus villosus) en mer de Barents, met en
´
evidence de fortes corr´elations entre les guillemots et leurs proies pour des ´echelles de 15 `a
41 km. Cependant, la distribution des proies dans le golfe de Gascogne n’a pas ´et´e ´etudi´ee
en hiver durant cette p´eriode, et nous n’avons alors pas pu avoir acc`es `a la description de la
distribution spatiale des proies. Les images satellites dechla peuvent constituer unproxy de
la distribution de l’abondance de plancton photosynth´etique. Cependant, l’´ecart trophique
entre la chla et les guillemots fait que la chla ne constitue pas un proxy direct des proies
des guillemots, il serait peut-ˆetre int´eressant de regarder la relation entre les guillemots et
la chla avec un d´ecalage temporel. Ces r´esultats sugg`erent que la distribution spatiale des
guillemots r´esulte d’une s´erie de d´ecisions hi´erarchiques de l’animal, qui d’abord identifie
des r´egions `a large ´echelle o`u la disponibilit´e en proies est plus grande que la moyenne
pour ensuite localiser des habitats `a plus fine ´echelle o`u les proies s’agr`egent en plus grande
densit´e (Fauchald et al., 2000).
Identification de variables pertinentes `a diff´erentes ´echelles : les variables de processus
Ce travail analytique s’appuie sur l’id´ee que :
– (i) les diff´erentes ´echelles de structuration spatiale de la population,
– (ii) les liens esp`eces-environnement `a chaque ´echelle,
– (iii) l’´evolution temporelle de ces liens,
doivent ˆetre analys´es pour pouvoir envisager la construction d’un mod`ele pr´edictif
d’ha-bitat.
Au cours de ce travail nous avons identifi´e des variables de processus qui sont des cl´es
pour comprendre comment les processus ´ecologiques peuvent contrˆoler la distribution d’une
population animale `a des ´echelles sp´ecifiques. Ce r´esultat peut avoir des implications
im-portantes dans le domaine de la mod´elisation des habitats : dans le cas des guillemots,
l’utilisation d’un mod`ele pr´edictif utilisant la temp´erature de fond n’est pas appropri´e, car
la corr´elation entre la temp´erature de fond et les guillemots varie au cours de l’hiver d’une
mani`ere difficilement pr´evisible. Au contraire, la salinit´e de surface, la profondeur de la
couche de m´elange et la chlorophylle a sont plus impliqu´ees dans les processus ´ecologiques
qui influencent la distribution des guillemots dans le golfe de Gascogne `a tr`es large ´echelle.
La mod´elisation de l’habitat pr´ef´erentiel (i.e. `a large ´echelle) des guillemots `a partir de notre
s´erie de donn´ees environnementales semble moins robuste que la mod´elisation de l’habitat
potentiel car une seule variable de processus a pu ˆetre identifi´ee : la chlorophyllea. De plus,
pour les mois de novembre et mars (couvertures 2 & 6), les habitats pr´ef´erentiels n’ont pas
pu ˆetre mod´elis´es, les valeurs des coefficients de corr´elation avec la chlorophyllea ´etant trop
faibles. L’identification de variables de processus suppl´ementaires seraient n´ecessaires pour
pr´edire les habitats pr´ef´erentiels `a large ´echelle. Il serait int´eressant de pouvoir travailler `a
partir de la distribution des proies ainsi qu’`a partir de variables repr´esentant des niveaux
trophiques interm´ediaires comme le zooplancton, en effet ces variables seraient susceptibles
d’ˆetre li´ees `a la distribution des guillemots `a moyenne ´echelle.