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La liaison des critères objectifs de qualification de conflit armé et le droit applicable

UNIES EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : LE LABORATOIRE EXEMPLAIRE DU MAINTIEN DE LA PAIX

UNIES EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

B. Les critères objectifs de qualification des conflits armés et le droit applicable au prisme du conflit congolais

1. La liaison des critères objectifs de qualification de conflit armé et le droit applicable

Le droit international humanitaire, retient deux critères pour qualifier un conflit armé non international(CANI). Selon E. David, « les groupes armés impliqués dans un conflit

doivent montrer un degré minimum d'organisation, et que les confrontations armées doivent atteindre un certain niveau d'intensité ». Plusieurs indicateurs peuvent permettre d'analyser objectivement l'existence de ces critères. S'agissant du niveau d'intensité, celui-ci est déterminé par la durée et la gravité des hostilités, le type des forces gouvernementales engagé,

et les guerres de libération nationale » R.B.D.I, 1976, p.38.

218 DAVID (E), principes de droit des conflits armés, op.cit., pp.125-139 ; VITE (S), « Typologies des conflits armés en droit international : concepts juridiques et réalités », op.cit. p.21.

219 MACLET (N), La normalisation d'un tabou : la Brigade d'intervention de la MONUSCO et l'usage de la

force offensive pour maintenir la paix (1999-2013), op.cit., p.10.

81 le nombre de combattants et des troupes impliqués, les types d'armes utilisés, le nombre des victimes et l'étendue des dommages causés par les combats221.

En 2005, l'ONG International Rescue Committee évalue le nombre de morts liés au conflit congolais entre 5 à 6 millions222. Les critères précités semblent avoir été réunis en ce sens que le conflit dure depuis plus d'une décennie, que les affrontements armés opposent les forces gouvernementales tant à des groupes armés locaux qu'étrangers.

S‟agissant de l‟organisation, les groupes armés (GA) disposent d‟un état-major général qui nomme des commandants de zone, donne des ordres aux différentes unités existantes ou en voie de création, et publient des communiqués au nom du mouvement insurrectionnel. Les commandants d'unité donnent les ordres de combat aux unités et soldats qui les exécutent. Les CNDP, M23, APARECO ont établi un règlement disciplinaire et ont créé une police militaire dans les territoires sous leur contrôle223. Ils disposent des moyens pour recruter, entraîner et équiper de nouveaux soldats. Cette configuration a permis au Conseil de sécurité de s'adresser directement à ces entités pour qu‟elles s‟impliquent dans le processus de paix et qu'elles appliquent ses résolutions224. Les combats entre protagonistes du conflit s'accompagnent de déplacements massifs des populations et de viols. Dans ce conflit, tout type d'armes est utilisé. A ce titre, l‟opposition entre les FARDC et les groupes rebelles fait du conflit congolais un conflit armé ne présentant pas un caractère international, car géographiquement localisé sur le territoire congolais. Il serait hasardeux de donner exactement le nombre des combattants engagés dans ces affrontements, autant que le nombre des morts qui en résultent. Toutefois, la mesure de la tragédie congolaise se mesure par la récurrence des affrontements armés dans certains territoires comme l'Est de la RDC, la permanence des populations dans les camps de déplacés et la prévalence de la situation humanitaire préoccupante. Ce conflit est à distinguer des formes moins graves de violence collectives notamment : les troubles civils, émeutes, actes isolés de banditisme ou autres actes sporadiques des violences intercommunautaires qui se déroulent dans le pays.

221 DAVID (E), principes de droit des conflits armés, op.cit., p.134.

222 Rapport d‟International Committe Rescue, 2005/2006.

223 BERGHEZAN (G), « Groupes armés actifs en République Démocratique du Congo, situation dans le Grand KIVU » au 2ème semestre 2013, les rapports du GRIP, novembre 2013, p. 37.

224 CORTEN (O), La rébellion et le droit international, le principe de neutralité en question, éd. Martinus Nijhoff 2015, Académie de Droit International de La Haye, pp.1-2.

82 S‟agissant de l‟organisation des groupes armés, les forces gouvernementales sont présumées remplir cette condition sans qu'il soit nécessaire de procéder à une évaluation, car relevant d'une hiérarchie formelle225. Les groupes armés non gouvernementaux doivent présenter une structure. Des éléments indicatifs entrant en ligne en compte : la présence d'un organigramme désignant une structure de commandement, le pouvoir de lancer des opérations coordonnant différentes unités, la capacité de recruter et de former de nouveaux combattants et l'existence d'un règlement interne. Le protocole additionnel II aux Conventions de Genève pose comme condition préalable à son application que les groupes armés exercent un contrôle sur le territoire226. Les groupes armés en RDC sont organisés, recrutent, contrôlent des carrés miniers qui les autofinancent et se réarment régulièrement. Ces groupes armés sont structurés autour d‟un commandement opérationnel disposant des capacités de lancer des offensives pour conquérir des territoires et étendre leur influence.

De 2000 à 2003, la RDC était partagée en trois entités représentées qui ont assuré la gestion du territoire national (RCD, MLC et le gouvernement central), ce qui correspond à la définition du conflit armé proposée par F. Wodié selon laquelle « un conflit armé opposant

pour des raisons politiques le gouvernement établi à une fraction de la population qui possède une organisation militaire et civile et exerce en fait une partie des compétences gouvernementales »227. Certains auteurs ont ajouté la motivation politique des groupes armés non gouvernementaux comme condition supplémentaire à la qualification du conflit armé non international c'est -à- dire que seuls les groupes armés ayant un objectif politique pourront relever de cette hypothèse excluant les organisations « purement criminelles » comme les mafias ou les gangs territoriaux, les coupeurs des routes, de la qualification des parties à un conflit armé non international228.

S‟agissant de la motivation des groupes armés comme critère de qualification, il sied de relever que les groupes armés congolais ne présentent pas des motivations revendicatives identiques. Certains prétendent renverser le régime en place jugé dictatorial (CNDP, M23), d'autres luttent contre l'occupation de leur territoire par les armées étrangères et accusent le

225 VITE (S), « Typologies des conflits armés en droit international : concepts juridiques et réalités », op.cit., p.68.

226Ibid

227 WODIE (F), « La sécession du Biafra et le droit international public », R.G.D.I.P., 1969, n°4, p. 1023.

228 BRUDERLEIN (C), ' « the Role of non-State Actors in Building Human Security: the Case of Armed Groups in Intra-State Wars' », Center of Humanitarian Dialogue, Genève, Mai 2000. L‟auteur va retenir par exemple trois caractéristiques principales pour définir un groupe armé à savoir a) une structure de commandement de base ; b) le recours à la violence à des fins politiques ; c) l'indépendance par rapport au contrôle de l‟État.

83 gouvernement central de les empêcher de se battre contre leurs ennemis (les Maï-Maï)229. Les FDLR en revanche, luttent pour leur survie, refusant de retourner au Rwanda. Ils se livrent à l'exploitation illégale des minerais dans les territoires sous leur contrôle principalement dans les Kivu où ils se battent contre d'autres groupes armés et les FARDC230. Les ADF et la LRA, deux groupes armés originaires d‟Ouganda sont opposés au gouvernement Ougandais. Ils massacrent la population congolaise de Béni, attaquent les FARDC ainsi que la MONUSCO qui cherchent à les déloger de leurs sanctuaires pour les empêcher de mener des incursions en Ouganda et de nuire aux populations civiles congolaises. Ainsi, la diversité des motivations politiques des groupes armés rend difficile leur prise en compte en tant que critère objectif de qualification de conflit. Nombre d'entre eux exercent même des activités criminelles comme l'extorsion de fonds ou le trafic illégal des minerais, d'armes légères, de pratiques d'épuration ethnique à l‟exemple du groupe armé Maï-Maï Scheka dans le territoire de Walikale tout en prétendant poursuivre un objectif politique231.

Inversement, certains groupes armés aux pratiques criminelles comme les ADF exercent le pouvoir dans les territoires sous leur contrôle qui relève du domaine politique ou tout au moins de l'administration des territoires alors même qu'ils sont qualifiés par les Nations Unies des forces négatives (FDLR, CNDP, M23, ADF). Les groupes armés Maï-Maï ne forment pas non plus un groupe homogène, poursuivent des buts et des intérêts différents, ils n'ont ni hiérarchie commune viable, ni leader unifié232. Dans cet ordre, le conflit armé en RDC est qualifié de CANI régi par l‟article 3 commun aux 4 CG.

La nature des hostilités permet de distinguer le caractère conflictuel d'une situation des troubles d'ordre interne relevant du maintien de l'ordre public. La pluralité des acteurs nationaux et étrangers, la participation de plus de six forces étrangères au conflit, la durée du conflit, la fréquence des actes de violence et des opérations militaires, la nature des armes utilisées, les déplacements des populations civiles, la présence des camps de déplacés à

229 BRABANT (J), « Qu’on nous laisse combattre et la guerre finira » avec les combattants du Kivu, éd. La

découverte, 2016, pp.32-35.

230 A l'Est de la RDC, Kivu frontalier du Burundi, du Rwanda, et de l'Ouganda, vit au rythme de la guerre depuis plus de vingt ans. Par Kivu, on entend ici l'ancienne province héritée du Congo Belge dont trois subdivisions ont été érigées en province en 1988 : Nord - kivu lieu Goma ; Sud-Kivu lieu : Bukavu et Maniema chef-lieu Kindu.

231 Un groupe armé local appartenant au groupe d'autodéfense nationale dénommé Maï-Maï contre la présence étrangère sur le territoire de Walikale. Elle a pour objectif de chasser tous les sujets rwandais de leur territoire. Il procède par des massacres et des incendies de villages habités par les rwandais.

232 VITE (S), « Typologie des conflits armés en droit international humanitaire : concepts juridiques et réalités »,

84 Kibati, Kibumba, Moungounga illustrent la gravité des hostilités233. Le nombre des victimes (morts, blessés, déplacés etc.) sont des éléments à prendre en compte234. Les données indicatives de gravité sont illustrées dans les préambules des résolutions du Conseil de sécurité concernant la RDC notamment la résolution 2098(2013)235. Tout ceci atteste l'ampleur de la tragédie congolaise et témoigne l'existence d'un conflit armé d'une grande intensité. Cette configuration selon laquelle, les FARDC s‟opposent tant aux groupes armés nationaux qu‟aux forces armées étrangères qui les soutiennent vaut au conflit congolais la qualification d‟un conflit hybride (CANI et CAI) impliquant l‟application simultanée du DIH, du droit international des droits de l‟homme, du droit international des réfugiés et des Conventions de Genève avec leurs protocoles additionnels.

Les critères qualifiant les conflits armés déterminent le régime juridique applicable. Ces droits applicables au conflit armé peuvent guider la recherche des faits à qualifier.

2. Les droits applicables aux conflits armés au service de la recherche des faits à

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