• Aucun résultat trouvé

Intervention non consentie, une atteinte à l’exercice des compétences de l’Etat

UNIES EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : LE LABORATOIRE EXEMPLAIRE DU MAINTIEN DE LA PAIX

Section 2. Le rôle des interventions extérieures dans le conflit armé interne

A. Intervention non consentie, une atteinte à l’exercice des compétences de l’Etat

L'intervention des États tiers dans le conflit armé interne en RDC s'est opérée d'abord par procuration via les groupes armés locaux, se contentant de soutenir et guider la rébellion depuis l'extérieur avant que ne s'affirment leurs puissances dans les campagnes militaires à l‟intérieur du territoire congolais398. Cette intervention a pris à la fois la forme soit de confrontation directe entre États intervenants, soit d‟une intervention d'un Etat tiers en appui d'un groupe armé dans un conflit préexistant internationalisant du fait le conflit399. La présence des forces armées rwandaises et ougandaises à l'Est de la RDC tantôt pour soutenir des rebellions successives, tantôt sous prétexte sécuritaire n'ont fait qu'exacerber le conflit et rendues difficiles l'ébauche d'une solution rapide. L‟usage de la contrainte armée, constitue un comportement prohibé dans les relations interétatiques et marque l‟exercice abusif de la fonction gouvernementale qui porte atteinte à l‟article 2§7 de la Charte des Nations Unies400.

396 En 2003, les forces armées de l'Ouganda et du Rwanda se sont affrontées dans la troisième ville congolaise de Kisangani alors même qu'elles sont venues au Congo officiellement pour neutraliser leurs rebellions respectives : la LRA pour l'Ouganda et les FDLR pour le Rwanda tout en soutenant militairement les rebellions congolaises hostiles au Gouvernement congolais. Le RCD pour le Rwanda et le MLC pour l'Ouganda.

397 ZEGVELD (L), Accountability of Armed Opposition Groups in International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p.136. Rapport de Criss Group Afrique : Comprendre les conflits dans l'Est du Congo : la plaine de la RUZIZI, n °206 du 23 juillet 2013

398 S/RES/1468 (2003), 20 mars 2003, §13.

399 TSHIBANGU KALALA, « Les requêtes de la RDC dans l'affaire des activités armées sur le territoire du Congo contre le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda devant la Cour Internationale de Justice : analyse et premier commentaire », in Revue de Droit Africain, Bruxelles, n°13, 2000, pp.96-109.

131 La prise en compte de la dimension internationale du conflit par le Conseil de sécurité s‟est traduite par l‟adoption des résolutions contraignant les pays intervenants de quitter le territoire de la RDC401. Dans la résolution 1304 (2000), le Conseil de sécurité est :

« d'avis que les forces Ougandaises et Rwandaises devront fournir des réparations

pour les pertes en vies humaines et les dommages matériels qu'ils ont infligés à la population civile de Kisangani et prie le Secrétaire de lui présenter une évaluation des torts causés sur la base de laquelle puissent être déterminées ces réparations à prévoir »402.

Le Conseil de sécurité estime que les forces étrangères non invitées sont responsables des dommages matériels et des pertes en vies humaines et qu‟elles doivent réparer les torts causés aux civils de Kisangani. L'intervention étrangère dans un conflit armé interne peut modifier la nature juridique du conflit. Cette intervention aux modalités coercitives empêche l‟exercice normal de la fonction du gouvernement congolais. Elle contrevient au principe de non - intervention en ce sens qu‟elle vise à déstabiliser, voire renverser le régime établi. De ce fait, en voulant subordonner la fonction de l‟Etat par le changement du régime, l‟intervention des forces étrangères notamment du Rwanda et de l‟Ouganda traduit un exercice abusif de leur fonction gouvernementale et devrait être condamnée. Comme le souligne J. Charpentier :

« L’intervention, par sa nature même, apparait contraire aux données fondamentales de la société internationale : la société internationale est une communauté d’Etats qui déterminent eux-mêmes ; l’intervention est une pression exercée par un Etat sur un autre Etat pour qu’il se détermine dans le sens voulu par le premier ; elle est donc contraire à l’ordre juridique international et doit être condamné »403.

Cette intervention armée du Rwanda et de l‟Ouganda sur le territoire de la RDC constitue une immixtion extérieure qui concurrence le pouvoir congolais et menace son fonctionnement normal. Elle porte atteinte à la stabilité de son ordre normatif qui découle du principe juridique de l‟égalité souveraine des Etats. Elle pourrait être caractéristique d‟une agression. Elle transforme le conflit armé interne en conflit armé international. Ce conflit

401 S/RES/1332 (2000), 14 décembre 2000, §10, S/RES/1304 (2000), 16 juin 2000, §§2-4.

402S/RES/ 1304 (2000), 16 juin 2000 §14

403 CHARPENTIER (J), « Les effets du consentement sur l‟intervention », mélanges Séfériadès, Ecoles des

132 autrefois régi par l‟article 3 commun aux 4CG se trouve couvert par le champ du DIH. Comme l‟illustre la résolution 1304(2000) du Conseil de sécurité, l‟intervention militaire de l‟Ouganda en RDC pouvait constituer un acte d‟agression au terme de l'article 3, g) de la résolution 3314 du 14 décembre 1974 de l'Assemblée générale :

« L’envoi par un État ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre État d'une gravité telle » qu‟il constitue une agression de l‟État commanditaire. Cette configuration renvoie à la situation qui a opposé l'Ouganda et la RDC dans laquelle les forces armées Ougandaises ont appuyé militairement le groupe armé du mouvement de libération du Congo (MLC) de J-P Bemba404. A ce sujet, la République Démocratique du Congo avait saisi la C.I.J au sens de l'article 1 de la résolution 3314 de l'Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1974 et de la jurisprudence de la Cour internationale de justice, en violation de l'article 2, paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies et de la Charte de l‟Union africaine pour des actes d‟agression armée perpétrée par l‟Ouganda sur son territoire405.

La C.I.J. constate que « Les forces armées Ougandaises ont traversé de vastes zones

de la RDC et[ ] mené des opérations dans un grand nombre de localités », conclut que « l'Ouganda a violé la souveraineté ainsi que l'intégrité territoriale de la RDC. Les actes de

l'Ouganda ont également constitué une ingérence dans les affaires intérieures de la RDC et dans la guerre civile qui y faisait rage ».

Bien que la question de la qualification du conflit armé n‟ait t pas été posée devant son office, il ressort de la décision de la C.I.J que les actes coercitifs de l‟Ouganda et les modalités de l‟exercice de ses forces sur le territoire congolais constituent une ingérence prohibée par l‟article 2 § 4 de la Charte. Cette contravention de l‟Ouganda au principe de non- intervention dans les affaires intérieures pouvait modifier la nature du conflit, qui était au départ, un conflit armé interne et devenir un conflit armé international régi par le DIH. L‟illicéité du comportement de l‟Ouganda est liée non seulement aux moyens coercitifs utilisés pour atteindre son objectif, mais au fait que les actes posés sont intimement liés à l‟affirmation de

404C.I.J., Activités armées sur le territoire du Congo (Congo c. Ouganda), op.cit., p. 61, §§155-157.

405Ibid, pp.180-181, §23 ; FORLATI (S), « Protection diplomatique, droits de l'homme et réclamations '' directes'' devant la Cour internationale de justice : quelques réflexions en marge de l'arrêt Congo/Ouganda »,

133 l‟identité de l‟Etat congolais au regard du droit international positif. Ce comportement subversif traduit une interférence inacceptable dans le champ de la compétence nationale. Ainsi, l‟intervention d‟un Etat dans les domaines de compétence qu‟exerce l‟un de ses pairs sans son consentement préalablement éclairé est condamnable quels qu‟en soient les caractères et les raisons.

B. La non-intervention, une garantie normative contre la déstabilisation et le

Outline

Documents relatifs