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A- LES EXCLUSIONS

1. L’action onusienne stricto sensu

L‟action onusienne en République Démocratique du Congo peut être comprise comme désignant un ensemble d‟activités, des mécanismes, d‟outils, des recours, des pratiques, des postures, des tactiques et des tâches disponibles pour répondre aux aspirations de la Charte et contribuer au rétablissement et à la consolidation de la paix en RDC et dans la région. Ce concept peut être entendu juridiquement comme embrassant toutes les activités décidées par le Conseil de sécurité des Nations Unies ou développées par la Mission de paix

61MVE ELLA (L), La responsabilité de protéger et l‟internationalisation des systèmes politiques, op.cit. p.25.

62 VERHOEVEN (J), « Faut-il tirer sur l‟intervention d‟humanité jusqu‟à ce que mort s‟en suive ? », in Mélanges offerts à C. Leben, Droit international et culture juridique, Pedone, 2015, p.250.

63 SPIRY(E), « Intervention humanitaire et intervention d‟humanité : la portée française face au droit international », R.G.D.I.P, 1998, p.409.

30 en vertu des résolutions du Conseil de sécurité pour rétablir et consolider la paix. Parmi les outils, les opérations de maintien de la paix constituent un objet d‟étude les plus pertinents pour évaluer la latitude avec laquelle, l‟organisation des Nations Unies assure la paix et la sécurité dans les Etats en conflit.Cette action multiforme s‟exerce dans le cadre de la Mission de l‟Organisation des Nations Unies au Congo (MONUC) déployée depuis le 30 novembre 1999 et remplacée en 2010 par la mission de l‟Organisation des Nations Unies pour la stabilisation au Congo (MONUSCO). Selon les périodes, l‟action onusienne est un mélange et une alternance des opérations de rétablissement, de consolidation, de stabilisation et voire d‟imposition de la paix.

Dans son rapport avec les droits, l‟action onusienne décline plusieurs tâches et explore une double dimension : la robustesse du mandat pour rétablir la paix et la dimension consolidation pour pérenniser la paix en identifiant et en extirpant les facteurs de reprise des hostilités65. Le rétablissement de la paix consiste à définir et étayer les structures propres sur lesquelles la paix sera consolidée. Il repose sur la cessation des hostilités entre belligérants, un appui international à l‟application d‟un accord politique de paix et la mise en œuvre des mesures et mécanismes visant à la protection des civils66. La protection des civils : ce concept a émergé depuis les années 1999 et peut être entendue comme l‟action de protéger, de préserver du danger, de prendre défense de quelqu‟un contre un danger ou un risque, et au fait de constituer un rempart, un abri67. Le droit international humanitaire (DIH), définit les civils comme toute personne ne participant pas ou plus aux hostilités lors d‟un conflit armé. Elle inclut toute personne non combattante68.La dernière polyce de DPKO définit laprotection des civils comme « tous les moyens nécessaires, jusqu’à et incluant l’usage de la force létale, visant à prévenir ou répondre aux menaces de violence physique contre les civils, selon les capacités et zones d’opérations, et sans préjudices à la responsabilité du gouvernement

65 HAJJAMI (N), La responsabilité de protéger, bruylant, 2013 ; AGGAR (S), La responsabilité de protéger : un

nouveau concept ? Thèse, Université de Bordeaux, 2016 ; GANDOU D‟ISSERET (G), La responsabilité de

protéger. Nouvelle approche du droit international, L‟Harmattan, 2015. ; Rapport du Groupe d'experts des Nations Unies, S/2002/1146, 16 octobre 2002, §71. ; POURTIER (R), « L'Afrique centrale dans la tourmente. Les enjeux de la guerre et de la paix au Congo et alentour »,op.cit. pp.39-40.

66 S/RES/1265(1999), 17 septembre 1999, §10. ; S/RES/1270(1999), 22 octobre 1999, §14. « Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil décide que dans l'accompagnement de son mandat, la MONUC pourra prendre les mesures nécessaires pour assurer (...) à l'intérieur de ses zones d'opérations et en fonction de ses moyens, la protection des civils immédiatement menacés de violences physiques imminente ».

67 Di RAZZA (N), La protection des civils par les opérations de la paix de l’ONU, op.cit., p.116 ;

S/RES/1265(1999, 17 novembre 1999

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hôte »69. La protection des civils concerne alors toutes les actions positives entreprises par la Mission de paix, le gouvernement de l‟Etat hôte ou toute autre entité nationale ou internationale pour défendre, secourir et mettre à l‟abri de la violence et des abus les populations non combattantes lors d‟un conflit armé70.

Notre dissertation doctorale limitera le champ de la définition de la protection des civils à la dimension sécuritaire et physique. Il s‟agit de la protection contre les abus, les crimes de guerre, crimes contre l‟humanité, crimes de génocide, les violations de droit international de droits de l‟homme, du droit international humanitaire, et de toute sorte de violence commise pendant le conflit armé71. Dans ce cadre, le droit international humanitaire impose de nombreuses obligations juridiques aux combattants envers les non-combattants, définis comme civils. L'obligation de distinction et d'interdiction d'attaquer les civils est notamment reconnue comme étant coutumière et érigée en principe de jus cogens ou normes impératives :des règles péremptoires et impératives relevant du niveau supérieur de normes en droit international, « acceptées et reconnues par la communauté internationale des Etats dans

son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise »72. Dans la conduite des opérations, les parties en conflit devront respecter et observer le principe de précaution, de proportionnalité et de nécessité visant à épargner au maximum les civils dans la conduite de leurs opérations militaires, principes reconnus à la fois par les Conventions de Genève de 1949, le rapport Brahimi et le droit des conflits armés 73. Dans le cadre de la MONUSCO, ce concept de protection des civils explore une double posture74.

69 Nations Unies, DPKO/DFS, « The Protection of Civilians in United Nations Peacekeeping », DPKO/DFS Policy, avril 2015, 51p.,

70DE HEMPTINNE (J), « La définition de la notion de « population civile » dans le cadre du crime contre l‟humanité, commentaire critique de l‟arrêt Martic, R.G.D.I.P, 2010, pp.93-94.

71 MUMBALA ABELUNGU (J), Le droit international humanitaire et la protection des enfants en situation de

conflits armés, Thèse de doctorat en droit, Université de GENT, 2017, pp.28-31.

72L‟article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités : « une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère ». ; DAVID (E), Principes de droit des conflits

armés,op.cit., p.272.

73L'article 3 des Conventions de Genève précise : « Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités (…) seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité (…). A cet effet, sont et demeurent prohibées, en tout temps et en tout lieu, à l'égard des personnes mentionnées ci-dessous : a. Les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices (…) ; b. les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants (...) » ; Lire aussi la résolution 2444 de l'Assemblée générale des Nations Unies, « toutes les autorités gouvernementales et autres responsables de la conduite d'opérations en période de conflit armé » doivent suivre ces principes : « il est interdit de lancer des attaques contre les populations civiles en tant que

32 D‟abord, la posture civile recourant aux moyens, mécanismes et outils innovants de protection chargés d‟améliorer le dialogue et la collaboration entre Casques bleus, les FARDC, les populations locales et les humanitaires. Parmi ces moyens de protection, il convient de citer la matrice de protection, les réseaux d‟alertes communautaires, les équipes de protection conjointe et les assistants de liaisons communautaires. Ensuite, la posture militaire de protection qui renvoie à la protection des civils par la présence militaire dissuasive, à la démonstration de la force par des patrouilles militaires diurnes et nocturnes jusqu‟au recours à la force armée offensive avec des possibles implications juridiques sur le statut des Casques bleus qui participent activement aux hostilités75. L‟hyperactivité de la protection des civils transcende toutes les activités de la Mission. Elle fait d‟elle un concept fédérateur et paradigme fécond, légitimant toutes les activités de la MONUSCO76.

S‟agissant du concept de consolidation de la paix, il implique l‟ensemble des activités entreprises à la suite d‟un conflit dont l‟objectif est d‟instaurer une paix durable et ainsi éviter la reprise des hostilités 77 . Cette opération de consolidation survient consécutivement après d‟autres opérations de paix (rétablissement, maintien et imposition de la paix). Elle se distingue des autres opérations par son caractère intrusif dans l‟exercice de la souveraineté des Etats. Elle met en œuvre d‟ambitieux programmes des réformes visant à identifier et à éliminer les causes et facteurs du conflit. Elle envisage, par les tâches décidées par le Conseil de sécurité en collaboration avec l‟Etat hôte à reconstituer des bases propres à affermir la paix et de fournir les moyens d‟édifier sur ces bases quelque chose de plus que la simple absence de la guerre78. Elle recouvre diverses activitésvisant à maintenir cette paix dans la durée en proposant des solutions pour la résolution définitive du conflit.

Les opérations de consolidation de la paix rejoignent les activités touchant à plusieurs domaines de l‟organisation de la société en situation de post-conflit notamment la promotion

telles » et « il faut en tout temps faire la distinction entre les personnes qui prennent part aux hostilités et les membres de la population civile, afin que ces derniers soient épargnés dans toute la mesure du possible».

74 Di RAZZA (N), La protection des civils par les opérations de la paix de l'ONU,op.cit., p.201.

75Ibid.p. 139.; S/RES/1906(2009), S/RES/1925 (2010), S/RES/2098 (2013).

76 REYNAERT (J), MONUC/MONUSCO and Civilian Protection in the Kivus, IPIS, février 2011, 47p.;Di RAZZA (N), La protection des civils par les opérations de la paix de l'ONU,op.cit., p.296.

77 NTUMBA KAPITA (P), La pratique onusienne des opérations de consolidation de la paix : Analyse, bilan et

perspectives,op.cit., p.28.

78 KAMTO(M), « Le cadre juridique des opérations de maintien de la paix des Nations Unies », International

33 de la démocratie via l‟organisation et la surveillance du processus électoral inclusif79, le développement de l‟administration publique par l‟établissement d‟un Etat de droit incluant le renforcement du système judiciaire, la promotion du respect des droits de la personne et la professionnalisation des services de sécurité ainsi que le développement économique par la mise en œuvre de mesures de libéralisation et de bonne gouvernance80. Pour J. Salmon, l‟Etat de droit, est un Etat dont l‟organisation interne est régie par le droit et la justice81. Selon J. Chevallier : « Trois versions(instrumentale, formelle, substantielle) dessinent d’emblée plusieurs figures possibles de l’Etat de droit, à savoir, l’Etat qui agit au moyen du droit, l’Etat qui est assujetti au droit et l’Etat dont le droit comporte certains attributs intrinsèques »82.De tout ce qui précède, il ressort que l‟action onusienne en République Démocratique du Congo entretient des liens avec la défaillance de l‟Etat congolais et surtout de ses conséquences dans l‟ordre juridique national et international.

Dans le contexte de la Mission de l‟Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO), la notion de stabilisation renferme à la fois le cadre national et régional qui consiste à renforcer les capacités de l‟Etat à étendre son autorité sur toute l‟étendue du territoire national. Au niveau interne, elle procède de l‟appui à la réforme des services de sécurité, de la réhabilitation des infrastructures de base (routes, écoles, hôpitaux, casernes pour militaires et policiers), de la mise en place des institutions pour la bonne gouvernance et du respect de l‟Etat de droit par la réorganisation de l‟appareil judiciaire83. Au niveau régional, la stabilisation implique le renforcement des capacités des organisations régionales pour la paix et la stabilité notamment la Conférence Internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL), la Communauté Economique des Etats de l‟Afrique Australe (SADC), l‟Union Africaine par la mise œuvre des mécanismes communs de luttecontre le commerce illégal des minerais et de leur contrôle, l‟harmonisation des législations nationales contre la criminalité transfrontière, l‟interdiction de tout soutien

79 CORTEN (O), La rébellion et le droit international, le principe de neutralité en tension, éd. Martinus Nijhoff, Académie de droit international de la Haye, 2015, pp.9-10. ; KAMTO (M), « L‟ONU et l‟assistance électorale »,

Actes du colloque de la SADIC de Johannesbourg, 21-24 août 1995.

80 MOINE‟(A), « L‟Etat de droit, un instrument international au service de la paix », Civitas Europa, 2016/2, pp.65-93. ; D‟ASPREMONT, « Emergence et déclin de la Gouvernance démocratique en droit international », Revue Québécoise du droit international, 2009, pp. 68 et 78.

81 SALMON (J), Dictionnaire de droit international public, Collectif, Bruylant, 2001.

82 CHEVALLIER (J) cité par DAVID (E), « Conclusions générales », l’Etat de droit en droit international,

ColloqueSFDI de Bruxelles, éd. Pedone 2009, p.436.

34 des Etats aux groupes armés pour déstabiliser les pays voisins, la transparence et la traçabilité des minerais84.

Ainsi, l‟action onusienne en République Démocratique du Congo pourrait se définir comme une obligation de la société internationale à titre subsidiaire pour suppléer au manquement de l‟obligation juridique permanente imposée à l‟Etat par l‟ordre juridique national et international de protéger la population à titre principal. Cette action onusienne se décline par des mesures préventives, réactives et reconstructives ayant un impact sur le système politique de l‟Etat défaillant en vue de l‟élever aux standards internationaux de gouvernance, de la démocratie et de l‟Etat de droit85.

Dans le cadre de cette étude, il convient de signaler que le cadre juridique de l‟action des Nations Unies au Congo s‟avère évolutif, normatif, politique, innovant et résolutoire. Evolutif d‟abord parce que le mandat s‟est adapté à chaque dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire par de nouvelles configurations en termes d‟effectifs et de contenu, qui sont régulièrement renouvelés et renforcés. Normatif, en ce sens que les activités de la Mission s‟exercent conformément aux règles et normes du droit international, du droit international humanitaire, du droit international des droits de l‟homme, et des principes et valeurs des Nations Unies ainsi que des règles d‟engagement définies à la fois par le Conseil de sécurité que le Secrétariat général des Nations Unies. Il est politique dans la mesure où les jeux de pouvoir, d‟influence et d‟intérêts des Etats affectent la mise en application du mandat en le limitant et en le redynamisant. Il est innovant dans la mesure où tout échec ou toute crise de protection s‟accompagne non seulement de renforcement du mandat mais aussi de réajustement des pratiques, des mécanismes, des outils et modes opératoires nouveaux pour davantage de protection. Il est ensuite résolutoire, en ce sens que toutes les tâches ou activités exécutées par la Mission relèvent des résolutions du Conseil de sécurité qui constituent le fondement et le cadre juridique de la Mission de paix pour l‟exécution du mandat.

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