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Les équipes de protection conjointes ou Joint Protection Tream (JPT)

CHAPITRE II- LA PROTECTION DES CIVILS DANS LA PRATIQUE DE LA MONUC/MONUSCO

Section 2- La MONUC/MONUSCO, porte-voix du double visage des mécanismes innovants de protection des civils et du mandat

1. Les outils d’évaluation et d’analyse de protection

1.2. Les équipes de protection conjointes ou Joint Protection Tream (JPT)

Cet outil nouveau sert à l'amélioration endogène des actions et des stratégies de protection. Le développement de ce mécanisme fait suite au massacre de Kiwanja perpétré par les rebelles de CNDP de L. Nkunda582.Du 4 au 5 novembre 2008, environ 150 civils sont tués à Kiwanja, pas loin de la base de la MONUC située à trois kilomètre du lieu de massacre. Face à ce nouvel échec de la Mission, la composante civile de la MONUC s‟est interrogée sur la façon dont elle pouvait davantage aider la Force de paix pour anticiper de telles crises. Les JPT sont un outil interne, permettant une meilleure compréhension de la situation de protection par l'apport de l'expertise des sections substantielles, et la mise en place de meilleurs systèmes de prévention, d'alerte et de réponse pour protéger les civils. Cet outil permet de recueillir les informations en vue d‟améliorer les réponses en matière de protection et d'assistance humanitaire583. L'objectif consiste à travailler avec les commandants de base de la Mission et les communautés locales afin d'évaluer les besoins pour la sécurité des civils584. Avec plus d‟expérience du terrain que les Casques bleus585, la CAS de la MONUC estime que les civils de la région devaient contribuer aux activités de protection et soutenir les Casques bleus par l‟analyse du contexte, l‟interaction avec les communautés locales pour la compréhension des besoins de protection586.

A ce sujet, le Secrétaire général de l'ONU note que « la mission d'évaluation technique

déployée après le massacre de Kiwanja a pleinement souscrit à cette approche innovante et s'est déclarée favorable au maintien et à l'expansion des équipes conjointes de protection, qui devraient permettre de compléter et de renforcer les interventions militaires axées sur la protection des civils »587. Le déploiement d'un JPT est décidé à la réception d'allégation de tensions, de violences, de déplacements ou de violations de droits de l'homme dans une zone donnée. C‟est un outil de prévention et de réaction, agissant sur le terrain en collaboration

2008.

582 Consolidated Report on Investigations conducted by the United Nations Joint Human Rights Office (UNJHRO) into Grave Human Rights Abuses committed in Kiwanja, North Kivu, in November 2008, 7 septembre 2009.

583 Vingt-huitième rapport du Secrétaire général sur la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo, S/2009/335, 30 juin 2009, §38.

584MONUSCO, Joint Protection, Teams: standing operating Procedures, février 2009.

585Le relèvement des troupes de la MONUC se fait tous les 6 mois, celui des officiers, tous les ans alors que les civils de la MONUC peuvent rester en mission plusieurs années et sont par conséquent capables de délivrer une analyse situationnelle des dynamiques du conflit congolais

586 DI RAZZA (N), La protection des civils par les opérations de maintien de la paix de l’ONU, op.cit., p.178.

587Vingt-septième rapport du Secrétaire général sur la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo, S/2009/160, 27 mars 2009, §62.

186 avec les FARDC, les sections de la MONUSCO et leurs bases respectives. Dans une approche préventive, les JPT sont envoyées régulièrement dans la zone pour faire le suivi et assurer une bonne prévention des tensions et des menaces588. En avril 2012, la MONUSCO a envoyé 13 JPT à Remeka et Katoyi pour vérifier les allégations de tueries à grande échelle perpétrées par les rebelles des forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) et les milices Raïa Mutomboki dans le groupement d‟Ufamandu I et II (Nord-Kivu) et au Katanga589.

Des réunions pré-déploiements sont organisées pour fixer les objectifs de la Mission, la division des tâches, les personnes à rencontrer et à prévenir de l'arrivée de l'équipe, les questions à poser et les besoins de chaque section590. Tout est organisé pour que la mission obtienne les informations nécessaires à protéger les civils. L'équipement doit être prévu en tentes, eau, nourriture, gilets pare-balle, lits de camp et moyens de communication comme téléphones satellitaires et les radios591. Le déploiement des JPT dans la zone permet d'analyser les dynamiques locales et proposer des recommandations pour améliorer la protection des civils. Ils sont accueillis dans la base militaire locale de la MONUSCO (COB ou TOB) la plus proche de la zone à évaluer et peuvent rencontrer les forces de sécurité congolaises (FARDC, PNC, ANR)592, les autorités locales, religieuses, la société civile et peuvent se rendre dans les hôpitaux ou les camps de déplacés pour discuter avec la population.

Les questions portent sur le comportement des groupes armés, leurs motivations et menaces potentielles sur les civils, l‟état des tensions ethniques ou foncières au sein de la population. Les besoins des victimes des violations de droits de l'homme ou le comportement des forces de sécurité nationales. Ces missions constituent des moments privilégiés pour les JPT de rencontrer tout le monde pour obtenir des informations sur le niveau de protection nécessaire. Pendant ces rencontres, les civils partagent aussi leurs attentes, leur confiance ou leur déception envers la MONUSCO que certains considèrent comme le seul acteur de

588 S/RES/1925(2010), 28 mai 2010, §12(f).

589Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l‟Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo, S/2012/355, 23 mai 2012, §34.

590Des contacts doivent parfois être pris à l'avance par l'entremise des contacts locaux, pour donner rendez-vous à des représentants de la société civile ou des autorités locales habitant à des heures de marche du lieu de déploiement du JPT.

591 DI RAZZA(N), La protection des civils par les opérations de maintien de la paix de l’ONU, op.cit., p.183

592Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), Police Nationale Congolaise (PNC), Agence Nationale de Renseignement(ANR).

187 protection potentiel à qui la population peut demander un soutien dès lors que la méfiance envers les forces de sécurité est très grande593.

A son retour, la mission établit un rapport incluant les recommandations pour les actions à mener. Elles peuvent concerner de futurs déploiements militaires des Casques bleus (création d'une base ou le déplacement d'une base, l'augmentation des patrouilles dans un village ou sur un axe donné) ou des FARDC, des campagnes de sensibilisation contre le recrutement des enfants, des formations visant les FARDC en matière d‟investigations criminelles, du respect des droits de l‟homme et du DIH. En 2012, les JPT ont recommandé au COB de rencontrer la communauté et planifier des patrouilles pour prévenir les agressions contre les femmes revenant des champs sur l'axe Maximilien-Nyamitwitwi et d'augmenter la sensibilisation contre le recrutement des enfants soldats par les groupes armés. Les JPT sont des équipes pluridisciplinaires, composées de représentants de différentes sections de la MONUSCO. Chaque section a un mandat spécifique en termes de protection des civils qu‟elle exerce des tâches propres.

La section des affaires civiles est chargée de la cartographie des acteurs civils et militaires clefs et de fournir une analyse sur le contexte politique, social et économique de la zone visitée. Elle analyse les besoins de protection en coopération avec la communauté, les autorités, les acteurs humanitaires et militaires et se charge de la liaison entre tous ces acteurs pour préparer une stratégie globale de protection. En fonction des menaces identifiées, elle développe des réponses spécifiques recourant à de nouvelles modalités de déploiement reposant sur la recherche permanente de mobilité quel que soit le contexte civil ou militaire. Elles peuvent inclure la planification de patrouilles du COB ou l‟installation de MOB dans des zones prioritaires à des heures indiquées par la communauté locale ou la mise en place des mécanismes d'alerte ou de médiation594.

La section de droits de l'homme de la MONUSCO est responsable de l'identification des menaces des violations des droits de l'homme sur les populations civiles et de recommander des actions approfondies comme des enquêtes sur des violations des droits ou des allégations. Elle discute avec les autorités politiques et plaide au près des FARDC et de la

593 Di RAZZA(N), La protection des civils par les opérations de maintien de la paix de l’ONU, op.cit., p.183.

594ZEEBROEK (X), MEMIER (M), SEBAHARA(P), « La mission des Nations Unies en RDCONGO, bilan d‟une décennie de maintien de la paix et perspectives », op.cit., p.13.

188 PNC pour le respect des droits de l'homme595.Cette section visite les lieux de détention des civils (prisons, cachots) pour s'acquérir de l'état des détenus. Leur mission consiste aussi à parler des droits de l'homme avec les communautés locales et les Casques bleus. Sur base des observations des JPT, des équipes d'investigation plus approfondies peuvent être déployées pour évaluer les allégations des violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises.

La section Protection de l'enfant de la MONUSCO, est quant à elle chargée d'identifier les enfants à risque dans le cadre du recrutement et de leur utilisation par les groupes armés et recueillir des informations sur d'éventuelles violations des droits de l‟enfant. La section s'assure du traitement médical et psychosocial réservé aux enfants victimes d'abus au près des experts et assume la responsabilité du plaidoyer sur la protection des enfants par les parties en conflit596.En lien avec l'UNICEF et des acteurs locaux comme les ONG et centres de transit et d'orientation accueillant d'anciens enfants soldats, elle évalue les besoins spécifiques de protection. La section DDR/DDRRR a la responsabilité de sensibiliser les groupes armés à la démobilisation volontaire pour intégrer des programmes de réintégration et faciliter le retour des combattants et de leurs dépendants. Elle s'intéresse aux dynamiques des groupes armés, de leur recrutement et des éléments souhaitant quitter les groupes armés597.

La section Police des Nations Unies (UNPOL) participe aux JPT pour apporter son expertise dans son domaine et faciliter la communication avec la Police Nationale Congolaise. Elle évalue la situation sécuritaire et les conditions de déploiement de la PNC, collecte les informations sur la restauration de l'autorité de la Police, ses activités, sa présence et son bilan. Elle conseille la PNC, l‟ANR et les autorités locales sur la préparation des plans locaux de contingences et sur l'amélioration de la protection des populations. Cette collaboration permet à UNPOL d‟identifier les unités et officiers de police pouvant poser problème et faire le suivi des violations de droits de l'homme commises par la PNC598.La section genre travaille également et étroitement avec les organisations de femmes et les communautés pour lutter contre la violence fondée sur le genre. Elle évalue l'impact du conflit sur les hommes, garçons, femmes et filles. Elle contribue à l'élaboration des pans des protections en prenant en

595DI RAZZA (N), La protection des civils par les opérations de maintien de la paix de l’ONU, op.cit., p.185

596Ibid

597ZEEBROEK (X), MEMIER (M), SEBAHARA(P), « La mission des Nations Unies en RDCONGO, bilan d‟une décennie de maintien de la paix et perspectives », op.cit., p.31.

189 compte les besoins spécifiques de chaque catégorie, incluant aussi les dépendants des groupes armés. Il est à noter que JPT ont une capacité dissuasive et rassurante élevées, leur déploiement ont rendu des agressions et des attaques des groupes armés contre les civils moins fréquents dans les zones juxtaposant les bases de la MONUSCO. L'avantage supplémentaire attaché à ce mécanisme réside dans le fait que leur présence démontre que les Nations Unies gardent l‟œil sur cette zone et aide à renforcer la dissuasion comme l'explique un officier des droits de l'homme : «Les JPT font parties de la présence proactive sur le

terrain, ce concept doit être partout... »599.

Si les succès de cet outil ont conduit à son institutionnalisation et à la professionnalisation de ses membres, son caractère novateur est à relativiser car elle n‟est qu‟une simple mission conjointe d'évaluation, bien que nécessaire. Cet outil permet de compléter et de renforcer les actions des Casques bleus dans la zone en identifiant les besoins en protection des populations civiles. Un conseiller Protection de la Mission explique : « les

JPT est un concept MONUC, contrairement au Sud Soudan où ils ont les Joint Protection Patrols- des militaires et des civils qui partent sur le terrain. Ici, ce sont les civils qui vont voir les militaires du terrain »600.Outre les outils civils de protection servant à l‟amélioration interne des actions et des stratégies de protection par la communication et l‟analyse que constituent la matrice et les JPT, la section des affaires civiles (CAS) de la MONUSCO a développé d‟autres mécanismes chargés de rétablir la confiance et d‟améliorer le dialogue entre populations locales et Casques bleus. Ce sont des outils de dialogue et des liaisons communautaires (2).

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