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L'influence du Secrétaire général de l'ONU en tant que personnage central et acteur majeur dans la création de la MONUC et l'exécution de son mandat

UNIES EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : LE LABORATOIRE EXEMPLAIRE DU MAINTIEN DE LA PAIX

UNIES EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

B. Les critères objectifs de qualification des conflits armés et le droit applicable au prisme du conflit congolais

1- La dynamique du conflit congolais et le contexte historique de la création de la MONUC en République Démocratique du Congo

1.1. La création de la Mission de l'organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo (MONUC)

1.1.2. L'influence du Secrétaire général de l'ONU en tant que personnage central et acteur majeur dans la création de la MONUC et l'exécution de son mandat

Le Secrétaire général de l'ONU joue le rôle d'interface entre les organes décisionnels et le terrain des opérations 282 . Il incarne à la fois le fonctionnariat, l'administrateur, la voie de l'organisation et l'exécutant des résolutions des organes principaux du maintien de la paix : le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale. Dans la pratique, le Secrétaire incarne un acteur normatif et politique par son influence dans la politique globale et sur la base des résolutions du Conseil de sécurité. Il offre ses bons offices et des médiations lors des crises politiques internes et internationales. Son rôle est central dans la bonne marche de l'opération de paix en ce sens qu'il intervient indirectement dans la décision de la création de l'opération de maintien de la paix et directement dans l'exécution de son mandat. L'article 97 du chapitre XV de la Charte de l'ONU le désigne « le plus haut fonctionnaire» de l'ONU nommé par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité283. L'article 99 explicite son rôle en rappelant : « attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire

qui, à son avis, pourrait mettre en jeu le maintien de la paix et la sécurité internationales ». A côté de son rôle administratif, il a un rôle politique. Dag Hammarskjoeld a écrit à ce sujet que l‟article 99, « plus que tout autre article considéré par les auteurs de la Charte, [a]

transformé le Secrétaire général d’un fonctionnaire purement administratif à celui qui détient une responsabilité politique explicite ».

280 S/RES/1234 (1999) du 9 avril 1999, §2.

281 FLEISCHHAUER CARL (A), « Le Secrétaire général des Nations unies : sa position et son rôle », Pouvoirs, 2/2004, n°109, pp.75-87.

282Chapitre XV, les articles 97-101 de la Charte des Nations Unies relatifs au Secrétaire général.

97 C'est dans ce cadre qu'il est intervenu dans la création de la MONUC à la demande du gouvernement congolais. Le Secrétaire général ne participe pas à la prise de décision mais intervient en amont pour informer le Conseil de l'évolution de la situation. Il fournit les informations dont le Conseil a besoin pour se décider. L'article 99 de la Charte précise que «

le Secrétaire général peut déclencher l'intervention du Conseil de sécurité dans le cas où aucun État ne prendrait l'initiative de le saisir ». En RDC, le Secrétaire général était d‟opinion que la crise constituait une menace sérieuse pour la paix et la sécurité régionales. Il demanda la convocation d‟urgence d‟une réunion du Conseil pour trouver une solution pacifique. Le Conseil partagea l‟opinion du Secrétaire général selon laquelle la situation congolaise constituait une menace pour la paix et la sécurité internationales284.

Les multiples rapports fournis par le Secrétaire général au Conseil de sécurité constituent une base de réflexion et son principal mode d'expression. Son rapport annuel est un véritable document politique, qui lui donne les moyens d'orienter la politique du Conseil de sécurité, sans avoir recours directement au processus de l'article 99 de la Charte de l'ONU285. S'agissant de l'exercice du pouvoir de nominations et de recommandations, le Secrétaire général de l'ONU a le pouvoir de nommer un envoyé spécial pour mener une mission de médiation en vue d'obtenir une cessation des hostilités ou la signature d'un accord de paix et cela conformément aux articles 97-101 de la Charte. Dans le cas de la RDC, le Secrétaire général de l'ONU de l'époque, avait nommé l'ancien ministre des affaires étrangères du Sénégal M. Mustapha Niasse comme Envoyé spécial pour assister aux négociations devant conduire à la signature de l'accord de cessation des hostilités à Lusaka286.

Conformément à l'article 12-2 de la Charte des Nations Unies, le Secrétaire général avec l'assentiment du Conseil de sécurité porte à la connaissance de l'Assemblée générale des affaires relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales287. En matière de paix, il est l‟interlocuteur direct du Conseil de sécurité et de l‟Assemblée générale des Nations

284 FLEISCHHAUER CARL (A), « Le Secrétaire général des Nations unies : sa position et son rôle », op.cit., p.13.

285 CORDONA LLORENS (J) et AZANAR GOMEZ (M.J), « Article 99 », in J-P COT, A. PELLET et M. FORTEAU, la Charte des Nations Unies : commentaires article par article, éd. Économisa, Paris, 2005, pp. 2051-2080.

286 S/RES/1234 (1999), le Conseil de sécurité approuve la nomination de l'Envoyé spécial et appelle au cessez-le-feu.

287 L‟article 12-2 dit : « Le Secrétaire général, avec l‟assentiment du Conseil de sécurité, porte à la connaissance de l‟Assemblée lors de chaque session les affaires relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont s‟occupe le Conseil de sécurité ; il avise de même l‟Assemblée générale ou, si l‟Assemblée générale ne siège pas, les membres de l‟Organisation, dès que le Conseil de sécurité cesse de s‟occuper desdites affaires. »

98 Unies auxquels il fournit des rapports sur l‟évolution de la situation sur le terrain. L‟accord de paix de Lusaka de juillet 1999 a constitué un prélude à la création de la MONUC. Toutefois, l'intervention de l'ONU dans un conflit armé interne n'est pas subordonnée à la signature d'un accord de cessez-le-feu. Cette pratique d'intervention onusienne n'est pas nouvelle, et rien ne l‟oblige à n‟agir qu'en présence d'un accord de paix signé par toutes les parties. En 1963, les Nations Unies sont intervenues au Congo (ONUC) pendant le conflit armé en dehors de tout accord de paix.

La Brigade d'intervention de la MONUSCO créée par la résolution 2098(2013) a été déployée à l'Est de la RDC en l‟absence de tout accord de paix entre les parties. Concernant la création de la MONUC, l'émissaire du Secrétaire général ayant participé aux négociations pour la signature de l'Accord de paix de Lusaka informa le Secrétaire général de l'ONU de l'évolution de la situation et des avancées obtenues en vue de la signature de l‟Accord de paix par toutes les parties au conflit y compris les pays étrangers participant directement aux hostilités. Par une lettre du représentant permanent de la Zambie auprès des Nations Unies, le Secrétaire général fut informé de la signature de cet accord de paix288. Cette lettre comportait une demande claire adressée au Conseil de sécurité en tant qu'organe principal du maintien de la paix et de la sécurité internationale, sur la situation en RDC et notamment au sujet de l'Accord de paix signé.

Le Conseil de sécurité a été saisi par le Secrétaire général qui lui avait fourni ses observations et recommandations289.Outre le rapport de situation, le Secrétaire général peut proposer un certain nombre d‟options relatives au mandat, aux effectifs, aux conditions de déploiement et au retrait de la force, sans pouvoir cacher sa préférence290. Ainsi, les résolutions du Conseil de sécurité relatives à la création, au retrait d'une force, à la détermination, à la modification du mandat ou de ses effectifs proviennent des propositions du Secrétaire général, sur lesquelles les membres permanents du Conseil de sécurité ont trouvé consensus291. C‟est dans cet ordre que dans la résolution 2211(2015), le Conseil de sécurité, à

288 Lettre S/1999/815 du représentant de la Zambie auprès des Nations Unies au Président du Conseil de sécurité.

289 Rapport S/1999/790 du Secrétaire général au Conseil de sécurité des Nations Unies ; S/RES/1279(1999) du 30 novembre 1999, §8.

290 CASSAN (H), « Le Secrétaire général et le Conseil de sécurité à l'épreuve du chapitre VII : un couple tumultueux », inle chapitre VII de la Charte des Nations Unies, op. cit., pp.245-246. ; THIELEN (O), Le recours

à la force dans les opérations de maintien de la paix contemporaines, op.cit., pp.39-41.

291GUEHENNO (J-M), « Le maintien de la paix Robuste : obtenir un consensus politique et renforcer la structure de commandement et de contrôle », Bulletin du maintien de la paix, Bulletin n°98 mars 2010, p.1.

99 la demande du gouvernement congolais et sur recommandation du Secrétaire général des Nations Unies a procédé au retrait de 2000 Casques bleus292.

Dans le cadre de la planification opérationnelle de la mission, le Conseil de sécurité n'est pas tenu de considérer toutes les recommandations du Secrétaire général. Cette faculté du Conseil limite quelque fois le rôle du Secrétaire général dans ses prérogatives. Ainsi, le 6 janvier 2016, la proposition du Secrétaire général de l'ONU, dans sa lettre du 16 décembre 2015 (S/2015/983) contenue dans son rapport transmis au Conseil de sécurité au sujet du retrait de 1700 Casques bleus de la MONUSCO n'a pas été retenue dans la résolution renouvelant pour un an le mandat de la MONUSCO293. Le Conseil de sécurité s'est contenté de prendre note de cette recommandation tendant à la réduction des effectifs, la conditionnant aux progrès qui seraient réalisés dans la lutte contre les menaces représentées par les groupes armés294. Dans le même sens, le Secrétaire général des Nations Unies, dans le cadre des informations à fournir au Conseil de sécurité, peut s'appuyer sur les résultats des missions d'évaluation politique, sécuritaire et militaire295. Ces limites capacitaires du Secrétariat général en termes de planification militaire sont exacerbées par le fait que le Conseil de sécurité ne tente que très rarement de régler, en amont de l'adoption d'une résolution créant une force de maintien de la paix ou modifiant son mandat, l‟ensemble des questions politiques et opérationnelles afférentes296.

Si le Conseil de sécurité admet que ces points cruciaux ne doivent pas être absents de ses préoccupations lors des négociations des résolutions, il appartient au Secrétaire général des Nations Unies de s'assurer de la faisabilité de l'opération, y compris les aspects juridiques, militaires, matériels, logistiques, voire politique de son déploiement et de sa conduite opérationnelle, une fois l'opération formellement créée297. L'intervention du Secrétaire général

292 S/RES/2211 (2015) ,26 mars 2015, §3.

293 Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo, S/2015/1031 du 24 décembre 2015, § 80.

294 S/RES/2277 (2016) du 30 mars 2016, §26.

295 Dans une approche générale, voir S/2003/374 et S/2004/3 sur la situation en Côte d'Ivoire, S/2006/1019 sur la situation au Tchad et en République centrafricaine ; S/1999/1116 sur la République Démocratique du Congo, S/2004/453 sur le Soudan ; S/2003/582 et S/2003/875 sur la situation au Liberia ; S/2007/204 sur la situation en Somalie, ; S/2004/300 sur la situation en Haïti, Rapport de la Commission indépendante d'enquête sur les actions de l'organisation des Nations Unies lors du génocide de 1994 au Rwanda, S/1999/1257 du 16 décembre 1999, p. 34.

296 Cette tendance avait été dénoncée par le Secrétaire général vis-à-vis de FORPRONU, Voir Rapport du Secrétaire général en date du 16 mars 1994, S/1994/300, §36.

297 DAUDET(Y) « Les opérations de maintien de la paix sont-elles toujours viables ?», in l'évolution du droit

100 des Nations Unies en amont des résolutions sur la MONUC a permis au Conseil de sécurité de se prononcer en termes d‟effectif ou de reconfiguration du mandat. Compte tenu de la nature du conflit et surtout des menaces pour la région, le Secrétaire général dans l'exécution du mandat de stabilisation s‟investit d‟un rôle diplomatique dans la région.

1. 2. La déterminante intervention du Secrétaire général de l'ONU dans l'exécution du mandat de la MONUC/MONUSCO

L'intervention des Nations Unies en RDC résulte de la demande des autorités congolaises en vue de parvenir à une solution négociée dans le conflit qu'il traverse via l'Accord de Lusaka. Le déploiement de la force de maintien de la paix de la MONUC a été précédé d'une mission préparatoire composée de 90 observateurs298. L‟envoi par l'ONU de ce contingent témoigne le souci de rationalité qui anime le Secrétariat pour ne pas envoyer les Casques bleus dans un environnement aux multiples risques. Le but est de permettre aux organes décisionnels de l'ONU et au Secrétaire général d'agir en toute connaissance de cause, sans précipitation dans un conflit au relais sensible d'une conflictualité régionale. Ce temps a permis au Secrétaire général d'éclairer le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale à travers ses recommandations et rapports dans la prise des décisions. Dès lors que les organes chargés du maintien de la paix à titre principal et subsidiaire se seraient prononcés, il appartiendra au Secrétaire général des Nations Unies d'exécuter le mandat conformément à la résolution qui constitue son fondement juridique traduisant comme l'a affirmé H. Cassin « en termes

fonctionnels, le légalisme abstrait des décisions du Conseil ».

Dans ce cadre, le Secrétaire général assure en amont de la décision, la phase préparatoire de la mission et en aval la direction exécutive et matérielle de l'opération. Pour reprendre H. Cassin, « Le seul chargé d'établir le programme de mise en place de la force de

maintien de la paix et de la gestion des opérations. A ce titre, il lui appartient de négocier avec les États membres la fourniture de contingents nationaux puis de négocier avec l’État d'accueil les conditions du déploiement et le statut de la force internationale sur son territoire ». S'agissant du contexte opérationnel du déploiement de la MONUC, l'action onusienne s‟est construite de manière normative et opérationnelle. La conduite matérielle des

298 En vertu de la résolution 1258 du 6 août 1999, ces 90 officiers de liaison avaient pour objectif de préparer le déploiement de la mission proprement dite. Prise de contact et évaluation technique des modalités d'une intervention de l'ONU, la mission a été envoyée aussi dans les capitales des pays étrangers signataires de l'Accord de Lusaka.

101 opérations est confiée à un commandant des opérations. Le Secrétaire général nomme un Représentant spécial chargé d'assurer la direction stratégique des opérations sur le terrain.

Le Secrétaire général rend compte périodiquement au Conseil de sécurité de l'exécution du mandat de la MONUC. Le Conseil de sécurité examine les rapports et les informations qui lui sont présentés et reconduit ou modifie le mandat de la mission selon ce qu'il convient. Dans ses prérogatives, le Secrétaire général a le privilège de parler directement aux acteurs du conflit pour leur faire part de ses opinions quant au processus de paix et même de leur présenter ses inquiétudes quant à l'évolution de la situation sur le terrain. Cette faculté permet d‟obtenir de ses interlocuteurs des engagements précis en vue de préparer le DDR/DDRRR299.Le contact que le représentant spécial du Secrétaire général a pris avec certains leaders des rébellions congolaises ont permis des engagements de ces derniers à l'application de l'Accord de paix.

L'intense activité diplomatique exercée par le Secrétaire général tant auprès du Conseil de sécurité que des parties en conflit a permis de soutenir le processus de paix de Lusaka300. Avant le déploiement de la MONUC en RDC, le Conseil de sécurité usant de son pouvoir discrétionnaire constate que la situation en RDC menace la paix et la sécurité internationale dans la région301. Cette qualification réitérée dans presque toutes les résolutions du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII concernant la RDC a justifié la création de la MONUC, son déploiement et les reconfigurations de son mandat. C‟est dans ce cadre que les Nations Unies sont intervenues en RDC non parce qu‟elle est en guerre mais parce que la situation dans le pays menace la paix et la sécurité dans la région.

2. La situation en République Démocratique du Congo, menace contre la paix et la

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