• Aucun résultat trouvé

Lexicographies du génie (XVII e XVIII e siècles) 101

Chapitre III Les usages du génie : enquête lexicographique 85

C) Lexicographies du génie (XVII e XVIII e siècles) 101

On a pu constater jusqu’à présent que le terme « génie » s’est inscrit dans la langue française d’une façon d’emblée problématique. En effet, avant le moment de sa renaissance vernaculaire, de par son origine latine et son usage allégorique dans les textes du bas moyen âge, il relevait essentiellement de l’antiquité savante et du langage codifié des grands romans de la fin du XVe siècle. Or, lorsqu’il s’est agi de chercher à intégrer la notion dans le contexte moderne de l’usage de la langue (que cet usage soit poétique ou plus généralement commun), c’est précisément cette origine savante qui a été détournée, en maintenant toutefois le prestige qui lui était par là associé. Le génie a en partie conservé la valeur particulière procurée par sa distance antique, puisque cet ancrage dans la tradition, revendiqué par les poètes et les hommes de lettres, a pu leur fournir la caution nécessaire pour justifier la pratique d’écarts par rapport à une autre tradition, plus immédiate : écarts relevant essentiellement de la représentation éthique de la figure du poète, qui renoue avec la source antique par le biais d’une emulatio genii privilégiée et singulière. Mais, d’autre part, le génie a progressivement été intégré à l’usage commun de la langue, sans pour autant faire référence à son usage antique, qui relevait essentiellement, comme on l’a vu, de pratiques religieuses. En s’intégrant à l’usage commun de la langue française, le génie s’est donc en partie laïcisé, en adoptant une dimension psychologique qui prendra de plus en plus d’importance tout au long de son histoire dans la langue française en particulier.

Les dictionnaires lexicographiques rendent comptent a posteriori de cette évolution du terme de génie dans la langue française, quoique de manière incomplète et généralisante. Une brève analyse de cette évolution, entre les grandes sommes polyglottes de la Renaissance et les dictionnaires « critiques » de la fin du XVIIIe

siècle, permet de faire sommairement état de ce parcours. Cette analyse peut aussi mettre en évidence les grandes lignes entre lesquelles la notion s’est inscrite, avec plus ou moins de précision, dans la langue française. Cette inscription a ceci de particulier cependant qu’elle s’est faite, comme on le verra, par accumulation de strates successives de signification, accumulation qui est un important facteur d’ambiguïté au sein de la notion. Mais cette accumulation est elle-même aussi un effet de la façon dont s’écrivent les dictionnaires, puisque leurs auteurs se servent

généralement du travail de leurs prédécesseurs pour constituer le leur. Il en va ainsi par exemple du Dictionnaire de Trévoux, qui a largement bénéficié du Dictionnaire

universel de Furetière, ou des multiples éditions du Dictionnaire de l’Académie

française. Ainsi, ces phénomènes de stratification ne sont pas uniquement le reflet des transformations de l’usage, mais aussi le résultat des conditions de transmission et de publication de ce type d’ouvrages.

1) Le « genie », de l’« entité » à l’« essence »

Dans l’édition de 1609 du Dictionarium octolingue d’Ambrogio Calepino, le mot « Genius » est classé sous le tronc commun « Gigno, gignis, genui, genitur », comme par ailleurs l’adjectif verbal « Genitus », ou le nom « Genitor ». La définition proposée par le Calepin représente une synthèse de toutes les significations qu’a prises la notion de Genius au cours de l’Antiquité, et constitue le matériau de base que les modernes ont intégré aux langues vernaculaires1. La définition du Calepin est au plus près de la signification antique du Genius : il s’agit essentiellement d’une divinité, ou d’une entité qui pour l’essentiel est conçue comme étant distincte de l’homme. Même s’il lui est attaché par ses fonctions protectrices ou s’il préside à sa naissance, le Genius est fondamentalement distinct de l’homme, puisque entre les deux subsiste une différence de nature. C’est précisément en réduisant cette distinction que le terme moderne de génie se démarquera de ses acceptions antiques, et s’intégrera dans la langue vernaculaire en signifiant tout autre chose que ce qu’il avait jusqu’alors signifié : ce nouvel usage du génie répond à une réalité nouvelle, distincte de la tradition dans laquelle s’inscrivait jusqu’alors le génie. Mais comme on l’a vu précédemment, l’apparition de ce nouvel usage du génie, dans la mesure où celui-ci n’était pas complètement séparé et distinct des usages anciens, a posé toutes sortes de problèmes d’intégration.

La troisième édition du Dictionnarium latinogallicum de Robert Estienne, en 1552 (soit au moment où le terme de génie adopte une nouvelle signification, tout en

étant lui-même adopté par l’usage commun2), rend bien compte de cet état de fait. Le terme latin « Genius », en effet, n’est pas traduit par celui de « génie », mais d’abord par « ange » : c’est l’entité qui veille à la naissance de chaque homme. Ensuite, les exemples de l’article montrent que le terme latin sert à désigner la « nature » des hommes : « defraudare genium : Ne contenter pas nature » ; ce peut être aussi la

grâce attribuée à quelque objet ; mais, à travers toutes les traductions que donne ce

dictionnaire bilingue, ne trouve toutefois place le terme « genie », qui à l’évidence, n’était pas encore dans l’usage de l’érudit Robert Estienne, ou bien relevait d’un usage trop singulier pour être intégré dans son dictionnaire.

Pour que le terme soit répertorié dans un recueil des usages communs de la langue, il semble qu’il faille attendre à la fois le tournant du XVIIe siècle, et le

premier dictionnaire unilingue français, soit le Thresor de la langue françoise de Jean Nicot de 1609, où l’on peut lire en effet : « Genie, Genius. Est le naturel et inclination d’un chacun3. »

La brièveté de la définition n’est pas anodine, puisque Nicot a omis toute référence à l’Antiquité, négligeant la tradition latine que convoquait jusqu’alors l’utilisation du terme. Quoique cette radicalité soit singulière (les lexicographes postérieurs à Nicot mentionnent systématiquement les acceptions anciennes du génie), elle montre du moins que, dès le début du XVIIe siècle, le terme a été suffisamment assimilé à la langue pour que le Thresor de la langue française néglige de faire mention de ses racines latines. Le « genie » est le « naturel et l’inclination d’un chacun » : telle est la nouvelle réalité dans laquelle il s’inscrit, qu’évoquait déjà l’emploi qu’en faisait l’écolier limousin de Rabelais, et que permettait sans doute aussi son usage ancien ; mais, désormais, le terme vernaculaire acquiert une vie propre : il est distinct de sa signification ancienne, et désigne autre chose. Il faudra

2 Comme le souligne Wilhelm Kesselring, dans son Dictionnaire chronologique du vocabulaire français, le XVIe siècle, Heidelberg, C. Winter, 1981, au moment où il apparaît dans la langue française

en 1532, le terme « genie » est un « mot emprunté et non hérité », selon la terminologie des lexicologues, dans le sens où il est calqué directement du latin savant et intégré de cette manière et avec cette connotation à la langue vernaculaire, sans avoir bénéficié de la lente maturation, du progressif décantage des mots qui, entre le bas-latin et le vernaculaire, sont toujours restés dans l’usage.

3 Jean Nicot, Thresor de la langue française, 1606, numérisé par le Projet ARTFL de l’Université de

Chicago, en ligne, http://artflx.uchicago.edu/cgi-bin/dicos/pubdico1look.pl?strippedhw=genie#TOP, site consulté le 20 mars 2011.

bien sûr s’interroger sur les implications d’une telle définition, qui concernent tous les champs de la culture et de la connaissance, de même que sur les nouvelles possibilités et les nouveaux problèmes que cela suppose ; mais pour l’instant, contentons-nous d’indiquer que Nicot marque, par cette coupure radicale avec le passé, l’autonomie du terme français « génie » par rapport à ses racines latines, que l’écolier limousin, en vertu d’un pouvoir auto-proclamé et également autonome, avait tenté d’inventer ou de faire advenir.

2) « Génie » des anciens, « génie » des modernes

Cette distinction entre les usages ancien et moderne est particulièrement sensible à la fin du XVIIe siècle, au moment où sont élaborés les nombreux

dictionnaires qui chercheront autant à répertorier la multiplicité du vocabulaire de la langue française qu’à en fixer le bon usage. Le Dictionnaire de la langue françoise de Richelet, de même que le Dictionnaire de l’Académie, qui s’inscrivent dans ce programme de valorisation et d’épuration de la langue française, montrent bien en effet que le terme « genie » possède désormais une autre signification, qu’il s’agit de distinguer de l’ancienne. Aussi, le Dictionnaire de Richelet mentionne que

les Anciens faisoient un Dieu du genie, mais parmi nous c’est un certain esprit naturel qui nous donne une pente à une chose. Naturel. Inclination naturelle d’une personne4.

Pour Richelet, il y a d’une part « les Anciens », et de l’autre une sorte de lieu

moderne, un « parmi nous » qui se distingue de la tradition antique, sans toutefois

s’en couper tout à fait. Ce double espace, constitué de lieux juxtaposés mais spécifiques (l’un ancien, l’autre moderne), a bien sûr contribué à faire du génie une notion équivoque et polysémique. En effet, qu’est-ce qui distingue ce nouvel usage de l’ancien ; qu’est ce qui caractérise cette nouvelle acception, qui a permis au terme de prendre place dans l’usage commun de la langue ? D’une part, le génie ne désigne principalement plus une entité extérieure à l’homme, mais bien l’une de ses caractéristiques fondamentales : il ne s’agit plus (seulement) de ce dieu tutélaire veillant au destin des individus, mais d’une qualité encore plus fondamentale, qui ne

relève plus de la médiation (qu’elle soit ou non allégorique), mais de la seule nature. En effet, l’insistance avec laquelle Richelet définit la notion comme une qualité

naturelle montre bien par quel endroit le génie moderne se distingue de l’ancien : il

ne s’agit plus d’un reste de croyance païenne, mais d’une notion rationalisable et de surcroît conforme au dogme catholique. Il est également manifeste que la définition du terme pose problème, en dépit de cette différence marquée et de cette distanciation par rapport à la tradition païenne : ce « naturel », qui incite les hommes à suivre tel ou tel penchant, est le fait d’un « certain esprit », dont le flou conceptuel fait pour ainsi dire tourner la définition à vide. Si le génie est l’origine de ce naturel qui nous incite à suivre nos inclinations, force est de constater que cette origine reste suffisamment imprécise pour paraître indéfinie.

Le Dictionnaire de Furetière opère le même type de distinction, mais complexifie sensiblement la définition en proposant trois niveaux de signification : le premier relevant des croyances des Anciens, relayées par les poètes : le génie est en effet « le bon ou mauvais Demon que les Anciens croyoient accompagner les hommes illustres ». Le second niveau de signification correspond à l’appropriation chrétienne de ces croyances païennes, à travers la figure du bon ange tutélaire, qui protège l’Église et l’État. Le troisième niveau de la définition proposée par Furetière est distinct des deux autres en ce qu’il présente une occurrence sensiblement plus rationnelle de la notion : il s’agit en effet d’un « talent naturel, & de la disposition qu’on a à une chose plutost qu’à une autre5 ». Ainsi, Furetière propose d’un côté deux définitions qui relèvent des croyances et des pratiques religieuses (celle des Anciens et celle des Chrétiens), et de l’autre, une analyse mettant en évidence une conception à la fois naturaliste et politique du génie, selon laquelle la distinction entre les hommes, de même que la condition d’existence de leur communauté, sont fondées sur cette qualité constitutive et innée. « Pour faire une société qui dure, il faut qu’elle soit faite entre personnes d’un même génie » : le génie est ce lien, cet aptum par lequel les hommes peuvent à la fois être caractérisés individuellement (en fonction de leurs talents et de leurs aptitudes, ce qui relève de la spécialité), mais aussi trouver entre

eux cette convenance qui fait leur lien commun (en fonction cette fois de la ressemblance qu’il y a entre leurs caractéristiques individuelles).

De plus, le terme concerne non seulement les dispositions particulières de chacun des hommes à être bien disposé avec ses semblables, mais peut également désigner une individualité toute particulière, et non réductible à la communauté des génies. C’est ce qu’on peut remarquer dans les exemples qui accompagnent la définition proposée par Furetière : autant « il faut que chacun suive son genie », autant aussi, « cet homme est un vaste genie. » C’est avec le passage de l’adjectif possessif à l’adjectif démonstratif, selon lequel le génie n’est plus seulement un objet, mais devient un attribut, que la notion acquiert une dimension nouvelle, déjà présente dans le début de la définition (et donc fondée dans la tradition) : chez les Anciens, le génie est un démon particulier qui accompagne en particulier « les hommes illustres » – tel Socrate –, et non, comme il semble que c’était le cas cependant dans les croyances et les pratiques romaines6, tout homme sans égard à sa condition. Le génie n’est pas seulement cette disposition, non connotée d’une quelconque valeur, qui distingue les hommes entre eux sur le fondement d’une spécialisation procurée par la nature (ce qui leur permet du même coup de constituer une communauté), mais aussi un principe de distinction, au sens d’une supériorité qui place au-dessus du commun. Or, cette distinction particulière est à l’opposé de la spécialité qui fait le génie des individus, puisqu’elle repose plutôt sur une capacité universelle, sur une non- spécialisation absolue : en effet, l’homme dont on dit qu’il est un « vaste génie » est celui qui est « capable de tout », rejoignant en cela les « hommes illustres » dans la tradition des Anciens. La communauté des hommes peut se constituer grâce à l’analogie qui lie la singularité des différents génies ; mais les « vastes génies » se distinguent par l’universalité de leur compétence.

3) Intellectualisation du « génie »

Pour autant, l’objet particulier de cette compétence ne sera lui-même spécialisé et précisé, toujours dans le seul champ spécifique des dictionnaires

lexicographiques auquel se restreint pour l’instant cette analyse, qu’au cours du XVIIIe siècle. Par exemple, dans la quatrième édition du Dictionnaire de l’Académie, en 1762, le génie n’est plus seulement une simple « inclination ou disposition naturelle » indéterminée, comme c’était le cas dans la première édition du

Dictionnaire, en 1694, mais plus précisément le « talent, inclination ou disposition

naturelle pour quelque chose d’estimable, & qui appartient à l’esprit7 ». La distinction qui accompagne le génie relève désormais aussi de son champ d’activité propre, dans la mesure où l’on peut devenir estimable dans le domaine de l’esprit, c’est-à-dire de l’ensemble des activités qui suscitent les fonctions intellectuelles. Plus précisément encore, les auteurs du Dictionnaire de Trévoux, après avoir synthétisé l’ensemble des éléments lexicographiques à propos du Genius latin, proposent la définition usuelle suivante, qui fait également état de cette inflexion intellectualisante du terme :

GÉNIE signifie plus ordinairement, l’esprit, ou la faculté de l’âme en tant qu’elle pense ou qu’elle juge. Ingenium, mens8.

Il s’agit là de la définition proposée dans la première édition du dictionnaire, en 1721 ; mais en 1771, les lexicographes précisent :

Ce terme désigne proprement l’étendue de l’esprit, la force de l’imagination & l’activité de l’ame. Il est distingué de l’esprit, de la raison, du bon-sens, du jugement, de l’entendement, de la conception & de l’intelligence9.

De la divinité tutélaire qu’il désignait d’abord, le génie se trouve donc intégré aux fonctions intellectives de l’homme, la valeur (d’excellence ou de médiocrité) ne s’ajoute que secondairement à cette faculté rationnelle, quoique le terme désigne par ailleurs, dans les nombreuses autres acceptions proposées dans cette définition de la fin du XVIIIe siècle, aussi bien le talent ou la disposition, la nature d’un être moral ou

d’une chose, les habitudes d’un individu ou d’une nation. En plus de qualifier (par complémentarité) les êtres, les entités ou les individus, il peut aussi se prendre (par

7 Dictionnaire de l’Académie française, 4e édition, 1762, article « génie », numérisé par le Projet

ARTFL de l’Université de Chicago, « dictionnaire vivant de la langue française », en ligne,

http://dvlf.uchicago.edu/mot/g%C3%A9nie, site consulté le 21 mars 2011, je souligne.

8 Dictionnaire universel françois latin, vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux, Trévoux-Paris, F.

Delaulne, 1721.

métaphore lexicalisée) pour la personne même. Et enfin, le terme désigne cette science militaire qui concerne les moyens techniques de prendre et de protéger les places : le « génie ».

Entre le début du XVIIe et la fin du XVIIIe siècle, on assiste donc à une

extension très importante de la définition du terme de génie, laquelle procède, comme on peut le constater, par une série d’accumulations, qui ne masquent pas les significations précédentes, mais au contraire s’y superposent et s’y ajoutent. Entre la première acception de « génie », qui provient de son usage antique (genius), et les développements que l’on peut lire dans le Dictionnaire de Trévoux, cette accumulation procède à une intellectualisation du terme, par laquelle il concerne aussi bien, lorsqu’il s’applique aux hommes, l’aptitude ou la disposition propres à l’exercice d’une activité requérant les facultés de l’esprit, que la qualité de ces mêmes facultés, leur force ou leur étendue, ce que les lexicographes de Trévoux désignent en latin par ingenium.

Le terme « génie » procède donc d’une double étymologie, selon laquelle

genius et ingenium se conjuguent sans se confondre, d’où, comme le fait remarquer

Alain Pons, sa richesse sémantique10. Cette double étymologie, ou plutôt cette amphibologie, est à la fois la marque par laquelle le terme français de « génie » se distingue de ses acceptions dans les autres langues vernaculaires dérivées de la langue latine, et aussi le motif (motus operendi) par lequel la notion de génie a connu, à partir de la période française classique, une fortune et un rayonnement européen qui en font au XVIIIe siècle l’une des notions centrales de la théorie esthétique.

Ernst Cassirer, dans sa Philosophie des Lumières, affirme à propos du génie chez Shaftesbury qu’« on doit bien se garder de vouloir déchiffrer le développement des idées et des doctrines en partant tout simplement de l’histoire d’un mot ». Ainsi, le philosophe anglais ne serait pas le premier à avoir inventé le mot, mais plutôt, le premier à l’avoir « délivré de la confusion et de l’ambiguïté dont il souffrait

jusqu’alors pour lui donner un sens bien net et spécifiquement philosophique11 ». D’un côté, donc, « confusion », de l’autre, « richesse » sémantique ; d’un côté, netteté philosophique, de l’autre, vicissitude historique : ainsi, selon l’historien de la philosophie, la forme des idées s’opposerait aux circonstances de leur transmission. Mais n’est-ce pas plutôt par la manière dont elles circulent que se développent les doctrines ? La formation des idées ne dépend-elle pas intimement de leur forme ? L’histoire des mots constituerait donc à la fois la règle et la condition de la transmission des idées qui façonnent les doctrines, qu’il ne s’agit pas d’envisager par le biais d’un déchiffrement herméneutique, mais plutôt dans les différentes circonstances de leur élaboration et de leur circulation, dans leurs interférences, leurs ambiguïtés et leurs problèmes intrinsèques : de là l’intérêt de commencer cette enquête par une attention toute particulière aux mots et à leur histoire.

11 Ernst Cassirer, La philosophie des Lumières, trad. Pierre Quillet, Paris, Fayard, 1966, p. 310. Ce