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3.4 La mesure des variables

3.4.2 Les variables indépendantes

À partir de la littérature sur le partage des connaissances, les variables indépendantes retenues pour cette recherche appartiennent à deux catégories de facteurs susceptibles d’expliquer les sources d’influence sur l’adoption d’un comportement de partage des

connaissances par un employé : les facteurs individuels et les facteurs organisationnels (Connelly et Kelloway, 2003; Wang et Noe, 2010). Les facteurs individuels consistent en des variables démographiques (ou sociodémographiques) liées à la définition de la personne, qui seront traitées comme variables de contrôle, et en l’altruisme qui caractérise une forme de motivation intrinsèque propre à l’individu. Les facteurs organisationnels ont été choisis selon le principe de leur lien avec la théorie de l’échange social et de la norme de réciprocité, et la capacité d’expliquer le contexte organisationnel selon le point de vue de l’employé.

Les variables reliées à la théorie de l’échange social et de la norme de réciprocité comprennent 1) le soutien organisationnel perçu (SOP) qui fait état de la qualité générale du traitement des employés par l’organisation, 2) l’échange leader-membre perçu (ELMP) qui fait état du traitement de l’employé par son superviseur immédiat, 3) la justice organisationnelle perçue (JOP) qui fait état de la qualité du traitement des employés par les gestionnaires et d’autres représentants de l’organisation, entre autres par les spécialistes des ressources humaines ou d’autres agents, et finalement, 4) l’état du contrat psychologique selon la perspective du sentiment de violation (SDV) qui fait état de la qualité de la relation d’emploi (Coyle-Shapiro et Parzefall, 2005).

À ces quatre (4) variables, nous ajoutons, comme le recommandent les chercheurs (Wang et Noe, 2010), 5) la culture organisationnelle perçue (COP) qui permet de caractériser l’environnement interne d’une organisation comme source d’influence sur le comportement des employés. Cette variable permet d’expliquer une partie du contexte organisationnel.

Dans le contexte d’une relation d’emploi, ces cinq (5) variables (SOP, ELMP, JOP, COP, SDV) permettent d’expliquer globalement l’influence des principales sources d’information perçue par les employés que constitue le comportement des représentants de l’organisation, qu’ils soient des gestionnaires ou autres. Selon le

modèle de la figure 3.1, cette perception devient une source importante d’influence sur l’attitude et sur la norme subjective des travailleurs du savoir envers le partage des connaissances.

3.4.2.1 Le soutien organisationnel perçu

Aux fins de cette recherche, le soutien organisationnel perçu constitue une variable qui permet de tenir compte de la qualité des échanges entre un employé et l’organisation qui l’emploie. Selon la théorie du soutien organisationnel perçu (Aselage et Eisenberger, 2003; Coyle-Shapiro et Conway, 2005b; Eisenberger et al., 1986; Rhoades et Eisenberger, 2002; Shore et Tetrick, 1991), les employés construisent des croyances à partir de leur perception au sujet du degré auquel l’organisation se préoccupe de leur bien-être et valorise leurs contributions. La théorie avance que le support organisationnel perçu est basé sur la façon dont l’organisation a historiquement traité ses employés. Ainsi, un employé qui considère avoir reçu une contribution importante se sent obligé d’aider son organisation en retour par une performance améliorée (Aselage et Eisenberger, 2003, p. 492).

Lin (2006) et Lin (C.-P) (2006) ont établi empiriquement qu’il existe un lien significatif entre le soutien organisationnel perçu et l’intention de partager des connaissances. D’autre part, Bartol, Liu, Zeng et Wu (2009) ont trouvé que ce lien empirique ne devient significatif que lorsque l’employeur garantit une sécurité d’emploi acceptable aux yeux des travailleurs du savoir. Les résultats obtenus par Lin s’ajoutent aux observations d’études précédentes sur le même sujet (Bock et Kim, 2002; Bock et al., 2005; Connelly et Kelloway, 2003). Ainsi, un travailleur du savoir qui considère que son organisation le soutient adéquatement voudra contribuer à l’aider à atteindre ses objectifs en partageant des connaissances avec d’autres membres de cette organisation.

3.4.2.2 La mesure du soutien organisationnel perçu

Eisenberger et al. (1986) ont conçu une échelle de mesure du soutien organisationnel perçu qu’ils ont nommé Survey of Perceived Organizational Support (SPOS). Cet instrument de mesure comporte 36 items, mais il existe une version simplifiée recommandée par Rhoades et Eisenberger (2002, p. 699) qui contient huit (8) items apparaissant au tableau 3.4. Vandenberghe et Peiro (1999), Stinglhamber et Vandenberghe (2004) et Panaccio et Vandenberghe (2009) ont développé et testé une version française de ce questionnaire dont l’alpha de Cronbach vaut 0,86. Des exemples de ces items seraient : Mon organisation valorise ma contribution à son bon fonctionnement; Mon organisation se soucie réellement de mon bien-être; Mon organisation serait prête à m’aider si je faisais une demande particulière; Mon organisation se soucie réellement de mon niveau de satisfaction au travail.

3.4.2.3 La justice organisationnelle

La variable de la justice organisationnelle perçue (voir figure 3.1) permet d’évaluer le degré de la justice organisationnelle telle que perçue par l’employé selon trois (3) formes : la justice distributive, la justice procédurale et la justice interactionnelle.

Tableau 3.4 Le SPOS à 8 items.

1. The organization values my contribution to its well-being. 3. The organization fails to appreciate any extra effort from me. (R) 7. The organization would ignore any complaint from me. (R) 9. The organization really cares about my well-being.

17. Even if I did the best job possible, the organization would fail to notice. (R) 21. The organization cares about my general satisfaction at work.

23. The organization shows very little concern for me. (R) 27. The organization takes pride in my accomplishments at work. Note : les chiffres renvoient aux items du SPOS à 36 items.

Source : Eisenberger et al. (1986).

Les résultats empiriques obtenus par Lin (2007b) indiquent que les employés tiennent compte de leur perception de la justice distributive et procédurale lorsqu’ils décident

de partager des connaissances tacites. Ainsi, un employé qui considère avoir été traité équitablement cherche à rendre l’équité du traitement reçu en s’acquittant de sa dette envers l’organisation, ou un de ses représentants, en partageant des connaissances avec les membres de son organisation (Cropanzano et al., 2001a; Cropanzano et al., 2001b).

3.4.2.4 La mesure de la justice organisationnelle perçue

Les trois formes de la justice organisationnelle sont mesurées à l’aide de l’instrument élaboré par Lemire et Saba (2004) à partir de Price et Mueller (1986) pour la justice distributive et de Niehoff et Moorman (1993) pour la justice procédurale et la justice interactionnelle, cités dans Aryee, Budhwar et Chen (2002). L’alpha de Cronbach pour ces échelles est de 0,95, 0,92 et 0,92 respectivement. Les items suivants sont des exemples du contenu du questionnaire : 1) Je suis récompensé équitablement compte tenu ... de mes responsabilités; 2) … de mon expérience; 3) … de l’importance de l’effort que je fournis.

3.4.2.5 L’échange leader-membre perçu

La variable de l’échange leader-membre peut être définie comme un indicateur de la qualité de la relation d’échange interpersonnelle entre un employé et son superviseur immédiat (Graen et Uhl-Bien, 1995; Joo, 2010, p. 72-73; Lemire et Martel, 2007, p. 151; Uhl-Bien et Maslyn, 2003). La qualité de cette relation d’échange sociale et de réciprocité (Wayne, Shore et Liden, 1997) détermine notamment le contenu de l’échange. Ainsi, il est probable qu’un employé qui entretient une relation leader- membre de haute qualité avec son superviseur immédiat acceptera de partager des connaissances avec d’autres membres de l’organisation.

3.4.2.6 La mesure de l’échange leader-membre

L’échange leader-membre peut être mesuré avec l’échelle LMX-7 (Graen, Novak et Sommerkamp, 1982; Graen et Uhl-Bien, 1995). Voici deux (2) exemples d’items de ce questionnaire :

1. Do you usually know how satisfied your leader is with what you do? Rarely; Occasionally; Sometimes; Fairly Often; Very Often.

2. How well does your leader understand your job problems and needs? Not a Bit; A Little; A Fair Amount; Quite a Bit; A Great Deal. (Graen et Uhl- Bien, 1995, p. 237)

La version française de ces deux (2) items est ainsi formulée :

1. À quelle fréquence votre supérieur immédiat vous donne-t-il du feed-back sur votre travail? Rarement; Occasionnellement; Quelquefois; Assez souvent; Très souvent.

2. Jusqu’à quel point votre supérieur immédiat comprend-il les problèmes que vous avez dans votre travail et vos besoins? Pas du tout; Un peu; Modérément; Pas mal; Beaucoup. (Stoeva, 2006, p. 41)

Stoeva (2006) rapporte un alpha de Cronbach de 0,92 lors de l’utilisation de son questionnaire LMX-7 traduit en français avec l’autorisation des auteurs.

3.4.2.7 L’état du contrat psychologique

Un phénomène complexe comme l’adoption d’un comportement de partage des connaissances entre les membres d’une organisation implique l’influence de plusieurs facteurs reliés notamment au contexte organisationnel et aux caractéristiques de l’employé. Selon Guest (2004a, 2004b), l’état du contrat psychologique joue un rôle important, bien qu’indirect, dans la transmission de l’influence entre un contexte organisationnel et l’attitude et le comportement d’un employé.

Lin (2007a) a établi empiriquement qu’il existe un lien modérateur entre un construit apparenté à l’état du contrat psychologique, l’idéologie de l’échange76, et la relation entre certains déterminants et le comportement de partage des connaissances. mme illustré à la figure 3.1, nous utilisons le construit de l’état du contrat psychologique comme variable indépendante qui influence l’attitude envers le partage des connaissances.

Dans la présente recherche, nous désirons, entre autres, étudier l’influence de l’affect sur l’adoption d’un comportement de partages des connaissances (van den Hooff, Schouten et Simonovski, 2012). Or, la littérature indique que l’état du contrat psychologique engendre des réactions émotionnelles dont l’intensité la plus élevée correspond à la violation du contrat (Conway et Briner, 2005; Coyle-Shapiro et Kessler, 2000; Morrison et Robinson, 1997, p. 69-70; Parzefall et Coyle-Shapiro, 2011; Robinson et Morrison, 2000, p. 526). Il serait possible qu’un sentiment de violation du contrat psychologique entraine alors un comportement négatif de l’employé envers son employeur (voir la section 2.6.1.4). L’utilisation de cette variable viendrait aussi pallier une lacune de la théorie de l’action raisonnée déjà décrite au paragraphe 2.9.1.

Afin de détecter le plus clairement possible un effet de la variable sur le modèle de recherche, nous allons considérer uniquement le sentiment de violation comme mesure de l’état du contrat psychologique.

3.4.2.8 La mesure du sentiment de violation du contrat psychologique

Lemire et Saba (2004) ont construit une version française du questionnaire de Robinson et Morrison (2000) sur la mesure du sentiment de violation du contrat psychologique. Les quatre (4) items de cette échelle sont présentés au tableau 3.5.

76 « Exchange ideology is a dispositional orientation, referring to affective expectations about what individuals have received within an organization and what they should give others in the organization in return (Eisenberger et al., 1986) (Lin, 2007a, p. 461).

Tableau 3.5 L'échelle de mesure du sentiment de violation de Lemire et Saba (2004) Veuillez indiquer dans quelle mesure vous êtes en désaccord ou en accord avec chacun des énoncés suivants.

1. Je ressens beaucoup de colère envers mon organisation. 2. Je me sens trahi par mon organisation.

3. Je suis extrêmement contrarié par la façon dont j’ai été traité par mon ministère/agence. 4. J’ai le sentiment que mon ministère/agence n’a pas respecté, voire violé, l’entente entre nous. Les réponses sont inscrites sur une échelle de Likert à sept (7) points dont les ancres sont : 1. Tout à fait en désaccord, 4. Ni en désaccord, ni en accord, 7. Tout à fait en accord.

Source: Lemire et Saba (2004).

3.4.2.9 La culture organisationnelle de l’apprentissage

Dans une organisation publique dont la performance dépend du rendement des travailleurs du savoir, la présence d’une culture organisationnelle qui correspond à la culture de l’organisation apprenante devrait favoriser le partage des connaissances. La variable de la culture organisationnelle perçue (fig. 3.1) est définie comme la perception par l’employé de la présence d’une culture de l’organisation apprenante. 3.4.2.10 La mesure de la culture organisationnelle de l’apprentissage

Watkins et Marsick (1997) ont conçu un questionnaire pour mesurer le construit de la culture organisationnelle de l’apprentissage, le DLOQ (dimensions of learning

organization questionnaire) qui couvre les sept (7) éléments du construit et qui

comprend 62 items. Yang et al. (2004) ont cependant élaboré une version courte de ce questionnaire dont l’alpha de Cronbach varie de 0,68 à 0,83 selon l’élément considéré; cette version est formée de 21 items. Mais Yang et al. (2004) ajoutent qu’il est possible de considérer la culture organisationnelle comme un construit unidimensionnel qui peut être mesuré avec une version à sept (7) items du DLOQ que l’on retrouve dans Marsick et Watkins (2003). Joo (2010) a utilisé cette version du DLOQ et rapporte un alpha de Cronbach de 0,82. L’item suivant représente un exemple du DLOQ : « In my organization, people openly discuss mistakes in order to learn from them » (Marsick et Watkins, 2003, p. 143).

Lemire et Saba (2004) ont traduit en français et utilisé le DLOQ lors d’une recherche empirique. Voici un exemple d’un item de ce questionnaire dont l’échelle est de type Likert à sept (7) points :

Veuillez indiquer dans quelle mesure vous êtes en désaccord ou en accord avec chacun des énoncés suivants. 1. Jamais; 2. Presque jamais; 3. Assez souvent; 4. Souvent; 5. Très souvent; 6. Presque toujours; 7. Toujours.

Dans mon ministère/agence… les gens discutent ouvertement des erreurs afin d’en tirer des leçons.

3.4.2.11 L’altruisme

Dans le modèle de recherche de la figure 3.1, l’altruisme est une variable qui caractérise l’influence de la motivation intrinsèque de l’individu par opposition à celle d’une source organisationnelle d’informations. Il s’agit d’évaluer l’incidence de l’influence d’une source intrinsèque de croyances fondées sur le don, ou l’acte désintéressé, par rapport à l’influence d’une source extrinsèque de croyances fondées sur l’échange et la réciprocité; ces influences s’exerçant sur l’attitude envers le partage des connaissances. En ce sens, la variable altruisme77 pourrait tenir compte de l’obligation morale d’aider autrui que pourrait ressentir un individu. L’altruisme exprimerait ainsi une valeur intrinsèque chez un individu indépendamment de l’opinion des autres membres d’une organisation.

3.4.2.12 La mesure de l’altruisme

Présenté au tableau 3.6, Chennamaneni (2006) et Chennamaneni et al. (2012) ont construit et testé de façon empirique un questionnaire à quatre (4) items pour mesurer l’altruisme (enjoyment helping others).

77 « Le comportement altruiste consiste à faire une action dont une personne ou un groupe de

personnes bénéficiera et dont le but premier n’est pas d’en retirer quelques conséquences positives pour soi-même (Batson, 1998; Krebs, 1982) » (Vallerand, 2006, p. 425).

Tableau 3.6 L'échelle de l'altruisme de Chennamaneni (2006) et Chennamaneni et al. (2012)

Items du questionnaire

1. I enjoy sharing knowledge with my co-workers. 2. I enjoy helping my coworkers by sharing knowledge.

3. It feels good to help my co-workers solve their work related problems. 4. Sharing knowledge with my co-workers gives me pleasure.

Responses were documented on a 7 point Likert scale with anchors on 1 “Strongly Disagree” to 7 “Strongly Disagree”.

Source: construction originale à partir de Chennamaneni (2006) et Chennamaneni et al. (2012).

Ce questionnaire a été élaboré à partir des instruments conçus par Kankanhalli et al. (2005) et Wasko et Faraj (2005) dont l’alpha de Cronbach était respectivement de 0,96 et de 0,88. Selon Chennamaneni et al. (2012), la fiabilité interne de leur questionnaire vaut 0,91.