• Aucun résultat trouvé

Si l’on se réfère au concept de l’échange social dans un contexte organisationnel, le comportement de partage des connaissances peut être considéré comme une contribution de l’employé à l’employeur. Que l’employé agisse selon le principe de la norme de réciprocité, par devoir moral, par altruisme ou simplement pour aider un ami, le résultat est le même en fin de compte : l’employé bénéficiaire de l’action de partage devrait améliorer sa compétence ou son rendement par cet ajout à sa connaissance. En ce sens, l’organisation profite de l’action de partage des connaissances, et donc de la contribution d’un employé qui accepte de partager, puisque le rendement combiné des employés conduit en principe à la performance organisationnelle (Reychav et Weisberg, 2009). Si l’on adopte la terminologie de l’analyse systémique, alors on pourrait dire que l’extrant du processus de partage des connaissances s’actualise dans le comportement de l’employé qui bénéficie de cet acte par le fait de son apprentissage. Mais le passage du rendement individuel à la performance organisationnelle n’est pas direct comme le montre la figure 2.4.

2.11.1 Le rendement et la performance

Selon Foucher (2007), il existe plusieurs définitions des notions de rendement et de performance. Ces définitions seraient reliées principalement à l’étymologie et à l’usage par opposition à une théorie ou un modèle. Afin d’éviter une certaine ambigüité, il apparaît à propos de proposer les définitions suivantes des termes rendement et performance. Foucher (2007) précise que le rendement désigne les

résultats obtenus par un individu tandis que la performance désigne ceux produits par une organisation.

Le rendement s’établit à partir de la mesure du degré de réussite que représentent les résultats obtenus par un employé en comparaison à une norme, à l’atteinte d’objectifs préétablis ou à tout autre critère permettant de porter un jugement; il s’agit d’un extrant. Le jugement implique aussi de considérer les moyens utilisés pour obtenir le résultat afin de tenir compte de la productivité inhérente au principe de rendement. Enfin, le jugement peut porter sur des comportements reliés à la tâche et à d’autres types d’actions discrétionnaires comme, par exemple, l’engagement et la citoyenneté organisationnels (Foucher, 2007).

Lors de leur recherche empirique sur les bénéfices du partage des connaissances, Reychav et Weisberg (2009) ont constaté qu’il existe un lien entre le partage des connaissances, surtout tacites, et le rendement d’un employé. Pour un échantillon de 278 répondants, les chercheurs ont trouvé une corrélation de 0,24 (p<0,01) entre le partage de connaissances explicites et le rendement individuel et une corrélation de 0,29 (p<0,01) pour le partage des connaissances tacites. Cependant, l’analyse par équations structurelles et l’analyse des pistes causales (path analysis) a révélé que le lien entre le partage de connaissances explicites et le rendement n’est pas direct, mais s’exprime à travers le partage des connaissances tacites (β = 0,71, p<0,001).

À partir du questionnaire de Black et Porter (1991), le rendement était constitué des éléments suivants : le niveau général de rendement de l’employé, l’aptitude à bien s’entendre avec les autres, la ponctualité dans l’achèvement des tâches, le niveau de qualité de l’exécution des tâches et l’atteinte des objectifs organisationnels [traduction libre]. Les employés se sont autoévalués lors de cette recherche. Fernandez et Moldogaziev (2011) indiquent que ce genre d’évaluation constitue une approximation raisonnable par rapport à d’autres types d’instruments de mesure du rendement.

Par ailleurs, la performance organisationnelle concerne un résultat d’ordre collectif mesurable. Ce résultat exprime aussi un degré de réussite. La performance organisationnelle tient compte des processus mis en œuvre pour obtenir un résultat. Ces processus incluent l’analyse des facteurs ou des conditions qui permettent d’obtenir ou de dépasser les résultats attendus. La mesure de la performance constitue un processus stratégique qui repose entre autres sur un système de référence déterminé par les parties prenantes ou les acteurs organisationnels impliqués (Foucher, 2007).

Selon Van Dooren, De Caluwe et Lonti (2012), la performance d’une organisation publique peut s’évaluer à l’aide de certains indicateurs, par exemple, la satisfaction des employés, le taux d’absentéisme en fonction des contraintes de l’environnement externe (par ex. marché du travail, compétition du secteur privé) et le taux de rétention ou de roulement du personnel.

Selon Boyne, Meier, O’Toole Jr. et Walker (2006), la performance des organisations publiques est un construit multidimensionnel. Ce construit pourrait inclure par exemple la mesure de la quantité et de la qualité des extrants, l’efficience, l’efficacité, l’imputabilité, l’équité, l’honnêteté, la démocratie et les effets (Boyne, 2002). Boyne (2002) considère que les dimensions de la performance peuvent être ramenées à cinq (5) catégories fondamentales : les extrants, l’efficience, l’efficacité, la sensibilité (responsiveness) et les effets démocratiques.

Harvey, Jas, Walshe et Skelcher (2010a) ont établi un lien empirique entre la connaissance et la performance des organisations publiques à partir du concept de la capacité d’absorption (Cohen et Levinthal, 1990; Harvey, Skelcher, Spencer, Jas et Walshe, 2010b; Zahra et George, 2002).

Issue de la théorie des ressources (Barney, 1991, 1996; Barney et Clark, 2007; Brulhart et al., 2010), le concept de capacité d'absorption peut être défini comme

étant l’aptitude d’une organisation à acquérir de nouvelles connaissances, à les assimiler, puis à les transformer et enfin à les utiliser afin de s’adapter de façon dynamique à l’environnement (Harvey et al., 2010b; Teece, Pisano et Shuen, 1997). Selon Cohen et Levinthal (1990), la capacité d’absorption d’une organisation dépend en partie de la capacité d’absorption de ses membres. Ainsi, la performance organisationnelle peut être reliée à la capacité d’identifier les personnes, notamment à l’interne, qui détiennent des connaissances stratégiques, puis à passer à l’action. 2.11.2 La citoyenneté organisationnelle

Selon Organ (1988), le comportement de citoyenneté organisationnelle consiste pour un employé à soutenir l’efficacité organisationnelle en agissant de sa propre initiative sans espérer de reconnaissance directe ni explicite73 (Coyle-Shapiro et Kessler, 2002). Il s’agit de comportements constructifs qui dépassent la description d’emploi comme, par exemple, aider un collègue, se porter volontaire, fournir des efforts supplémentaires ou ne jamais se plaindre (Lemire et Martel, 2007; Yi, 2009). Or, les comportements de partage des connaissances pourraient aussi bien contribuer à soutenir l’efficacité organisationnelle. En ce sens, ce type de comportement apparaît semblable à un comportement discrétionnaire de citoyenneté organisationnelle. En effet, le partage des connaissances dépasse souvent les termes de la description d’emploi et pourrait ne pas être reconnu explicitement par le système de gestion du rendement (Motowidlo, 2000; Yi, 2009).

Mais, selon Yi (2009) qui s’appuie sur des résultats empiriques (Kamdar, Nosworthy, Chia et Chay, 2004), le comportement de partage des connaissances est différent de la citoyenneté organisationnelle pour au moins deux (2) raisons : la spécificité et

73 « Notons qu’en 1938, C. I. Barnard avait déjà souligné l’importance de la contribution volontaire des employés au système coopératif. En 1966, R. Katz et R.L. Kahn ont contribué à clarifier les notions de comportements reliées au rôle et de comportements spontanés, ces derniers incluant des comportements coopératifs, protecteurs du système, qui contribuent à renforcer l’image de l’organisation et qui dépassent largement les descriptions formelles d’un emploi (Organ, D.W., 1989, p. 157). » (Lemire et Martel, 2007, p. 112)

l’échange social. Premièrement, le partage des connaissances dans un contexte organisationnel porte essentiellement sur le partage de savoirs reliés au travail, tandis que la citoyenneté organisationnelle inclut tous les types de comportements favorables à l’organisation hormis le rendement lié la tâche normale. Deuxièmement, la décision de partager ou non des connaissances pourrait être influencée par la perception individuelle des coûts et des bénéfices associés à l’acte de partage. En effet, le partage des connaissances est considéré par certains employés comme une monnaie d’échange.