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2.2 L’approche systémique

2.2.1 Le concept de système

Selon Jackson (2000), la pensée systémique provient des philosophes grecs de l’Antiquité. Platon parle de la gouverne du vaisseau de l’État comme d’une régulation sociale37. Aristote utilise la notion d’interdépendance réciproque entre le citoyen et l’État pour expliquer comment la personne peut s’accomplir socialement et personnellement. Ces deux concepts, régulation et interdépendance, sont des caractéristiques d’un système.

Spinoza, Kant, Marx et Hegel emploient une conception holistique du monde, autre fondement de l’approche systémique. Puis, au début du xxe siècle, ces concepts de vision globale du monde sont repris par la psychologie expérimentale sous la forme de la gestalt théorie (Lemire et Martel, 2007, p. 348).

Dans un premier temps, le concept contemporain de système s’est développé dans les années 1940 et 1950 aux États-Unis par l’intégration des apports de plusieurs sciences comme la biologie, la mathématique, la physique, l’ingénierie et le management. Ainsi, la théorie des systèmes (Bertalanffy, 1993 ), la théorie de l’information et la cybernétique apportent une contribution significative (Lapointe, 1993) à ce qui deviendra l’approche systémique lorsque l’utilisation de ces théories

37 « Platon (2004) utilise le terme kubernetes, qui signifie le pilote du navire, pour désigner l’art de gouverner la Cité idéale par le philosophe-roi, seul détenteur de la vérité. La vie des citoyens se trouve entièrement régulée selon un ensemble de fonctions : philosophes, gardiens et travailleurs. Improvisation, individualisme et liberté sont bannis afin d’éviter la décadence de la Cité. Le terme

s’étendra aux sciences humaines pour former notamment la systémique sociale (Lugan, 2009). La systémique sociale s’est développée, par exemple, à travers le structuro-fonctionnalisme de Parson, le système concret de Crozier et Friedberg et le structuralisme psychologique de Piaget (Durand 2010).

Plus récemment, d’autres théories sont venues s’ajouter au corpus, comme l’autopoïèse38, les théories du chaos et de la complexité (Durand, 2010; Le Moigne, 1994; Lugan, 2009; Morin, 2005).

Il est ainsi possible de représenter par des modèles systémiques plusieurs types de réalités ou d’environnements. Le tableau 2.2 présente des exemples usuels de représentation de réalités quotidiennes par des modèles systémiques. Tout en faisant abstraction de la construction théorique qui sous-tend le terme système, la terminologie systémique est régulièrement utilisée dans plusieurs domaines scientifiques et dans la vie courante.

Un système est un modèle qui représente une réalité selon le point de vue d’un observateur. L’observateur décide alors de façon arbitraire de la représentation de la réalité qu’il désire considérer dans sa recherche de simplification.

Tableau 2.2 Une typologie de systèmes

Type d’environnement Type de système

Physique Un système hydrographique

Biologique Un être humain

Technique Une automobile

Idéologique Un système philosophique

Sociologique Une famille

Activités humaines Une organisation, un système de management

Source : Lemire et Martel (2007, p. 57).

38 Autopoièse : patron d’organisation d’un réseau dans lequel chaque composante a pour fonction de

participer à la production ou à la transformation des autres composantes du réseau (Jackson, 2000, p. 49-50; Mathieu, 1997).

De plus, il est possible de hiérarchiser une représentation de la réalité en ayant recours aux concepts de métasystème et sous-système. Par exemple, un être humain peut être représenté comme un système biologique constitué de plusieurs sous- systèmes comme les systèmes respiratoire, sanguin ou musculaire. À l’inverse, l’être humain pourrait être conçu comme un système psychologique inclus dans un système plus vaste de type psychosocial comme la société québécoise. En ce sens, un observateur peut représenter une organisation par un ensemble de sous-systèmes. Tous ces différents modèles, d’abord mentaux, peuvent être représentés par un autre modèle plus formel, afin de faciliter le travail intellectuel et la communication des idées (Gauthier, 2003).

2.2.1.1 Le modèle de base

Selon Lugan (2009) et Durand (2010), l’utilisation de représentations graphiques de modèles systémiques fait partie de l’approche systémique. Ainsi la figure 2.5 représente le modèle schématique fondamental d’un système. De Celles (1993, p. 427) illustre bien la finalité de la modélisation systémique et de sa représentation graphique :

[…] faire comprendre de façons collective et individuelle, en modes formel et informel, par l’exemple et le contre-exemple, par écrit et verbalement, par mots et par schémas, de manière raisonnée et de manière émotive […].

2.2.1.2 Quelques caractéristiques des systèmes

Une définition. Le mot système dérive du grec συ-στεμά (systema) qui signifie

ensemble organisé. Selon Hall et Fagen (2003), un système est un ensemble d’objets en relation entre eux et leurs attributs. Selon von Bertalanffy (1993 ), un système est un complexe d’éléments en interaction. De Rosnay (1975) ajoute qu’un système est un ensemble d’éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d’un but.

Environnement externe

Frontière du système

Interfaces du système avec l’environnement

Activités de

transformation

Rétroaction

Régulation

Environnement interne

Extrants du

système

Intrants du

système

Source : Lemire et Martel (2007, p. 60).

Figure 2.5 La représentation schématique d'un système.

Une structure. De Rosnay (1975) propose de définir un système selon les

composantes structurelles suivantes : une limite ou frontière, des éléments, des réservoirs et un réseau de communication. Les limites ou frontières nous permettent de circonscrire le système à l’étude et de le distinguer des autres systèmes et de son environnement. Cette définition des limites résulte d’un choix que fait le chercheur dans un ensemble aux multiples possibilités. Le système ainsi délimité fait partie d’un ensemble plus englobant et est lui-même un ensemble plus grand que ses sous- systèmes. Les réservoirs sont les lieux dans lesquels sont entreposés puis récupérées la matière, l’énergie et les informations sous toutes leurs formes. Ces réservoirs pourront, selon les circonstances, être des documents écrits ou des personnes-

ressources que l’on consulte. Le concept de mémoire, individuelle ou collective, correspond bien à celui de réservoir d’informations. Le contenu de ces réservoirs pourra subir trois formes différentes de traitement : le transport (espace, communication, transfert), l’entreposage (temps, enregistrement, mémorisation) et la transformation (forme, modification, structuration).

Les réseaux de communication permettent l’échange et le transport d’informations entre les composantes d’un système, entre différents systèmes ou entre un système et son environnement. Par exemple, un processus de gestion des connaissances pourrait être envisagé comme la mise en place d’un réseau de communication favorisant les échanges d’information entre différents systèmes ou entre un environnement et un système particulier. Sous cet angle, le réseau jouerait le rôle d’interface ou d’intermédiaire entre un système et son environnement.

2.2.1.3 La dynamique des systèmes

L’approche systémique insiste sur les transformations qui se produisent à l’intérieur des ensembles que l’on étudie. Ces transformations ou changements résultent de modifications plus ou moins contrôlées que subissent les intrants provenant d’autres systèmes ou de l’environnement. Ces transformations produisent des extrants qu’absorbent d’autres systèmes ou l’environnement. Un système est dit adaptatif39 lorsqu’il maintient sa stabilité par un équilibre dynamique en réaction aux changements. La réaction à un changement (contrainte ou erreur) constitue alors la transition d’un état stable initial à l’état stable suivant alors que le système a été modifié de façon à pouvoir continuer de fonctionner comme prévu. Ce processus de changement, ou de transformation des intrants en extrants, est à la base de la dynamique des systèmes et a été expliqué par la cybernétique (Rosnay, 1975).

Les transformations intrants-extrants. Chaque système effectue des changements

dans les flux d’énergie, de matière ou d’information qui le traversent. Ces changements caractérisent sa fonction et son dynamisme. Par exemple, une des fonctions d’un système d’administration publique pourrait être de transformer des ressources en services, par exemple une politique de santé et un budget (intrants) en services de protection contre les épidémies (extrants). Cependant, cette transformation se fera suivant certains critères permettant de vérifier la réussite ou l’échec du système. Essentiels en systémique, ces critères, ou variables de transformation, pourraient correspondre à l’efficience des équipes de travail, au temps de réponses en cas d’urgence ou au nombre de décès parmi les personnes contaminées.

La rétroaction et la régulation. La rétroaction est l’acheminement vers l’entrée du

système (intrant) des informations sur les résultats d’une transformation. Elle favorise la stabilité du système, aussi nommée homéostasie. Elle caractérise les systèmes ouverts qui conservent leurs structures et leurs fonctions intactes par l’intermédiaire d’équilibres dynamiques successifs.

La régulation est l’acheminement vers l’entrée du système (intrant) des informations sur le déroulement des processus qui composent les activités de transformation. Il s’agit d’une forme particulière de rétroaction qui favorise la maîtrise du système en temps réel comme pourrait le faire un tableau de bord de gestion, par exemple. La régulation est soumise au principe de la variété requise (voir la propriété de variété ci- après).

2.2.1.4 Quelques propriétés des systèmes

Il est possible de caractériser les systèmes d’une manière générale à partir d’un nombre minimal de propriétés. Présentées au tableau 2.3 ces propriétés sont la téléonomie, la complexité, l’équifinalité, l’interaction, l’ouverture et la variété.

Tableau 2.3 Quelques propriétés des systèmes

Propriété Définition

La téléonomie signifie l’étude des lois de la finalité. En principe, un système d’activité humaine existe pour réaliser certaines finalités.

La complexité renvoie à l’incapacité que l’on a de décrire tout le système et de déduire son comportement à partir de la connaissance des comportements de ses parties. Les systèmes d’activité humaine sont complexes.

L’équifinalité signifie qu’un système peut réaliser ses objectifs à partir de différents points de départ et par différents moyens.

Une interaction constante existe entre les éléments d’un système.

L’ouverture est la capacité qu’a un système d’échanger de l’énergie, de la matière ou de l’information avec d’autres systèmes ou avec l’environnement.

La variété signifie qu’un système peut prendre un nombre fini de configurations ou d’états au- delà duquel il s’autodétruit : une trop grande complexité devient incontrôlable.

Source : construction originale à partir de Lemire et Martel (2007, p. 61-64).