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De tous les facteurs qui composent l’environnement interne de l’organisation, comme par exemple les acteurs et les moyens, l’étude de la culture organisationnelle fournit un éclairage indispensable sur ce qui motive les personnes à agir.

2.4.1 La culture organisationnelle

Gareth Morgan (1999, p. 117) disait « […] l’organisation est elle-même un phénomène culturel […] » issue de la structure de la société industrielle occidentale. Le concept de culture organisationnelle semble émerger graduellement en théorie des organisations et en gestion avec l’apparition de l’école des relations humaines dont

Elton Mayo fut le précurseur. À ce titre, on pourrait même remonter à Mary Parker Follett41 et poursuivre avec Chester Barnard.

Comme l’indique Dufour (2008), le concept de culture organisationnelle se concrétise graduellement à partir des années 1950. De l’avis de plusieurs auteurs, il s’agit cependant d’un objet difficile à définir de par sa complexité et l’étendue du construit (Alavi et al., 2006; Dufour, 2008; Savoie et Brunet, 2000). Différente du concept de climat organisationnel42 (Savoie et Brunet, 2000), la culture organisationnelle est définie parfois comme une idéologie, un ensemble de croyances, des postulats, des valeurs partagées, des ententes ou une volonté collective. D’autres proposent des définitions plus concrètes basées sur l’observation d’artéfacts, de normes et de pratiques, de symboles, de terminologie, de rituels, de mythes ou de cérémonies (Alavi et al., 2006; Savoie et Brunet, 2000).

Cependant, selon Savoie et Brunet (2000), le recours au concept de culture organisationnelle pour analyser le fonctionnement d’une organisation date du début des années 1980 avec la parution des ouvrages de Peters et Waterman (1982), In

Search of Excellence, et de Deal et Kennedy (1982), Corporate Cultures. Lapointe

(1999) mentionne l’article de Pettigrew (1979) intitulé On studying Organizational

Cultures. Lapointe (1999) indique que la concurrence japonaise envers l’industrie

américaine au début des années 1970 a été l’événement déclencheur. Citant Morgan (1999), Lapointe (1999) ajoute que la mondialisation de l’économie et la crise du pétrole de 1973 « […] ont mis en relief la nécessité de comprendre les liens entre

41 Il s’agit de la gestion des conflits dont Reynaud (1982, p. 170-171) dira : « […] C’est le plus souvent un conflit qui permet à une identité collective de se constituer, c’est dans l’action que se déterminent les objectifs du groupe, par opposition à ce qui existe déjà ou à ce qui est proposé par ailleurs ; c’est dans l’action que le groupe se structurera, adoptera des formes institutionnelles, et qu’apparaîtront des possibilités d’alliances et des antagonismes.»

42 « Le climat est beaucoup plus conjoncturel et il dépend souvent d’événements ponctuels comme des

difficultés commerciales, des périodes de surcharge d’activités, des restructurations, des périodes de recrutement ou de licenciement, des périodes de négociations patronales-syndicales, etc. [Wils, T., J.- Y. Le Louarn et G. Guérin (1991, p. 232-233).] » (Lemire et al., 2011, p. 168)

culture et vie organisationnelles. » Mais, comme le soulignent Savoie et Brunet (2000), la référence en terme de culture organisationnelle demeure l’ouvrage d’Edgar Schein (Schein, 1985, 1992, 2004) Organizational Culture and Leadership.

Selon Savoie et Brunet (2000, p. 184-185), il existe au moins deux approches « […] duelles et antinomiques […] » à l’étude de la culture organisationnelle : l’approche symbolique et l’approche fonctionnaliste. Pour les symbolistes, la culture organisationnelle est un système d’idées construit socialement dont les éléments (plans, recettes, règles, directives) servent à réguler les comportements. Les personnes construisent un environnement social qui les influence selon un processus d’interprétation et de construction du sens43.

Selon l’approche fonctionnaliste, l’efficacité d’une organisation dépend, entre autres, du niveau d’adaptation de ses membres à des demandes, contraintes ou opportunités, en provenance de l’environnement externe. À partir de valeurs et de croyances partagées, la culture organisationnelle constitue alors le mécanisme de transmission utilisé par les gestionnaires pour signifier aux employés quel est le comportement attendu de leur part.

Ainsi, une culture bien développée et spécifique aux affaires, à laquelle les gestionnaires et le personnel ont été socialisés à divers moments, est liée à un engagement organisationnel44 plus grand, à un meilleur moral, à plus d’efficience et à plus de productivité (Deal et Kennedy, 1982). (Savoie et Brunet, 2000, p. 185)

43 Savoie et Brunet (2000) se réfèrent aux auteurs suivants pour soutenir leur thèse : Burrell, G. et Morgan, G. (1979), Sociological paradigms and organizational analysis, London, Heinemann; Czarniawska-Joerges, B. (1992). Exploring complex organizations : a cultural perspective, Beverly Hills, Sage; Denison, D. (1996). Corporate culture and organizational effectiveness, New York, Wiley; Geertz, C. (1973). The interpretation of cultures, New York, Basic Books; Giddens, A. (1979).

Central problems in social theory : action, structure, and contradiction in social analysis, Berkeley,

University of California Press; Riley, P. (1983). “A structurationist account of political cultures”,

Administrative Science Quarterly, vol. 28, p. 414-437; Smircich, L. (1983). “Concepts of culture and

organizational analysis”, Administrative Science Quarterly, vol. 28, p. 339-358. 44 Voir la note de bas de page 26 .

Pour Savoie et Brunet (2000), et comme Dufour (2008), les auteurs s’entendent sur une définition de la culture organisationnelle qui comporte les éléments suivants : des valeurs, des croyances, un partage, une transmission et des comportements. Selon Schein (2004), la culture organisationnelle contribue à la création des attentes et à l’adoption des comportements au travail des individus par le partage de postulats de base. Ces postulats constituent le résultat d’un apprentissage à partir des solutions mises en œuvre lors de la résolution des problèmes d’adaptation aux demandes de l’environnement.

[…] la culture exprime les valeurs ou les idéaux sociaux et les croyances que les membres de l’organisation en sont venus à partager (Louis, 1980; Martin et Siehl, 1983), c’est l’idéologie de l’organisation. Ces valeurs ou patrons de croyances se manifestent par des dispositifs symboliques tels des mythes (Boje, Fedor et Rowland, 1982), des rituels (Deal et Kennedy, 1982), des histoires et légendes (Mitroff et Kilmann, 1976), un langage spécialisé (Andrews et Hirsch, 1983) et des artefacts multiples (Savoie et Brunet, 2000, p. 186).

Au sujet des valeurs, Savoie et Brunet (2000) ajoutent que, selon les auteurs, une valeur organisationnelle se caractérise comme un ensemble supportant une stratégie organisationnelle mise en œuvre par des moyens concrets45. Une mise en garde s’impose néanmoins quant à la mesure des valeurs organisationnelles et de leurs effets sur l’individu puisque « […] à tout moment dans une organisation, différents courants de valeurs se superposent, s’entrechoquent, se modèrent les uns les autres. » (Savoie et Brunet, 2000, p. 189). De fait, la présence d’une valeur dans une organisation ne suffit pas à en faire une valeur organisationnelle46 qui devrait émerger

45 Savoie et Brunet (2000) se réfèrent principalement aux auteurs suivants : Rohrbaugh, J. (1981).

« Operationalizing the competing values approach”, Public Productivity Review, vol. 5, no 2, p. 147-

159. Quinn, R. E. et Rohrbaugh, P. (1983). “A spatial model of effectiveness criteria : Toward a competing value approach to organisational analysis”, Management Science, vol. 29, no 3, p. 363-377. Cameron, K. S. et Quinn, R. E. (1998). Diagnosing and changing organizational culture, New York, Addison-Wesley. De Witte, K. et Muijen, J. J. (Guest eds) (1999). “Organizational culture”, European

Journal of Work and Organizational Psychology, vol. 8, no 4, p. 497-502.

46 « Les valeurs de caractère exclusivement organisationnel ont à répondre à certaines exigences.

Toute valeur étant l'expression d'une exhortation, d'une incitation à aller dans une certaine direction, à favoriser telle orientation (Chagnon, 1991), les valeurs vraiment organisationnelles devront exprimer

de la spécificité de cette organisation et la caractériser de manière singulière. De plus, il ne faudrait pas négliger la possibilité d’un conflit entre une valeur de l’individu et une valeur organisationnelle.