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Les transformations du système scientifique français

Dans le document Science, industrie et territoire (Page 40-42)

2 1945 1968 : L'accroissement des différences

B) Les transformations du système scientifique français

La croissance des effectifs d'étudiants et la différenciation générale des disciplines (pas seulement en sciences puisque les années soixante voient s'instituer des enseignements autonomes de sciences humaines telles que la sociologie, la psychologie, l'économie, etc.) débouche sur des évolutions importantes du système scientifique qui trouveront après Mai 1968 une expression institutionnelle.

Les instituts nationaux polytechniques

La loi Faure, votée au lendemain des événements de 1968, comporte en particulier l'obligation pour les universités d'accueillir tous les bacheliers sans sélection à l'entrée. Les instituts se trouvent donc devant un problème : l'application de la loi dans le cadre

existant conduirait à supprimer le concours. L. Escande, directeur de l'ENSEEIHT, L. Néel, son homologue grenoblois, M. Roubault, doyen de la faculté des sciences de Nancy et J. Bastick, directeur de l'ENSIC entament en 1969 des discussions avec le gouvernement (ils sont reçus à l'Elysée et à Matignon) pour obtenir l'autonomie des ENSI. Devant le refus du ministère, l'idée de fédérations d'écoles se fait jour et les anciens instituts se regroupent en instituts nationaux polytechniques (INPT, INPG et INPL, respectivement pour Toulouse, Grenoble et Lorraine) qui acquièrent en 1970 (décret du 14 Octobre 1969) l'autonomie administrative. Les autres ENSI parviendront à conserver le recrutement par concours tout en restant au sein de leurs universités, mais avec un statut dérogatoire. Par la suite, les INP auront des politiques différentes. À Grenoble, le choix est fait de constituer plusieurs écoles à partir de l'École Nationale Supérieure d'Electrotechnique et d'Hydraulique de Grenoble, ce qui donne plus d'importance à la structure fédérative et a permis de générer de nouvelles écoles (dont la plus récente en génie industriel). Toulouse et Nancy ont conservé les structures existantes avec pour Toulouse le poids considérable de l'ENSEEIHT. La création des INP est une étape importante de l'évolution des instituts. Il est encore bien difficile de dire si cette distance prise avec l'université amènera un alignement sur le modèle des grandes écoles, ce qui leur ferait perdre toute spécificité ou s'ils s'affirmeront comme universités technologiques à recrutement sélectif, ce qui semble être clairement l'option prise à Grenoble.

Le département Sciences pour l'Ingénieur

Les disciplines appliquées ont eu longtemps un statut mal défini au CNRS. Les commissions étaient peu nombreuses et dominées par les fondamentalistes. L'évolution de la politique du CNRS et une certain alignement sur les pays anglo-saxons (introduction du financement sur contrats, des ATP et autres actions incitatives, Cf. Picard, 1989) vont amener les responsables de l'époque (R. Chabbal et H. Curien entre autres) à prendre l'initiative au milieu des années soixante-dix de faire une meilleure place aux sciences appliquées. Ils constituent pour cela un groupe de réflexion composé de personnalités des nouvelles disciplines (Lagasse de Toulouse, Le Goff de Nancy, etc.) dont naît en 1975 le département Sciences Physiques pour l'Ingénieur avec pour directeurs J. Lagasse et M. Combarnous, ce qui constitue la légitimation des nouvelles diciplines au CNRS.

Les campus

La forte croissance des effectifs d'étudiants rappelée plus haut se traduit par un surpeuplement des universités qui commence à poser des problèmes sérieux dès la fin des années cinquante.

Les facultés des sciences, en particulier Toulouse et Grenoble, sont les premières à ressentir le manque de place : « À l'ancienne Faculté, les étudiants n'avaient plus de place sur les sièges, ils étaient assis par terre, sur le rebord des fenêtres, partout (…) on ne pouvait plus travailler, nos collègues avaient des expériences montées dans les couloirs » (E. Durand, doyen de la faculté des sciences de Toulouse entre 1953 et 1965). Les membres du corps professoral de la faculté de Toulouse décident en 1958 d'élaborer un projet de construction d'une nouvelle faculté et de le soumettre au ministère. P. Donzelot, tout nouveau directeur des constructions universitaires, accueille très favorablement le projet toulousain : « Il m'a dit tout de suite : “Votre projet sera le premier (...) ce sera un projet pilote (…), faites quelque chose de bien et ensuite cela servira pour tous les autres" » (E. Durand). Le choix du site de Rangueil a été effectué apparemment après consultation de divers partenaires par le directeur départemental de la construction. Il s'agit de terres agricoles situées au Sud-Est de la commune de Toulouse. Le campus commencera à fonctionner en 1962, accueillant par la suite l'INSA et l'Ecole de Chimie. Il semble que le projet des toulousains ait immédiatement suscité des réactions à Grenoble. L. Weil, doyen de la faculté et surtout L. Néel, fondateur du Centre d'Etudes Nucléaires de Grenoble, font le siège de l'administration pour obtenir la construction de nouveaux locaux universitaires qui seront installés, eux aussi, en périphérie, à Saint-Martin d'Hères. D'autres campus sont construits à cette époque : Montpellier, Bordeaux (qui disposait d'une extension sur la commune de Talence depuis la fin des années cinquante), etc. Le processus initié à Toulouse se réédite à peu près de la même façon. La principale référence architecturale est constituée par les campus américains avec leurs espaces verts, la plupart des scientifiques de l'époque ayant eu l'occasion de visiter les grandes universités comme le Massachusset Institute of Technology, Stanford, Harvard ou Berkeley.

Le déplacement en périphérie des facultés des sciences est un élément secondaire du développement des enseignements et de la recherche, mais il est très important dans le rééquilibrage des agglomérations. Nous verrons en effet que la présence des universités amène une croissance rapide des quartiers ou communes périphériques et les parcs technologiques des années soixante-dix et quatre-vingt (ZIRST de Meylan à Grenoble, Innopole de Labège à Toulouse, parc de Brabois à Nancy) se construiront tous dans le prolongement des campus.

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