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Des domaines scientifiques plus « appliqués » que d'autres

Dans le document Science, industrie et territoire (Page 85-88)

Les relations entre institutions scientifiques et industrie dans les régions

1. Des domaines scientifiques plus « appliqués » que d'autres

Les données disponibles permettent de vérifier ce que chacun perçoit intuitivement : si tous les laboratoires peuvent être amenés à obtenir des résultats suceptibles d'avoir un impact économique, il existe des domaines de recherche plus orientés que d'autres vers une coopération régulière avec l'industrie, et ceci indépendamment de la valeur scientifique des équipes.

Le CNRS est divisé en 7 départements scientifiques de tailles comparables mais dont les collaborations avec les entreprises sont très variables, comme le montre le tableau qui suit.

Les contrats CNRS - entreprises par départements scientifiques

Départements scientifiques

(dénominations 1990) l'ensemble des Proportion de chercheurs

en 1990

Part des contrats de recherche partagée

en 1993-1994

Physique nucléaire et corpusculaire 4% 0,3%

Sciences Mathématiques et Physiques 13% 6,8%

Sciences pour l'Ingénieur 9% 33,2%

Science de la Chimie 18% 36,3%

Sciences de l'Univers 9% 7%

Sciences de la Vie 28% 12%

Sciences de l'Homme et de la Société 18% 4,4%

Total 10861 (100%) 3996 (100%)

Deux départements émergent très fortement : il s'agit de « Sciences de la Chimie » et « Sciences pour l'Ingénieur » qui regroupent plus des deux tiers de l'activité. Cet effet de spécialisation se retrouve au niveau des partenaires industriels puisque selon les statistiques du CNRS sur les contrats de 1991 (CNRS, 1992), plus de la moitié des contrats sont fournis par les secteurs de l'énergie, de l'industrie chimique et parachimique, de l'industrie pharmaceutique et de l'automobile (signalons que moins d'un quart des contrats sont offerts par des PME, ce qui explique l'importance de ces branches où règnent les grands groupes).

Les comptages effectués dans les directions régionales de Grenoble et Toulouse, deux des grands pôles SPI, confirment ces tendances. À Grenoble (contrats de 1993), les unités des SPI réalisent 60% des contrats, la chimie 23%. À Toulouse (contrats de 1992), les proportions sont de 48% pour les SPI, 14% pour la chimie, 16% pour les Sciences de la Vie et 12% pour les Sciences de l'Univers (ce qu'explique la présence du CNES, principal donneur d'ordre local).

Les données sur les contrats CNRS - entreprises

Le CNRS revêt un statut particulier dans la recherche publique. Il s'agit de l'organisme le plus important (12 milliards de budget, plus de 25000 salariés). C'est aussi le seul (avec l'Éducation Nationale dont la plupart des équipes importantes sont associées au CNRS) qui soit présent dans toutes les régions et tous les domaines scientifiques. Les relations entre les unités CNRS et l'industrie constituent donc un indicateur précieux de l'orientation « appliquée » des différents pôles scientifiques, ainsi que des relations localisées entre science et industrie. La base utilisée ici est issue du travail des chargés de mission aux relations avec l'industrie (CMI) des délégations régionales du CNRS qui y intègrent les données issues des différentes sources disponibles58. Quelques distorsions peuvent se produire, notamment en ce qui

concerne les informations sur la localisation de l'établissement industriel partenaire, tous les CMI ne veillant pas forcément avec la même attention à distinguer le siège de l'établissement. Cela peut induire des biais sur l'« effet siège » qui conduit à localiser de façon erronée le partenaire dans la région parisienne où se situe généralement le siège du groupe alors que l'établissement réellement impliqué est en province. Le principal effet concerne les contrats offerts par les entreprises ou les contrats locaux qui peuvent se trouver sous-évalués dans certaines régions. Les analyses tendent à montrer que cet effet est faible ou négligeable, puisque les résultats obtenus ici sont cohérents avec ceux de Labintel (Grossetti et Colletis, 1994). Par ailleurs, pour tenir compte de l'oubli possible de contrats au montant financier élevé, le choix a été fait de se centrer sur le nombre des contrats et non sur les volumes financiers. Les 4020 contrats traités ici ont été signés en 1993 ou 1994. Ils ne concernent que la recherche partagée, qui implique un effort commun du laboratoire et de l'entreprise et excluent le simple service, les accords de secret ou les formations.

Le même déséquilibre entre les domaines scientifiques apparaît dans l'examen des conventions CIFRE. Rappelons que ces conventions permettent à une entreprise de co- financer une thèse sur un sujet qui l'intéresse. On peut trouver des thèses financées ainsi dans toutes les disciplines, mais là encore certains domaines semblent plus que d'autres attirer ce type de coopération, comme le montrent les chiffres suivants, où les disciplines sont regroupées en grands domaines inspirés des départements CNRS.

Conventions CIFRE par grands domaines de recherche (1991)

Domaines de recherche nombre de conventions (pourcentage)

Mathématiques 11 (2%)

Physique 67 (12%)

Sciences pour l'Ingénieur59

(dont informatique : 77 conventions, 13%)

235 (40%)

Sciences de l'Univers60 20 (3%)

Chimie 81 (14%)

58 Ces données ont pu être utilisées grace à l'autorisation de Pierre Vergnon de la Mission des relations

avec les entreprises du CNRS. L'extraction des données a été réalisée par le CMI de Toulouse, Maurice Dalens, avec l'aide des services du SOSI. Qu'ils trouvent ici mes remerciements pour cette aide extrêmement précieuse.

59 Sont regroupés ici les domaines suivants : Informatique, Automatique, Électronique, Génie électrique,

Mécanique, Mécanique des fluides, Énergétique, Génie civil et BTP, Instrumentation, Qualité, Metallurgie, Papier.

Sciences de l'Homme et de la Société 47 (8%)

Sciences de la Vie 78 (13%)

Agronomie61 48 (8%)

Les Sciences pour l'ingénieur (avec une définition certainement plus large ici qu'au CNRS) constituent de loin la source la plus importante de thèses financées par les entreprises. Par contre, la chimie n'apparaît plus aussi dominante que dans les contrats de recherche partagée et les autres groupes de disciplines sont représentés de manière significative, à l'exception peut-être des mathématiques.

La création d'entreprises par des chercheurs a fait l'objet d'un classement selon le secteur d'activité par P. Mustar qui donne la répartition suivante :

Les création d'entreprises par des chercheurs selon les domaines scientifiques

Domaines d'activité créées entre 1984 et 1991 nombre d'entreprises (pourcentage) Biotchnologies, médical, pharmacie, chimie 56 (28%)

Informatique, logiciel 54 (27%)

Robotique, équipement industriel 10 (5%)

Électronique, Mesure 29 (14%) Opto-électronique 21 (10%) Télécommunications 11 (5%) Matériaux 6 (3%) Evironnement, géologie 12 (6%) Autres 3 (2%) Total 202 (100%) Source : Mustar, 1995

Même si les catégories utilisées par P. Mustar diffèrent de celles du CNRS, on retrouve une prédominance des sciences pour l'ingénieur auxquelles se rattachent plus ou moins cinq domaines (informatique, électronique, opto-électronique, télécommunications et matériaux) représentant au total 59% des entreprises. La chimie semble peu propice à la création de petites entreprises (la plupart des entreprises du premier domaine relèvent des Sciences de la Vie). Il s'agit d'une activité dominée par les grands groupes et qui exige des moyens importants, ce qui laisse donc peu d'espace pour la création de petites sociétés, au contraire de l'informatique, qui s'y prête particulièrement.

Il n'y a rien de très étonnant à retrouver à travers ces différents indices les Sciences pour l'ingénieur qui ont été constituées en département scientifique du CNRS au milieu des années soixante-dix, précisément pour rassembler ce qui, au sein des sciences de la matière et en dehors de la chimie, pouvait apparaître comme « appliqué ». L'informatique, l'électronique, la mécanique et les autres disciplines de ce secteur ont toutes comme point commun d'entretenir depuis leur fondation des relations suivies avec l'industrie. L'importance dans les relations contractuelles de la chimie, historiquement l'un des premiers grands domaines scientifiques à faire l'objet d'applications industrielles, ne surprend pas, même si la présence moindre de ce secteur dans les conventions CIFRE reste à expliquer.

Dans le document Science, industrie et territoire (Page 85-88)