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3. Des marges sur les processus de soins et la pertinence des soins

3.2. La pertinence des soins

3.2.1. Les thyroïdectomies

Environ 40 000 thyroïdectomies sont réalisées chaque année en France. Il s’agit de femmes dans 80% des cas, âgées en moyenne de 51 ans.

L’ablation de la thyroïde est en principe réalisée devant la découverte d’un cancer, d’un nodule de la thyroïde pour lequel les résultats de la ponction préalable à l’intervention sont douteux (probabilité de cancer faible mais non nulle), devant certaines formes de goître et d’hyperthyroïdie.

Le cancer de la thyroïde est un cancer peu fréquent et le plus souvent peu invasif. En 2005, selon l’Institut national de veille sanitaire (InVS), les cancers de la thyroïde ne représentaient que 2% de l’ensemble des cancers diagnostiqués chaque année en France, soit un peu moins de 6 672 nouveaux cas annuels (76% chez les femmes). La mortalité liée aux cancers de la thyroïde est faible, autour de 400 décès par an, et liée à certaines formes de cancer.

Il y a une tendance croissante au dépistage de nodules par échographie, ce qui conduit à une augmentation des ablations de thyroïdes, y compris pour des cancers de petite taille, de bon pronostic. C’est sans doute une des explications de l’augmentation de la fréquence constatée de ces cancers depuis une vingtaine d’années (+6 % par an).

L’intervention doit être précédée systématiquement d’une cytoponction (prélèvement de cellules) en cas de nodule, de façon à préciser le risque de cancer.

Selon les recommandations de la Haute autorité de santé, l’intervention n’est pas justifiée en cas de nodule bénin. Pour les cancers de très petite taille, l’intervention est très discutée, d’autant qu’elle n’est pas anodine et peut nécessiter un traitement par hormones thyroïdiennes à vie, qui a ses complications propres.

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Figure 69 - Schéma du processus de soins : thyroïdectomie pour cancer nodule ou goitre thyroïdien

Une analyse a été réalisée du parcours de soins des 35 300 patients du régime général51 qui ont eu une thyroïdectomie en 2010.

Parcours de soins avant l’intervention

- 18% des patients n’ont pas d’échographie et 69% n’ont pas de cytoponction, alors que ces deux explorations devraient être systématiques. A l’inverse, 21% ont une scintigraphie, inutile dans la plupart des cas.

- Les dosages hormonaux sont fréquents, mais tous ne sont pas adaptés : la TSH (recommandée) est bien dosée dans 91% des cas, mais également, dans plus du tiers des cas (36%), la T3 qui n’est pas utile. La T4, qui peut être utile dans un nombre limité de cas (traitement hormonal) est trop souvent dosée (65% des patients).

- Au total on peut considérer que plus des deux tiers n’ont pas un parcours de qualité, alors que près d’un patient sur deux a consulté un endocrinologue dans l’année.

Pertinence des interventions

En 2010, la répartition des interventions a été la suivante : - 17% pour cancer thyroïdien ;

- 38% pour goitre ou nodules multiples sans cancer identifié ; - 21% pour nodule bénin ;

- et 25% pour une autre cause (hyperthyroïdie, cancers ORL…).

51 Hors sections locales mutualistes

Diagnostic Confirmation

du diagnostic Chirurgie des goitres et

nodules suspects Suivi

Arrêt de travail selon les fiches techniques HAS

Consultation post-opératoire

Complications de la chirurgie Atteinte des nerfs récurrents :

traitement orthophonique, infiltration des nerfs récurrents…

Hypoparathyroïdie : traitement substitutif (calcium et vitamine D)

Traitement substitutif par LT4, surveillance annuelle de la TSH - Si insuffisance thyroïdienne post

chirurgicale, objectif : TSH zone normale basse

- Si cancer, objectif : TSH effondrée

Surveillance annuelle

Si cytologie non contributive - Répéter la ponction-biopsie

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Pour un taux global de 5,3 pour 10 000 habitants, on observe des variations régionales qui vont de 1 à 2 (4,0 à 8,1/10 000, après standardisation sur l’âge et le sexe) (Figure 70). Un indicateur plus pertinent est le rapport entre le nombre d’interventions pour cancer et le nombre d’interventions pour nodule bénin (c’est-à-dire entre une indication justifiée, même si l’opportunité d’opérer des cancers de très petite taille est débattue, et une indication discutable).

Ce ratio standardisé est de 0,8 en moyenne (c’est-à-dire qu’on opère 5 nodules bénins pour 4 cancers), varie entre régions de 0,11 à 4,2 (plus ce ratio est élevé, meilleure apparaît a priori la pertinence).

Figure 70 - Taux de patients avec chirurgie de la thyroïde et ratio thyroïdectomies pour cancer / nodule bénin 2010 - Taux standardisés par âge et sexe

Taux de patients avec chirurgie de la thyroïde Ratio thyroïdectomies pour cancer / nodule bénin

Par ailleurs, parmi les cancers, certains sont des micro-cancers sur lesquels l’intervention est discutée, mais il n’est pas possible de les isoler dans cette analyse (ils représenteraient 40% des cancers opérés).

L’étendue des écarts constatés montre la nécessité d’homogénéiser les pratiques dans ce domaine.

Il est d’autant plus important d’essayer de réduire la part des nodules bénins opérés que dans un quart des cas, c’est une thyroïdectomie totale qui est pratiquée, avec les complications que cela induit.

Complications de la thyroïdectomie (pour cancer, nodule ou goître)

- Les complications graves sont rares et concernent le plus souvent des patients opérés pour cancer ou goître : 19 décès au cours de l’hospitalisation sont enregistrés en 2010 ; 3% des patients (900 environ) ont été hospitalisés en USI, réanimation ou lit dédié, 100 personnes ont développé un hématome compressif.

Mais la chirurgie pour nodule bénin n’est pas anodine :

- 4% des patients ont des répercussions sur le fonctionnement des cordes vocales qui nécessitent des séances d’orthophonie et 1% une atteinte des glandes parathyroïdes qui requiert un traitement par calcium à vie.

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- surtout, 44% des patients opérés ont un traitement par hormones thyroïdiennes à vie qui nécessitent un suivi régulier et peut conduire à des complications (ostéoporose,…).

Parcours de soins post-opératoires

Les dosages hormonaux restent fréquents et parfois non adaptés (T3 dosés dans un tiers des cas). Il conviendra d’analyser les conditions de réalisation de ces examens (types de prescripteur, rôle du laboratoire) pour orienter les actions d’information et de formation.

42% des opérés consultent un endocrinologue dans les 12 mois suivant l’intervention.