• Aucun résultat trouvé

3.1 L’âge du Bronze final

3.2.10 Les restes fauniques

Olivier Putelat

Les travaux de synthèse, qui concernent les données archéozoo-logiques de l’âge du Fer en Suisse, soulignent l’insuffisance des informations disponibles quant à cette période sur le territoire helvétique (Schibler et al. 1999). On y relève l’insuffisance numé-rique et l’irrégularité de la couverture spatiale des assemblages fauniques étudiés, la sous-représentation des données fauniques relatives aux hameaux ou aux fermes. Il apparaît aussi que cette synthèse ne compte aucun corpus faunique en provenance du canton du Jura. Dans ce contexte, l’apport de l’étude archéozoo-logique des trois combes de Chevenez est particulièrement bien-venu. En effet, malgré l’extrême dégradation des restes animaux, il s’agit ici de mettre en perspective les relations entre l’homme et l’animal au Second âge du Fer en Ajoie, que ce soit à l’échelon de la microrégion que constituent ces trois combes, ou à l’échelon de l’Arc jurassien et de ses marges. Ce jalon permettra par la suite de mieux comprendre les évolutions diachroniques constatées dans la représentation et les modes d’exploitation des espèces animales dans la partie nord du massif. Pour mettre en place cette démarche, nous nous sommes conformé à un protocole d’étude permettant de confronter nos résultats à ceux connus par ailleurs 34, car faire connaître la méthode suivie pour mener une recherche est l’indispensable condition d’une certaine pérennité des travaux (Deslex et al., à paraître). A l’issue des commentaires portés sur les échantillons fauniques de Combe En Vaillard (chap. 3.2.10.1), de Combe Varu (chap. 4.7) et de Combe Ronde (chap. 5.5), une synthèse et une mise en perspective des données seront effectuées (chap. 5.5.6).

3.2.10.1 Le matériel osseux et sa répartition chronospatiale

Les fouilles de Combe En Vaillard ont livré 604 restes de macro-faune, toutes périodes confondues, pour un poids total de 4 kg. La répartition de ce corpus, étudié dans son intégralité, est très dissemblable selon les séquences chronologiques et les domaines morphosédimentaires.

Les 314 restes animaux attribués à la fin de la Protohistoire, seuls présentés ici 35, sont répartis en différents endroits de la combe, au nord-ouest (domaine E) et au centre-est (domaines B et contact B-D). Nous avons regroupé les ossements en lots (les plus conséquents possibles) en traitant séparément les données des structures creuses les mieux conservées, afin de les distin-guer du « bruit de fond » délivré par les couches archéologiques (fig. 78).

Fig. 77 Objets lithiques par type pétrographique .

a: fragment de meule en grès bigarré CHE 999/930 EV ; b: fragment d’aiguisoir ou de polissoir en molasse alsacienne CHE 998/536 EV ;

c: fragment de meule linéaire en grès rose des Vosges

CHE 999/273 EV.

Fig. 78 Présentation d’ensemble du mobilier osseux retenu pour étude. Ensemble

chronostratigraphique

Restes inventoriés Fragments

esquilles nb nb poids.(g) poids.moyen.(g) Structures.laténiennes 101 197 2,0 155 Couche.B3.2. (forge.et.paléochenal) 132 208 1,6 203 Couche.B-D3.2. (bâtiments.2-3.et.paléochenal) 70 87 1,2 107 Couche.E3.1. (zone.nord-ouest) 11 105 9,5 42 Total 314 597 1,9 507 a b c

3.2.10.2 Les structures laténiennes

Toutes les structures laténiennes qui ont livré des restes animaux sont imputées à La Tène B-C. Ce groupe comprend les fosses et installations situées autour des deux ateliers métallurgiques, ainsi que la fosse 3 proche du bâtiment 2. Un tamisage des sédi-ments a été effectué, parfois jusqu’à une maille de 0,5 mm, en fonction de l’intérêt des structures étudiées 36.

Les 101 restes de ce groupe ont été déterminés pour 48 % d’entre eux. Leur poids moyen est très bas (fig. 79) et sept restes sur dix montrent des surfaces osseuses dégradées. En revanche, le taux de restes non dentaires est élevé et témoigne ainsi d’une relative préservation des assemblages fauniques (93 % du NR et 87 % du PR). Il faut, à ce sujet, noter que la fosse dépotoir 4 a un pH de 7,2 favorable à la conservation des ostéorestes (échantillon 1, sondage 889 ; Luc Braillard, communication personnelle). Un tiers des vestiges osseux sont brûlés mais la situation varie d’une structure à l’autre (fig. 79).

L’importance relative de chaque taxon à l’intérieur de la triade domestique (bœuf, caprinés, porc) et leur représentation ana-tomique diffèrent, pour ce groupe, des résultats de la couche archéologique laténienne de même séquence chronologique (fig. 80 et 81). Ici, moins altérées par les processus tapho-nomiques, les ceintures (scapula, os coxal) et les parties du squelette appendiculaire sont mieux conservées. La fréquence des restes de caprinés est conséquente et l’on remarque le mouton, la chèvre et des espèces « discrètes » telles un lièvre et un corvidé. Il a été possible de mettre en évidence au moins un bovin adulte (grâce à une M3). Chez les caprinés, la scapula et l’humérus sont épiphysés et n’indiquent pas la présence de très jeunes élèves 37. La mise au jour, dans la même structure, d’une dI3 et d’une dI4, désigne l’abattage d’un mouton ou d’une chèvre de moins de 3 ans. L’usure dentaire d’une man-dibule et la forme de sa canine signalent une truie âgée de 15 à 24 mois.

Malgré la faiblesse numérique de l’échantillon, l’intérêt des structures étudiées nous conduit à détailler le corpus de ce groupe.

Atelier A : forge 1 et fosse dépotoir 5

Le bas foyer 1 a livré 27 restes dont un tiers a pu être déterminé (fig. 80). Aucun élément ne permet d’établir les âges à l’abat-tage des espèces domestiques présentes. Les fragments non brûlés proviennent des alentours immédiats du foyer. Le tami-sage des sédiments a livré deux phalanges calcinées, de couleur blanche. Parmi elles, une phalange distale provient d’un lièvre et un fragment de phalange proximale provient d’un oiseau indéterminé.

Les treize restes de la fosse dépotoir 5 ont été déterminés pour plus de la moitié d’entre eux (fig. 80). Du bœuf nous sont par-venus des ossements issus de parties charnues du squelette : un fragment de côte et un fragment de scapula. Parmi les restes de caprinés, seul un caprin, probablement mâle (bouc ou castrat), est mis en évidence par un fragment de cheville osseuse bien développée. A l’exception d’un élément ventral de scapula, marqué d’une trace de désarticulation, les vestiges de caprinés s’apparentent plus à l’élimination des parties les moins produc-tives de la carcasse qu’à des rejets culinaires. Outre la cheville osseuse mentionnée supra, nous citerons un talus, trop dégradé pour être affecté spécifiquement au mouton ou à la chèvre, et un fragment de diaphyse de métatarse.

Un corvidé de taille moyenne, sans doute la corneille noire, est mis en évidence par le distum d’un humérus.

Atelier B : aire de forgeage 3 et fosse dépotoir 4

L’aire de forgeage 3 n’a livré que quatre os pour un total de 3 g. Ont été mis au jour deux fragments dentaires (bœuf et porc), une esquille indéterminée ainsi qu’un fragment de diaphyse d’os long calciné, de couleur blanche, qui montre de surcroît une coloration superficielle bleutée, due à un contact prolongé avec du cuivre ou du bronze.

Les 48 restes de la fosse dépotoir 4 ont été déterminés pour plus de la moitié d’entre eux (fig. 80). Le bœuf est attesté par les grandes régions de son squelette. Pour la tête, un fragment de condyle occipital et un fragment ventral de mandibule ont été mis en évidence. Un fragment de côte est décompté.

Type d’assemblage NR total Restes brûlés Restes non brûlés NR PR

nb poids.moyen

(g) NR poids.moyen.(g) variation(g) écart.type NR poids.moyen.(g) variation(g) écart.type non.strictement.dentaires.(%) non.strictement.dentaires.(%)

Structures La.Tène.B-C Atelier.A Forge.1 27 0,7 17 0,5 0,1.à.1,8 0,5 10 1,2 0,1.à.4,5 1,4 Fosse.dépotoir.5 13 1,2 2 0,5 0,3.à.0,7 11 1,3 0,1.à.4,7 1,4 Atelier.B Fosse.dépotoir.4 48 2,8 9 0,3 0,1.à.0,6 0,2 39 3,3 0,2.à.27,7 5,0 Aire.de.forgeage.3 4 0,3 1 0,4 3 0,3 0,1.à.0,5 Zone.b Fosse.3 9 3,2 3 0,6 0,1.à.1,0 6 4,5 0,1.à.19,2 Total 101 2,0 32 0,4 0,1 à 1,8 0,4 69 2,7 0,1 à 27,7 4,5 93,1 87,3 Couche.B3.2 132 1,6 45 0,8 0,1.à.7,7 1,2 87 2,0 0,1.à.15,6 3,1 72,0 45,5 Couche.B-D3.2 70 1,2 26 0,6 0,1.à.3,4 0,7 44 1,7 0,1.à.16,2 2,8 (n.<.10077,1) 66,0 Couche.E3.1 11 9,5 1 0,6 10 10,4 0,1.à.33,1 11,4 54,4

La ceinture et le membre antérieur ont pu être mis en évidence : une scapula, au moins, est représentée par deux fragments d’épine scapulaire. Deux fragments de diaphyses d’humérus et de métacarpe ont été décelés, ainsi que trois phalanges, dont une proximale et une intermédiaire postérieures.

Les ossements de caprinés proviennent eux aussi de diverses parties du squelette. La tête est représentée par un fragment d’os zygomatique et deux incisives déciduales (issues du tamisage des sédiments). Deux ensembles antérieurs, de latéralisation différente, sont mis en évidence par des fragments de scapula, d’humérus (ovin) et de métacarpe. Un fragment d’os coxal a été décelé ainsi que plusieurs fragments provenant de membres pos-térieurs hétérolatéraux. On note ainsi une patella, un os tarsal ovin (naviculocuboïde) et une diaphyse de métatarse. Une pha-lange distale ovine est à signaler.

La quasi-totalité des ossements de porc mis au jour pour cette séquence appartient à la fosse dépotoir 4 et l’on constate qu’à la différence des deux autres taxons de la triade, les restes de suinés ne sont pas issus des parties du squelette les plus produc-tives. On y relève un fragment d’os frontal ainsi qu’un maxil-laire et une hémimandibule homolatéraux, mis au jour côte à côte, qui proviennent de la même moitié de tête d’une femelle, âgée de 15 à 24 mois. Un talus et une phalange intermédiaire attestent de la présence de l’autopode. Ils ne livrent pas de traces de découpe mais, en revanche, leur répartition est caractéris-tique du rejet de bas morceaux, têtes et autopodes, après prélè-vement de la viande.

Une phalange intermédiaire de lièvre, calcinée, de couleur blanche à bleue, est ressortie du tamisage des sédiments.

La fosse 3

Parmi les neuf restes présents, seuls une dent de bœuf et deux restes de porc (fragment dentaire et scapula) ont été déterminés. Cette scapula est tranchée au niveau du col, à l’aide d’un outil lourd.

Structure Espèce NR Poids NMI Restes

brûlés nb g % Atelier A Bas.foyer.1 Bœuf,.Bos taurus.L. 4 9,7 1 1 Caprinés 3 3,5 1 2

Total animaux domestiques 7 13,2

Lièvre,.Lepus capensis.P. 1 0,1 1 1 Oiseau 1 0,1 1 1 Restes déterminés 9 13,4 Mammifère.de.taille.moyenne 10 4,1 7 Esquille.indéterminée 8 1,8 5 Total 27 19,3 17 Fosse. dépotoir.5 Bœuf,.Bos taurus.L. 2 3,0 1 Chèvre,.Capra hircus.L. 1 9,5 1 Caprinés 4

Total animaux domestiques 7 12,5

Corneille,.Corvus.cf.corone 1 0,6 1 Restes déterminés 8 13,1 Mammifère.de.taille.moyenne 4 1,8 2 Esquille.indéterminée 1 0,1 Total 13 15,0 2 Atelier B Fosse. dépotoir.4 Bœuf,.Bos taurus.L. 10 43,9 33,0 1 Mouton,.Ovis aries.L. 3 16,9 12,7 1 Caprinés 8 2 Porc,.Sus domesticus.E..et.suinés 5 51,0 38,3 1 1 Total animaux domestiques 26 111,8 84,1

Lièvre,.Lepus capensis.P. 1 0,1 0,1 1 1 Restes déterminés 27 111,9 84,1 Grand.mammifère 4 3,4 2,6 1 Mammifère.de.taille.moyenne 7 4,1 3,1 2 Esquille.indéterminée 10 13,6 10,2 2 Total 48 133,0 9 Moyenne. Bfy1,.F5,.F4,. divers Bœuf,.Bos taurus.L. 18 76,0 38,5 1 1 Mouton,.Ovis aries.L. 3 29,9 15,1 1 4 Chèvre,.Capra hircus.L. 1 1 Caprinés 15 Porc,.Sus domesticus.E..et.suinés 8 58,0 29,4 1 1 Total animaux domestiques 45 163,9 83,0 4 Lièvre,.Lepus capensis.P. 2 0,2 0,1 1 2 Corneille,.Corvus.cf.corone 1 0,6 0,3 1 Total animaux sauvages 3 0,8 0,4 2

Oiseau 1 0,1 0,1 1 Restes déterminés 49 164,8 83,4 6 Grand.mammifère 5 4,2 2,1 1 Mammifère.de.taille.moyenne 25 12,6 6,4 14 Esquille.indéterminée 22 15,9 8,1 8 Total 101 197,5 6 32 B3.2 Bœuf,.Bos taurus.L. 23 104,4 50,3 2 1 Caprinés 12 18,7 9,0 1 3 Porc,.Sus domesticus.E..et.suinés 8 7,9 3,8 1 Total animaux domestiques 43 131,0 63,1 4 Cerf.élaphe,.Cervus.elaphus.L..(bois) 3 10,9 5,3 3 Restes déterminés 46 141,9 68,4 4 Grand.mammifère 19 21,8 10,5 12 Mammifère.de.taille.moyenne 32 16,2 7,8 17 Esquille.indéterminée 35 27,6 13,3 9 Total 132 207,5 4 45 B-D3.2 Bœuf,.Bos.taurus.L. 8 44,1 1 1 Caprinés 5 4,5 1 Porc,.Sus.domesticus.E..et.suinés 9 6,6 2 Total animaux domestiques 22 55,2 4 Cerf.élaphe,.Cervus elaphus.L..(bois) 1 2,2 1 Restes déterminés 23 57,4 4 Grand.mammifère 9 15,1 3 Mammifère.de.taille.moyenne 25 11,4 18 Mammifère.de.petite.taille 3 0,6 Esquille.indéterminée 10 2,8 3 Total 70 87,3 4 26

Fig. 80 Spectre de la faune des divers échantillons ostéologiques.

0 5 10 15 20 25 30 Tête Vertèbres

et côtes StylopodeCeintures Zeugopode Autopode Bœuf Caprinés Porc %

Fig. 81 Comparaison des représentations anatomiques en fonction du poids des restes de la triade domestique.

Discussion

La faiblesse de cet échantillon doit inciter à la prudence lors de l’interprétation des données fauniques. La physionomie du corpus reflète avant tout une certaine prédominance des caprinés (lorsqu’ils sont décomptés selon le nombre de restes et le nombre d’individus). La représentativité des parties du squelette est assez complète, en raison des conditions de conservation offertes par les structures creuses. Parmi ces der-nières, les fosses dépotoirs 4 et 5 offrent de bonnes possibilités d’observation. On y constate que les caprinés sont les mieux représentés (en NR) et qu’il y a une cohérence entre le contenu ostéologique de ces deux structures et le spectre faunique de la forge 1. La phalange de lièvre de la fosse dépotoir 4 renvoie à celle de la forge 1, l’humérus de corneille de la fosse dépo-toir 5 renvoie également à la phalange d’oiseau de cette même forge. En revanche, la représentativité des os brûlés dans les fosses dépotoir 4 et 5 est plutôt faible, soit environ un reste sur cinq. Cela paraît éloigné de ce que l’on pourrait attendre du contenu de fosses destinées à recevoir des vidanges de foyers ou de fours (p. ex. le spectre de faune de la forge 1 où 17 restes sur 27 sont brûlés). Il semble donc que ces fosses dépotoirs

renferment, certes, une partie des rejets domestiques liés aux ateliers, mais que ces rejets comprennent à la fois des rejets directs d’ossements consommés et non brûlés, et des rejets secondaires d’ossements en provenance des vidanges des foyers desdits ateliers.

Pour l’ensemble du groupe, il n’a jamais été mis en évidence plus d’un élément anatomique de même latéralisation par espèce, et le NMI de fréquence n’est donc jamais supérieur à un. Une différence de traitement des viandes selon les taxons semble perceptible malgré la ténuité du corpus. Le bœuf et les caprinés – mouton et chèvre – sont représentés par différentes régions anatomiques du squelette, qui mettent en jeu non seulement des régions peu charnues – tête et autopode – mais encore des régions plus productives, épaule et bras (fig. 82 et 83). Pour le cochon, au contraire, seuls les bas-morceaux – tête et pieds – ont été retrouvés (fig. 84). Cette opposition reflète peut-être un mode de consommation et de conservation différent des viandes, viande fraîche consommée sur place – le bœuf et les caprinés – et viande conservée, fumée, salée ou séchée pour le porc.

Fig. 82 Répartition anatomique des ossements de bœuf retrouvés dans les fosses dépotoir 5 et 4. En grisé : ossements présents (squelette d’après Pales et Garcia 1981).

Fig. 83 Répartition anatomique des ossements de caprinés retrouvés dans les fosses dépotoir 5 et 4. En grisé : ossements présents (squelette d’après Barone 1986 ; Coutureau et Forest 1996). Atelier A Fosse dépotoir 5 Atelier B Fosse dépotoir 4 Atelier A Fosse dépotoir 5 Atelier B Fosse dépotoir 4

3.2.10.3 La couche B3.2 dans la zone de forge et du paléochenal attenant

Il s’agit ici des os prélevés dans le pourtour même des forges, c’est-à-dire entre les structures des forges et le bras de chenal qui la borde à l’ouest. Ces vestiges appartiennent en majorité à la couche B3.2 et à l’intercouche B3.2/5. Les datations retenues par les archéologues pour la majeure partie du mobilier sont La Tène B-La Tène C. Les ossements de cette zone ont été déter-minés pour 35 % d’entre eux.

Le poids moyen des restes (1,6 g) est un des plus bas du corpus total de la combe. La part déterminée de l’échantillon fau-nique est surtout composée de restes dentaires isolés, y compris lorsqu’elle est considérée selon le critère pondéral (fig. 79). Plus de sept restes sur dix montrent des surfaces osseuses dégradées et le tiers des fragments sont brûlés. L’ensemble de ces para-mètres témoigne de la destruction de l’échantillon faunique initial.

Le bœuf prévaut dans la quantification, quels que soient les critères de dénombrement. Il est représenté principalement par 21 dents ou fragments dentaires isolés de leurs supports alvéolaires. L’étude des dents jugales et des incisives permet de distinguer deux individus (NMI de comparaison et de fréquence). Un adulte et un second animal, jeune adulte ou subadulte, sont décelés. Les ceintures et les membres ne sont attestés que par un fragment de scapula et un fragment de diaphyse d’os long.

Cinq restes de caprinés proviennent du squelette appendicu-laire. Il s’agit d’un fragment d’humérus, de deux fragments de diaphyses de radius et de deux fragments de diaphyses de métapodes. Leur état de conservation ne permet pas de conclure quant à l’âge des individus impliqués. Parmi les sept restes den-taires, une M3 indique un adulte.

Les huit restes de suinés proviennent en majorité du squelette de la tête, avec l’angle d’une mandibule et des fragments den-taires isolés trop dégradés pour permettre l’estimation de l’âge d’abattage. La forme d’une canine montre la présence d’une femelle. Une phalange proximale non épiphysée permet de situer la mise à mort d’un porc vers 12 mois. Les données bio-métriques de la seconde phalange mettent en évidence avec cer-titude le porc et non pas le sanglier (annexe 2).

Trois fragments de bois de cerf sont à signaler. Ces trois élé-ments brûlés sont des déchets résultant probablement du travail de la matière animale. Le plus conséquent des trois est un fragment de pointe d’andouiller (7,7 g). Le deuxième est indéterminé (2,4 g). Le troisième présente un aspect poli sur une face (0,8 g).

3.2.10.4 Les ossements brûlés dans la zone de forge et ses structures

Parmi les 233 restes osseux mis au jour dans les structures des forges et leurs environs (structures La Tène B-C et couche archéologique B3.2 à dominante La Tène B-C, fig. 79), nous avons décelé 77 restes brûlés, soit 33 % du corpus. Ce taux très élevé (chap. 5.6.6) nous amène à évoquer un éventuel lien entre la présence d’ossements brûlés et l’activité de l’atelier métallurgique.

La connexion « ossements animaux – vestiges métallur-giques » apparaît souvent dans les travaux d’archéozoo-logie 38. Nous nous limiterons ici à constater prosaïquement que l’os brûle bien. Des travaux expérimentaux montrent que, pour entrer en combustion, l’os a besoin d’un apport d’énergie extérieur, sous forme de bois sec ou mi-sec (Théry-Parisot 2001, p. 110). Bien que l’os semble être un combus-tible à faible pouvoir calorifique en comparaison du bois sec, la durée de la combustion d’un foyer augmente lorsque les proportions d’os sont plus importantes que celles de bois. En effet, il semble que « L’os, qui est un matériau plus dense et moins aéré que le bois, se consume moins vite, de sorte que la durée de la combustion augmente significativement dans les foyers mixtes. Il est donc plus rentable, en termes de durée, d’introduire de l’os dans un foyer que de mettre un poids de bois équivalent » (p. 111). Il est cependant un très mauvais combustible pour un foyer dont la fonction serait la production de braises ardentes et durables : « C’est essentiellement la phase de productions de flammes qui bénéficie d’une augmentation de la durée » (p. 113-114). Il ne peut pas se substituer au bois, mais il semble que l’ajout d’ossements au bois mort puisse en pallier les défauts (p. 115) car « la combustion éclair du bois altéré peut être compensée par l’ajout d’ossements » (p. 142) et l’apport de « 2 kg d’os (dégage) autant d’énergie qu’un kilogramme de bois très sec » (p. 141). Il semble même que l’apport osseux puisse « contribuer à laisser une masse plus importante de résidus charbonneux à l’issue de la combustion » (p. 124). Il nous semble ici, qu’en plus d’une évidente volonté d’élimina-tion des déchets par le feu, il reste possible d’envisager le fait que

Fig. 84 Répartition anatomique des ossements de suinés retrouvés dans la fosse dépotoir 4. En grisé : ossements présents (squelette d’après Coutureau et al. 2003).

Atelier B Fosse dépotoir 4

les forgerons de Chevenez aient pu utiliser les propriétés intrin-sèques de l’os en tant que combustible afin, par exemple, de régler l’intensité des foyers, au gré de leurs besoins. Cependant, les multiples biais qui ont gouverné la constitution de l’assem-blage faunique nous empêchent de nous prononcer avec certi-tude à ce sujet (chap. 5.6.6).

3.2.10.5 La couche B-D3.2 dans la zone des bâtiments 2-3 et du paléochenal attenant

Il s’agit ici des vestiges osseux prélevés entre les bâtiments 2 et 3 et leur pourtour, ainsi que dans le paléochenal qui traverse cette zone.

Les restes (70) appartiennent en majorité aux couches B et D3.2 (très rarement aux intercouches B et D3.1/3.2). Il est convenu de considérer cet échantillon ostéologique comme laténien, et qu’une composante La Tène finale y est probablement la plus représentée. Les ossements de cet ensemble ont été déterminés pour le tiers d’entre eux (fig. 80).

Le poids moyen des restes de ce groupe est très faible (fig. 79). Il représente la moyenne la plus basse du corpus total de la combe. Le taux de restes non dentaires est lui aussi faible (fig. 79). Plus de huit restes sur dix montrent des surfaces osseuses dégradées et plus du tiers des fragments sont brûlés. L’ensemble de ces paramètres témoigne ici aussi de la destruction de l’échantillon faunique initial. Aux processus taphonomiques ante - et post-dépositionnels identifiés sur l’ensemble des aires ouvertes de ce site (os brûlés, remaniements hydrauliques) on ajoutera ici des