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3.3. Catégories d’analyse

3.3.4. Les relations de pouvoir

Le pouvoir est défini en tant que processus fondamental de la société exercé par des relations asymétriques qui permettent à un acteur d’influencer les autres (Goehler, 2000, Giddens, 1991). Il est exercé par la contrainte qui est basée sur la force et la construction de significations (le discours) comme des combinaisons de connaissances et de maniement de la langue. Il faut garder à l’esprit, cependant, qu’il n’y a jamais de pouvoir absolu et qu’il existe toujours la possibilité de résistance et de non-acceptation (Castells, 2009).

Figure 37. Relations de pouvoir asymétriques : l’acteur A influence l’acteur B (Elaboration propre)

Pour Luhmann (1995), le pouvoir est aussi un processus d’influence, où la communication influente se réfère à un coéquipier qui doit faire son choix. Ce pouvoir fait son travail de transmission, pour être en mesure d’influencer la sélection des actions (ou omissions) en face à d’autres possibilités. Le pouvoir est donc plus important s’il est capable de se maintenir, même en dépit d’alternatives intéressantes. Le pouvoir est considéré comme la communication guidée par le maniement du langage et des mots.

Les sociétés ne sont pas des communautés qui partagent des valeurs et des intérêts. Ce sont des structures contradictoires promulguées dans les conflits et les négociations entre différents acteurs sociaux opposés. Les conflits ne finissent jamais, ils sont tout simplement mis en pause

136 temporaire par des accords instables, lesquels sont devenus des institutions de domination (Castells, 2009).

C’est ainsi qu’une société démocratique ne peut plus se concevoir, comme l’assure Mouffe (2012), comme une société qui a fait le rêve d’une parfaite harmonie dans les relations sociales. La question principale de la politique démocratique n’est pas alors de comment éliminer le pouvoir mais de comment construire des formes qui sont compatibles avec les valeurs démocratiques.

Le pouvoir crée, par la suite, certaines significations (ou constructions de sens) et exclut les autres. Dans le discours, le pouvoir facilite certains modes de pensée et milite contre d’autres (Goverde, Philippe et Haugaard, 2000). Sans oublier que tout d’abord il y a toujours un contre- pouvoir qui existe dans les relations symétriques et asymétriques.

Internet apparaît comme un espace dans lequel les relations de pouvoir peuvent se produire de manière symétrique ou asymétrique et où toutes les tensions pour la construction de relations de pouvoir sont générées avec l’utilisation d’objets qui servent à organiser le monde, comme l’indique Winner (1985). Il convient de noter que l’invention, la conception et la préparation d’un instrument ou d’un système technique devient un moyen pour arriver à sa fin dans une communauté donnée. Dans certains cas, la conception et le développement d’artefacts impliquent des buts purement techniques autres que des utilisations immédiates. Un exemple pourrait être l’utilisation de cookies pour la conception de stratégies de campagne.

Sur le réseau, les politiciens ont tendance à utiliser des modèles de communication avec des stratégies de communication hiérarchiques au sein de quelques structures élitistes (Sampedro

et al, 2013). Il y a par exemple des cas où les campagnes ont réussi à mobiliser les citoyens, aux États-Unis et en Iran, en 2008 et 2009 respectivement (Attia et al, 2011). Cela peut-être dû à la puissance des citoyens qui étaient d’accord entre eux, ce qui leur permet d’agir de concert (Bañuelos, 2012).

Weber, qui est cité par Lukes (1986), affirme que le pouvoir est le fait que certains individus imposent leur volonté malgré la résistance d’autres personnes. Lukes ajoute une idée primordiale, absolument essentielle, de la réflexion sur le pouvoir : il (le pouvoir) est exercé lorsque A affecte B d’une manière contraire à son intérêt (l’intérêt de B).

Par ailleurs, Hannah Arendt, cité par Quelquejeu (2001), affirme que le pouvoir n’est pas un exercice pratiqué sur quelqu’un, mais entre des personnes. C’est un changement intéressant face aux théoriciens évoqués ci-dessus, lesquels parlent dans la plupart des cas du pouvoir pratiqué uniquement sur les personnes.

Quoi qu’il en soit, bien que les citoyens communiquent entre eux, cela ne se passe pas ainsi quand on parle de la participation de bas en haut. Ces réseaux socionumériques demeurent plus des outils d’informations que de participation (Mossberger et al, 2013). En fait, il n’est pas possible de garantir qu’Internet, par lui-même, rende les relations plus égalitaires (Nam, 2011).

Ainsi, l’exercice du pouvoir et la notion de domination dans les démocraties est également lié à l’évolution technologique, un changement auquel les élites s’adaptent facilement (Park, 2013) et où elles se localisent à nouveau afin de rester sur leurs lieux de pouvoir. Par exemple, pour les campagnes d’Obama en 2008 et 2012, beaucoup de temps et d’argent ont été investis

138 pour construire des bases de données sur les comportements et les préférences des citoyens afin de pouvoir prendre des décisions tactiques de campagne. Ces analyses ont été utilisées pour segmenter le public dans les moindres détails et pour convaincre les électeurs indécis. De plus, des artefacts ont été construits pour donner la perception aux électeurs qu’ils pouvaient changer les choses.

Une étude menée par D’Heer et Verdegem (2014) montre comment les politiciens, les médias et les citoyens communiquent le jour du scrutin. Le résultat est que les politiciens et les médias communiquent plus et restent interconnectés. Alors que les citoyens le font moins. La même chose est démontrée par une étude réalisée en Australie par Ausserhofer et Maireder où sont mis en évidence des liens plus étroits entre les acteurs établis tels que les politiciens, les journalistes et les experts.

De même, dans les élections américaines (2008) et en Iran (2009), il a été constaté que l’utilisation de dispositifs technologiques était un outil solide pour les gouvernements et les partis afin de mobiliser leurs partisans. Ainsi, des instruments comme Facebook, MySpace, Twitter et Youtube ont donné aux citoyens les moyens de faire partie du processus politique (Attia et al, 2011).

Quoi qu’il en soit, on ne peut ignorer que les élites et les gouvernements sont habitués à une communication centralisée à sens unique, comme souligné dans des études citées par Mossberger, Wu et Crawford (2013) et menée par Sccott qui conclut que les sites Web gouvernementaux sont conçus comme des outils de partage de l’information, mais pas de participation.

En fait, ces canaux de « participation » sont construits sur une seule voie. Une autre étude citée et réalisée par Holzer, Monoharan et Towers a révélé que seuls 11% des sites web des gouvernements locaux avait un mécanisme de participation citoyenne. Par ailleurs, la stratégie de représentation d’une seule voie est essentielle et les stratégies de réseau restent hypothétiques, comme le souligne l’étude de Mergels. D’autres analyses de Brainard et Derrick Mills et de Hand et Ching, indiquent que même si des compromis sont établis entre citoyens pour communiquer avec le gouvernement, c’est généralement une relation à sens unique : des citoyens vers le gouvernement.

Malgré le potentiel d’Internet pour offrir des possibilités de nouvelle participation et créer des relations plus symétriques, les résultats précédents ne montrent pas instantanément qu’il est un espace plus représentatif et plus égalitaire que les constructions traditionnelles de la sphère publique. En fait, les innovations technologiques peuvent rendre la participation dans la sphère publique plus pratique, mais pas forcément plus active. Et aussi il ne faut pas oublier que seule une partie de la population est en mesure de profiter des occasions de participer à la sphère publique en ligne. En fait, les espaces de participation en ligne peuvent parfois renforcer et exacerber les inégalités existantes dans la participation offline et marginaliser les groupes socio-économiques défavorisés (Nam, 2011).

En outre, Internet devient de plus en plus un outil de contrôle utilisé par les gouvernements pour suivre les démarches de chaque citoyen dans le réseau. En effet les gouvernements peuvent surveiller les citoyens, alors qu’ils pensent que sont eux qui surveillent le gouvernement (Rhue, Sundararajan, 2014).

140 contrôler des opinions individuelles. Les personnes peuvent alors influencer leurs amis, leurs voisins, leurs collègues, etc. tout dépend des liens qui existent entre eux (Jalili, 2012).