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3.3. Catégories d’analyse

3.3.3. Les relations démocratiques

Comme Sartori (2007 et 2010) le dit, si définir la démocratie consiste à expliquer ce que signifie le mot, le problème est résolu rapidement, il suffit de connaître un peu le grec. Le mot signifie littéralement pouvoir (kratos) du peuple (démos). Ainsi, bien que le terme démocratie lui-même ait été assez discrédité depuis des siècles, à partir du XIXe, il est devenu populaire et accepté pour trois raisons : 1) la démocratie est un principe de légitimité (consensus « vérifié » non présumé des citoyens), 2) c’est un système politique appelé à la résolution des problèmes d’exercice (et pas seulement de titulariat) du pouvoir et 3) la démocratie est un idéal.

Comme le montre Sartori (2010) en citant Schumpeter, « la méthode démocratique est le mécanisme institutionnel pour parvenir à des décisions politiques dans lesquelles certaines personnes acquièrent le pouvoir de décider au moyen d’une lutte concurrentielle pour le vote du peuple » (47).

126 Donc, la démocratie moderne n’est rien d’autre que l’ordre symbolique des relations sociales et est beaucoup plus qu’une simple « forme de gouvernement ». C’est une forme spécifique d’organisation politique de la coexistence humaine, qui se produit à la suite de l’articulation entre deux traditions différentes : un libéralisme politique (de l’État de droit, de la séparation des pouvoirs et des droits individuels) et, d’autre part, la tradition démocratique de la souveraineté populaire (Mouffe, 2012).

Pasquino (2011) différencie très à propos les démocraties libérales, dans lesquelles: 1) les droits civils et politiques sont reconnus et protégés, 2) la loi s’affirme et est respectée, 3) le pouvoir judiciaire est indépendant, de même que les autorités administratives, 4) une société pluraliste se développe et est animée avec des médias qui ne sont pas soumis au contrôle du gouvernement.

Les réseaux socionumériques apparaissent ainsi comme un espace dans lesquels peuvent être effectués différents types de connexions et interactions entre des personnes ayant un intérêt ou une préoccupation en commun (Costa et Piñero-Otero, 2012). Des relations qui deviennent clé si on prend en compte ce qui est mis en avant par Medina (2012) sur les démocraties médiatiques, celles où les citoyens sont remplacés par les médias, où le poids des campagnes électorales – et en général de tous les acteurs politiques –, repose sur les médias. « En la democracia actual quien tenga el poder de los medios de comunicación –y no de los medios de producción simplemente-, probablemente tendrá el poder político también86 » (pp. 125-

126).

86 Dans la démocratie actuelle qui a le pouvoir des médias, et non juste des moyens de production,

La démocratie numérique, pourrait-on dire, apparait comme une alternative pour améliorer la communication entre les politiciens et les électeurs (Bor, 2013). Avant Internet, il était impossible de penser à une communication bidirectionnelle et maintenant cela existe entre plusieurs groupes de personnes (Castells, 2009). Ainsi, ce type de communication, qui génère également un nouveau type de démocratie, permet un meilleur accès non seulement à l’information mais aussi à l’interaction. De toute façon, cette nouvelle communication ne vient pas de nulle part, elle a en effet besoin de l’intérêt et de la participation des politiciens, des médias et des citoyens intéressés.

Quoi qu’il en soit, on ne peut ignorer que le fait que les plateformes numériques soient facilement accessibles par certains citoyens puisse changer la perception des personnes en ce qui concerne la question de la participation et les amener à prendre des actions politiques (Gil de Zúñiga, Molyneux et Zheng, 2014).

Le problème ici est que lorsque les actions des citoyens n’ont pas d’impact sur l’Etat, le risque est d’obtenir des résultats qui ne sont que momentanés et, rétrospectivement, la participation peut apparaître aux citoyens comme illusoire car les coûts du travail collectif sont perçus comme plus importants que les bénéfices obtenus (Aguirre, 2014).

Quoi qu’il en soit, selon certaines études (Kruikemeier, 2014), les candidats qui ont utilisé Twitter pendant la campagne ont reçu plus de votes que ceux qui ne l’ont pas utilisé. Par ailleurs, Twitter, en tant qu’outil interactif, a également eu un impact positif. Ceci peut être vu par le fait que les nouveaux médias sont de plus en plus importants au cours des élections. Le potentiel d’Internet pour se connecter et mobiliser les électeurs donne aux politiciens la possibilité de se promouvoir et d’interagir avec l’électorat sans « ingérence » de la part des

128 journalistes. La seule chose est, comme indiqué dans l’article « Les politiciens utilisent Twitter principalement pour échanger des renseignements personnels » et ainsi, Twitter est utilisé comme un outil « d’autopromotion ».

En d’autres termes, comme le souligne Kruikemeier (2014), la présence dans les médias numériques tels que Twitter donne la sensation, à celui qui consomme l’information, que la personne qui communique est à proximité et peut se connecter à elle. Ce sentiment de proximité peut également augmenter la présence dans les réseaux sociaux et l’intérêt croissant au vote. Mais les politiciens doivent faire attention à ne pas trop parler de leur vie personnelle, car en cas d’abus, cela peut aussi être ressenti de manière négative par les électeurs et leur faire perdre leur crédibilité. En effet, se rendre compte que les politiciens parlent plus sur leur vie personnelle que sur des questions d’intérêt public, peut les faire apparaitre comme moins compétents. Ainsi, le juste équilibre doit être trouvé entre l’interaction qui est tout à fait positive dans une campagne, et l’autopromotion exagérée qui est perçue négativement.

Mais Twitter ne fonctionne pas seulement pour les politiciens, mais également pour les citoyens, car il leur offre la possibilité de devenir des leaders d’opinion, à condition qu’ils soient prêts à produire du contenu, avec des informations nouvelles, pour attirer l’attention du public (Godnov et Redek, 2014).

Sur ce point, la recherche intitulée #Ciberdemocracia a démontré que peu de citoyens sont prêts à créer du contenu, car comme il a été démontré pendant l’exercice de Recherche- Action Participative, quand il a été proposé aux intégrants du groupe de recherche de produire du contenu pour avoir un impact sur des agendas spécifiques, non seulement ils ne l’ont pas fait mais en plus ils ont réduit leur niveau de participation sur les réseaux socionumériques

(Gómez, 2014).

Tous ces nouveaux médias tels que les blogs, Facebook, Twitter, etc. changent la nature de la politique. Au final, le but des politiciens est de gagner l’élection et ces réseaux socionumériques permettent : 1) d’informer les électeurs de leurs valeurs (partagées), 2) d’informer / convaincre les électeurs que leur soutien et leurs actions peuvent résoudre des problèmes communs, 3) de faire en sorte que les intéressés soient impliqués dans l’organisation du parti et 4) d’obtenir un plus large soutien dans les actions politiques des candidats (Godnov et Redek, 2014).

Pour atteindre ces objectifs, les élites se sont adaptées rapidement en modifiant leurs espaces de communication (Bimber, 2014). En effet, si ces élites sont présentes sur des nouveaux réseaux ou médias, elles ne changent pas leur manière unidirectionnelle de communiquer. Le simple fait que les élites soient présentes sur ces nouveaux médias fait que les citoyens changent leur perception vis-à-vis de la communication politique et se sentent plus proches des politiciens. De même, il y a de grandes quantités d’informations générées sur le net et celles-ci sont également le résultat d’un intérêt politique (Moy et autres, 2012).

Les gouvernements utilisent des outils comme Internet pour discuter de leurs politiques, afin que ces gouvernements soient à leur tour perçus comme accessibles – puisqu’ils sont en ligne – et afin qu’ils soient joignables de différents endroits. Comme le souligne Mergel cité par Mossberger, Wu et Crawford (2013), au-delà de l’adoption, on peut distinguer parmi les gouvernements trois stratégies d’utilisation des médias sociaux : 1) la représentation, du point de vue de la présence sur de nombreuses plates-formes de médias sociaux, 2) l’engagement, considéré comme la demande faite aux citoyens de créer du contenu, et 3) le réseautage, où il

130 s’agit de construire des espaces de discussion entre les citoyens.

Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons ignorer que ces médias socionumériques, lesquels permettent la communication horizontale, permettent le pluralisme et la participation en donnant des pouvoirs extraordinaires (ou du moins la sensation de les avoir) aux individus afin de traiter l’information, comme le souligne Neuman, (cité par Skoric et Park, 2013; Sobkowicz, Kaschesky et Bouchard, 2012). Les technologies de la communication sont plus axées sur l’utilisateur et sont plus participatives, ce qui offre plus de choix et de souplesse que les précédentes générations de technologie. Elles offrent des possibilités de localisation, de personnalisation des contenus et des services de communication. Toutefois, il est important de noter ce que dit Bretschneider (Mostafa El-Masry et 2013), la perception des avantages est le facteur le plus important dans l’utilisation des services gouvernementaux électroniques.

En outre, en offrant aux citoyens un meilleur accès à différentes sources d’information, les nouvelles technologies augmentent la capacité du gouvernement de contrôler les citoyens. Mais en même temps, la communication horizontale protège les citoyens contre les abus du gouvernement et leur fournit un puissant moyen de mobilisation et d’organisation (Skoric et Park, 2013).

Et ici, lorsque l’on parle de l’E-gouvernement, il faut faire une allusion à la cyberdémocratie qui représente une extension de la démocratie dans le domaine des technologies de communication, et qui permet aux citoyens d’interagir avec le gouvernement comme s’il s’agissait de l’extension de leur engagement et de leur participation politique. Ainsi, cette participation est différente de ce qui est faisait à travers les canaux traditionnels (Mostafa et El-Masry et 2013). Sans oublier que ce sont les citoyens engagés dans l’activité offline qui

sont les plus disposés à participer on-line.

Comme déjà mentionné avec Internet et les médias socionumériques, les communications se font désormais de groupes à groupes et non plus d’une seule personne vers un groupe comme autrefois avec la radio, la télévision ou le journal, où la communication ne passait que dans un sens. Donc, maintenant n’importe qui peut être connecté et personne ne peut avoir le contrôle (Rhue, Sundararajan, 2014).

Internet facilite une communication peu coûteuse, immédiate et interactive entre des citoyens géographiquement éloignés, ce qui peut suggérer qu’avec le temps, l’accès numérique peut permettre la participation directe et l’élimination de gouvernements représentatifs (pas dans l’immédiat cependant). Mais de toute façon, il faut reconnaitre les résultats de plusieurs recherches qui suggèrent qu’au-delà de l’accès à l’information, la coordination, la transparence et la visibilité créées par les technologies mobiles, il est important de noter la capacité qu’a Internet de trouver, rassembler et diffuser l’information qui était inaccessible auparavant (Rhue, Sundararajan, 2014).

Les médias deviennent une institution vitale à la démocratie et fonctionnent comme le mécanisme central par lequel les citoyens apprennent et sont engagés dans le processus démocratique. Donc, les citoyens qui s’engagent avec les médias non seulement deviennent plus conscients de leur rôle dans la politique au quotidien, mais aussi ils acquièrent le sens qu’ils peuvent affecter le changement social (Corrigall-Brown, Wilkes, 2014).

Certains chercheurs ont émis l’hypothèse qu’Internet, avec son potentiel de mener de nouveaux citoyens dans le domaine de la politique, peut favoriser des discussions politiques et

132 donne la possibilité de communiquer et de s’exprimer. D’autres, cependant, suggèrent que la communication en ligne peut entraîner des « caisses de résonance » et une certaine fragmentation des citoyens en groupes homogènes (Hoffman et al, 2013). Selon les résultats, les deux scénarii peuvent se produire. Mais pour accéder au premier scénario, les citoyens doivent être véritablement engagés, en plus de connaitre et de s’intéresser au sujet. Le plus important est d’être capable de produire du contenu pertinent et intéressant pour influencer les agendas des médias traditionnels (Gómez, 2014).

La participation politique se présente, à travers des médias comme Twitter, en prenant en compte que les leaders d’opinion peuvent jouer un rôle crucial pour encourager les individus à participer au processus politique. Il faut garder à l’esprit que la participation s’entend ici comme un comportement qui cherche à influencer les politiques gouvernementales qui affectent la prise de décision, y compris les activités telles que le vote, le don d’argent, et les activités du parti. En plus de protestations, boycotts ou de l’achat de produits pour des raisons politiques (Park, 2013).

Pour y voir plus clairement, cela vaut la peine d’apporter l’exemple des soulèvements arabes qui ont commencé en 2011 et qui ont montré que la mondialisation technologique rendait inutiles les frontières officielles en permettant des relations virtuelles qui ont commencé à être monnaie courante, permettant de contacter n’importe quelle personne de n’importe quel endroit du monde sans avoir besoin de se déplacer. Les médias d’Etat ont été contrôlés dans les pays arabes par les gouvernements ou l’armée, et les réseaux sociaux et Internet n’ont pas seulement facilité la liberté d’information, mais aussi la liberté d’expression, d’opinion et d’association, même si elle était virtuelle. Internet et les réseaux sociaux ont été utiles au début des émeutes et lors du déroulement du conflit car ils ont permis de suivre l’évolution des faits

(Soengas, 2013; Olorunnisola et Martin, 2012).

On peut dire qu’Internet permet l’activisme mondial et augmente les répertoires d’actions collectives des mouvements sociaux. Un autre exemple est celui des indignés espagnols (mouvement 15M), dont l’action s’est propagé dans le monde entier en même temps que les mouvements de protestation sociale du printemps arabe (Novo et Vicente, 2013).

Avec des connexions à travers le temps et l’espace et la nature instantanée d’Internet, il est possible de s’engager dans des débats globaux. Par exemple, Twitter et les commentaires des pages d’opinion sont potentiellement démocratiques quelles que soient leurs formes. Mais on ne peut ignorer que des éléments tels que la crédibilité (au contraire de l’incrédibilité), la visibilité (au contraire de la dissimulation) et la présence (au contraire de l’absence) sont essentiels dans la construction de la démocratie dans tous les domaines, et les réseaux socionumériques peuvent influencer ces éléments (Jackson et Valentine, 2014; Kim, 2011).

En outre, les nouveaux médias sont devenus des outils importants lors des élections. Le potentiel d’Internet pour se connecter et mobiliser les électeurs donne aux politiciens l’occasion de se promouvoir et de communiquer de manière interactive avec l’électorat sans l’interférence des journalistes. En d’autres termes, la présence dans les réseaux sociaux crée le sentiment que la politique est à proximité et que l’on peut facilement se connecter à elle (Kruikemeier, 2014).

Internet, alors, permet d’autres changements dans la façon qu’ont les citoyens de l’utiliser. De plus, ce sont eux qui peuvent devenir des créateurs de contenu, cela stimule aussi le sentiment d’appartenance à un groupe particulier (Vesnic-Alujeric, 2012). Ainsi, les utilisateurs

134 consomment l’information et produisent des contenus (Berrocal et autres, 2014). Mais seulement dans certains contextes, les réseaux socionumériques peuvent élargir le débat démocratique en fonction du degré d’ouverture qu’ont les gouvernements dans le cadre du processus participatif et du dialogue (Velasco, 2013). Cela dépendra également dans quelle mesure les citoyens veulent être exposés à des points de vue différents des leurs (Kim, 2011).