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CHAPITRE V. MOTIVATIONS, CHOIX ET REPRÉSENTATIONS

1. Le choix du métier

1.1. Les raisons d’enseigner

La question du choix du métier des jeunes enseignants est essentielle pour étudier les représentations que se font les jeunes eux-mêmes de leur profession actuellement. Nous avons demandé à nos répondants de classifier les motivations1 qui les ont amenés à s’orienter vers cette carrière. Pour notre population (voir tableau 1.1.), les trois raisons principales sont l’intérêt de la transmission des connaissances (31,8%), l’amour de la discipline d’enseignement (29,4%) et le désir de s’occuper d’enfants ou de jeunes (20,6%)2. Les répondants ont ensuite établi une classification des autres motivations, à savoir l’exercice d’un métier de service public et le statut de fonctionnaire (7%), la possibilité de concilier vie privée et vie professionnelle (6,5%) puis le temps libre et les vacances (2,4%), l’autonomie dans le travail (1,2%), le salaire (0,6%) et, enfin, les perspectives de carrière (0,6%).

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Voir la question 14 du Questionnaire (Annexe).

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Selon les dernières enquêtes du DEP (Portrait des enseignants de collèges et lycées : enquête réalisée en mai-juin 2004) les raisons les plus fréquemment évoquées par les professeurs du secondaire sont « l’amour de la discipline d’enseignement », « le désir de s’occuper de jeunes » et « l’intérêt pour la transmission des connaissances ». Viennent ensuite « le salaire », « le statut » et « les conditions de travail », sans négliger « le temps libre », « les vacances » et « la compatibilité avec la vie de famille » (voir plus haut, Chapitre I).

Tableau 1.1. Les raisons d’enseigner

Les raisons d’enseigner N %

L’intérêt de la transmission des connaissances 54 31,8

L’amour de la discipline d’enseignement 50 29,4

Le désir de s’occuper d’enfants ou de jeunes 35 20,6 L’exercice d’un métier de service public et le statut de fonctionnaire 12 7 La possibilité de concilier vie privée et vie professionnelle 11 6,5

Le temps libre et les vacances 4 2,4

L’autonomie dans le travail 2 1,2

Le salaire 1 0,6

Les perspectives de carrière (0,6%) 1 0,6

Total 170 100

Le faible taux d’autonomie dans le travail semble réellement surprenant, étant donné que cette même raison est l’un des premiers avantages mentionnés par nos répondants3. Ce qui signifie que les futurs enseignants distinguent leurs motivations à enseigner et les avantages de l’enseignement. Par ailleurs, il semble que l’autonomie dans le travail constitue plutôt une réalité, ce qui est principalement confirmé durant la pratique de l’enseignement dans la classe.

En outre, selon Obin (2002 : 18), si la question du salaire et du temps libre est importante dans le choix du métier, il faut toutefois considérer ces critères comme complémentaires et bien différents. Les enquêtes confirment en effet que si les salaires restent peu attractifs (principalement pour les hommes), le temps libre et les vacances constituent des facteurs considérables d’attrait pour le métier. Le témoignage de Claire (24 ans, stagiaire en lettres classiques) est caractéristique en ce sens : après l’amour de la discipline et la transmission des connaissances, elle considère les autres avantages du métier comme également importants :

« Alors, il y a plusieurs raisons. C’est l’amour pour le grec et le latin... Du coup, j’ai

fait les prépas à la Sorbonne et j’ai préparé le concours pour le métier d’enseignement. En même temps, je donnais des cours particuliers. En fait, j’aime... j’aime beaucoup enseigner, j’aime transmettre. Ensuite, c’étaient les avantages du

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Chapitre V. Motivations, choix et représentations du métier et de ses évolutions

salaire et les vacances, le fait que c’est un métier qui permet d’avoir du temps libre par semaine et, bien évidemment, c’est la compatibilité avec la vie familiale, très importante pour les femmes. En gros, c’est ça ».

En ce qui concerne les perspectives de carrière, le faible taux se trouve justifié par le fait que ces mêmes candidats sont conscients du fait que le secteur de l’enseignement n’offre pas de perspectives de carrière en raison des structures fermées de l’Éducation nationale qui ne permettent pas une carrière enseignante4 sur la simple base de l’expérience professionnelle mais par la voie des concours de la fonction publique. En outre, en ce qui concerne les salaires, il y a très peu d’augmentation jusqu'en fin de carrière et les perspectives se révèlent très limitées. Elles concernent seulement des postes administratifs qui déconnectent les professeurs des élèves (par exemple, postes de chef d’établissement ou d’inspecteur pédagogique). C’est pourquoi les enseignants n’ont pas de grandes aspirations à une évolution durant leur carrière professorale (Duru-Bellat et Van Zanten, 1999, 156).

Les motivations du choix du métier en corrélation avec la discipline nous indiquent plus particulièrement les différences. Ainsi, les futurs professeurs de lettres et d’EPS5 mentionnent pour principale raison l’amour de la discipline d’enseignement,à un pourcentage de 39% pour ceux de lettres6 et à un taux plus élevé pour ceux d’EPS, soit 48,4%7. Les futurs enseignants en sciences physiques mentionnent quant à eux pour première motivation la transmission des connaissances (43,1%)8. On verra plus loin que les candidats en lettres sont fortement sensibilisés par la littérature (française ou gréco-latine), dont la nature influe généralement sur leur parcours, comme le révèlent d’autres études. Ainsi, Baumard (2009 : 49) indique que 57% des professeurs de lettres se sont orientés vers le métier pour étudier les auteurs dont la lecture les avaient fait vibrer. De même, l’éducation physique et

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En effet, il n’y a pas de vraie carrière dans le métier enseignant parce qu’elle consiste seulement en des avancées d’échelon.

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Ce qui est impressionnant, du fait qu’il s’agit d’une discipline « spécifique », différente des autres, en ce sens qu’elle n’est pas académique (voir p. 113-116).

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La seconde motivation des candidats en lettres est la transmission des connaissances (38,8%) et la troisième le désir de s’occuper d’enfants (23,9%).

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La deuxième motivation des candidats en EPS est le désir de s’occuper d’enfants (35,5%) et la troisième la transmission des connaissances (29%), ce qui se comprend fort bien du fait que l’approche de l’EPS est plus pédagogique que didactique. L’EPS n’est donc pas une discipline académique, mais une discipline physique et sportive avec des supports pédagogiques.

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La deuxième motivation des candidats en sciences physiques est l’amour de la discipline d’enseignement (25%) et la troisième le désir de s’occuper d’enfants (20,8%).

sportive constitue une partie intégrante de la vie des futurs enseignants en EPS9. Pour les futurs enseignants en physique-chimie, la discipline semble bien évidemment également jouer un rôle important, mais de manière plus pratique, à savoir celle de la transmission, et aussi de manière plus scientifique. Ce qui signifie que les professeurs de sciences physiques aiment exercer leur discipline.

De plus, en corrélation avec le statut des répondants (étudiant-stagiaire)10, les étudiants donnent comme première motivation, à des pourcentages équivalents, le désir de s’occuper d’enfants (28,8%) ainsi que l’amour de la discipline d’enseignement (28,8%), alors que les stagiaires mentionnent pour première motivation la transmission des connaissances (35,6%). Il est significatif que les chercheurs modernes constatent (voir chez Guibert, Lazuech et Rimbert 2008 : 219) qu’ « au fur et à mesure de l’installation dans la carrière, les savoirs disciplinaires et le contenu à transmettre prennent plus d’importance ». Il semble que les étudiants soient motivés par le métier pour des raisons plutôt idéalistes en ce qui concerne les relations avec les enfants et la discipline d’enseignement11. Les stagiaires qui ont pour motivation la transmission des connaissances semblent avoir une approche plus académique (culture disciplinaire très forte). Il faut cependant souligner que la majorité des stagiaires de notre enquête sont issus des sciences physiques (qui représentent 42,4% de la population totale). De ce fait, les candidats en physique- chimie qui ont pour première motivation la transmission des connaissances, comme nous l’avons mentionné, affectent les résultats totaux des stagiaires. Par conséquent, on peut penser que c’estla question des trois disciplines qui différencie davantage les résultats que le statut des répondants. Nos données statistiques coïncident avec nos données qualitatives pour la plupart des répondants. Rémi (sciences physiques), Maxime (STAPS) et Martine (lettres modernes) expriment clairement leur désir de transmettre des connaissances aux élèves :

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Voir Chapitre VI à propos de la culture sportive des candidats en EPS.

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En tant que variable indépendante.

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Ce résultat est d’une certaine manière en contradiction avec les données de l’enquête de la Société des agrégés de l’Université (2010), selon laquelle 63,9% des professeurs ayant plus de 30 ans d’ancienneté considèrent que le contact avec les élèves a eu un fort impact sur leur décision de devenir professeur contre 53,3% pour les professeurs les plus jeunes.

Chapitre V. Motivations, choix et représentations du métier et de ses évolutions

« Quand j’étais petit enfant au collège, les premières motivations pour devenir

enseignant étaient les vacances et le salaire. Mais, ça, ça a vite disparu. Aujourd’hui, ce qui me pousse vers le métier, c’est plutôt l’envie de transmettre des connaissances, de faire passer quelque chose » (Rémi, 23 ans, PLC2 de physique).

« C’est deux raisons qui se rejoignent, d’une part, la passion pour la discipline d’EPS, c'est-à-dire les sports en général, qui m’amène à m’inscrire en staps, et ensuite… le désir d’avoir un contact avec les enfants, avec les adolescents »

(Maxime, 24 ans, étudiant en STAPS).

« J’avais l’envie d’être en contact avec la littérature. Personnellement, au départ, je n’avais pas envie de devenir prof. De manière générale, le métier d’enseignant ne m’intéressait pas forcément. C’était la littérature surtout qui m’intéressait. Mais l’année dernière, j’avais un élève qui m’a donné envie de devenir prof, de transmettre des connaissances. J’ai hésité aussi entre plusieurs matières, mais c’était la littérature que j’ai choisie, j’étais motivée » (Martine, 21 ans, étudiante en lettres

modernes).

Il est important de prendre en considération dans l’étude de la question de la vocation l’âge exact du choix du métier. Nous avons examiné l’âge le plus représentatif à partir duquel les personnes de notre enquête avaient décidé de s’orienter vers le métier. Ainsi, 37,6% des futurs enseignants disent que c’est entre 19 et 25 ans qu’ils ont choisi ce métier, alors que 35,4% répondent que c’est entre 14 et 18 ans. Ces résultats indiquent qu’à l’université, principalement, les jeunes développent leur « projet professionnel » en vue de devenir enseignants. Il en ressort que l’université fonctionne pour eux comme une « propédeutique » à la préparation aux concours d’enseignement (Dubet, 1994 : 514). Pour les autres groupes d’âge, les taux sont plus faibles (6-13 ans : 15,9%, 26-30 ans : 8,3%, 31 et plus : 3%). Il est toutefois intéressant d’examiner à quelles disciplines correspondent ces âges. En corrélation avec la discipline12, les candidats en lettres semblent avoir décidé d’enseigner un peu plus tardivement que les professeurs des autres disciplines. Plus précisément, la plupart des futurs enseignants en lettres ont pris cette décision entre 19

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et 25 ans (44,9%). C’est dans ce groupe que nous relevons le seul taux qui correspond à l’âge de 31 ans et plus (7,5%), alors que ce phénomène n’apparaît pas dans les autres disciplines. Pour les futurs enseignants en EPS, c’est plutôt à l’âge de 14-18 ans (pour 61,3% d’entre eux) qu’ils ont décidé de faire une carrière d’enseignants. Enfin, pour ce qui est de cette question, les futurs enseignants en sciences physiques se situent entre l’âge de 14 et 30 ans (pour les 14-18 ans : 40,3% et pour les 19-25 ans : 39%). Il est à noter que ces pourcentages sont affectés dans notre enquête par la moyenne d’âge de chaque groupe13.