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EPS (Éducation physique et sportive)-Une discipline « spécifique »

CHAPITRE II. COMMENT LA SOCIOLOGIE A-T-ELLE PENSE LES

2. Description de l’échantillon

2.6. Les disciplines

2.6.3. EPS (Éducation physique et sportive)-Une discipline « spécifique »

À partir de 1975, en vertu de l’article 6 de la loi Mazeaud, la filière universitaire française, qui forme les futurs professionnels du secteur Sport, comme les professeurs d'EPS, est celle des Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). Ainsi, en remplacement d’une multiplicité de formations (IREPS, ENSEP, CREPS, INS)69, le cursus unique des STAPS est organisé en vue d’uniformiser les pratiques sportives et physiques dans le système de la formation initiale et de reconnaître l’égalité professionnelle des professeurs d’EPS avec leurs

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Le CAPES a été créé au début des années 1950 pour assurer le recrutement des professeurs enseignants en collèges et en lycées. Il se présente sous la forme d'un concours qui comprend des épreuves écrites et des épreuves orales.

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Le concours de l'agrégation de sciences physiques (pour les professeurs de physique et chimie) est destiné à l’enseignement dans les collèges, les lycées ou dans l'enseignement supérieur.

L'Agrégation externe est ouverte aux résidents français ou européens, titulaires d'un niveau bac + 5. Elle se décline en trois options : physique, chimie et physique appliquée. L'agrégation interne est réservée aux fonctionnaires pouvant justifier de cinq années d'ancienneté au service de l'État.

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Source : http://www.education.gouv.fr

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IREPS : Instituts régionaux d’Éducation physique et sportive, ENSEP : École Normale Supérieure d’Éducation Sportive, CREPS : Centres nationaux d’Éducation physique et sportive, INS : Institut national des Sports.

collègues. Ce cursus est désormais dispensé dans les Unités de formation et de recherche (UFR) STAPS des facultés70.

La création en 1977 de la licence STAPS71 a conduit à une série de réformes, à savoir celle du concours du CAPEPS (Certificat d’Aptitude à l’Enseignement de l’Éducation Physique et Sportive) pour le recrutement des titulaires d’une licence STAPS et, quelques années plus tard (1982), celle du concours d’agrégation externe d’EPS, ainsi que la création des DEA STAPS.

La discipline d’EPS s’est identifiée comme une discipline spécifique pour deux raisons. D’une part, il s’agit de la formation universitaire préprofessionnelle que reçoivent les futurs enseignants au cours de leur cursus universitaire. Ce type de formation rapproche les candidats enseignants d’EPS de la réalité du métier. Ils entrent ainsi à l’IUFM mieux préparés professionnellement que les candidats des autres disciplines. Plus spécifiquement, les STAPS comptent six filières72, mais la filière la plus représentative est celle d’ « éducation et motricité », qui permet d'accéder à l'IUFM, de même qu’à certains masters, aux concours du CAPEPS et de l’agrégation. La formation Éducation et Motricité contribue à former des professeurs d’EPS afin qu’ils puissent s’adapter au milieu professionnel scolaire et amener leurs élèves à des situations d’apprentissage.

Toutefois, on observe un certain discrédit de la discipline d’EPS par rapport aux autres disciplines, en raison des situations particulières que la discipline a connue historiquement jusqu’au moment où elle a été officiellement reconnue par le ministère de l’Éducation nationale73. Cette « stigmatisation » de l’EPS existe en raison d’une mosaïque de différentes générations enseignantes formées à différentes cursus, qui se trouvent encore en poste. C’est pourquoi ce groupe professionnel est caractérisé par les enseignants des autres disciplines, les parents, les élèves et les autres acteurs éducatifs-politiques simplement comme « professeurs de gymnastique ou de sport »

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Depuis la loi SAVARY (1984), les UFR STAPS sont désormais les seules structures assurant la préparation aux CAPEPS.

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La création de STAPS a donné lieu à une polémique entre la culture des STAPS et la culture d’EPS. Elle a suscité un conflit sur l’EPS entre les enseignants chercheurs des STAPS et les didacticiens. Plus précisément, l’identité professionnelle du futur enseignant évolue vers une culture généraliste et discursive STAPS aux dépens d’une culture plus professionnelle et pratique EPS (voir Jelen, 2009 : 57- 58).

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1) Éducation et motricité, 2) Entraînement, 3) Activités physiques adaptées et Santé, 4) Management, 6) Ergonomie.

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Il est à noter qu’entre 1966 et 1981, les enseignants d’EPS étaient sous la tutelle de la Jeunesse et des Sports. À partir de 1981, à la suite de l’intégration de la discipline dans le ministère de l’Éducation, tous les élèves bénéficient d’un enseignement d’EPS sur la base d’horaires obligatoires (Jelen, 2009 : 43-49).

Chapitre IV. Présentation de la recherche et description de l’échantillon

(voir Guibert, Lazuech et Rimbert, 2008 : 26-27 & Jelen, 2009 : 29). En particulier, comme l’indiquent les dossiers de DEPP (« Être professeur d’éducation physique et

sportive en 2009 »)74, parmi les enseignants d’EPS, 41% ont « le sentiment que les parents ne comprennent pas les valeurs éducatives de leur discipline ». Il semble également que, du fait de cette stigmatisation, ils se trouvent confrontés à des problèmes au sein de l’institution. 71% des enseignants ont « le sentiment qu'on leur demande d'en faire beaucoup plus sans contrepartie » et 47% d’entre eux n'ont pas « le sentiment que les corps d'inspection pédagogique sont à l'écoute de leurs demandes ».

Du point de vue des enseignants d’EPS, selon la même recherche de DEPP, plus de 9 professeurs d’EPS sur 10 considèrent que leur discipline est singulière par rapport aux autres disciplines pour trois raisons principales. Tout d’abord, l’impression éprouvée par leurs collègues que le corps est l’outil principal de travail enseignant d’EPS. Ensuite, le sentiment « d'exercer un métier où les risques personnels physiques sont plus importants que pour les autres disciplines ». Enfin, « le sentiment d'exercer un métier où les risques encourus par les élèves sont plus importants que pour les autres disciplines ».

C’est en raison de l’histoire particulière du parcours d’EPS que la discipline d’EPS est spécifique au domaine éducatif. C’est pourquoi l’histoire de la discipline et de ses professionnels (autre spécificité d’EPS75) constitue une épreuve d’admission au concours de recrutement du CAPEPS (L’histoire d’EPS et ses composantes, Écrit 1). Les candidats en EPS acquièrent ainsi des savoirs sur l’histoire de leur discipline en construisant une culture collective forte.

Une autre particularité d’EPS est la circulation de la revue EPS, créée en 195076 en vue de diffuser une conception éducative du sport à un grand nombre d’enseignants d’EPS.

Cependant, même si les étudiants en STAPS sont institutionnellement privilégiés par rapport aux candidats des autres disciplines en ce qui concerne leur formation préprofessionnelle, le nombre de postes offerts au CAPEPS et à

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Voir p. 46-50, Chapitre : L’EPS, une discipline singulière ?

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En effet, dans les autres disciplines d’enseignement, les épreuves écrites sont basées sur des connaissances disciplinaires relatives aux programmes d’enseignement collège/lycée, et non pas sur l’histoire de leur discipline (voir Jelen, 2009 : 59-60).

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Décret du 25 mai 1950. Initialement, dans les années cinquante, la majorité des rédacteurs étaient des formateurs de l’ENSEP et les auteurs étaient partisans d’un enseignement sportif.

l’agrégation demeure limité. Plus analytiquement77 pour les CAPEPS externes, alors que 1 330 postes étaient offerts en 2003, les chiffres baissent, passant à 400 postes pour l’année 2009, 450 postes pour l’année 2010 et 560 postes (soit une augmentation de + 25%) pour 2011. De même, pour l’agrégation externe, alors qu’en 2003, les postes offerts étaient au nombre de 40, pour l’année 2009, il y avait seulement 15 postes, contre 18 postes pour l’année 2010 et 18 postes également en 2011.

Entre temps, à partir de 2010, tous les étudiants licenciésont la possibilité de préparer les concours aux métiers de l’enseignement au sein de certaines universités, à condition d’être inscrits à un master 2. Les candidats au CAPES peuvent préparer le concours dans un IUFM, mais pas nécessairement. Ils peuvent également le passer concours en candidat libre ou suivre des cours par correspondance au CNED (Centre National d’Enseignement à Distance). Le master est obligatoire pour participer au concours depuis 2009-2010 (il est indispensable d’être inscrit en seconde année de master-M2)78.

Conclusion du Chapitre IV

Dans ce troisième chapitre, nous avons présenté les caractéristiques de notre recherche (la méthodologie et le terrain) et nous avons décrit notre échantillon en ce qui concerne l’identité des répondants, leurs parents, leurs études, leur expérience professionnelle et leur discipline. En premier lieu, nous avons vu que notre enquête s’adressait majoritairement à une population jeune, âgée de 21 à 25 ans (70%). Au cours de notre analyse, nous avons pu confirmer notre hypothèse que les jeunes enseignants appartenaient aux classes supérieures et moyennes, étant donné que les pères de 42,9% d’entre eux exercent un métier qui appartient à la catégorie des cadres et des professions intellectuelles supérieures. Notamment, la catégorie des cadres et des professions intellectuelles supérieures concerne près de la moitié de la population de chaque discipline. Cependant, le taux le plus élevé s’observe pour les candidats en lettres, ce qui est conforme aux recherches récentes.Nous avons également vu que les femmes sont d’origine plus bourgeoise que les hommes dans le métier d’enseignement. Il s’agit là d’un résultat significatif qui nous amènera, dans la suite

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Source : http://www.education.gouv.fr/cid4605/postes-offerts.html

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À la suite de la réforme de la masterisation en juin 2009, l’année 2010 a constitué une année de transition. De ce fait, la session devait rester identique dans son déroulement aux sessions précédentes.

Chapitre IV. Présentation de la recherche et description de l’échantillon

de notre analyse, à étudier une adaptation au métier différente chez les femmes et chez les hommes. De plus, en ce qui concerne le niveau d’études des parents, la majorité des futurs enseignants ont un père et une mère de niveau de formation supérieur (42,4% pour les pères et 42,2% pour les mères). Le diplôme du père en corrélation avec la discipline des futurs enseignants a cependant révélé des écarts significatifs Les pères qui possédaient un diplôme de l’enseignement supérieur ont plus souvent des enfants enseignants en lettres que dans d’autres disciplines, alors que les pères qui ne possèdent aucun diplôme ont plus souvent des enfants enseignants en sciences physiques que dans les autres disciplines.

Par ailleurs, en ce qui concerne le niveau de formation des jeunes enseignants, nous avons vu que le niveau master 1 est plutôt une caractéristique des femmes que des hommes. Les hommes ont le plus souvent une licence comme diplôme le plus élevé. De même, nous avons vu que les candidats en lettres avaient effectué un meilleur parcours scolaire (mention au bac) et qu’ils étaient titulaires d’un master 1 ou d’un master 2. Ce qui pourrait également être interprété comme une tendance des parents issus des classes supérieures (voir plus haut) à inciter leurs enfants à s’orienter vers les lettres. Nous observons donc chez les candidats en lettres une certaine « hérédité » socioculturelle, alors que les candidats en sciences physiques ont plutôt un niveau licence, ce qui peut s’expliquer par leur origine sociale et ce qui révèle également la tendance des candidats en sciences physiques à se diriger vers le métier d’enseignement sans avoir acquis de diplômes très élevés. En revanche, les hommes ont statistiquement plus de chances d’obtenir un doctorat que les femmes, ce qui signifie que la recherche dans le domaine scientifique de l’enseignement est plutôt privilégiée par certains hommes, notamment dans les sciences physiques.

En examinant l’expérience professionnelle antérieure des futurs enseignants, nous avons démontré que près de la moitié des répondants avaient fait des petits boulots durant la période de leur vie étudiante. Cette situation concerne plus particulièrement les candidats en EPS, qui travaillent aussi dans d’autres domaines professionnels.

CHAPITRE V

MOTIVATIONS, CHOIX ET REPRÉSENTATIONS DU MÉTIER ET DE SES ÉVOLUTIONS

Le choix du métier d’enseignant s’effectue dès l’école primaire, le collège ou le lycée, mais principalement au cours ou à la fin des études supérieures. Pour la majorité des futurs enseignants, certaines personnes (notamment les parents ou les professeurs) ont joué un rôle, dans un passé proche ou éloigné, en ce qui concerne leur choix de devenir enseignants.

Dans le domaine universitaire, il faut prendre en compte les différentes structures sociales, familiales et scolaires « qui, inégalement, préparent l’accès au métier » et, dans un second temps, « décrire la manière dont les individus négocient, évaluent et justifient, à différents moments de la carrière, leur inscription individuelle et professionnelle dans l’enseignement » (Périer, 2004 : 81). L’offre universitaire valorise plus ou moins, selon ses traditions et ses opportunités, la dimension intellectuelle, professionnelle et critique des études (voir Dubet, 1994). Les étudiants considèrent leur formation comme un élément nécessaire à la préparation aux concours tels que ceux des IUFM. Selon Dubet (1994), si l’expérience estudiantine ne se stabilise jamais, elle doit cependant être conçue comme un travail de l’acteur, bien plus que comme un rôle (du fait que certains étudiants sont mal orientés, sans intégration, sans projet, sans vocation et sans attentes en ce qui concerne leur expérience à l’université).

S’intéresser aux motivations qui ont amené les jeunes de notre enquête à se tourner vers l’enseignement nous permettra d’examiner plus spécifiquement la question du choix du métier ainsi que les circonstances exactes de leur décision. C’est pourquoi il sera intéressant, dans ce chapitre, de comparer les résultats obtenus avec les recherches précédentes et de nous intéresser à la question de la vocation du métier chez les jeunes d’aujourd’hui. Nous tenterons également de préciser quels sont les avantages et les inconvénients du métier d’enseignement à partir des témoignages des futurs enseignants. Nous pourrons ainsi mieux comprendre leurs conceptions générales, leurs difficultés et leurs attentes par rapport au métier. À ce propos, nous mettrons en évidence les contraintes du travail enseignant, comme nous l’avons indiqué dans notre partie théorique, ainsi que les risques d’un malaise du jeune