• Aucun résultat trouvé

La situation socioprofessionnelle des parents

CHAPITRE II. COMMENT LA SOCIOLOGIE A-T-ELLE PENSE LES

2. Description de l’échantillon

2.2. Les parents

2.2.1. La situation socioprofessionnelle des parents

L’échelle des catégories sociales que nous avons adoptée selon la profession des parents correspond à la nomenclature des Professions et des catégories socioprofessionnelles (PCS)28 établie par l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). Plus précisément, la majorité des pères29 exercent un métier

28

L’Insee a mis en place à partir de 1982 la nomenclature des professions et des catégories socioprofessionnelles (PCS), qui compte huit groupes socioprofessionnels (1. les agriculteurs exploitants : secteur primaire, 2. les artisans, commerçants et chefs d’entreprises, 3. les cadres, professions intellectuelles supérieures, 4. les professions intermédiaires, 5. les employés, 6. les ouvriers, 7. les retraités, 8. les autres personnes sans activité professionnelle) divisibles en 42 catégories socioprofessionnelles. Dans notre enquête, nous avons utilisé les six premiers groupes en ajoutant une septième catégorie : ceux qui n’ont jamais travaillé. À partir de 2002, l’Insee a mis à jour la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles selon les classes sociales. Selon Marx et Weber, les huit catégories mentionnées constituent bien des classes « en soi », c'est-à-dire qu'elles regroupent des individus présentant les mêmes caractéristiques objectives, les mêmes intérêts, en opposition avec ceux des autres classes, mais ne sont pas des classes « pour soi », c'est-à-dire une classe dont les membres auraient la conscience de cette communauté d'intérêts, de caractéristiques, bref, une conscience d'appartenance, qui se traduirait par l'existence d'institutions représentatives (syndicats, parti, lobby, etc.).

29

Voir la sous-note du livre de Guibert, Lajuech et Rimbert, « Enseignants débutants », 2008 : 13, pour l’enquête de l’Insee en 2002, selon laquelle 19% des enseignants avaient un père agriculteur ou commerçant, 21% un père cadre, 22% un père exerçant une profession intermédiaire, 16% un père employé et 22% un père ouvrier.

qui appartient à la catégorie des cadres et des professions intellectuelles supérieures (42,9%). Selon l’Insee, cette catégorie socioprofessionnelle rassemble des salariés qui mettent en application des connaissances approfondies dans les sciences exactes ou humaines concernant des activités de recherche, d’enseignement ou de santé. Par conséquent, elle comprend tous les enseignants certifiés qui exercent une profession spécifique dans l’enseignement, à savoir les enseignants du supérieur et une partie des enseignants du secondaire, de même que les cadres de l’enseignement (personnels de direction des établissements secondaires ou supérieurs, inspecteurs, conseillers pédagogiques ou professionnels, psychologues scolaires), la recherche publique, les médecins et les pharmaciens sans activité libérale. Ce résultat rejoint les recherches récentes30 menées sur d’autres échantillons également composés de nouveaux enseignants (voir Baumard, 2009 : 36-37), selon lesquelles 20% des jeunes de moins

de 32 ans ont au moins un parent enseignant, contre 9% de ceux ayant 49 ans et plus. On constate également (chez Baumard) parmi les jeunes la présence la plus forte d’un père cadre supérieur (19%) par rapport aux 49 ans et plus (10%). Ce qui pourrait constituer une indication du fait que le métier s’embourgeoise de plus en plus (voir plus loin pour les parents-enseignants). Toutefois, selon Baumard (2009 : 67), cet embourgeoisement ne concerne pas seulement le secteur des enseignants. Il s’agit d’un phénomène qui a trait à toute la société française. Notamment, le taux des enfants de cadres est plus élevé aujourd’hui qu’auparavant. Ainsi, Baumard soutient qu’il n’y a pas plus d’embourgeoisement à l’Éducation nationale qu’ailleurs, mais que c’est un secteur dans lequel cette mutation sociologique possède un impact important. Notamment, selon Chauvel (2004 : 60), la pyramide des revenus a réellement connu une mutation et les catégories proches de la moyenne se sont largement accrues en nombre et en homogénéité31.

Vient ensuite dans notre enquête la catégorie socioprofessionnelle des professions intermédiaires (20,9%) regroupe ceux qui travaillent dans l’enseignement

30

Périer (2004) note une augmentation, depuis quatre décennies, de la part des enseignants issus des catégories socioprofessionnelles moyennes et supérieures (cadres, professions intellectuelles supérieures et professions intermédiaires). En particulier, il observe une surreprésentation des jeunes enseignants issus de familles ayant au moins un parent enseignant (ou membre de la fonction publique ou parapublique).

31

« Pour autant, le problème est que ces changements ont eu lieu et ne semblent plus réellement se prolonger, mettant en évidence depuis deux décennies une société française marquée par une stabilisation voire un renouveau de ses inégalités et des rapports sociaux qui les sous-tendent (d’autres parlent de restructuration, de ¨demoyennisation¨, voire de ¨restratification¨) » (Chauvel, 2004 : 60).

Chapitre IV. Présentation de la recherche et description de l’échantillon

(comme instituteurs), dans la santé (comme infirmiers) et dans le social (comme assistants sociaux) ainsi que dans les professions intermédiaires administratives et commerciales des entreprises. Plus de la moitié des membres du groupe ont au moins le bac. Cette catégorie est suivie de la catégorie des employés de la fonction publique, administratifs dans le secteur des entreprises et dans le commerce (15,3%). Cependant, il ne faut pas négliger le taux de la catégorie des ouvriers qualifiés ou non qualifiés (10,4%). Deauvieau (2005) met notamment en évidence dans son analyse une augmentation progressive de la tendance des enfants de milieux populaires à se diriger vers le professorat dans l’enseignement secondaire. Deauvieau explique cette tendance par le fait que les étudiants issus des milieux populaires ne disposent pas de ressources suffisantes pour leur insertion professionnelle et qu’ils envisagent donc le concours comme une voie possible vers leur recrutement. Jellab (2006) constate également que « devenir enseignant » est fortement identifié à une promotion sociale pour ceux qui proviennent du milieu employé ou ouvrier.

Viennent ensuite les dernières catégories minoritaires : celles des artisans, des commerçants et chefs d’entreprises (8%) et des agriculteurs (2,5%). Cependant, Chapoulie (1987 : 357) constate que, parmi le petit nombre de professeurs issus de familles d’ouvriers ou d’agriculteurs, nous pourrions observer que leurs familles ont assez des différences de l’ensemble de celles appartenant à ces catégories. Il en résulte que leurs enfants ont poursuivi des études longues, ce qui apparaît fort éloigné d’une approche déterministe.

Si l’on constate bien évidemment des différences par rapport aux études plus anciennes, les étudiants-futurs enseignantssont toujours issus des classes supérieures et des couches supérieures des classes moyennes. Notamment, selon l’étude de Charles et Clément (1997 : 40), la proportion des futurs enseignants dont le père appartient à la catégorie des cadres et des professions intellectuelles supérieures ou à celle des professions intermédiaires, est respectivement de 29,5% et de 30,9%. Par ailleurs, la proportion de ceux dont le père est employé, artisan-commerçant, agriculteur ou ouvrier est respectivement de 11%, 8,3%, 2,7% et 17,6%.

2.2.2. La CSP des parents en corrélation avec la discipline et le sexe des futurs enseignants

Tableau 2.4. Discipline des futurs enseignants selon la CSP du père.

Lettres EPS Sciences physiques Total

CSP du père Ν % Ν % Ν % Ν % Agriculteur 0 0 1 25 3 75 4 100 Artisan, commerçant 7 53,8 2 15,4 4 30,8 13 100 Cadre 32 45,7 12 17,1 26 37,1 70 100 Professions intermédiaires 16 47,1 5 14,7 13 38,2 34 100 Employé 5 20 9 36 11 44 25 100 Ouvrier 5 29,4 1 5,9 11 64,7 17 100 Total 65 39,9 30 18,4 68 41,7 16332100

Si nous examinons également la corrélation entre les PCS et la discipline des répondants (voir Tableau 2.4.), nous ne relevons pas d’écarts significatifs. Il s’agit des caractéristiques homogènes des enseignants du secondaire, hormis quelques exceptions. En particulier, la catégorie des cadres et des professions intellectuelles supérieures concerne près de la moitié de la population de chaque discipline, soit 49,2% pour les lettres, 40% pour l’EPS et 38,2% pour les sciences physiques. Le taux le plus élevé concerne les candidats en lettres, ce qui est conforme aux recherches (voir Grignon et Gruel, 1999 : 23) selon lesquelles les études littéraires sont généralement plus sélectives socialement que les études de sciences physiques. Toutefois, il faut également noter que la catégorie des artisans, des commerçants et des chefs d’entreprise est de 10,8% pour les enseignants des lettres, contre 6,7% pour l’EPS et 5,9% pour les sciences physiques. Nous pouvons probablement repérer un écart entre le taux des enseignants de lettres et les faibles taux des autres enseignants, dont les parents sont issus de cette catégorie socioprofessionnelle. Enfin, pour la catégorie des ouvriers, on en dénombre 7,7% en lettres, 3,3% en EPS et 16,2% en sciences physiques. Nous observons ici un écart significatif entre les enseignants de

32

Chapitre IV. Présentation de la recherche et description de l’échantillon

sciences physiques et les autres enseignants, dont les parents viennent de la catégorie des ouvriers. En ce qui concerne le niveau de formation des parents, nous montrerons plus loin que les pères sans aucun diplôme ont davantage tendance à avoir des enfants enseignants candidats en sciences physiques (62,5%) que dans les autres disciplines (lettres : 25% et EPS : 12,5%).

La profession du père en corrélation avec le sexe33 nous permet aussi d’observer des différences entre les femmes et les hommes. En particulier, on observe que même si la plupart des enseignants (42,9%) sont issus de parents appartenant à la catégorie des cadres et des professions intellectuelles supérieures, on constate que les hommes, en proportion, sont plus souvent issus que les femmes des couches sociales à faible capital culturel, à savoir les pères agriculteurs, employés et ouvriers. Plus analytiquement, 18,3% des hommes contre 13% des femmes ont des pères employés, 14,1% des hommes contre des 7,6% des femmes ont des pères ouvriers et 4,2% des hommes contre 1,1% des femmes ont des pères agriculteurs. En revanche, 44,6% des femmes contre 40,8% des hommes ont des pères cadres. De même, selon l’étude réalisée par Charles et Clément (1997 : 40), les femmes sont plus souvent que les hommes issus des classes supérieures. Ce qui signifie que, dans le métier de l’enseignement, les femmes sont d’origine plus bourgeoise que les hommes. Cependant, selon les travaux de Guibert, Lazuech et Rimbert, les enseignants qui proviennent d’origine populaire34 se révèlent généralement plus aptes au métier et éprouvent davantage de satisfaction durant l’exercice de leur métier que ceux des classes supérieures35 .

Par ailleurs, en ce qui concerne la situation professionnelle des mères, nous observons des taux des catégories professionnelles plus modérésque ceux des pères, mais il va de soi qu’un certain nombre de femmes n’ont jamais travaillé (16,4%). Toutefois, la catégorie des cadres et des professions intellectuelles supérieures constitue encore la majorité (26,1%), avec un faible écart par rapport à la catégorie des professions intermédiaires (25,5%) et celle des employés (22,4%).

33

x2: 6, p:0,3 (p>.0,05).

34

Plus spécifiquement, dans notre enquête, il semble que les plus satisfaits soient les candidats qui appartiennent à des familles d’agriculteurs ou d’artisans. Alors que 17,6% de ceux dont le père est employé dans la fonction publique et 15% de ceux dont le père appartient à la catégorie socioprofessionnelle des professions intermédiaires se déclarent être déçus.

35

2.2.3. Le niveau éducatif des parents

Il serait aussi intéressant d’examiner le niveau de formation des parents de nos répondants pour déterminer l’influence possible des premiers dans le choix du métier des derniers. Conformément aux résultats mentionnés par rapport aux PCS, la majorité des futurs enseignants ont un père et une mère possédant un niveau de formation supérieure (42,4% pour les pères et 42,2% pour les mères). Il faut posséder au moins un diplôme universitaire pour appartenir à la catégorie socioprofessionnelle des cadres et des professions intellectuelles supérieures. De plus, il est à noter qu’un taux important de répondants ont des parents non diplômés, soit 24,2% pour les pères et un peu plus élevé 27,7% pour les mères. Ce qui confirme le constat de Jellab (voir plus haut, p. 95). Ces individus suivent les parents qui ont un diplôme d’enseignement général (17% pour les pères et 18,7% pour les mères). Enfin, les parents diplômés de l’enseignement technique représentent les pourcentages les plus faibles (soit un pourcentage de 16,3% pour les pères et un pourcentage plus modéré de 11,4% pour les mères).

En outre, des écarts statistiquement significatifs36 apparaissent dans la corrélation entre le diplôme du père et la discipline choisie par les futurs enseignants (voir tableau 2.5.). Plus spécifiquement, les pères titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur exercent plutôt une influence sur ceux qui veulent devenir enseignants en lettres (52,9%) que ceux des autres disciplines (EPS : 15,7%, sciences physiques : 31,4%). En revanche, les pères sans aucun diplôme ont tendance à avoir des enfants enseignants candidats davantage en sciences physiques (62,5%) que les autres disciplines (lettres : 25%, EPS : 12,5%). De même, les pères titulaires d’un diplôme de l’enseignement général exercent une moindre influence sur les enfants qui souhaitent devenir enseignants en lettres (28,6%) et en EPS (28,6%) que sur ceux qui veulent faire une carrière en sciences physiques (42,9%). Toutefois, d’après nos résultats, il semble que le diplôme du père n’influe pas de manière significative sur ceux qui veulent devenir enseignants en EPS (parmi la population des futurs enseignants en EPS, leurs représentations, selon le niveau de formation, de leurs pères est analytiquement le suivant : 16,7% pour des pères non diplômés, 26,7% pour des pères diplômés de l’enseignement général, 36,7% pour des pères diplômés de

36

Chapitre IV. Présentation de la recherche et description de l’échantillon

l’enseignement supérieur et, enfin, 20% pour des pères diplômés de l’enseignement technique).

Tableau 2.5. Discipline des futurs enseignants selon le diplôme du père

Lettres EPS Sciences physiques Total

Diplôme de la mère Ν % Ν % Ν % Ν % Aucun diplôme 10 25 5 12,5 25 62,5 40 100 Enseignement général 8 28,6 8 28,6 12 42,9 28 100 Enseignement supérieur 37 52,9 11 15,7 22 31,4 70 100 Enseignement technique 11 40,7 6 22,2 10 37 27 100 Total 66 40 30 18,2 69 41,8 16537 100

De plus, si nous observons la corrélation entre le diplôme de la mère et la discipline d’étude des jeunes enseignants (voir tableau 2.6.)38, nous verrons également que les mères d’un niveau de formation supérieure influencent davantage les enfants qui souhaitent devenir enseignants en lettres (48,6%) que ceux des autres disciplines (sciences physiques : 32,9%, EPS : 18,6%).

Tableau 2.6. Discipline des futurs enseignants selon le diplôme de la mère

Lettres EPS Sciences physiques Total

Diplôme de la mère Ν % Ν % Ν % Ν % Aucun diplôme 15 32,6 9 19,6 22 47,8 46 100 Enseignement général 10 32,3 5 16,1 16 51,6 31 100 Enseignement supérieur 34 48,6 13 18,6 23 32,9 70 100 Enseignement technique 7 36,8 4 21,1 8 42,1 19 100 Total 66 39,8 31 18,7 69 41,6 16639 100 37

Cinque personnes n’ont pas répondu.

38

Pas des écarts significatifs : x2=5,1, df : 6, p : 0,5

39