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Chapitre 4 : Des limites des techniques traditionnelles de prévention du VIH/sida aux

4.1. Les problèmes d’appropriation des messages

Les campagnes de communication peuvent être définies comme « l’étude et l’utilisation de

stratégies de communications interpersonnelles, organisationnelles et médiatiques visant à

informer et à influencer les décisions individuelles et collectives propices à l’amélioration de

la santé » (Renaud, de Sotelo, 2007 ; p. 32). Dans la littérature visitée,

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Paiecheler (2002) plante le décor des campagnes de la prévention du sida de manière

générale en ayant analysé la question sous l’angle de la communication et du rôle qu’elle a

joué en direction du public. Elle précise d’abord l’intérêt des actions menées par les

associations, les mouvements d’homosexuels et les pouvoirs publics sans oublier de relater

les moyens de diffusion médiatique à travers les médias spécifiques telles « la presse gay, la

presse de rue ». Des séances d’information et de communication se déroulaient même sur les

espaces publiques comme « les plages, les festivals, les lieux de rencontres des homosexuels,

les lieux associatifs pour les toxicomanes, les populations ordinaires des pays endémiques ».

Dans son approche, les grandes dates qui ont marqué l’entrée officielle du gouvernement

français dans la communication publique au sujet du sida à travers le personnage du ministre

de la santé qu’elle met en rapport avec l’affaire du sang contaminé en 1989, ont été très

significatives. Dans la même mouvance, la création des structures de riposte à savoir la

CFES, l’AFLS, l’ANRS dont nous avons déjà évoqué les rôles plus haut est devenue

nécessaire, car le sida est devenu une priorité dans les discours de politique publique sur la

santé à l’image des « campagnes contre l’alcoolisme et le tabagisme » par suite de la hausse

des décès enregistrés même si on note « une conviction très modérée » dans les politiques

publiques.

4.1.1. Un recours aux médias

Toutefois, la prévention se développe davantage dans les médias de masse pour empêcher la

progression de l’épidémie, la discrimination et la stigmatisation souvent faite aux malades.

Beaucoup de personnes tiennent leur information de cette source. Parmi ces médias, nous

distinguons les médias traditionnels et les médias modernes. D’abord, les médias

traditionnels que sont le cinéma, la télévision, la radio, la presse écrite. En effet, très tôt, le

sida a fait l’objet des médias en direction du grand public pour sensibiliser les populations.

Ensuite, c’est depuis la découverte de la maladie que s’est opérée la publication des premiers

cas enregistrés grâce à ces médias, les revues spécialisées mise au point par les services

médicaux des associations, le Ministère de l’Education nationale etc. Les informations sur le

sujet ont très vite fait le tour du monde et n’ont cessé d’alimenter la presse tout au long de

l’évolution de la maladie, allant de sa connaissance, de sa transmission, à son traitement et sa

prévention.

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Cela a favorisé la mise en place de séances d’éducation à la sexualité et le développement des

actions de prévention du VIH/sida Loenzien (2002 ; Paiecheler (2002).

4.1.1.1. La presse écrite

Les actualités relatives à la question du sida sont fréquemment relayées ou analysées dans les

quotidiens ou les revues hebdomadaires, mensuelles ou périodiques. Elles figurent en bonne

place dans les bulletins des structures ou organismes engagés dans la lutte contre le sida. Des

revues spécialisées, des manuels scolaires, des flyers également sont mis au point par des

services médicaux, des associations, des organismes internationaux ou les ministères de

l’éducation et de la santé. Ils sont conçus dans le but de vulgariser la lutte contre le sida, les

risques encourus, les moyens de prévention. Dans ces revues, sont traités les thèmes de santé

de la reproduction, des articles sur la sexualité. Des dossiers complets leur sont aussi

consacrés. Aujourd’hui, tout un lot de presses spécialisées existe à propos de la prévention.

Par exemple en France, les hebdomadaires ou la presse féminine comme « Elle » ou

« Femme actuelle » ou « Maxi », présentent des dossiers consacrés à la sexualité. Ils sont

mentionnés dans les rubriques courriers, qui permettent aux lectrices de faire part des

difficultés à propos de leur sexualité. Ces échanges sont souvent des sources utiles au grand

public pour apprendre, échanger, communiquer et s’exprimer sans trop de contraintes sur la

vie sexuelle.

Des revues telles que « Girls », « Top Secret » ou « Miss », s’adressent à un public jeune et

constitue un cadre d’expression et de partage des expériences vécues. Dans la rubrique

sexologie, le sexologue apporte des éléments de réponses aux questions des lectrices à propos

des expériences sexuelles non comprises. La particularité de ces revues, est qu’elles

atteignent un plus large public et ne comporte pas des informations aléatoires sur divers

points de la sexualité sans être un travail de recherche. En ce qui concerne le sida, il a fait

l’objet de publication dans les magazines et les bulletins d’information comme « Féminin »

depuis avril 1984, « Adolescence » Act-UP depuis 1995 (Legouge, 2013).

4.1.1.2. Les médias audio-visuels

Les émissions sur la jeunesse, le sport, la publicité, la culture, la religion et les émissions

spéciales de télévision de la BBC « facing Up to Aids »

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ont permis à la prévention de

s’appuyer davantage sur les médias traditionnels.

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Selon Loenzien (2002), l’importance du rôle des médias considérés « comme une source

importante dans la prévention du VIH/sida dans beaucoup de contextes » est mise en avant en

Afrique au sud du Sahara particulièrement chez des populations en milieu rural du Sénégal,

du Cameroun, du Burundi. Dans ces localités, au moment de l’apparition du sida, la situation

prend une autre tournure, les médias sont utilisés pour des mesures prophylactiques. Les

images utilisées par exemple lors des séances de projection dans les écoles ou des films qui

présentent des scènes de sexualité vus à la maison entre les parents et les enfants sont des

occasions qui renforcent les connaissances en matière de prévention des risques liés aux

pratiques sexuelles non maitrisées.

Cette place centrale des médias traditionnels dans les campagnes de communication tient de

la démocratisation de l’espace médiatique marquée par la pluralité des chaines qui

« modifient l’audience », parce que les jeunes sont ciblés d’emblée à travers leurs émissions

préférées qu’ils suivent en grand nombre pour aborder « crument toutes les formes de la

sexualité ». De Loenzien (2002), de son coté, met en avant l’importance du rôle des médias

qu’elle a considéré « comme une source importante dans la prévention du VIH/sida dans

beaucoup de contextes ». Elle part particulièrement de l’Afrique au sud du Sahara chez les

populations en milieu rural du Sénégal, du Cameroun, du Burundi. Pour elle, avec

l’avènement du sida, la diffusion de l’information prend une autre tournure, les médias

utilisés pour les mesures prophylactiques sont la radio et la télé, les journaux, les magazines.

4.1.2. Les limites des compagnes de communication

On comprend bien le rôle joué par les campagnes de communication dans la prévention du

VIH/sida. Elles véhiculent des messages visant à éclairer le grand public sur les modes de

transmission et de contamination du sida, les méthodes préventives disponibles, et les

comportements responsables à adopter. Cependant ces campagnes sont porteuses d’un certain

nombre de limites, dont la faible implication des acteurs concernés. Ceux-ci font souvent

preuve de passivité et n’interviennent pas en tant qu’acteurs, mais seulement réceptacles de

messages pensés ailleurs. Dans ces conditions, on peut se demander si les messages diffusés

leur parviennent vraiment. En effet, la radio par exemple est plus accessible au grand public,

surtout en milieu rural où les populations sont éloignées des autres médias comme la

télévision ou la presse écrite.

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En revanche, ces populations sont souvent confrontées à des difficultés d’appropriation des

messages à cause des problèmes de compréhension et des barrières linguistiques liées à la

pluralité ethnique de ces communautés. A ce niveau, il convient toutefois de signaler que

dans l’ensemble des pays étudiés, seul le Sénégal a l’avantage d’avoir une langue locale

parlée et comprise de presque tous ses résidents : il s’agit du wolof

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. Alors que pour le cas

d’autres pays, on note une multitude de langues locales. Ainsi les populations n’ont pas la

chance de partager une langue accessible à toutes les interlocutrices et tous les interlocuteurs.

La langue de référence dans ces pays, étant le français, il n’y a pas beaucoup d’interlocuteurs

en zone rurale à cause du faible taux de scolarisation au sein de la population adulte. C’est

pourquoi les images et messages de la télévision restent trop « abstraits et peu accessibles et

difficilement compréhensibles » (Loenzien, 2002). Il est intéressant de signaler également

que la télévision représente encore une nouveauté pour des ruraux car elle a été introduite

tardivement au Burundi entre 1984 et 1986. Elle est présente dans les familles relativement

favorisées comme par exemple chez les fonctionnaires. De ce fait, les journaux et les

magazines sont le plus souvent utilisés dans la documentation sur le sida, contrairement au

Sénégal où la télévision est déjà intégrée dans la culture des populations depuis 1972, et

utilisée comme support des campagnes d’informations.

Cette difficulté d’accessibilité linguistique aux messages de sensibilisation met une fois

encore en avant le rôle important de l’école dans l’acquisition de connaissances et comme un

lieu favorisant l’apprentissage des autres langues pour aider à la compréhension et à la

maitrise des discours de la sensibilisation radiodiffusée et télévisée. Par ailleurs, les messages

diffusés dans les médias ne tiennent toujours pas compte des connaissances, des perceptions,

des représentations des populations sur le VIH/sida. Car ces messages ne se fondent pas sur

une étude préalable, susceptible de révéler les besoins en information des cibles. Ainsi les

TIC apportent un gain d’efficacité dans la prévention du sida.