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Chapitre II. Un principe de droit administratif fédéral

Paragraphe 2. L’encadrement de l’autonomie

A. Les principes d’encadrement

2. Les principes d’effectivité et d’équivalence

369. Qualifié de mal nécessaire, le principe d’autonomie reste dangereux pour l’application uniforme du droit de l’Union747. L’équilibre entre les principes de coopération ou de loyauté, d’une part, et d’autonomie institutionnelle et procédurale, d’autre part, tend fréquemment à céder devant la nécessité d’encadrer des compétences d’exécution nationales. Aussi l’impératif d’uniformité impose-t-il de nombreuses exigences aux administrations nationales, conduisant à une certaine « ! européanisation ! » des droits administratifs nationaux748. Cet encadrement contraignant a d’abord été prétorien puisque c’est le juge européen qui, le premier, a imposé aux États membres les principes d’équivalence et d’effectivité. La nécessité d’une application uniforme et effective du droit de l’Union a progressivement conduit la Cour de justice a posé un encadrement exigeant de nature à limiter l’autonomie institutionnelle et procédurale des États membres à travers les principes d’équivalence (a) et d’effectivité (b).

a. Le principe d’équivalence

370. De la même façon que les branches procédurale et institutionnelle de l’autonomie nationale sont souvent confondues, de même a-t-on tendance à présenter conjointement les principes d’équivalence et d’effectivité comme des principes siamois conditionnant ladite autonomie. Ces deux notions doivent, là encore, être soigneusement distinguées car elles présentent une indépendance fonctionnelle bien qu’elles aient été consacrées comme les deux

CJCE, 8 juin 1971, Deutsche Grammophon Gesellschaft mbH c/ Metro-SB-Großmärkte GmbH & Co. KG,

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aff. 78/70, Rec. 1971, p. 499, pt 5.

CJCE, 21 septembre 1989, Commission c/ Grèce, aff. 68/88, Rec., p. 2965, pt 24.

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LE BARBIER-LE BRIS M., «Les principes d’autonomie institutionnelle et procédurale et de coopération

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loyale. Les États membres de l’Union européenne, des États pas comme les autres», in Le droit de l’Union européenne en principe, Liber amicorum en l’honneur de Jean Raux, Éd. Apogée, 2006, p. 422.

BERTRAND B., Le juge de l’Union européenne, juge administratif, précité, p. 228.

éléments cumulatifs de l'encadrement de l’autonomie des États membres. En effet, les principes d'effectivité et d'équivalence, issus du contentieux de « deuxième génération », ont été introduits par la Cour à l’occasion de la « répétition de l'indu ». Dans l’arrêt Rewe-Zentral du 16 décembre 1976, considéré comme un arrêt fondateur en matière d’autonomie institutionnelle et procédurale, la Cour a dit pour droit que «!par application du principe de coopération énoncé à l'article 5 du traité, c'est aux juridictions nationales qu'est confié le soin d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct des dispositions du droit communautaire; que, dès lors, en l'absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit communautaire étant entendu que ces modalités ne peuvent être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne!»749. L’arrêt Comet, rendu le même jour, allait dans le même sens750. Bien que le terme n’apparaisse pas expressément, comme c’est souvent le cas en droit de l’Union, c’est bien le principe d’équivalence qui a été consacré par la Cour dans ces deux arrêts751.

371. En vertu du principe d’équivalence, les États membres auxquels il appartient de déterminer les organes et les modalités procédurales visant à assurer la sauvegarde des droits que les particuliers tirent du droit de l’Union, doivent s’assurer que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant les réclamations semblables de nature interne. En d’autres termes, les procédures nationales de mise en œuvre du droit de l’Union ne doivent pas être plus difficiles que les procédures de mise en œuvre du droit national. Bien qu’il ait pour effet de limiter l’autonomie nationale, le principe d’équivalence est lui-même soumis à des limites puisque la Cour a indiqué que!le respect du principe de l'équivalence qui suppose que la modalité litigieuse s'applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne, s'agissant d'un même type de taxes ou redevances, «!ne saurait en revanche être interprété comme obligeant un État membre à étendre à l'ensemble des actions en restitution de taxes ou redevances perçues en violation du droit communautaire son régime de répétition interne le plus favorable!». Aussi ne s’est-elle pas opposée à ce qu’une législation comporte, à côté d'un délai de prescription de droit commun applicable aux actions en répétition de l'indu entre particuliers, des modalités

CJCE, 16 décembre 1976, Rewe, aff. 33/76, pt 5.

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CJCE, 16 décembre 1976, Comet, aff. 45/76, pt 13.

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La jurisprudence plus récente désigne expressément les principes d’effectivité et d’équivalence. Par

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particulières de réclamation et de recours en justice moins favorables pour la contestation des taxes et autres impositions752.

b. Le principe d’effectivité

372. Les arrêt Rewe et Comet de 1976 qui ont consacré le principe d’équivalence ont également introduit, de façon tout aussi tacite car sans le nommer, le principe d’effectivité. La Cour a ainsi affirmé qu'à défaut de mesures d’harmonisation, «!les droits conférés par le droit communautaire doivent être exercés devant les juridictions nationales selon les modalités déterminées par la règle nationale; qu'il n'en serait autrement que si ces modalités et délais aboutissaient à rendre en pratique impossible l'exercice de droits que les juridictions natio-nales ont l'obligation de sauvegarder!»753. En vertu du principe d’effectivité, les procédures nationales de mise en œuvre du droit de l’Union ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits que les justiciables tirent de ce droit. Par la suite, la jurisprudence aura tendance à associer les principes d’effectivité et d’équivalence en les mentionnant dans une même phrase. Dans Denkavit Italiana, la Cour a dit pour droit qu’«!en l’absence de réglementation communautaire en matière de contestation ou de récupération de taxes nationales illégalement réclamées ou indûment perçues, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit communautaire, étant entendu que ces modalités ne peuvent être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne et qu'en aucun cas elles ne sauraient être aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l'exercice des droits »754.

373. En dépit du fait que les principe d’effectivité et d’équivalence sont traditionnellement présentés comme allant de pair, le principe d'effectivité a une portée bien plus large et plus approfondie que le principe d’équivalence. De plus, le contrôle de son respect se montre plus efficace. L’analyse des arrêts de la Cour révèle que celle-ci est passée d’un contrôle dualiste à une approche centrée sur le seul principe d’effectivité, même si elle continue à se référer, désormais de façon explicite mais purement formelle, au principe d’équivalence. Si l’on

CJCE, 15 septembre 1998, Edilizia Industriale, aff. C-231/96, pts 35, 36, 37.

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CJCE, 16 décembre 1976, Rewe, aff. 33/76, pt 5 ; CJCE, 16 décembre 1976, Comet, aff. 45/76, pt 16. Nous

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soulignons.

CJCE, 27 mars 1980, Denkavit italiana, 61/79. Voir aussi : CJCE, 27 février 1980, Hans Just, 68/79 ; CJCE

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persiste à voir dans l'effectivité une des deux branches de l'encadrement de l’autonomie nationale, cette vision se heurte aujourd’hui à des limites755.

374. Comme l’a démontré F. Caulet, « ! l’évolution de la jurisprudence montre que le principe d'effectivité est devenu prééminent dans l'économie de cette jurisprudence, car il est un outil fondamental de protection de la validité de la norme européenne!»756. L’auteur a montré que le principe d'effectivité est une forme du « test de l'efficacité comparative » inhérent au principe de subsidiarité et que c’est par la combinaison de ces deux principes que la Cour de justice applique,!dans la plupart des cas, une répartition descendante des modalités de mise oeuvre du droit de l’Union. En effet, s’il se montre plus intrusif que le principe d’équivalence dans l’exercice des compétences nationales, le principe d’effectivité n’intervient pas dans une logique impérialiste mais «!en combinaison avec le principe de subsidiarité, comme une clef de répartition des compétences procédurales européennes et nationales!»757.

B. Le régime différencié des branches institutionnelle et procédurale de