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Section II. Le contrôle juridictionnel de la subsidiarité

Paragraphe 1. La question du gardien de la subsidiarité

1. Le contrôle des Parlements nationaux

205. Le traité de Lisbonne prévoit que les institutions de l'Union appliquent le principe de subsidiarité conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. En vertu de ce dernier, les parlements nationaux veillent au respect du principe de subsidiarité en suivant une procédure particulière336. Faire des chambres législatives les gardiennes du principe de subsidiarité revient à instaurer un contrôle de nature politique du principe (a) mais également à inscrire l’Union européenne dans une dimension confédérale (b).

a. Un contrôle politique

206. En vertu du protocole n°2 annexé au traité de Lisbonne, la Commission doit transmettre ses projets d'actes législatifs aux Parlements nationaux en même temps qu'au législateur de l’Union337. Le traité de Lisbonne institue donc un « ! mécanisme d’alerte précoce ! » permettant aux assemblées nationales de contrôler si les initiatives de l’Union respectent, dans les matières relevant des compétences partagées, le principe de subsidiarité conformément aux règles définies dans ledit protocole.

207. Tout parlement peut, dans un délai de huit semaines, adresser un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime qu’un projet viole le principe de subsidiarité338. Le législateur de l’Union doit tenir compte des avis motivés adressés par les parlements, étant précisé que chaque parlement dispose de deux voix339. Si les avis motivés représentent un tiers des voix attribuées aux Parlements, le projet doit être réexaminé340. À l'issue du

DECHATRE L., Le pacte fédératif européen, précité, p. 538.

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Article 5.3 TUE.

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Article 4 dudit protocole. Etant précisé que le Parlement européen et le Conseil doivent également transmettre

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leurs projets d’actes législatifs, ainsi que les projets émanant d'un groupe d'États, de la Cour de justice, de la Banque centrale européenne ou de la Banque européenne d’investissement.

Article 6 dudit protocole. Il y est précisé qu’il appartient à chaque parlement national de consulter, le cas

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échéant, les parlements régionaux possédant des pouvoirs législatifs.

Article 7. Ces voix sont ensuite réparties en fonction du système parlementaire (monocaméral ou bicaméral)

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de chaque Etat. Dans un système bicaméral, les deux chambres disposent d'une voix chacune.

Ibid. Ce seuil est fixé à un quart lorsqu'il s'agit d'un projet relatif à l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

réexamen, la Commission peut décider de retirer le projet, de le maintenir ou de le modifier, à condition de motiver sa décision. Dans le cadre de la procédure législative ordinaire, lorsque les avis représentent une majorité simple des voix attribuées aux parlements, la proposition doit être réexaminée. À l'issue de l’examen, la Commission peut décider de maintenir la proposition, de la modifier ou de la retirer. Si elle choisit de la maintenir, elle devra néanmoins justifier la raison pour laquelle elle estime que la proposition est conforme à la subsidiarité. L’avis motivé de la Commission ainsi que ceux des parlements nationaux devront être soumis au législateur de l’Union qui devra examiner si l’acte est compatible avec le principe de subsidiarité. Si en vertu d'une majorité de 55 % des membres du Conseil ou d'une majorité des suffrages exprimés au Parlement européen, le législateur estime que la proposition ne respecte par le principe de subsidiarité, la proposition législative doit être retirée.

208. En confiant aux Parlements des États membres le soin de s’assurer que le législateur de l’Union a bien respecté le principe de subsidiarité dans l’exercice de ses compétences, les rédacteurs des traités ont conféré au contrôle du principe une dimension indéniablement politique. En effet, les parlementaires nationaux demeurent « ! prioritairement des élus politiques et non des techniciens du droit!»341. C’est pourquoi, certains auteurs ont pu estimer que le traité de Lisbonne procédait à une «!resubjectivisation!» ou une « repolitisation!» du principe de subsidiarité342.

209. Cette « ! déjuridisation ! »343du principe de subsdiarité n’est cependant que partielle puisque la surveillance des chambres législatives est cantonnée à la procédure pré-législative, le contrôle politique étant seulement ex-ante. En effet, la Cour de justice de l’Union demeure compétente pour se prononcer ex post sur les recours pour violation de la subsidiarité formés par un État membre ou transmis par celui-ci au nom de son parlement national344. Pour autant, l’importance de cette première phase de la procédure législative ne saurait être occultée. 210. En effet, l’insistance par le traité de Lisbonne sur le rôle des Parlements nationaux dans le contrôle du principe de subsidiarité semble traduire une certaine méfiance à l’égard de l’intégration européenne345. Cette méfiance est caractéristique de l’approche confédérale qu’il convient d’aborder à présent.

LE SOUDEER M., Le contrôle du principe de subsidiarité, précité, p. 32.

341

BLUMANN C, DUBOUIS L., « Droit institutionnel de l'Union européenne », Litec, 4ème éd., 2010, p. 452 .

342

Ibid.

343

Article 8 du protocole précité.

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CHOPIN T., MACEK L., "Après Lisbonne, le défi de la politisation de l'Union européenne", in Les Etudes du

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b. La dimension confédérale

211. Dans une perspective fédéraliste, il convient de distinguer l’État fédéral et la Fédération, d’une part, de la Confédération, d’autre part346. Contrairement aux premiers qui se fondent sur une constitution fédérale, du moins un pacte « ! fédératif ! » ou «!constitutionnel!»347, la seconde repose sur un simple traité international — conclu entre des États indépendants ne limitant leur souveraineté que dans un nombre limité de domaines — et instaure des institutions communes. À l’inverse d’une Fédération, la Confédération ne possède pas elle-même une existence propre distincte de celle de ses membres348.

212. En termes d’intégration, notamment politique, la Confédération est une forme plus lâche et moins ambitieuse d’union entre les États. Le système confédéral connait un faible degré d’institutionnalisation des institutions centrales dans la mesure où il cherche à préserver la souveraineté des États membres. En ce sens la Confédération suisse, malgré sa dénomination, n’en est pas une puisqu’il s’agit bien d’une Fédération, et, plus exactement d'un État fédéral. Le cas des États-Unis est particulièrement intéressant dans la mesure où l’on a pu les qualifier, de 1787 jusqu’à la guerre de sécession, de Confédération349, puis d’État fédéral voire de Fédération350. La question qui se pose est de savoir si l’Union européenne, qui n’est pas un État fédéral, peut néanmoins être qualifiée de Fédération. L’analyse d’un principe comme la subsidiarité peut apporter quelques éléments de réponse.

213. Il a pu être soutenu que le fait de confier le contrôle de subsidiarité aux Parlements nationaux faisait entrer l’Union dans un système plus confédéral que fédéral351. En effet, dans une Confédération, les États « confédérés » restent souverains, ce qui leur permet de poser

Nous nous inscrivons dans l’approche renouvelée du fédéralisme selon laquelle il est plus pertinent

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d’opposer «!confédération!» et «!fédération!» plutôt que de reprendre la distinction canonique «!Etat fédéral/ Confédération!». En substituant la «!fédération!» à l’«!Etat fédéral!», les auteurs entendent émanciper l’analyse de l’Union européenne et, plus largement le fédéralisme, du paradigme étatique. En effet, la fédération est une forme politique à part entière distincte de la forme étatique. En ce sens : BEAUD, O. Théorie de la Constitution, Paris, PUF (Léviathan), 1993. CONSTANTINESCO V., « Le fédéralisme : d'un anti-étatisme à un a-étatisme ? », L'Europe en Formation 2010/1 (n° 355), p. 41-52.

Le pacte fédératif ou constitutionnel (Bundesvertrag) que les États membres d’une Fédération concluent se

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distingue d'un traité ordinaire en raison de la modification du statut des États contractants. Si ces derniers ne disparaissent pas en tant qu'entités politiques distinctes, leur préservation étant une condition nécessaire à l’existence de la Fédération, la Fédération constitue une unité politique à part entière.

BEAUD O., Théorie de la Fédération, p. 49.

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JELLINEK G., Die Lehre von den Staatenverbindungen, Goldbach, éd. Keip, 1996, 413 p., spéc, p. 185.

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ZOLLER E., Aspects internationaux, précité p.109. Selon cette auteure, les États-Unis ne revêtent pas, sauf

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dans leurs relations internationales, la forme étatique, même après la guerre de Sécession car ils demeurent une Union américaine. Les États-Unis ne seraient pas tant un État qu’une Fédération.

CONSTANTINESCO V., « Brève note sur la répartition des compétences comme clé de la future

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constitution européenne ? », in Cinquante ans de droit communautaire. Mélanges en hommage à Guy Isaac, T. 1 ? Toulouse, Presses de l’Université de sciences sociales de Toulouse, 2004, p. 163.

des limites au processus d’intégration en s’opposant, par exemple, à l’adoption d’une mesure qu’ils jugeraient ultra vires. Dans le contexte de l’Union, les Parlements nationaux peuvent, en tant que gardiens du principe de subsidiarité, alerter la Commission s’ils estiment qu’un projet d’acte législatif ne respecte pas ce principe. Selon V. Constantinesco, un tel mécanisme risque d’alourdir le processus décisionnel et d’aboutir à une forme de « nullification!»352. Encore faut-il définir ce concept issu du fédéralisme constitutionnel des États-Unis.